« Page:Proudhon - De la création de l’ordre dans l’humanité.djvu/152 » : différence entre les versions

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même signe un nombre indéfini d’idées, soit particulières, soit collectives, on pouvait prendre les mots pour instruments de démonstration, à peu près comme on emploie les chiffres et les lettres dans l’arithmétique et l’algèbre. Cette opinion paraît avoir régné dans l’ancienne école stoïque, dont le fondateur, Zénon, s’illustra par je ne sais quelle théorie des signes, digne, sans doute, de servir de pendant à la logique d’Aristote.

J’ai moi-même, pendant quelque temps, été dupe de cette erreur : tant il est vrai qu’un homme abandonné à lui-même, et qui aurait assez d’énergie intellectuelle pour reconstruire à lui seul toutes les sciences, parcourrait encore la longue chaîne de déceptions et de mécomptes, qui exerce depuis si longtemps notre espèce.

Je me disais :

Le musicien se sert de points, diversement figurés et échelonnés sur cinq lignes, pour représenter des airs ;

L’algébriste se sert de chiffres ou de lettres pour composer et décomposer, comparer et équilibrer les quantités ;

Le géomètre emploie des figures analogues pour calculer des grandeurs, des rapports et des puissances ;

Ne pourrais-je de même, à l’aide des mots, signes phoniques des idées simples, collectives et générales, créer un calcul idéologique, qui assurerait la marche de la pensée ?

J’étais sur la voie de la dialectique sérielle ; mais je n’y touchais pas encore. Le vice de mon raisonnement, basé tout entier sur des analogies, consistait 1o en ce que les vocables ou signes articulés, ne sont pas choses de pure convention, mais déterminées, soit par l’usage, soit par l’étymologie : tandis que la note du musicien, le chiffre ou la lettre de l’algébriste, les lignes du géomètre, n’ont de valeur que celle que l’on convient de leur donner ;

2o En ce que le sens des mots est exclusif et immuable, tandis que la valeur des signes musicaux, arithmétiques et autres, change selon la clef, la position, etc. ;

3o Enfin, en ce que les mots, déjà classés grammaticalement selon le genre, le nombre, le temps, le mode, la relation, etc. ; ou logiquement selon la substance, la cause, l’attribut, le phénomène, les propriétés, etc., pouvaient bien servir à une vérification des catégories d’Aristote et de Kant, mais non pas être employés comme organe universel.

Sans doute c’est par la parole que les opérations de l’entendement se produisent : mais la parole n’est pas la raison, ni l’organe de la raison ; elle en est le vêtement. Tous les artifices dont