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{{C|II. — PECHEURS ACADIENS, IRLANDAIS. — RACES ET PROVINCES FRANCAISES. — PORTS DE L’OCEAN.}}
{{C|II. — PÊCHEURS ACADIENS, IRLANDAIS. — RACES ET PROVINCES FRANÇAISES. — PORTS DE L’OCÉAN.}}


La classe des pêcheurs de Saint-Pierre et Miquelon comprend trois élémens : les sédentaires, qui demeurent en permanence sur ces îles où ils sont nés ; les hivernans, venus de France pour y rester quelques années et s’en retourner avec une petite fortune ; les matelots passagers ou ''consortés'', qui n’y font qu’une campagne, tout employée à pêcher pour leur propre compte ou comme auxiliaires des patrons résidens et hivernans. Avec ces matelots arrivent des groupes d’émigrans temporaires qui viennent exercer dans la colonie française tous les métiers et commerces qu’exige un grand mouvement de population pendant l’été, celui de cabaretier par exemple, de tous le plus facile et le plus lucratif. Enfin une catégorie assez nombreuse d’agens commerciaux des maisons de France y forme, avec les employés et fonctionnaires du gouvernement, le noyau d’une bourgeoisie locale, à laquelle viennent se mêler, dans la belle saison, les états-majors tant de la division navale chargée de la police que de celle des Antilles, qui depuis quelque temps y passe la saison d’été. Parmi tout ce monde, nous ne parlerons que des pêcheurs, les seuls qui aient une physionomie particulière, fort altérée à Saint-Pierre par tant de mélange, mais conservée intacte à Miquelon, où l’on peut de nos jours observer dans toute leur pureté les derniers rejetons de la race acadienne, qui tirait son nom du pays devenu depuis le traité d’Utrecht la Nouvelle-Ecosse.
La classe des pêcheurs de Saint-Pierre et Miquelon comprend trois élémens : les sédentaires, qui demeurent en permanence sur ces îles où ils sont nés ; les hivernans, venus de France pour y rester quelques années et s’en retourner avec une petite fortune ; les matelots passagers ou ''consortés'', qui n’y font qu’une campagne, tout employée à pêcher pour leur propre compte ou comme auxiliaires des patrons résidens et hivernans. Avec ces matelots arrivent des groupes d’émigrans temporaires qui viennent exercer dans la colonie française tous les métiers et commerces qu’exige un grand mouvement de population pendant l’été, celui de cabaretier par exemple, de tous le plus facile et le plus lucratif. Enfin une catégorie assez nombreuse d’agens commerciaux des maisons de France y forme, avec les employés et fonctionnaires du gouvernement, le noyau d’une bourgeoisie locale, à laquelle viennent se mêler, dans la belle saison, les états-majors tant de la division navale chargée de la police que de celle des Antilles, qui depuis quelque temps y passe la saison d’été. Parmi tout ce monde, nous ne parlerons que des pêcheurs, les seuls qui aient une physionomie particulière, fort altérée à Saint-Pierre par tant de mélange, mais conservée intacte à Miquelon, où l’on peut de nos jours observer dans toute leur pureté les derniers rejetons de la race acadienne, qui tirait son nom du pays devenu depuis le traité d’Utrecht la Nouvelle-Écosse.


Au souvenir de l’Acadie et de ses valeureux habitans doivent s’éveiller au cœur de la France bien des regrets, amers comme des remords. Issus de familles originaires du pays basque, de la Bretagne et de la Normandie, Acadiens et Canadiens (entre eux la différence est petite), dignes fils des compagnons de Jacques Cartier, de Champlain, de Roberval, personnifiaient avec honneur et éclat dans le nord de l’Amérique le génie éminemment colonisateur de la race française. Ils ne cédèrent qu’à l’inégalité du nombre et des forces, abandonnés par la vieillesse découragée de Louis XIV et par la coupable incurie de son héritier. Port-Royal, Louisbourg, Québec, succombèrent l’un après l’autre sous les coups de l’Angleterre ou de ses colons américains, et leurs vaillans défenseurs comme leurs plus paisibles habitans, violemment dispersés sur tous les rivages, éprouvèrent ce qu’aux jours des luttes guerrières contiennent de vengeances le cœur des plus puissantes nations et de faiblesses l’âme
Au souvenir de l’Acadie et de ses valeureux habitans doivent s’éveiller au cœur de la France bien des regrets, amers comme des remords. Issus de familles originaires du pays basque, de la Bretagne et de la Normandie, Acadiens et Canadiens (entre eux la différence est petite), dignes fils des compagnons de Jacques Cartier, de Champlain, de Roberval, personnifiaient avec honneur et éclat dans le nord de l’Amérique le génie éminemment colonisateur de la race française. Ils ne cédèrent qu’à l’inégalité du nombre et des forces, abandonnés par la vieillesse découragée de Louis XIV et par la coupable incurie de son héritier. Port-Royal, Louisbourg, Québec, succombèrent l’un après l’autre sous les coups de l’Angleterre ou de ses colons américains, et leurs vaillans défenseurs comme leurs plus paisibles habitans, violemment dispersés sur tous les rivages, éprouvèrent ce qu’aux jours des luttes guerrières contiennent de vengeances le cœur des plus puissantes nations et de faiblesses l’âme

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armé dans les ports de France. C’est à ce double point de départ qu’on va suivre nos pêcheurs et nos armateurs.


II. — PÊCHEURS ACADIENS, IRLANDAIS. — RACES ET PROVINCES FRANÇAISES. — PORTS DE L’OCÉAN.

La classe des pêcheurs de Saint-Pierre et Miquelon comprend trois élémens : les sédentaires, qui demeurent en permanence sur ces îles où ils sont nés ; les hivernans, venus de France pour y rester quelques années et s’en retourner avec une petite fortune ; les matelots passagers ou consortés, qui n’y font qu’une campagne, tout employée à pêcher pour leur propre compte ou comme auxiliaires des patrons résidens et hivernans. Avec ces matelots arrivent des groupes d’émigrans temporaires qui viennent exercer dans la colonie française tous les métiers et commerces qu’exige un grand mouvement de population pendant l’été, celui de cabaretier par exemple, de tous le plus facile et le plus lucratif. Enfin une catégorie assez nombreuse d’agens commerciaux des maisons de France y forme, avec les employés et fonctionnaires du gouvernement, le noyau d’une bourgeoisie locale, à laquelle viennent se mêler, dans la belle saison, les états-majors tant de la division navale chargée de la police que de celle des Antilles, qui depuis quelque temps y passe la saison d’été. Parmi tout ce monde, nous ne parlerons que des pêcheurs, les seuls qui aient une physionomie particulière, fort altérée à Saint-Pierre par tant de mélange, mais conservée intacte à Miquelon, où l’on peut de nos jours observer dans toute leur pureté les derniers rejetons de la race acadienne, qui tirait son nom du pays devenu depuis le traité d’Utrecht la Nouvelle-Écosse.

Au souvenir de l’Acadie et de ses valeureux habitans doivent s’éveiller au cœur de la France bien des regrets, amers comme des remords. Issus de familles originaires du pays basque, de la Bretagne et de la Normandie, Acadiens et Canadiens (entre eux la différence est petite), dignes fils des compagnons de Jacques Cartier, de Champlain, de Roberval, personnifiaient avec honneur et éclat dans le nord de l’Amérique le génie éminemment colonisateur de la race française. Ils ne cédèrent qu’à l’inégalité du nombre et des forces, abandonnés par la vieillesse découragée de Louis XIV et par la coupable incurie de son héritier. Port-Royal, Louisbourg, Québec, succombèrent l’un après l’autre sous les coups de l’Angleterre ou de ses colons américains, et leurs vaillans défenseurs comme leurs plus paisibles habitans, violemment dispersés sur tous les rivages, éprouvèrent ce qu’aux jours des luttes guerrières contiennent de vengeances le cœur des plus puissantes nations et de faiblesses l’âme