« Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 33.djvu/954 » : différence entre les versions

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la liberté des mariages reconnue par l’état et pour rendre la législation civile trop dépendante des vues de l’église. » Le mariage civil est né, en effet, d’une réaction contre les empiétemens du clergé ; mais il puise sa légitimité dans les droits propres de l’état, qui doit respecter le mariage religieux comme toutes les formes de l’exercice des cultes, mais qui ne saurait y trouver l’équivalent absolu des engagemens civils dont il est le gardien. L’état doit maintenir sa pleine indépendance vis-à-vis des autorités religieuses ; il doit également protéger, vis-à-vis des mêmes autorités, l’indépendance des individus ; il ne saurait donc, à aucun titre, subordonner à des actes religieux, qui ne relèvent que des consciences, aucun des liens de la vie privée et de la vie publique et particulièrement le plus important de tous, celui qui constitue la famille.

La religion, comme la famille, n’est aussi que le type d’une forme exceptionnelle de l’état : la théocratie ; mais là même où les institutions semblent n’avoir rien de théocratique, on trouve pourtant jusqu’à nos jours et on trouve encore de nos jours chez de grandes nations des religions d’état, dont l’organisation et la puissance sont une portion considérable de l’organisation et de la puissance politiques. « L’état moderne avec son fondement humain et naturel, dit excellemment M. Bluntschli, tend à réunir les adhérens des diverses religions dans des institutions communes et à faire disparaître petit à petit ce mélange, œuvre du moyen âge, entre le droit public et certaines conditions de religion ou certains préceptes de l’église. » L’indépendance réciproque de l’ordre spirituel et de l’ordre temporel est en effet un des principes les moins contestés de l’état moderne ; mais ce principe, même pleinement reconnu, soulève dans son application des questions très délicates et très complexes ; il laisse subsister des occasions de conflits que les lois les plus sages et les concordats les mieux établis ne réussissent pas à écarter. Il est peu d’états de l’Europe qui n’aient vu renaître dans notre siècle ces querelles religieuses qui semblaient devoir disparaître avec l’ancienne confusion des deux ordres. Elles ont agité et divisé l’Allemagne au lendemain des victoires qui lui avaient donné l’unité politique ; elles sont aujourd’hui, en France, le principal obstacle à l’établissement pacifique d’un gouvernement nouveau, qui, après une série inespérée de succès dans l’ordre politique, n’a pas su désarmer l’opposition la plus redoutable : celle des intérêts religieux. M. Bluntschli semble à peine soupçonner ce terrible problème des rapports de l’église et de l’état dans les sociétés modernes, et il ne cherche pas à le résoudre. C’est une des lacunes les plus regrettables de son livre.

Il s’est étendu davantage sur la question de la propriété. Comme la famille, comme la religion, comme tous les intérêts sociaux, la propriété se confond dans l’origine avec l’état et elle ne s’en