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― Oui, mon oncle, le dévoûment sincère et le sacrifice de toute personnalité en présence d’une idée, sont de grandes choses, et, si je vous avais connu dans ce temps-là, si j’avais eu âge d’homme, il est probable que je vous aurais suivi sur la montagne. J’aurais peut-être été moins attaché que vous au prince de Castro-Reale, mais j’espère que j’aurais eu les mêmes illusions et le même amour pour la cause du pays. |
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― Vrai, jeune homme ? dit Fra-Angelo en attachant ses yeux pénétrants sur Michel. |
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Michel. |
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― Vrai, mon oncle, répondit le jeune homme en levant fièrement la tête, et en soutenant ce regard avec l’assurance de la conviction. |
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― Eh bien ! mon pauvre enfant, reprit Fra-Angelo avec un soupir, il est donc trop tard désormais pour tenter quelque chose ? Le temps de croire au triomphe de la vérité est donc passé, et le monde nouveau, que du fond de mon cloître, comme du fond de ma caverne de brigands, je n’ai pas pu bien connaître, est donc déterminé sans retour à se laisser écraser ? |
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― J’espère que non, mon oncle. Si je le croyais, il me semble que je n’aurais plus de sang dans les veines, de feu dans le cerveau, d’amour dans le sein, et que je ne serais plus capable d’être artiste. Mais il faut bien reconnaître, hélas ! que le monde n’est plus ce qu’il pouvait être encore dans ce pays, au début de vos entreprises. S’il a fait un pas vers les découvertes de l’intelligence, il est certain que l’élan du cœur s’est refroidi en lui. |
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― Et vous appelez cela un progrès ? s’écria le capucin, avec douleur. |
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― Non, tant s’en faut, répondit Michel ; mais ceux qui sont nés dans cette phase, et qui sont destinés à la remplir peuvent-ils respirer un autre air que celui qui les a fait éclore, et nourrir d’autres idées que celles dont on les a imbus ? Ne faut-il pas se rendre à l’évidence et plier sous le joug de la réalité ? Vous-même, mon digne oncle, lorsque, de la condition fougueuse de libre aventurier, vous êtes passé à la règle inflexible du cloître, n’avez-vous pas reconnu que le monde n’était pas ce que vous pensiez, et qu’il n’y avait plus rien de possible par la violence ? |
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Dernière version du 12 septembre 2019 à 14:12
sortit de sa rêverie. Le dévoûment et le patriotisme sont donc quelque chose, car cet homme n’avait pas d’autre mobile, et n’eût été, dans le monde actuel, qu’une pauvre tête, et peut-être un esprit dérangé ?
Seigneur prince, excellenza, dit-il… (Page 53.)
― Oui, mon oncle, le dévoûment sincère et le sacrifice de toute personnalité en présence d’une idée, sont de grandes choses, et, si je vous avais connu dans ce temps-là, si j’avais eu âge d’homme, il est probable que je vous aurais suivi sur la montagne. J’aurais peut-être été moins attaché que vous au prince de Castro-Reale, mais j’espère que j’aurais eu les mêmes illusions et le même amour pour la cause du pays.
― Vrai, jeune homme ? dit Fra-Angelo en attachant ses yeux pénétrants sur Michel.
― Vrai, mon oncle, répondit le jeune homme en levant fièrement la tête, et en soutenant ce regard avec l’assurance de la conviction.
― Eh bien ! mon pauvre enfant, reprit Fra-Angelo avec un soupir, il est donc trop tard désormais pour tenter quelque chose ? Le temps de croire au triomphe de la vérité est donc passé, et le monde nouveau, que du fond de mon cloître, comme du fond de ma caverne de brigands, je n’ai pas pu bien connaître, est donc déterminé sans retour à se laisser écraser ?
― J’espère que non, mon oncle. Si je le croyais, il me semble que je n’aurais plus de sang dans les veines, de feu dans le cerveau, d’amour dans le sein, et que je ne serais plus capable d’être artiste. Mais il faut bien reconnaître, hélas ! que le monde n’est plus ce qu’il pouvait être encore dans ce pays, au début de vos entreprises. S’il a fait un pas vers les découvertes de l’intelligence, il est certain que l’élan du cœur s’est refroidi en lui.
― Et vous appelez cela un progrès ? s’écria le capucin, avec douleur.
― Non, tant s’en faut, répondit Michel ; mais ceux qui sont nés dans cette phase, et qui sont destinés à la remplir peuvent-ils respirer un autre air que celui qui les a fait éclore, et nourrir d’autres idées que celles dont on les a imbus ? Ne faut-il pas se rendre à l’évidence et plier sous le joug de la réalité ? Vous-même, mon digne oncle, lorsque, de la condition fougueuse de libre aventurier, vous êtes passé à la règle inflexible du cloître, n’avez-vous pas reconnu que le monde n’était pas ce que vous pensiez, et qu’il n’y avait plus rien de possible par la violence ?