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Version du 21 mai 2019 à 10:58

- VI Études sur les glaciers - VIII



CHAPITRE VII.

DES AIGUILLES DES GLACIERS.


Les aiguilles ou pyramides sont ce qui frappe ordinairement le plus dans les glaciers. Leurs formes hardies et leur reflet brillant les font apercevoir de fort loin ; et l’on ne peut s’empêcher d’un sentiment d’étonnement et d’admiration lorsqu’on les découvre pour la première fois à l’horizon.

La présence des aiguilles dans un glacier indique toujours un fond très-inégal sur une pente escarpée. L’inclinaison seule, quelque forte qu’elle soit, n’est pas susceptible de donner lieu à des aiguilles, aussi long-temps que le fond du glacier est uni ; elle ne détermine que des crevasses plus ou moins béantes. J’ai vu plusieurs affluens du glacier inférieur de l’Aar, dont l’inclinaison était de plus de 30° et dont la surface n’offrait pas moins un niveau très-uniforme ; d’autres dont l’inclinaison est bien moins forte, présentent au contraire des aiguilles très-variées, témoin le glacier inférieur du Grindelwald. Lorsque le fond de la vallée est raboteux et l’inclinaison faible, les crevasses se confondent et la surface du glacier prend un aspect plus ou moins chaotique, mais il en résulte rarement des aiguilles.

Les aiguilles sont en général d’autant plus hardies qu’elles sont plus rapprochées de l’extrémité des glaciers. C’est ici en particulier qu’elles affectent ces formes si bizarres dans lesquelles l’imagination des voyageurs se plaît à reconnaître toutes sortes de figures et de costumes. Tout le monde a admiré sous ce rapport les aiguilles du glacier des Bossons et de la Mer de glace, au dessus du Montanvert. Celles du glacier de Zermatt, quoique très-hardies, sont plus uniformes (voy. Pl. 6 et 7).

Les deux glaciers de l’Aar, dont la pente est très-douce, le grand glacier de Zmutt, dans la vallée de St-Nicolas, et beaucoup d’autres ne présentent point d’aiguilles dans tout leur cours[1]. D’autres, dont le lit est très-escarpé, en sont hérissés dans presque toute leur longueur. Le glacier de Viesch, représenté Pl. 9 et 10, nous en offre un exemple des plus frappans, quoique ses aiguilles ne soient pas aussi variées que celles de la mer de glace du Montanvert et d’autres glaciers.

Un fait digne de remarque, c’est que les aiguilles, quoique exposées continuellement à l’action destructive des agens atmosphériques, tout comme la surface unie des glaciers peu inclinés, ne présentent cependant jamais l’aspect terne et raboteux qui caractérise ces derniers. Elles sont au contraire constamment lisses, et ordinairement d’une belle teinte azurée ou verdâtre. Saussure déjà nous a donné l’explication de cette différence, qui provient, selon lui, de ce que les flancs de ces aiguilles sont continuellement lavés par les eaux qui en distillent, ce qui les rend parfaitement nets et transparens. C’est aussi ce qui fait que les glaciers qui ont le plus d’aiguilles sont toujours ceux qui font le plus bel effet pittoresque. L’explication que Gruner donne de la formation des aiguilles des glaciers est tout-à-fait fausse. Il suppose que les petits filets d’eau qui circulent à leur surface se creusent un lit de plus en plus profond et finissent par couper sa masse en tranches verticales coniques. Mais nous avons déjà vu que la mobilité des courans d’eau de la surface des glaciers est telle que cette supposition reste sans fondement.

À mesure que l’on remonte le cours des glaciers, les aiguilles deviennent plus rares, et lorsqu’il en existe dans leur cours moyen ou supérieur, elles sont toujours moins menaçantes que celles qui avoisinent leur extrémité. Ceci est une conséquence naturelle de la compacité de la glace. Nous avons dit que plus la glace est dure et compacte, plus elle est susceptible de se fendre dans tous les sens. L’on conçoit que la masse de glace d’un glacier, en passant par dessus les inégalités du fond, dans des endroits très-escarpés, devra occasionner des aiguilles d’autant plus nombreuses et plus variées, qu’elle aura déjà été plus fracturée auparavant. Si au contraire la masse du glacier est peu compacte, elle pourra bien donner lieu à des crevasses plus ou moins béantes ; mais elle ne sera pas susceptible d’occasionner des accidens bien hardis. On le voit, la même raison qui fait que les crevasses sont rares dans les hautes régions, est aussi la cause que l’on n’y rencontre point d’aiguilles.

Mais les tranches transversales du glacier ne se transforment pas immédiatement en pyramides. Il faut pour cela que des mouvemens latéraux inégaux viennent encore les diviser dans différens sens, de manière à déterminer des masses prismatiques irrégulières, qui s’atténuent vers le haut par l’effet de la fonte et de l’évaporation. Cet effet ne se produit pas seulement sur les glaciers. Les grands blocs de glace qui se détachent du glacier d’Aletsch et nagent à la surface du lac de Moeril se fondent également en pyramides dont les parois conservent, comme celles des aiguilles du glacier, leur teinte azurée. (Voyez Pl. 12).

Les traces de stratification[2] que l’on observe quelquefois sur les parois des crevasses, facilitent la dislocation de ces tranches ; et il arrive même souvent que des masses entières d’aiguilles s’écroulent par cet effet, et referment les vides qui les séparaient : c’est ce que l’on peut voir en plusieurs endroits du glacier de Viesch (Tab. 9 et 10).



  1. C’est donc à tort que M. Godeffroy envisage l’aspect chaotique de certains glaciers, comme un caractère habituel de leur extrémité inférieure. Godeffroy, Notice,  etc.
  2. M. Godeffroy a eu la malheureuse idée d’envisager les traces fréquentes de stratification que présentent les glaciers, même à leur partie inférieure, comme les indices d’un clivage horizontal, qui, combiné avec les crevasses transversales qu’il appelle un clivage perpendiculaire, déterminerait la formation des aiguilles et des pyramides.