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point que, si l’état peut gagner à la séparation quelques millions de francs, la république y peut perdre des millions d’adhérens.

C’est pour l’état, c’est pour la société civile qu’on prétend faire la séparation, et l’on ne veut pas voir qu’elle tournerait presque infailliblement contre l’état et contre la société civile. On imagine assurer ainsi le triomphe de la république, et l’on ferme les yeux sur les avantages qu’en tireraient les ennemis de la république. De quelque manière qu’on procède à la séparation, tout serait changé dans le clergé et parmi les catholiques de France, mais changé au détriment de l’état : et la composition de l’épiscopat, et l’esprit du clergé, et sa manière de vivre, et ses relations avec les fidèles, et ses attaches avec les partis.

Loin de corriger les défauts plus ou moins justement reprochés au régime issu du concordat, la séparation ne ferait que les outrer. On peut adresser deux reproches au régime actuel : le premier, c’est qu’il a placé la plus grande partie du clergé paroissial dans l’absolue dépendance des évêques ; qu’il a créé, ce qu’ignorait l’ancien régime, des desservans révocables ou amovibles à merci ; qu’il a fait, en un mot, du clergé de chaque diocèse un régiment marchant au commandement de son colonel. Le second, c’est qu’en enlevant au clergé tous ses biens, tout son patrimoine séculaire pour le faire vivre d’un traitement de l’état, on a involontairement coupé la plupart des liens qui le rattachaient à la société civile, on l’a pratiquement dépouillé de tout intérêt temporel ; le prêtre, détaché du monde et du sol, a été pour ainsi dire spiritualisé, volatilisé. Qui ne voit combien ces deux inconvéniens seraient l’un et l’autre accrus par la séparation de l’église et de l’état ?

Le jour où l’état cesserait d’intervenir dans le choix des évêques et des curés, ces derniers seraient plus que jamais livrés à l’arbitraire épiscopal ; les curés inamovibles risqueraient fort de tomber au rang de simples desservans ; le clergé deviendrait plus que jamais une armée manœuvrant à la voix de ses généraux, sous le commandement suprême d’un chef étranger. Le jour où l’état supprimerait le traitement des curés, les prêtres des villes et des campagnes, isolés de l’administration civile et de la société laïque, bannis du presbytère qui les abritait, sans moyens d’existence réguliers, se verraient en quelque sorte transformés en moines, et en moines mendians. L’état, qui de tout temps a montré tant de défiance pour l’habit monastique, convertirait pratiquement le clergé séculier et clergé régulier, vivant d’aumônes et obéissant religieusement à des supérieurs sur lesquels le gouvernement n’aurait aucune prise. Faire de tout le clergé une vaste congrégation non reconnue, voilà le premier résultat de la suppression du budget des cultes.