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de ce crâne ne me permettaient pas le doute
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sur son origine, c’était un crâne de Pêcherai. Il figure
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aujourd'hui avantageusement parmi les collections du
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Muséum à Paris.
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Laissons le havre Mercy ou je crains d’avoir retenu
Laissons le havre Mercy ou je crains d’avoir retenu

Version du 2 juillet 2019 à 18:16

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taient de conjecturer que ces hommes s’étaient construit une embarcation sur laquelle ils étaient partis. Ce nombre considérable de débris indiquait que le navire ne s’était pas perdu loin de là et que, bien que nous n’en pussions découvrir aucun vestige, sa destruction n’avait pas été instantanée et avait permis non-seulement le sauvetage de la totalité ou la presque totalité de l’équipage, mais aussi de vivres et autres objets utiles. Toutes ces considérations qui seront trouvées peu intéressantes par celui qui en prendra lecture au coin de son feu, étaient non seulement intéressantes mais consolantes pour nous.

Permis au poëte de dire :

« Dulce, mari magno, turbantibus æquora ventis,
{{lang|la|E terra magnum alterius spectare laborum ;]] »

le navigateur ne se réjouit pas autant au spectacle de ses pareils en danger, et les vestiges d’une catastrophe parlent à son cœur avant que d’éveiller en son imagination les poétiques images d’une lutte suprême contre les éléments en fureur.

Après avoir recueilli les objets les plus propres à éclairer l’enquête qui pourrait être faite dans le monde maritime par les parties intéressées au naufrage, nous laissâmes ces tristes débris et fîmes une petite excursion dans les environs. La terre était déserte ; pas le moindre vestige d’être vivant, pas une empreinte de pas sur le sol détrempé ou sur la neige, pas une cabane, pas un feu dans le cercle de l’horizon. Affreux séjour, en effet, que ces montagnes dénudées, coupées à pic, séparées par des ravins rongés par les torrents ou comblés par les mousses, les fougères et les arbustes !

Cependant les capitaines anglais qui firent l’hydrographie de ces parages signalent dans leurs écrits l’existence d’une famille de Pêcherais en ces lieux. Mais cette famille aura péri ou se sera éloignée, car les Pêcherais sont nomades. N’ayant pour tout bien que leur pirogue, il leur en coûte peu de changer de séjour.

La journée du lendemain ne nous apprit rien de plus que celle de la veille ; cependant un de mes jeunes compagnons, qui, sous prétexte de chasse, faisait l’investigation intelligente des environs, découvrit dans un ravin, sous une touffe d’arbrisseaux, un squelette dont il eut la bonne pensée de m’apporter la tête. Les caractères anatomiques de ce crâne ne me permettaient pas le doute sur son origine, c’était un crâne de Pêcherai. Il figure aujourd’hui avantageusement parmi les collections du Muséum à Paris.

La mer est au havre Mercy moins ingrate que la terre, on peut y pêcher du poisson et surtout des moules en abondance ; on y peut tuer quelque gibier, surtout des pingouins. Cet oiseau (on pourrait presque dire cet amphibie) est assez curieux pour mériter une courte notice.

Pour en donner une idée, je le comparerai à un gros canard dont il a, grosso modo, la forme, le bec, le volume et même le cri, mais ses ailes rudimentaires ne lui permettent pas de voler. Quand on le poursuit il court sur l’eau en prenant un large point d’appui avec ses grandes pattes palmées, ou bien il plonge et ne sort qu’à une très-grande distance et après une submersion très-prolongée. Cet oiseau est de la famille des plongeurs et on peut dire qu’il n’a pas volé sa place dans cette famille-là ! Son premier mouvement pourtant, quand il est serré de près, n’est pas de plonger mais de courir, et sa course est d’une vitesse surprenante ; puis il plonge quand il se juge à une assez grande distance pour opérer son mouvement avant l’arrivée de l’ennemi. Sur le rivage il n’est pas aussi bien à son affaire, et si l’on parvient à lui couper la retraite du côté de l’eau, on peut le tuer à coups de bâton. Comme il a les pattes plus en en arrière que les autres oiseaux, son port est aussi très-différent ; il se tient dans une position verticale. En résumé, c’est un animal fort curieux.

Les pingouins habitent tout le canal de Magellan, mais je n’en ai vu nulle part autant que dans la baie de Punta-Arena et au havre Mercy. Là, nous les voyions traverser le port suivis de leurs petits qu’ils abandonnent cruellement quand il s’agit d’échapper à l’ennemi.


Retour à Punta-Arena. — Description de la ville. — Inscription géologique. — Forêt vierge. — Mine de houille.

Laissons le havre Mercy ou je crains d’avoir retenu trop longtemps le lecteur, défilons devant cette Terre de Désolation qui présente toujours l’aspect qu’on lui connaît ; enjambons Playa-Parda et Saint-Nicholas et arrivons à Punta-Arena où nous avons du nouveau à apprendre. Le temps, d’humide et froid qu’il était, est devenu magnifique, la température est douce, le ciel est pur, le soleil splendide. Notons cette petite observation toute banale qu’elle paraisse, j’aurai à la rappeler plus tard. Pour le moment elle a cela de bon qu’elle nous promet un heureux séjour et de belles promenades dans la colonie chilienne. Voilà bien la jeune cité que nous avions vue il y a trois ans. Elle n’a point changé ; toujours élégante et proprette, mais aussi toujours petite, comme ces jolies filles si mignonnes et si bien tournées auxquelles la nature ne semble avoir refusé que le développement matériel.

Nous descendîmes au rivage où nous trouvâmes une route large et bien entretenue pour nous conduire à la ville. Celle-ci n’a, à proprement parler, qu’une seule rue propre, saine et bien alignée, bordée de maisons toutes attenantes, devant lesquelles se développe dans toute la longueur de la rue une galerie ou varranda, pour me servir de l’expression espagnole. L’église et l’hôtel du gouverneur sont à l’extrémité, et jusqu’à ce jour, les deux seuls monuments de la place. Vis-à-vis l’hôtel gouvernemental est un fortin palissadé défendu par quelques canons et pourvu d’une caserne. La ville elle-même est entourée d’une palissade. Une rivière torrentueuse coule au pied du fort, elle arrose une belle plaine plantureuse qui se développe derrière la ville d’un côté, tandis que de l’autre s’étend une forêt sans fin.

Nous ne trouvâmes plus à Punta-Arena nos vieilles connaissances, le commandant et le moine chiliens. Un gouverneur, Danois de nation, mais au service du Chili, et un moine italien les avaient remplacés. Sans oublier