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revint à la lumière. Regardez au Louvre l’Adoration des bergers. Voilà le type de cette transformation du maître. Quelle franche et belle couleur ! Quel éclat et quelle harmonie dans les tons ! Et le pinceau n’a rien perdu de sa dextérité et de sa force, au contraire. On retrouve le grand réaliste tout entier dans cette touche rude, énergique, sincère, comme dans les types absolument rustiques, vrais pâtres de la Castille ou de la Manche. L’incendie de l’Alcazar royal de Madrid a détruit plusieurs exemplaires très précieux de cette dernière manière, les uns sacrés, les autres mythologiques. Mais il en reste d’admirables au Prado ; une Madeleine pénitente et un Combat de femmes gladiateurs, fantaisie superbe, rêve de poète traduit non-seulement avec une chaude couleur, mais avec une ressouvenance du grand style de Caravage, bonheur unique peut-être dans l’œuvre de Ribera, qui avait méconnu les vraies qualités de son maître. Voici, à l’académie de Saint-Ferdinand, une Apparition de l’enfant Jésus à saint Antoine de Padoue, où le farouche Espagnolet a égalé l’expression tendre et mystique de Zurbaran et de Murillo. Voici, à Berlin, un martyre de saint Barthélémy qui fait pardonner les autres. Mais la plus belle peut-être de toutes ces toiles éclatantes, c’est la Sainte Marie Égyptienne de Dresde, Chef-d’œuvre de sentiment et d’exécution originale. Près de mourir, la célèbre pénitente s’est agenouillée auprès de sa tombe ouverte, les mains jointes et sa tête charmante tournée en extase vers le ciel ; son corps émacié n’a d’autre vêtement que sa longue chevelure noire, inculte, qui l’entoure de tous côtés et se détache sur la vive lumière où apparaît un ange qui apporte le linceul. Quelle inspiration et quelle poésie dans le réalisme ! Et pourtant ces dernières toiles de Ribera elles-mêmes manquent de charme, faute de deux qualités essentielles, l’ordonnance et le soin des valeurs. Jamais le terrible homme ne s’est soumis à cet équilibre dans la composition, à cette harmonie des lignes, qui sont l’apanage et comme la noblesse héréditaire de l’art italien. Jamais non plus sa brosse fougueuse n’a cherché les dégradations, les demi-teintes et la transparence des fonds. Que ce fût la violence native de son esprit, ou son orgueil, ou le désir de faire plus vite, il n’a laissé qu’une gloire et des exemples incomplets.


III

Le grand artiste que nous amène à présent l’ordre du temps, François Zurbaran, est le moins connu des maîtres espagnols, parce qu’il s’est voué à peu près uniquement à la peinture religieuse. Mais la façon dont il l’a traitée le ferait aimer des esprits les plus prévenus contre le sentiment chrétien. Certes, il est regrettable que