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Sur les gisements du guano dans les îlots et sur les côtes de l’océan Pacifique

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SUR LES GISEMENTS DU GUANO

DANS LES ÎLOTS ET SUR LES CÔTES DE L’OCÉAN PACIFIQUE,


PAR M. BOUSSINGAULT.


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(Après le récit pittoresque de M. Simonin, nous pensons qu’on pourra lire avec profit et intérêt l’extrait suivant d’un mémoire que notre illustre savant, M. Boussingault, a publié, il y a quelques années, dans les Annales du Conservatoire des arts et métiers[1].)

Les gisements de guano (huano de pajaro) sont répartis, sur le littoral du Pérou, entre le deuxième et le vingt et unième degré de latitude australe. J’ai vu les premiers dépôts dans la baie de Payta. En avançant vers le sud, on en trouve de distance en distance jusqu’à l’embouchure du rio Loa. En dehors de ces limites, le guano se rencontre encore, quelquefois même très-abondamment, mais alors il est à peu près dépourvu des sels ammoniacaux et des principes organiques auxquels il doit une grande partie de ses qualités.

On distingue, au Pérou, deux espèces de guano : 1o le huano blanco, consistant en déjections rendues depuis peu de temps : sa couleur claire est due à l’acide urique ; 2o le huano pardo, guano ancien, qui offre toutes les teintes intermédiaires comprises entre le gris sale et le brun foncé. Un passage de Garcilazo de la Vega, d’anciens documents, font présumer que, dans leurs cultures, les Péruviens utilisaient surtout le huano blanco. En effet, les ordonnances édictées par les Incas avaient particulièrement pour objet de protéger les oiseaux producteurs. Ainsi, la défense, sous les peines les plus sévères, de tuer les guanaes, même en dehors des huaneras, l’interdiction d’aborder les îlots aux époques de la ponte, pour ne pas effrayer les couveuses, montrent qu’il s’agissait uniquement de favoriser la production du huano blanco, et que ces mesures n’avaient pas été prises pour protéger ces immenses amas de guano que l’antiquité péruvienne a laissés intacts, comme si elle eût voulu les réserver pour les conquérants du nouveau monde.

En allant du sud vers l’équateur, les huaneras principales sont celles de Chipana, Huanillos, Punta de Lobos, Pabellon de Pica, Puerto ingles, Islas patillos, Punta grande, Isla de Iquique, Pisagna, Ilo, Jesus y cocotea, les îles de la baie d’Islay.

Entre Islay et un point situé à quelques lieues de Pisco, on ne connaît pas de guano de pajaro (guano d’oiseau), les eaux étant principalement fréquentées par des phoques, des marsouins, des loups de mer (lobos). Aussi, les amas de guano, d’ailleurs fort restreints, que l’on voit dans ces parages, sont-ils presque entièrement formés des déjections et des squelettes de ces animaux.

Le guano est déposé sur de petits promontoires, sur des falaises ; il remplit des anfractuosités. En général, il est là où les oiseaux trouvent un abri contre les fortes brises du sud.


Indigène bolivien émigré aux îles Chincha. — Dessin de A. de Neuville, d’après une photographie.

Les roches de cette partie de la côte consistent en granit, en gneiss, syénite et syénite porphyrique. Le guano qu’elles supportent est le plus souvent en couches horizontales ; quelquefois cependant elles sont fortement inclinées, comme à Chipana, où elles deviennent presque verticales. Dans certaines huaneras, on rencontre un mélange de déjections d’oiseaux et de déjections de poissons ou de cétacés (lobos). M. Francisco de Rivero signale particulièrement ce mélange à Punta de Lobos où, sur des strates d’un guano d’un gris obscur, on trouve superposées d’autres strates presque noires, d’une épaisseur de deux pieds, recouvertes à leur tour par de nouvelles couches de couleurs variées. La strate noire est remplie de petites pierres de porphyres luisantes, elliptiques, que les phoques (lobos) ont l’habitude d’avaler et qui accompagnent toujours leurs déjections. Les dépôts de guano sont ordinairement au-dessous d’un agglomérat de sable et de substances salines, le caliche, que les ouvriers enlèvent pour commencer une exploitation. Sur quelques points, comme à Pabellon de Pica et à Punta grande, le gîte est sous du sable descendu des montagnes voisines, et rien n’établit mieux son ancienneté dans cette localité qu’une observation faite par M. F. de Rivero. Sur la roche qui leur sert de base, l’on voit des couches horizontales de guano, supportant un dépôt de trois mètres de puissance, appartenant à l’alluvion ancienne, renfermant des empreintes de coquilles marines, et, sur cette alluvion, contrairement à ce qui a lieu ordinairement, sont placées plusieurs strates de guano, recouvertes par le sable de l’alluvion actuelle. Le plus ordinairement, l’extraction du guano a lieu à ciel ouvert ; cependant, la huanera de Chipana est exploitée par des travaux souterrains poussés au-dessous de l’agglomérat salin et crétacé (caliche).

Dans la huanera de Punta de Lobos, le guano de pajaro, en strates horizontales, légèrement ondulées, est d’un brun très-foncé ; il renferme du guano de lobo, comme l’indiquent des ossements de marsouins, de phoques lobos), et les pierres polies elliptiques qui caractérisent les déjections de ces animaux. On attaque la masse au pic et à la poudre. Le guano, mis en sac, est glissé sur des radeaux (balsas), qui le transbordent ensuite sur de petits bâtiments (guaneros). Les ouvriers reçoivent une piastre (cinq francs quarante centimes) par jour, la nourriture et de l’eau douce, que l’on est obligé d’aller chercher au rio Loa, quand les navires en chargement n’en apportent pas.

La huanera de Pabellon de Pica prend son nom du village de Pica, placé à trente lieues dans l’intérieur. C’est une montagne conique de trois cent vingt-cinq mètres d’altitude ; la roche cristalline, que l’on suit jusqu’à cent soixante mètres de hauteur, est recouverte par un grès peu ancien parfaitement caractérisé. La puissance des strates de guano superposées au grès est de quinze à vingt varas[2]. Le produit le plus estimé provient d’un escarpement de plus de deux cents varas de largeur, que recouvre un amas de sable. Dans la zone inférieure, les strates sont séparées par une


Jeunes indigènes du Cerro de Pasco (Pérou). — Dessin de A. de Neuville, d’après une photographie.

alluvion ancienne de deux à trois varas d’épaisseur et

d’une grande dureté. Une soixantaine d’ouvriers sont établis sur la huanera, dont la rade est assez profonde pour que les bâtiments guaneros y jettent l’ancre, à vingt-cinq varas de l’embarcadère.

La huanera del Puerto ingles est un petit promontoire à moins d’un mille de distance de Puerto pabellon ; on en tire tout le guano nécessaire aux cultures de Taracapa. Comme à Chipana, les travaux sont exécutés sous le caliche.

La huanera de Iquique y patillos, située au nord de Pabellon, est un îlot dans la rade d’Iquique. Ce gisement est à peu près épuisé ; on en extrait du huano blanco, que les oiseaux y déposent journellement.

La huanera de Punta grande est un promontoire à quatre lieues au nord d’Iquique. Le guano remplit plusieurs ravins (quebradas) ouverts dans une roche quartzeuse feldspathique en relation avec un calcaire ; il est comme enseveli sous du sable venant du cerro de Tarapaca, qui domine la localité. Aussi est-on obligé d’exploiter par des travaux souterrains.

Plus au nord, on connaît encore des gîtes de guano peu importants et d’un accès fort difficile. Tels sont ceux que l’on aperçoit entre les morros de Vigas y Carreta, ou bien encore ceux des îles de Ballista, à l’ouest de Pisco ; mais c’est dans cette zone que sont les trois îles de Chincha, les plus riches en guano ammoniacal et qui alimentent l’exportation pour l’Europe. Elles sont, par treize degrés et demi de latitude australe, à environ douze milles à l’ouest-nord-ouest de Pisco ; alignées dans une direction nord-sud et séparées par deux passes, l’une de cinq cents varas, l’autre de huit cents varas de largeur, les côtes qu’elles présentent vers le sud et vers l’ouest sont coupées à pic. C’est sous le vent de l’île la plus septentrionale que la plupart des navires viennent charger. Les sommets les plus élevés des îles de Chincha ne dépassent pas cent dix varas ; leur base granitique est entourée de récifs d’autant plus périlleux qu’il règne presque constamment un vent très-vif, la paracà, depuis dix à onze heures du matin jusqu’au coucher du soleil. La réverbération du sol, la poussière en suspension dans l’air, élèvent singulièrement la température ; aussi les ouvriers ne travaillent-ils que pendant la nuit. Le guano est en strates horizontales assez souvent ondulées, contournées vers leurs extrémités ; elles sont rougeâtres vers le haut, d’un gris plus ou moins clair vers le bas ; le guano y est partout excellent, excepté dans les assises inférieures, où il est mêlé de huano de lobo. On exploite à ciel ouvert. Dans les tailles, on rencontre des fissures remplies de cristaux de sels ammoniacaux ; l’on trouve aussi, dans ces huaneras, des œufs pétrifiés, des plumes, des ossements et même des oiseaux momifiés.

À trente ou quarante mètres au-dessus de la mer, M. Bland a vu, çà et là, le sol jonché de blocs de granit analogues aux roches alpines erratiques dispersées sur les pentes du Jura. Ces blocs reposent sur le guano, et ils sont comme encaissés dans des squelettes de guanaes.

… Les huaneras fournissent deux sortes de produits : le guano ammoniacal, mélange de phosphates terreux, d’urates, de sels à base d’ammoniaque, et le guano terreux formé essentiellement de phosphate de chaux et à peu près dénué de matières organiques azotées.

Il semble d’ailleurs évident que les guanos terreux et les guanos ammoniacaux ont une même origine : les déjections et les dépouilles des oiseaux de mer. La disparition de l’ammoniaque est due probablement à des circonstances locales, telles que l’abondance et la fréquence des pluies qui favorisent naturellement la décomposition des substances organiques et la dissolution des sels à base d’ammoniaque.

La partie du littoral de la mer du Sud où gîte le guano ammoniacal offre, en effet, cette particularité, que, sur une étendue considérable, depuis Tumbes jusqu’au désert d’Atacama, la pluie est pour ainsi dire inconnue, tandis qu’en dehors de ces limites, au nord de Tumbes, dans les forêts impénétrables et marécageuses de Choco, il pleut presque sans interruption. À Payta, placé au sud de cette province, lorsque je m’y trouvai, il y avait dix-sept ans qu’il n’avait plu. Plus au sud encore, à Chocopé (latitude sept degrés quarante-six minutes sud), on citait comme un événement mémorable la pluie de 1726 ; il est vrai qu’elle dura pendant quarante nuits, car elle cessait pendant le jour.

La rareté des pluies dans ces contrées est attribuée à la permanence et à l’intensité des vents sud-sud-est. C’est en mai et juin qu’ils soufflent avec le plus de force. Le ciel est alors d’une admirable pureté ; la température baisse par l’effet de ces courants d’air venus des régions polaires australes, qui annoncent la fin de l’été (verano).

Il n’y a pas d’orage sur cette côte péruvienne. Un habitant de Piura, de Séchura, s’il n’a pas voyagé, n’a aucune idée du tonnerre. Cependant, on se tromperait singulièrement si l’on s’imaginait que la sécheresse est permanente sur le littoral. Pendant plusieurs mois la terre est abreuvée sans recevoir de pluie ; les vallées, les coteaux se couvrent de verdure. C’est qu’il arrive une époque où le vent des régions australes est remplacé par un vent du nord à peine perceptible, si faible qu’il a tout juste la force nécessaire pour faire mouvoir une girouette, pour agiter les banderoles des navires ; c’est une légère agitation de l’air, un calme indécis indiquant que la brise sud-sud-est a cessé. À partir de ce changement, de juillet à novembre, l’atmosphère prend un aspect tout différent, que le vent, en reprenant peu à peu avec mollesse la direction normale sud-sud-est, ne modifie qu’avec lenteur. On est alors en hiver (invierno). À la vive lumière dont le pays était inondé, a succédé un demi-jour qui attriste l’esprit. Le ciel est voilé par un épais brouillard ; ce n’est plus que rarement, pendant quelques éclaircies, que l’on aperçoit le soleil ; régulièrement, entre dix heures et midi, de la vapeur vésiculaire s’élève et se maintient à une certaine hauteur où elle devient un nuage. Pendant ce mouvement ascensionnel, une partie du brouillard se résout en bruine, en garua qui mouille la terre à la manière de la rosée. Les garuas, c’est l’expression indienne, ne sont jamais assez abondantes pour rendre les chemins impraticables, pour pénétrer les vêtements les plus légers ; mais par leur persistance elles introduisent dans le sol assez d’eau pour le rendre fertile, pour le maintenir dans un état convenable d’humectation quand le vent du sud, reprenant son impétuosité, les chasse et s’oppose à leur apparition. D’ailleurs, sur des points heureusement assez nombreux du littoral, l’aridité est seulement à la surface ; à une certaine profondeur, l’on rencontre une nappe aquifère dont l’origine est dans la Cordillère. Les eaux pluviales que reçoivent les montagnes des Andes, à moins d’être extrêmement abondantes, ne parviennent pas toujours jusqu’à la mer ; durant un parcours de vingt à trente lieues, elles sont absorbées par le sable, et, comme cela a lieu à Piura, à Séchura, pour les trouver, il faut creuser le lit des torrents desséchés. C’est à la fois à cette imbibition d’un sol arénacé et à la fréquence des bruines ou garuas que le pays compris entre Tumbes et le Chili doit de ne pas être un désert sur toute son étendue.

C’est précisément dans cette zone où la pluie est assez rare pour être considérée comme un événement, entre Payta et le rio Loa, que sont situés les gîtes de guano ammoniacal. Au delà plus au nord, comme plus au sud de ces points extrêmes, le guano exposé aux pluies tropicales est généralement dépourvu d’ammoniaque, de sels solubles ; un sel insoluble a résisté, c’est le phosphate de chaux, la base et le caractère des guanos terreux.

Pour que le guano ait été accumulé en aussi énormes quantités dans les huaneras, il a fallu le concours de circonstances aussi favorables à sa production qu’à sa conservation : un climat d’une sécheresse exceptionnelle sous lequel les oiseaux n’aient pas à se garantir de la pluie ; des accidents de terrains offrant des crevasses, des anfractuosités, où ils pussent reposer, pondre et couver à l’abri des fortes brises du sud ; enfin une nourriture telle qu’ils la trouvent dans les eaux qui baignent la côte péruvienne. Nulle part au monde le poisson n’est plus abondant. Il arrive quelquefois, pendant la nuit, comme j’en ai été témoin, qu’il vient échouer vivant sur la plage en nombre prodigieux, sans que la mer soit agitée, comme s’il voulait échapper à la poursuite d’un ennemi[3].

Un des navigateurs espagnols qui accompagnèrent les académiciens français à l’équateur, Antonio de Ulloa, rapporte que « les anchois sont en si grande abondance sur cette côte qu’il n’y a pas d’expression qui puisse en représenter la quantité. Il suffit de dire qu’ils servent de nourriture à une infinité d’oiseaux qui leur font la guerre. Ces oiseaux sont communément appelés guanaes parmi lesquels il y a beaucoup d’alcatras, espèce de cormoran, mais tous sont compris sous le nom général de guanaes. Quelquefois, en s’élevant des îles, ils forment comme un nuage qui obscurcit le soleil. Ils mettent une heure et demie à deux heures pour passer d’un endroit à un autre, sans qu’on voie diminuer leur multitude. Ils s’étendent au-dessus de la mer et occupent un grand espace ; après quoi, ils commencent leur pêche d’une manière fort divertissante : car, se soutenant dans l’air en tournoyant à une hauteur assez grande, mais proportionnée à leur vue, aussitôt qu’ils aperçoivent un poisson, ils fondent dessus la tête en bas, serrant les ailes au corps, et frappant avec tant de force qu’on aperçoit le bouillonnement de l’eau d’assez loin. Ils reprennent ensuite leur vol en avalant le poisson. Quelquefois ils demeurent longtemps sous l’eau, et en sortent loin de l’endroit où ils s’y sont précipités ; sans doute parce que le poisson fait effort pour échapper et qu’ils le poursuivent, disputant avec lui de légèreté à nager. Ainsi on les voit sans cesse dans l’endroit qu’ils fréquentent, les uns se laissant choir dans l’eau, les autres s’élevant ; et comme le nombre en est fort grand, c’est un plaisir que de voir cette confusion. Quand ils sont rassasiés, ils se reposent sur les ondes ; au coucher du soleil, ils se réunissent, et toute cette nombreuse bande va chercher son gîte. On a observé, au Callao, que les oiseaux qui se gîtent dans les îles et les îlots situés au nord de ce port vont dès le matin faire leur pêche du côté du sud, et reviennent le soir dans les lieux d’où ils sont partis. Quand ils commencent à traverser le port, on n’en voit ni le commencement ni la fin[4]. »

En 1844, lorsque M. F. de Rivero exécutait ses travaux topographiques, il y avait dans les huaneras près de 36 millions de tonnes de matières, et comme l’exportation de 1846 à 1851 a été de 509 579 tonnes, ou 532 000 tonnes si l’on y comprend l’année 1845, il restait, en 1852, dans les huaneras plus de 35 millions de tonnes de guano. Actuellement la principale exploitation a lieu dans les îles de Chincha, où il devait y avoir, en 1844, 36 500 000 varas cubiques, soit 23 542 500, et en 1852 a peu près 23 millions de tonnes de guano. Si, comme on l’assure, l’extraction annuelle s’est élevée dans ces derniers temps à 350 000 tonnes, les gîtes seraient épuisés en une soixante d’années. On porte à 900 le nombre des travailleurs des îles de Chincha, et dans ce nombre on compte 300 ouvriers appartenant à cette race chinoise qui paraît destinée à faire librement en Amérique l’ouvrage des esclaves.

Les gisements de guano sont tellement considérables que l’on a douté qu’ils fussent bien réellement formés par des déjections d’oiseaux appartenant à l’époque actuelle. Humboldt était très-enclin à les considérer comme antédiluviennes, comme des amas de coprolithes ayant conservé leur matière organique originelle. Il reculait devant l’âge qu’il faudrait assigner à ces dépôts, dont l’épaisseur atteint quelquefois 30 mètres, parce qu’il supputait qu’en trois siècles les déjections des oiseaux qui fréquentent les îles de Chincha ne dépasseraient pas une épaisseur d’un centimètre.

M. F. de Rivero croit, au contraire, que cette prodigieuse accumulation de guano est tout naturellement expliquée par la multitude des guanaes, désignés sur les côtes du Pérou sous les noms de : piqueros, sarcillos, gaviotas, alcatraces, pajaros ninos, patillos, etc. Si aujourd’hui, dit-il, malgré la persécution qu’ont soufferte et que souffrent encore les guanaes, on en voit néanmoins des milliards sur les récifs ou sur les sommets escarpés des îlots, qu’était-ce avant l’occupation du Pérou par les Européens, lorsqu’ils étaient, pour ainsi dire, les seuls habitants du littoral ? En 6 000 ans, M. F. de Rivero ne va pas au delà par
Un Indien de Cuzco et des hauts plateaux du Pérou. — Dessin de A. de Neuville, d’après une photographie.
égard pour la date du déluge, le guano déposé pèserait 361 millions de quintaux, et l’on ne doit pas oublier qu’aux déjections se sont ajoutées nécessairement les dépouilles des oiseaux. 264 mille guanaes habitant a la fois les îles de Chincha est un nombre que l’on ne répugne aucunement à accepter quand on a vu se mouvoir ces nuées de volatiles dont, pour employer l’expression de Ulloa, « on n’aperçoit ni le commencement ni la fin, » qui font naître l’obscurité, et, en rasant la surface de la mer, empêchent un navire de manœuvrer. La surface de ces îles étant de 1 450 224 varras carrées, un guanaes y pourrait donc disposer de 5 varas 6/10, soit à peu près 4 mètres carrés, sur lesquels il se trouverait parfaitement à l’aise.


  1. Annales du Conservatoire impérial des arts et métiers, publiées par les professeurs sous la direction de M. Ch. Laboulaye, 1861 ; librairie scientifique, industrielle et agricole de E. Lacroix, 15, quai Malaquais.
  2. Le vara est une mesure de 82 ou 85 centimètres.
  3. Les requins sont fort communs dans ces eaux.
  4. Ulloa, tome I, page 486.