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Version du 23 novembre 2018 à 07:48
matelot révolté qui devint patriarche d’une communauté océannienne et Mac Greger, cacique des Mosquitos et le baron de Thierry, roi de Noukahiva et les soldats de fortune, Boigne, Perron, Thomas, Raymond qui, à la fin du xviiime siècle et au début dn xixme réorganisèrent les armées de Rajahs de l’Hindoustan et parvinrent de la sorte aux situations les plus hautes. Mais il faut se borner. Passons même sur la royauté d’Yvetot de joviale mémoire et sur ce vieil ivrogne de Philippe Pinel qui put vraiment s’intituler le roi des Écréhous par la raison qu’il était alors le seul habitant du minuscule archipel.
Du reste la liste pourrait bien s’allonger encore. M. de Villiers du Terrage a terminé en effet son volume par un spirituel épilogue dans lequel il avertit ses lecteurs qu’il reste au moins une royauté à fonder. Avis à ceux qui se sentiraient tourmentés du désir d’émettre des timbres à leur effigie. Ce serait évidemment une royauté un peu humide. Il s’agit en effet de l’archipel Tristan da Cunha perdu au milieu des flots de l’océan austral entre le Cap de Bonne Espérance et la Patagonie. Occupé par les Anglais au temps que Napoléon était détenu à Sainte Hélène, il fut évacué par la suite. On y pouvait tuer des phoques en abondance et les habitants ne dépassaient pas la centaine. C’est de quoi se procurer dix dizaines de fonctionnaires. Cela suffit donc à constituer l’embryon indispensable d’un État moderne.
Il apparaît que dans l’ouvrage de M. de Villiers, la France tient le premier rang par la quantité et la qualité. On parlera de désordre mental. Mais en général tous ces hommes ne furent des détraqués que dans la mesure ou un peu de détraque se mêle inévitablement à l’esprit d’aventure poussé à l’excès. La figure la moins équilibrée est sans contredit celle d’une anglaise, Lady Stanhope. Et si la France a fourni en ces personnes de Jules Gros et de Jacques Lebaudy des types d’un ridicule achevé, d’autre part, un Bethencourt, un Boigne, un Raymond s’affirment comme des initiateurs et des organisateurs de grande envergure. Retenons en ceci — que tant de faits quotidiens confirment par ailleurs : le français est homme d’action et d’entreprise par tempérament et par hérédité. Il n’y aurait qu’à le laisser faire. Mais les règlements administratifs qui l’enserrent semblent conçus de façon à