Sur les problèmes futurs des mathématiques

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SUR LES
PROBLÈMES FUTURS DES MATHÉMATIQUES,
Par M. David HILBERT (Göttingen),
TRADUITE PAR M. L. LAUGEL[1].


Qui ne soulèverait volontiers le voile qui nous cache l’avenir afin de jeter un coup d’œil sur les progrès de notre Science et les secrets de son développement ultérieur durant les siècles futurs ? Dans ce champ si fécond et si vaste de la Science mathématique, quels seront les buts particuliers que tenteront d’atteindre les guides de la pensée mathématique des générations futures ? Quelles seront, dans ce champ, les nouvelles vérités et les nouvelles méthodes découvertes par le siècle qui commence ?

L’histoire enseigne la continuité du développement de la Science. Nous savons que chaque époque a ses problèmes que l’époque suivante résout, ou laisse de côté comme stériles, en les remplaçant par d’autres. Si nous désirons nous figurer le développement présumable de la Science mathématique dans un avenir prochain, nous devons repasser dans notre esprit les questions pendantes et porter notre attention sur les problèmes posés actuellement et dont nous attendons de l’avenir la résolution. Le moment présent, au seuil du vingtième siècle, me semble bien choisi pour passer en revue ces problèmes ; en effet, les grandes divisions du temps non seulement permettent de jeter un regard sur le passé, mais encore attirent notre pensée sur l’avenir inconnu.

Le grand rôle joué par des problèmes déterminés dans le progrès général de la Science mathématique est non moins incontestable que l’influence qu’ont ces problèmes sur le travail particulier du chercheur. Tant qu’une branche de la Science jouit d’une abondance de problèmes, elle est pleine de vie ; le manque de problèmes dénote la mort, ou la cessation du développement propre de cette branche. Et de même que dans toute entreprise humaine il faut poursuivre un but, de même dans la recherche mathématique il faut des problèmes. La puissance du chercheur se retrempe dans leur résolution, il y trouve de nouvelles méthodes et de nouveaux points de vue, d’où il découvre un horizon plus vaste et plus libre.

Il est difficile et souvent impossible de préjuger exactement de la valeur d’un problème ; c’est, en effet, exclusivement le profit que tire la Science de la solution du problème qui permet de porter un jugement sur la valeur de ce dernier. On peut néanmoins se demander s’il n’existe pas des attributs généraux caractérisant un bon problème mathématique.

Un mathématicien français des temps passés a dit : « Une théorie mathématique ne doit être regardée comme parfaite que si elle a été rendue tellement claire qu’on puisse la faire comprendre au premier individu rencontré dans la rue. » Cette clarté, cette limpidité si énergiquement exigée ici d’une théorie mathématique, je l’exigerais encore davantage d’un problème mathématique parfait ; ce qui est clair et limpide nous attire en effet, ce qui est embrouillé nous rebute.

Pour avoir de l’attrait, un problème mathématique doit être difficile, mais non pas inabordable, sinon il se rit de nos efforts ; il doit au contraire être un véritable fil conducteur à travers les dédales du labyrinthe vers les vérités cachées, et nous récompenser de nos efforts par la joie que nous procure la découverte de la solution.

Les mathématiciens des siècles précédents s’occupaient avec ardeur de la recherche des solutions de quelques problèmes très difficiles. Ils en appréciaient la valeur à son juste prix. Je me contenterai de citer le Problème de la brachistochrone de Jean Bernoulli. L’expérience démontre, c’est ainsi que s’exprime Bernoulli, en proposant ce problème au public, que les nobles esprits ne sont jamais davantage incités au travail pour faire progresser la Science que lorsqu’on leur propose des problèmes difficiles autant qu’utiles ; il espère mériter la reconnaissance du monde mathématique, si, à l’exemple de savants comme Mersenne, Pascal, Fermat, Viviani et autres, qui l’ont fait avant lui, il pose un problème aux analystes les plus distingués de son temps, afin qu’ils puissent, comme avec la pierre de touche, essayer l’excellence de leurs méthodes et en même temps mesurer leurs forces entre elles. C’est de ce problème de Bernoulli et de problèmes analogues que le calcul des variations tire son origine.

On sait que Fermat annonça que l’équation de Diophante

(sauf en certains cas qui sautent aux yeux) est impossible à résoudre en nombres entiers, , , . Le Problème de la démonstration de cette impossibilité nous offre un exemple frappant de l’influence que peut avoir sur la Science une question très spéciale et en apparence peu importante. C’est, en effet, le problème de Fermat qui conduisit Kummer à l’introduction des nombres idéaux et à la découverte du théorème de la décomposition univoque des nombres d’un corps du cercle[2] en facteurs premiers idéaux, théorème qui, par l’extension qu’en ont faite Dedekind et Kronecker aux domaines algébriques quelconques, est devenu le point central de la théorie moderne des nombres et qui a une importance s’étendant bien au delà des limites de cette théorie, jusque dans les régions de l’Algèbre et de la Théorie des fonctions.

Passant à un tout autre champ d’études, je citerai le Problème des trois corps.

M. Poincaré, en entreprenant de traiter à nouveau ce difficile problème et d’en avancer la solution, a découvert des méthodes fécondes et d’une grande portée en Mécanique céleste, qui sont aujourd’hui admises et appliquées même par l’astronome pratique.

Ces deux problèmes, celui de Fermat et celui des trois corps, nous semblent occuper comme les pôles opposés dans l’ensemble des problèmes ; le premier, libre création de la raison pure, le second, posé par les astronomes et indispensable pour la connaissance des phénomènes fondamentaux les plus simples de la nature.

Il arrive souvent aussi qu’un certain problème particulier se rattache aux branches les plus diverses de la Science mathématique. C’est ainsi que le Problème des lignes géodésiques joue un rôle des plus importants au point de vue de l’histoire ainsi que des principes, dans les fondements de la Géométrie, dans la théorie des courbes et des surfaces, dans la Mécanique, et enfin dans le Calcul des variations. Dans son livre sur l’Icosaèdre, M. F. Klein a, de même, très bien fait ressortir l’influence du rôle que joue le Problème des polyèdres réguliers dans la Géométrie élémentaire, dans la théorie des groupes et des équations, et dans la théorie des équations différentielles linéaires.

Pour mettre encore en pleine lumière l’importance de certains problèmes, je rappellerai que Weierstrass regardait comme une bienveillante disposition de la Providence d’avoir, au début de sa carrière, rencontré un problème fondamental auquel il pût s’attaquer, tel que le Problème d’inversion de Jacobi.

Ayant exposé l’importance générale des problèmes en Mathématiques, je passe à la question de savoir quelles sont les sources où le mathématicien les puise. Les premiers et les plus anciens problèmes de chaque branche de la Science mathématique tirent certainement leur origine de l’expérience, et c’est le monde de la connaissance extérieure qui les inspire. Les règles des opérations sur les nombres entiers ont été certainement découvertes lors d’un état inférieur de culture de l’humanité, absolument comme, aujourd’hui encore, l’enfant apprend à appliquer ces règles par la méthode empirique. Il en est de même des premiers problèmes de la Géométrie : problèmes posés dans l’antiquité, la duplication du cube, la quadrature du cercle, et ces problèmes qui se sont présentés les premiers dans les théories de la résolution des équations numériques, des courbes, du Calcul différentiel et intégral, du Calcul des variations, de la série de Fourier et du potentiel ; sans parler de cette abondance et de cette richesse de problèmes proprement dits de la Mécanique, de l’Astronomie et de la Physique.

Mais, dans le développement progressif d’une discipline mathématique, l’esprit humain, encouragé par la découverte des solutions, a conscience de son indépendance ; il crée lui-même des problèmes nouveaux et féconds de la façon la plus heureuse, sans impulsion extérieure apparente et uniquement par combinaison logique, par généralisation et particularisation, par séparation et réunion des idées. C’est alors lui qui, placé au premier plan, pose essentiellement les questions.

C’est ainsi qu’ont pris naissance le Problème des nombres premiers et les autres problèmes de l’Arithmétique, la théorie de Galois, des équations, la théorie des invariants algébriques, celle des fonctions abéliennes et automorphes ; c’est enfin là, d’une manière générale, l’origine de presque toutes les questions les plus délicates des théories modernes des nombres et des fonctions.

D’ailleurs, tandis que travaille le pouvoir créateur de la raison pure, le monde extérieur fait de nouveau sentir son influence ; il nous conduit, par les faits extérieurs, à de nouvelles questions, il nous ouvre de nouvelles régions de la Science mathématique ; alors, en nous efforçant de faire rentrer ces nouveaux domaines de la Science dans le royaume de la raison pure, nous rencontrons souvent la réponse à d’anciens problèmes non résolus et nous faisons avancer les anciennes théories de la manière la plus avantageuse. Ce sont, ce me semble, sur ces échanges répétés entre la raison et l’expérience que reposent tant d’étonnantes analogies, ainsi que cette harmonie, en apparence préétablie, si souvent remarquée par le mathématicien dans les questions, les méthodes et les conceptions des divers domaines de sa Science.

Examinons encore rapidement les exigences et les conditions générales auxquelles doit répondre la solution d’un problème mathématique. Avant tout, je placerai l’exactitude de la solution qui doit être obtenue au moyen d’un nombre fini de conclusions et qui doit reposer sur un nombre fini d’hypothèses fournies par le problème même et formulées dans chaque cas avec précision. Or, cette condition de la déduction logique au moyen d’un nombre fini de conclusions n’est pas autre chose que celle de la rigueur dans les démonstrations. En effet, la rigueur dans la démonstration, condition aujourd’hui en Mathématiques d’une importance proverbiale, correspond à un besoin philosophique général de notre entendement ; d’autre part, c’est seulement en satisfaisant, à cette exigence que les problèmes manifestent complètement leur fécondité et leur portée. Un nouveau problème, lorsqu’il tire son origine du monde extérieur, est comme un sauvageon qui ne se développe et ne porte des fruits que lorsqu’il a été greffé avec tous les soins de l’art du jardinier sur la souche mère, c’est-à-dire sur les connaissances mathématiques que nous possédons complètement.

Ce serait, du reste, une erreur de croire que la rigueur dans la démonstration est ennemie de la simplicité. De nombreux exemples, au contraire, montrent que la méthode la plus rigoureuse est aussi la plus simple et la plus facile à saisir. La recherche de la rigueur nous conduit toujours à découvrir des raisonnements plus simples, elle nous ouvre aussi la voie à des méthodes plus fécondes que les anciennes qui étaient moins rigoureuses. Ainsi la Théorie des courbes algébriques a éprouvé des simplifications incontestables et a beaucoup gagné en unité depuis l’emploi des méthodes rigoureuses de la théorie des fonctions et depuis l’introduction des considérations transcendantes auxiliaires. De même la démonstration que les séries de puissances admettent l’application des quatre opérations élémentaires de l’Arithmétique et peuvent être différentiées ou intégrées terme par terme, a simplifié l’Analyse tout entière. Il en est ainsi tout particulièrement des théories de l’élimination et des équations différentielles, ainsi que des démonstrations d’existence exigées dans la dernière de ces théories. Mais, à mon avis, l’exemple le plus frappant dans cet ordre d’idées est celui du Calcul des variations. Le traitement de la variation première et de la variation seconde des intégrales définies exigeait certains calculs extrêmement compliqués et les développements des anciens mathématiciens manquaient sur ce sujet de la rigueur nécessaire. C’est Weierstrass qui, le premier, nous a montré un chemin conduisant à une nouvelle fondation bien assurée du Calcul des variations. À la fin de la Conférence actuelle, j’indiquerai rapidement, en prenant comme exemple l’intégrale simple et l’intégrale double, comment, en suivant la voie ouverte par Weierstrass, on simplifie d’une manière étonnante le Calcul des variations ; je ferai voir que, dans la démonstration des critères nécessaires et suffisants pour l’existence d’un maximum ou minimum, le calcul de la variation seconde et une partie des fatigants raisonnements relatifs à la variation première sont absolument superflus, sans parler du progrès considérable apporté par la disparition de la restriction à des variations telles que les dérivées des fonctions ne varient que de peu.

Mais si je place avant tout la rigueur dans le raisonnement comme condition nécessaire à la solution complète d’un problème, je n’en élèverai pas moins la voix contre cette opinion que ce ne sont que les questions de l’Analyse ou même de l’Arithmétique qui soient seules susceptibles d’un traitement parfaitement rigoureux. Cette opinion émise de temps à autre par des autorités scientifiques, je la regarde comme absolument erronée.

Une notion si étroite de la condition de rigueur conduirait rapidement à ignorer toutes les conceptions tirées de la Géométrie, de la Mécanique et de la Physique ; elle barrerait le cours de tout ce qui découle du monde extérieur et, comme dernière conséquence, elle mènerait enfin au rejet des concepts du continu et du nombre irrationnel. Aussi quelle source de vie verrions-nous alors extirpée des Mathématiques par la suppression de la Géométrie et de la Physique mathématique ! Tout au contraire, je pense que partout où se présentent des idées mathématiques, soit en Philosophie (théorie de l’entendement), soit en Géométrie, soit en Physique, le problème se pose de la discussion des principes fondamentaux, bases de ces idées, et de l’établissement d’un système simple et complet d’axiomes ; et cela doit se faire de telle façon que la rigueur des nouvelles définitions et leur applicabilité ne le cèdent en rien aux anciennes définitions arithmétiques.

À de nouvelles idées correspondent nécessairement de nouveaux symboles ; nous devons choisir ces derniers de manière qu’ils nous rappellent les phénomènes qui ont été l’origine des nouvelles idées. Ainsi les figures de la Géométrie sont des symboles qui nous rappellent l’intuition de l’espace, et c’est ainsi que tout mathématicien les emploie. En même temps que de la double inégalité , entre trois quantités , , , qui ne se sert du dessin de trois points situés l’un à la suite de l’autre sur une droite comme symbole géométrique traduisant le mot entre ? Lorsqu’il s’agit de démontrer rigoureusement un théorème difficile sur la continuité des fonctions ou sur l’existence de points de condensation, qui de nous ne fait usage du dessin des segments de droites et de rectangles compris les uns dans les autres ? Comment se passerait-on de la figure du triangle, du cercle avec son centre, ou de la figure formée par trois axes rectangulaires ? Et qui donc renoncerait à la représentation des vecteurs, aux dessins de familles de courbes et de surfaces avec leurs enveloppes, images qui jouent un rôle d’une si grande importance dans la Géométrie infinitésimale, dans la fondation du Calcul des variations, ainsi que dans d’autres branches des Mathématiques pures ?

Les signes et symboles de l’Arithmétique sont des figures écrites, et les formules géométriques sont des formules dessinées ; aucun mathématicien ne pourrait se passer de ces formules dessinées, pas plus qu’il ne pourrait, dans les calculs, se passer de parenthèses ou crochets ou autres signes analytiques.

L’application des symboles géométriques comme méthode rigoureuse de démonstration présuppose la connaissance exacte des axiomes qui sont la base de ces figures, et la possession complète de ces axiomes ; pour que ces figures géométriques puissent être incorporées dans le trésor général des symboles mathématiques, une discussion axiomatique rigoureuse de leur contenu intuitif est de toute nécessité. De même que dans l’addition de deux nombres on ne doit pas poser les chiffres les uns sous les autres d’une façon inexacte, mais au contraire appliquer exactement les règles de calcul, c’est-à-dire les axiomes de l’Arithmétique, de même les opérations sur les symboles géométriques doivent être déterminées au moyen des axiomes de la Géométrie et de leur association.

La coïncidence entre la pensée géométrique et la pensée arithmétique se révèle encore en ceci : dans les recherches arithmétiques, de même que dans les considérations géométriques, nous ne remontons pas à chaque instant la chaîne des déductions jusqu’aux axiomes ; au contraire, lorsque pour la première fois nous attaquons un problème en Arithmétique, exactement comme en Géométrie, nous employons d’abord une combinaison de raisonnements, rapide, inconsciente, non encore définitive, avec une confiance absolue en un certain sentiment arithmétique et en l’efficacité des symboles arithmétiques ; sans cette confiance nous ne pourrions pas plus progresser en Arithmétique que nous ne le pourrions en Géométrie sans la faculté de voir dans l’espace. Comme modèle d’une théorie arithmétique, opérant d’une manière rigoureuse avec les concepts et les symboles de la Géométrie, je citerai l’ouvrage de M. Minkowski : Geometrie der Zahlen[3].

Ici se placent tout naturellement quelques remarques sur les difficultés que peuvent présenter les problèmes mathématiques et sur la manière de les surmonter.

Si nous ne pouvons parvenir à résoudre un problème mathématique, la raison en est souvent que nous n’avons pas encore atteint le point de vue plus général d’où ce problème ne semble plus qu’un anneau d’une chaîne de problèmes de même nature. Mais une fois que nous avons atteint ce point de vue, non seulement le problème devient plus abordable, mais encore nous sommes mis en possession d’une méthode applicable aux problèmes de même espèce. Je citerai comme exemple, dans la théorie des intégrales définies, l’introduction par Cauchy des chemins complexes d’intégration et, dans la théorie des nombres, l’introduction par Kummer de la notion des nombres idéaux. Cette façon d’arriver aux méthodes les plus générales est sans aucun doute la plus accessible et la plus sûre. En effet, celui qui chercherait des méthodes sans avoir devant les yeux un problème déterminé, chercherait le plus souvent en vain.

D’autre part, à mon avis du moins, la particularisation joue, dans les problèmes mathématiques, un rôle plus important que la généralisation. Quand nous cherchons en vain la réponse à une question, l’insuccès, la plupart du temps, tient peut-être à ce que nous n’avons pas encore résolu ou à ce que nous avons résolu seulement d’une manière incomplète des problèmes plus simples que celui en question. Tout revient alors à trouver ces problèmes plus simples et à en obtenir la solution, à l’aide de moyens auxiliaires aussi complets que possible et à l’aide de concepts susceptibles de généralisation. Cette manière de procéder est comme un levier des plus puissants propre à lever les difficultés mathématiques, et c’est de ce levier, ce me semble, que l’on se sert, même inconsciemment, la plupart du temps.

Il se peut aussi que l’on s’efforce d’obtenir une solution en se basant sur des hypothèses insuffisantes ou mal comprises et que, par suite, on ne puisse atteindre le but. Il s’agit alors de démontrer l’impossibilité de résoudre le problème en se servant d’hypothèses telles qu’elles ont été données ou interprétées. Les anciens nous ont donné les premiers exemples de pareilles démonstrations d’impossibilité ; ils ont démontré ainsi que dans un triangle rectangle isoscèle l’hypoténuse et le côté de l’angle droit sont dans un rapport irrationnel. Dans la Mathématique moderne, la question de l’impossibilité de certaines solutions joue un rôle prépondérant ; c’est à ce point de vue de la démonstration de l’impossibilité que d’anciens et difficiles problèmes, tels que ceux de la démonstration de l’axiome des parallèles, de la quadrature du cercle et de la résolution par radicaux de l’équation du cinquième degré, ont reçu une solution parfaitement satisfaisante et rigoureuse, bien qu’en un sens tout différent de celui qu’on cherchait primitivement.

Le fait remarquable dont nous venons de parler et certains raisonnements philosophiques ont fait naître en nous la conviction que partagera certainement tout mathématicien, mais que jusqu’ici personne n’a étayée d’aucune preuve, la conviction, dis-je, que tout problème mathématique déterminé doit être forcément susceptible d’une solution rigoureuse, que ce soit par une réponse directe à la question posée, ou bien par la démonstration de l’impossibilité de la résolution, c’est-à-dire la nécessité de l’insuccès de toute tentative de résolution. Proposons-nous un problème déterminé non encore résolu : par exemple, posons-nous la question de l’irrationnalité de la constante d’Euler ou de Mascheroni, ou encore la question de savoir s’il existe une infinité de nombres premiers de la forme . Quelque inabordables que semblent ces problèmes, et quelque désarmés que nous soyons encore vis-à-vis d’eux aujourd’hui, nous n’en avons pas moins la conviction intime que l’on doit pouvoir les résoudre au moyen d’un nombre fini de déductions logiques.

Cet axiome de la possibilité de résoudre tout problème, est-ce une propriété caractéristique et distinctive de la pensée mathématique, ou serait-ce peut-être une loi générale du mode d’existence de notre entendement, à savoir que toutes les questions que se pose notre entendement soient susceptibles d’être résolues par lui ? On rencontre d’ailleurs aussi dans d’autres sciences d’antiques problèmes qui ont été, de la manière la plus satisfaisante, finalement résolus par la démonstration de leur impossibilité et qui n’en ont pas moins été de la plus haute utilité pour le développement de la Science. Je rappellerai le problème du mouvement perpétuel. Après tant d’essais infructueux pour construire un mécanisme réalisant le mouvement perpétuel, on en vint à chercher les relations qui doivent avoir lieu entre les forces de la nature pour qu’un mouvement perpétuel soit impossible[4] ; ce problème inverse conduisit à la découverte du principe de la conservation de l’énergie, principe qui, de son côté, explique l’impossibilité du mouvement perpétuel au sens primitivement requis.

Cette conviction de la possibilité de résoudre tout problème mathématique est pour nous un précieux encouragement pendant le travail. Nous entendons toujours résonner en nous cet appel : Voilà le problème, cherches-en la solution. Tu peux la trouver par le pur raisonnement. Jamais, en effet, mathématicien ne sera réduit à dire : « Ignorabimus ».

Inépuisable est la multitude des problèmes de la Mathématique ; dès qu’une question est résolue, à sa place s’en présente une foule d’autres.

Dans ce qui suit je vais tenter, et cela comme preuve à l’appui de mes dires précédents, de proposer quelques problèmes déterminés pris dans diverses branches des Mathématiques, et dont l’étude pourrait concourir à l’avancement de la Science.

Jetons un regard sur les principes de l’Analyse et de la Géométrie. Les événements les plus suggestifs et les plus importants qui ont eu lieu dans ces domaines durant le dix-neuvième siècle sont, ce me semble, la conception arithmétique de la notion du continu que l’on trouve dans les travaux de Cauchy, Bolzano et Cantor, ainsi que la découverte de la Géométrie non euclidienne par Gauss, Bolyai, Lobatchefskij.

J’attirerai donc en premier lieu votre attention sur quelques problèmes appartenant à ces domaines.


I. — Problème de M. Cantor relatif à la puissance du continu.

Deux systèmes, c’est-à-dire deux ensembles, de nombres réels ordinaires (ou de points) sont, d’après M. Cantor, dits équivalents ou de même puissance, lorsque l’on peut établir entre eux une relation telle qu’à chaque nombre de l’un des ensembles corresponde un nombre déterminé et un seul de l’autre. Les recherches de M. Cantor sur de tels ensembles rendent très probable l’exactitude d’un théorème qui, jusqu’ici, malgré les plus grands efforts, n’a pu être démontré par personne. Ce théorème est le suivant : Tout système de nombres réels en nombre infini, c’est-à-dire tout ensemble infini de nombres (ou de points), ou bien est équivalent à l’ensemble de tous les nombres entiers naturels 1, 2, 3, …, ou bien est équivalent à l’ensemble de tous les nombres réels, et par conséquent au continu, c’est-à-dire aux points d’un segment ; au point de vue de l’équivalence, il n’y aurait donc que deux ensembles de nombres : l’ensemble dénombrable et le continu.

De ce théorème résulterait également que le continu formerait la puissance immédiatement supérieure à la puissance des ensembles dénombrables. La démonstration de ce théorème serait alors comme un nouveau pont jeté entre les ensembles dénombrables et le continu.

Citons encore une très remarquable affirmation de M. Cantor, qui a un rapport des plus intimes avec le théorème précédent et qui en serait peut-être la clef de la démonstration. Un système quelconque de nombres réels est dit ordonné lorsque de deux nombres quelconques du système on a convenu lequel est le précédent et lequel est le suivant ; de plus cette convention doit être telle que, un nombre précédant un nombre , et le nombre précédant à son tour un nombre , l’on devra regarder comme précédant . L’ordre dit naturel des nombres d’un système est celui où l’on regarde un plus petit nombre comme précédant un plus grand qui sera de son côté regardé comme suivant le premier. Il y a, c’est facile à voir, une infinité d’autres manières d’ordonner les nombres d’un système.

Maintenant, si nous considérons un ordre déterminé de nombres et si parmi ceux-ci nous mettons à part un système particulier de nombres, ce que l’on nomme un système ou ensemble partiel, cet ensemble partiel sera également ordonné. Or, M. Cantor considère une espèce particulière d’ensembles ordonnés qu’il nomme ensembles bien ordonnés ; ce qui caractérise ces ensembles bien ordonnés, c’est qu’il existe non seulement dans l’ensemble même, mais encore dans tout ensemble partiel, un nombre qui précède tous les autres. Le système des nombres entiers 1, 2, 3, …, dans son ordre naturel, est évidemment un ensemble bien ordonné. Au contraire, l’ensemble de tous les nombres réels, c’est-à-dire le continu, dans l’ordre naturel, n’est pas un ensemble bien ordonné. En effet, considérons l’ensemble partiel formé par les points d’un segment où l’on a fait abstraction du point initial ; il est clair que cet ensemble partiel ne possède jamais aucun élément précédant tous les autres. Il se présente alors cette question : L’ensemble de tous les nombres ne pourrait-il être ordonné d’une autre manière telle que tout ensemble partiel eût un élément précédant tous les autres ? Autrement dit, le continu peut-il être conçu comme ensemble bien ordonné ? À cette question, M. Cantor croit que l’on peut répondre par l’affirmative. Il me semble extrêmement désirable d’obtenir une démonstration directe de cette remarquable affirmation de M. Cantor, en assignant par exemple effectivement un ordre des nombres tel que dans tout ensemble partiel on puisse assigner un nombre précédant tous les autres.


II. — De la non-contradiction des axiomes de l’Arithmétique.

Lorsqu’il s’agit de poser les principes fondamentaux d’une science, l’on doit établir un système d’axiomes renfermant une description complète et exacte des relations entre les concepts élémentaires de cette science. Ces axiomes sont en même temps les définitions de ces concepts élémentaires ; aucune affirmation relative à la science dont nous examinons les principes fondamentaux ne sera admise comme exacte, à moins qu’on ne puisse la tirer des axiomes au moyen d’un nombre fini de déductions. Si l’on considère les choses plus exactement, la question suivante se pose : Certaines affirmations contenues dans des axiomes ne sont-elles pas dépendantes les unes des autres, et, par suite, ces axiomes ne renferment-ils pas des parties communes superflues que l’on doit supprimer si l’on veut obtenir un système d’axiomes complètement indépendants ?

Mais avant tout, parmi tant de questions soulevées par l’examen des axiomes, je regarde comme la plus importante celle-ci : Démontrer que les axiomes ne sont pas contradictoires ; c’est-à-dire démontrer qu’en se basant sur les axiomes l’on ne pourra jamais arriver à des résultats contradictoires au moyen d’un nombre fini de déductions logiques.

En Géométrie on démontre la non-contradiction des axiomes en construisant un domaine convenable de nombres tel qu’aux axiomes géométriques correspondent des relations analogues entre les nombres de ce domaine et tel, par conséquent, que toute contradiction dans les conclusions tirées des axiomes géométriques serait forcément reconnaissable dans l’arithmétique de ce domaine. De cette façon la non-contradiction des axiomes géométriques est ramenée à la démonstration de la non-contradiction des axiomes de l’Arithmétique.

Quant à la démonstration de la non-contradiction des axiomes de l’Arithmétique, elle demande à être effectuée par voie directe.

Les axiomes de l’Arithmétique ne sont pas essentiellement autre chose que les règles ordinaires du calcul auxquelles il faut ajouter l’axiome de continuité. Il n’y a pas longtemps, j’ai énuméré ces axiomes dans une courte Note[5] ; en même temps j’y ai remplacé l’axiome de la continuité par deux autres plus simples, à savoir : l’axiome connu d’Archimède, et un nouvel axiome énonçant que les nombres forment un système d’êtres qui n’est susceptible d’aucune extension, si l’on conserve intacts tous les autres axiomes (axiome d’intégrité)[6]. Or je suis persuadé que l’on peut trouver une démonstration directe de la non-contradiction des axiomes de l’Arithmétique en appliquant à ce but les méthodes de raisonnement connues dont on se sert dans la théorie des nombres irrationnels, après les avoir remaniées en leur faisant subir des modifications convenables.

Pour caractériser encore à un autre égard l’importance du problème, je ferai la remarque suivante : si l’on confère à quelque notion des attributs qui se contredisent, je dirai que, au point de vue mathématique, cette notion n’existe pas. Par exemple, en Mathématiques, il n’existe aucun nombre réel dont le carré soit égal à −1. Si l’on peut, au contraire, démontrer que les attributs conférés à une notion ne peuvent jamais, par l’application d’un nombre fini de déductions logiques, conduire à une contradiction, je dirai que l’on a ainsi démontré l’existence mathématique de la notion en question, par exemple l’existence d’un nombre ou d’une fonction remplissant certaines conditions. Dans le cas actuel où il s’agit des axiomes relatifs aux nombres réels de l’Arithmétique, la démonstration de la non-contradiction des axiomes de l’Arithmétique serait en même temps la démonstration de l’existence mathématique de l’ensemble de tous les nombres réels, c’est-à-dire du continu. De la sorte, si l’on obtenait une démonstration complète de la non-contradiction des axiomes, les objections qui ont été soulevées de temps à autre contre l’existence de la conception des nombres réels n’auraient aucune raison d’être. À vrai dire, l’ensemble de tous les nombres réels, c’est-à-dire le continu, envisagé comme nous le faisons ici, n’est pas, à proprement parler, la totalité de tous les développements possibles en fractions décimales ou l’ensemble de toutes les lois possibles suivant lesquelles peuvent procéder les éléments d’une série fondamentale : c’est plutôt un système d’êtres dont les relations mutuelles sont régies par les axiomes établis et pour lesquels sont vrais tous les faits, et ceux-là seuls, que l’on peut déduire de ces axiomes au moyen d’un nombre fini de déductions logiques. Ce n’est qu’en ce sens, selon moi, que la notion du continu est rigoureusement et logiquement concevable ; et il me semble effectivement que c’est ainsi que ce concept correspond le mieux à ce que nous donnent l’expérience et l’intuition. La notion du continu, et même celle de l’ensemble de toutes les fonctions, existe alors absolument au même sens qu’existe, par exemple, le système de tous les nombres rationnels, ou encore les classes de nombres et les puissances plus élevées de M. Cantor. Je suis, en effet, convaincu que l’existence de ces dernières conceptions, au sens que je viens d’indiquer, peut être tout aussi bien démontrée que l’existence du continu, tandis que c’est tout le contraire pour le système de toutes les puissances ou encore de tous les nombres aleph transfinis de M. Cantor, pour lequel on ne peut établir, au sens que j’ai indiqué, un système non contradictoire d’axiomes, et qui forment alors, par suite, une conception qui, suivant mon expression de tout à l’heure, n’a pas d’existence mathématique.

Dans le domaine des principes de la Géométrie, je citerai d’abord le problème suivant :


III. — De l’égalité en volume de deux tétraèdres de bases et de hauteurs égales.

Dans deux lettres adressées à Gerling, Gauss[7] exprime le regret que certains théorèmes de Stéréométrie dépendent de la méthode d’exhaustion ou, comme on dirait aujourd’hui, de l’axiome de continuité (ou de l’axiome d’Archimède). Gauss cite en particulier ce théorème d’Euclide, que deux pyramides triangulaires de même hauteur sont entre elles comme leurs bases. Le problème analogue relatif au plan est aujourd’hui complètement résolu[8]. Gerling[9] réussit à démontrer l’égalité des volumes de polyèdres symétriques en les décomposant en parties congruentes ; mais la démonstration, par ce moyen, du théorème précité d’Euclide dans le cas général, ne me semble guère possible. Il s’agirait donc alors d’une démonstration rigoureuse de l’impossibilité du problème. On serait immédiatement en possession d’une telle démonstration du moment que l’on pourrait assigner deux tétraèdres de bases et de hauteurs égales qu’il serait impossible de décomposer en tétraèdres congruents, et qui ne pourraient non plus, par l’addition de tétraèdres congruents, être transformés en polyèdres, eux-mêmes décomposables en tétraèdres congruents.


IV. — Problème de la ligne droite, plus court chemin d’un point à un autre.

C’est encore là un problème relatif aux principes fondamentaux de la Géométrie.

Si des axiomes nécessaires à l’édification de la Géométrie habituelle euclidienne, nous retranchons l’axiome des parallèles en supposant qu’il ne soit pas vérifié, mais que, au contraire, tous les autres le soient, nous obtenons, comme on le sait, la Géométrie (hyperbolique) de Lobatchefskij. En ce sens, nous pouvons dire que c’est une Géométrie qui se place à la suite de la Géométrie euclidienne. Si nous supposons, en outre, que l’axiome en vertu duquel de trois points d’une droite il en est toujours un et un seul situé entre les deux autres, cesse d’être vérifié, nous obtenons la Géométrie (elliptique) de Riemann, en sorte que celle-ci se manifeste comme une Géométrie placée à la suite de celle de Lobatchefskij.

Si, d’une manière analogue, nous voulons examiner les principes dans le cas de l’axiome d’Archimède, nous n’avons qu’à supposer que cet axiome n’est pas vérifié et nous obtenons alors les Géométries non archimédiennes dont M. Veronese et moi nous avons fait l’étude. Or, une question plus générale qui se présente ensuite est celle de savoir si l’on pourrait encore, en partant d’autres points de vue, édifier des Géométries qui, avec non moins de droit que les précédentes, se placeraient à la suite de la Géométrie euclidienne habituelle. À cet effet, j’attirerai votre attention sur un théorème que beaucoup d’auteurs d’ailleurs ont pris comme définition de la ligne droite, à savoir que la ligne droite est le plus court chemin d’un point à un autre. Cet énoncé se réduit essentiellement à ce théorème d’Euclide que, dans un triangle, la somme de deux côtés est toujours plus grande que le troisième ; il est facile de voir que, dans ce théorème, il ne s’agit que de concepts élémentaires, c’est-à-dire dérivant immédiatement des axiomes ; il est, par suite, d’une discussion plus abordable que la proposition en question de la droite plus court chemin. Euclide démontre ce théorème au moyen de la proposition de l’angle extérieur en s’appuyant sur les théorèmes de congruence. Or, il est aisé de se convaincre que la démonstration du théorème d’Euclide en question est impossible si l’on invoque uniquement les théorèmes de congruence relatifs au transport de segments et d’angles, et l’on voit qu’il est nécessaire, en outre, d’employer dans la démonstration un théorème de la congruence des triangles. Alors cette question se présente : Existe-t-il une Géométrie où sont vérifiés tous les axiomes de la Géométrie euclidienne habituelle et, en particulier, tous les axiomes de congruence, sauf l’axiome de congruence de triangles dont il vient d’être parlé (c’est-à-dire encore une Géométrie où ne sera pas vérifié le théorème d’après lequel les angles à la base d’un triangle isoscèle sont égaux) et où, de plus, le théorème que, dans tout triangle, la somme de deux côtés est plus grande que le troisième, est posé comme un axiome particulier ?

Or, l’on reconnaît qu’une telle Géométrie existe effectivement, et n’est pas autre que celle exposée par M. Minkowski dans son livre, Geometrie der Zahlen[10], et prise par lui comme base de ses recherches arithmétiques. La Géométrie de Minkowski est donc aussi une Géométrie qui se place à la suite de la Géométrie euclidienne habituelle ; elle est essentiellement caractérisée par les conventions suivantes :

Premièrement, les points à égale distance d’un point fixe O sont représentés par une surface convexe fermée de l’espace euclidien habituel et dont le centre est le point O ;

Secondement, deux segments sont encore dits égaux quand on peut les faire coïncider au moyen d’une translation de l’espace euclidien habituel.

Dans la Géométrie de Minkowski, l’axiome des parallèles est vérifié. Dans une Note[11] que j’ai publiée sur le théorème relatif à la droite chemin le plus court d’un point à un autre, je suis parvenu à une Géométrie où l’axiome des parallèles n’est pas vérifié, tandis que tous les autres axiomes de la Géométrie de Minkowski le sont. En raison du rôle important joué par le théorème de la ligne droite plus court chemin d’un point à un autre, ainsi que par le théorème d’Euclide sur la somme de deux côtés d’un triangle, qui est essentiellement équivalent, non seulement dans la théorie des nombres, mais encore dans la théorie des surfaces et le Calcul des variations, et comme je suis convaincu qu’une discussion approfondie des conditions relatives à la validité de ces théorèmes jetterait également un nouveau jour sur le concept de distance ainsi que sur d’autres notions élémentaires, par exemple sur la définition du plan et sur la possibilité de le définir au moyen du concept de droite, il me semble désirable que l’on fasse une discussion et une exposition systématique des Géométries possibles ici.

Dans le cas du plan et en admettant l’axiome de continuité, le problème dont il s’agit conduit à la question traitée par M. Darboux[12] : Déterminer tous les problèmes du Calcul des variations dans le plan où les solutions sont toutes les droites du plan ; question qui me semble susceptible et digne de généralisations fécondes et intéressantes[13].


V. — De la notion des groupes continus de transformations de Lie, en faisant abstraction de l’hypothèse que les fonctions définissant les groupes sont susceptibles de différentiation.

On sait qu’en employant la notion des groupes continus de transformation, Lie a établi un système d’axiomes pour la Géométrie, et a démontré au moyen de sa théorie des groupes continus de transformations que ce système d’axiomes suffit pour édifier la Géométrie.

Or, dans l’exposition de sa théorie, Lie suppose toujours que les fonctions définissant les groupes sont susceptibles de différentiation ; alors que rien dans ces développements ne nous dit si, dans la question des axiomes de la Géométrie, cette hypothèse relative à la différentiation est de toute nécessité, ou si elle ne serait pas plutôt une conséquence du concept de groupes ainsi que des autres axiomes géométriques employés. Cette considération, ainsi que certains problèmes relatifs aux axiomes arithmétiques, nous mènent à cette question plus générale : Jusqu’à quel point le concept de groupes continus de transformations de Lie est-il accessible, si l’on rejette l’hypothèse que les fonctions en question sont susceptibles de différentiation ?

On sait que Lie définit le groupe fini continu de transformations comme un système de transformations

tel que deux transformations quelconques

du système, opérées l’une après l’autre, fournissent une transformation appartenant également au système et, par suite, représentable sous la forme

,

sont certaines fonctions de . La propriété de groupe se trouve ainsi exprimée par un système d’équations fonctionnelles et ne soumet donc les fonctions à aucune autre restriction. Maintenant la méthode de traitement par Lie de ces équations fonctionnelles, à savoir la dérivation des équations différentielles connues dont on part, présuppose nécessairement la continuité des fonctions définissant le groupe ainsi que la possibilité de les différentier.

Quant à la continuité, on devra conserver d’abord cette condition, quand ce ne serait qu’eu égard aux applications géométriques et arithmétiques où la continuité des fonctions en question apparaît comme conséquence de l’axiome de continuité. Au contraire, la possibilité de différentier les fonctions définissant les groupes renferme une condition que l’on ne peut exprimer dans les axiomes géométriques que d’une façon bien détournée et bien compliquée, et il se présente alors cette question : Ne serait-il pas toujours possible, par l’introduction de nouvelles variables et de paramètres convenablement choisis, de ramener le groupe à un autre où les fonctions qui le définissent seraient susceptibles de différentiation ? Ou encore ne serait-il pas au moins possible, au moyen de l’introduction de certaines hypothèses simples, de ramener le groupe à un autre qui serait accessible aux méthodes de Lie ? La réduction aux groupes analytiques est, d’après un théorème énoncé par Lie[14] et démontré par Schur[15], toujours possible, pourvu que le groupe soit transitif et pourvu que l’on admette l’existence des dérivées premières et de certaines dérivées secondes des fonctions définissant le groupe.

L’étude des questions analogues dans le cas des groupes infinis est intéressante aussi, ce me semble. On est alors, en général, conduit au champ vaste et non sans intérêt des équations fonctionnelles. Celles-ci, jusqu’ici, ont été surtout étudiées dans l’hypothèse de la possibilité de différentier les fonctions qui s’y rapportent. En particulier les équations fonctionnelles, traitées avec tant de perspicacité par Abel[16], les équations aux différences finies, et d’autres équations déjà rencontrées ne nous apprennent rien par elles-mêmes sur cette condition de la possibilité de différentier les fonctions en question ; ce sont certaines démonstrations d’existence dans le calcul des variations qui m’ont directement imposé ce problème : tirer d’une équation aux différences la démonstration de la possibilité de différentier la fonction considérée. Dans tous ces cas on est donc conduit à cette question : Jusqu’à quel point les affirmations admissibles dans le cas où l’on suppose les fonctions susceptibles de différentiation conservent-elles, avec certaines modifications convenables, leur validité dans le cas où l’on rejette cette hypothèse ?

Remarquons d’ailleurs que M. Minkowski, dans sa Géométrie des nombres précitée, prend comme point de départ l’équation fonctionnelle

et parvient, au moyen de cette équation, à démontrer l’existence de certaines dérivées pour les fonctions en question.

D’autre part, je ferai remarquer qu’il peut très bien exister des équations fonctionnelles analytiques dont les seules solutions sont des fonctions non susceptibles de différentiation. Ainsi, on peut construire une fonction uniforme et continue, non susceptible de différentiation et qui représente l’unique solution des deux équations fonctionnelles

et sont deux nombres réels et où désigne une fonction uniforme analytique et régulière pour toutes les valeurs réelles de . La manière la plus simple de construire de pareilles fonctions, c’est d’employer des séries trigonométriques en se servant d’idées analogues à celles que M. Borel a appliquées, ainsi que M. Picard[17] nous l’apprend, à la construction d’une solution non analytique, doublement périodique d’une certaine équation analytique aux dérivées partielles.


VI. — Le traitement mathématique des axiomes de la Physique.

Les recherches sur les principes fondamentaux de la Géométrie nous conduisent à envisager ce problème : Traiter sur ce modèle les branches de la Physique où les Mathématiques jouent aujourd’hui un rôle prépondérant ; ces branches de la Science sont, avant toutes autres, le Calcul des Probabilités et la Mécanique.

Quant aux axiomes du Calcul des probabilités[18], il me semblerait très désirable que l’on en fît la discussion logique en même temps qu’en Physique mathématique on développerait parallèlement d’une manière rigoureuse et satisfaisante la méthode des valeurs moyennes, et cela tout particulièrement dans la théorie cinétique des gaz.

Quant aux principes de la Mécanique, nous possédons déjà au point de vue physique des recherches d’une haute portée ; je citerai, par exemple, les écrits de MM. Mach[19], Hertz[20], Boltzmann[21] et Volkmann[22]. Il serait aussi très désirable qu’un examen approfondi des principes de la Mécanique fût alors tenté par les mathématiciens. Ainsi le Livre de M. Boltzmann sur les Principes de la Mécanique nous incite à établir et à discuter au point de vue mathématique d’une manière complète et rigoureuse les méthodes basées sur l’idée de passage à la limite, et qui de la conception atomique nous conduisent aux lois du mouvement des continua. Inversement on pourrait, au moyen de méthodes basées sur l’idée de passage à la limite, chercher à déduire les lois du mouvement des corps rigides d’un système d’axiomes reposant sur la notion d’états d’une matière remplissant tout l’espace d’une manière continue, variant d’une manière continue et que l’on devra définir paramétriquement.

Quoi qu’il en soit, c’est la question de l’équivalence des divers systèmes d’axiomes qui présentera toujours l’intérêt le plus grand quant aux principes.

Pour que l’exemple de la Géométrie soit applicable au traitement des axiomes de la Physique, nous devons chercher à renfermer une classe aussi générale que possible de phénomènes physiques dans un nombre restreint d’axiomes ; puis, au moyen de l’addition de nouveaux axiomes, il faut parvenir successivement aux théories plus particulières. Peut-être pourrait-on ici emprunter un principe de subdivision à cette profonde Théorie des groupes infinis de transformations de Lie. Le mathématicien, de même qu’en Géométrie, devra ici aussi avoir égard, non seulement aux théories qui se rapprochent de la réalité, mais encore en général à toutes celles qui sont logiquement possibles, et il devra toujours soigneusement chercher à obtenir une vue d’ensemble complète sur toutes les conséquences qu’entraîne le système d’axiomes choisi.

Enfin, pour compléter les théories physiques, le mathématicien devra attaquer le problème qui consiste en chaque cas à examiner si le nouvel axiome ajouté n’est pas en contradiction avec les précédents. Le physicien se voit souvent obligé, par le résultat de ses expériences, de faire de nouvelles hypothèses, et cela même pendant le développement de ses théories, et il invoque alors au sujet de la non-contradiction des nouvelles hypothèses avec les précédentes, ces expériences précisément, ou encore un certain sentiment physique. Ce sont là des procédés qui ne sont pas admissibles dans l’édification rigoureusement logique d’une théorie. La démonstration requise de la non-contradiction de toutes les hypothèses faites me semble encore d’une grande importance par la raison que l’effort nécessité par cette démonstration conduit toujours de la manière la plus effective à un énoncé exact des axiomes mêmes.

Jusqu’ici nous avons exclusivement examiné les principes fondamentaux des diverses branches de la Science mathématique. Il est certain que l’étude et la discussion des principes d’une science possèdent un charme particulier et l’examen de ces principes sera toujours un des plus importants sujets de recherches. « Le but final », a dit Weierstrass, « que l’on doit avoir devant les yeux est la recherche d’un jugement exact sur les principes fondamentaux de la science… Pour pénétrer dans le domaine de la Science il est, sans doute, indispensable aussi de s’occuper de problèmes particuliers. » En effet, pour pouvoir examiner avec fruit les principes d’une science, il faut être familiarisé avec ses théories particulières ; seul, l’architecte qui connaît à fond, dans tous leurs détails, les diverses destinations d’un bâtiment, sera capable d’en poser sûrement les fondations. Nous allons donc maintenant passer en revue des problèmes spéciaux dans les diverses branches de la Mathématique, et nous commencerons par l’Arithmétique et l’Algèbre.


VII. — Irrationalité et transcendance de certains nombres.

Les théorèmes arithmétiques de M. Hermite sur la fonction exponentielle et leur extension par M. Lindemann feront certainement l’admiration de toutes les générations futures de mathématiciens. Cette admiration accroît encore notre désir de continuer dans cette voie. C’est ce qu’a fait M. Hurwitz dans deux intéressants travaux sur les propriétés arithmétiques de certaines fonctions transcendantes[23]. Aussi indiquerai-je ici une classe de problèmes qui me semblent devoir être attaqués les premiers. Lorsque nous savons de certaines fonctions transcendantes importantes de l’Analyse qu’elles prennent des valeurs algébriques pour certains arguments algébriques, cela nous semble toujours particulièrement remarquable et digne d’une étude approfondie. Nous nous attendons toujours à voir les fonctions transcendantes prendre, en général, pour des arguments algébriques des valeurs transcendantes, et quoique l’on sache bien qu’il existe des fonctions transcendantes entières possédant des valeurs rationnelles pour tous leurs arguments algébriques, néanmoins nous regardons comme extrêmement probable que la fonction exponentielle , par exemple, qui, pour toutes les valeurs rationnelles de l’argument prend évidemment toujours des valeurs algébriques, prenne d’autre part, pour toutes les valeurs irrationnelles algébriques de l’argument , des valeurs toujours transcendantes. Nous pouvons donner à cet énoncé la forme géométrique suivante : Lorsque, dans un triangle isoscèle, le rapport entre l’angle à la base et l’angle au sommet est algébrique, mais non rationnel, le rapport entre la base et l’autre côté sera toujours transcendant. Malgré la simplicité de cet énoncé et sa ressemblance avec les propositions découvertes par MM. Hermite et Lindemann, j’en regarde la démonstration comme extrêmement difficile, et il en sera de même de la proposition suivante : La puissance , pour une base algébrique et un exposant algébrique irrationnel , comme par exemple le nombre ou , représente toujours un nombre transcendant ou pour le moins irrationnel. Il est certain que la résolution de ces problèmes et d’autres analogues doit conduire à des méthodes nouvelles, ainsi qu’à de nouveaux points de vue relativement à la nature de nombres irrationnels et transcendants particuliers.


VIII. — Problèmes sur les nombres premiers.

La théorie de la distribution des nombres premiers a reçu, dans ces derniers temps, une impulsion essentielle sous l’influence des travaux de MM. Hadamard, de la Vallée-Poussin, H. von Mangoldt et autres. Pour résoudre complètement le problème posé dans le Mémoire de Riemann Sur le nombre des nombres premiers inférieurs à une quantité donnée, il est encore nécessaire de démontrer l’affirmation si importante de Riemann que les zéros de la fonction , qui est représentée par la série

,

ont tous leur partie réelle égale à , abstraction faite des zéros connus, qui sont des nombres entiers négatifs. Une fois cette démonstration obtenue, le problème ultérieur sera la discussion plus précise de la série infinie de Riemann pour le nombre des nombres premiers, et il faudra en particulier reconnaître si la différence entre le nombre des nombres premiers inférieurs à une quantité et le logarithme intégral de devient effectivement infinie avec d’un ordre inférieur à  ; il faudrait ensuite reconnaître si les termes de la formule de Riemann qui dépendent des premiers zéros complexes de la fonction sont la cause véritable de la condensation par places des nombres premiers, remarquée dans les dénombrements empiriques.

Après avoir épuisé ce sujet de la discussion de la formule de Riemann relative aux nombres premiers, on pourrait peut-être donner une réponse rigoureuse au problème de Goldbach[24] où l’on se demande si tout nombre pair est représentable par une somme de deux nombres premiers ; vient ensuite cette question connue : Y a-t-il une infinité de couples de nombres premiers ayant comme différence le nombre 2 ? Et ce problème plus général : L’équation linéaire de Diophante

,

où les coefficients sont des nombres entiers donnés dont deux sont premiers entre eux, est-elle toujours résoluble en nombres entiers premiers  ?

Mais un problème d’intérêt non moindre et qui me semble peut-être d’une importance encore plus considérable est le suivant : Transporter les résultats obtenus pour la distribution des nombres premiers rationnels à la théorie de la distribution des idéaux premiers d’un corps de nombres donné . C’est là un problème qui revient à l’étude de la fonction

,

relative au corps , et où la somme doit être étendue à tous les idéaux du corps de nombres donné , et où désigne la norme de l’idéal .

Je citerai encore trois problèmes particuliers de la Théorie des nombres, à savoir un problème sur les lois de réciprocité, un autre sur les équations de Diophante, enfin le dernier appartenant au domaine des formes quadratiques.


IX. — Démonstration de la loi de réciprocité la plus générale dans un corps de nombres quelconque.

On demande de démontrer dans le cas d’un corps de nombres quelconque la loi de réciprocité des résidus de puissances de degré , désignant un nombre premier impair, ou encore désignant soit une puissance de 2, soit une puissance d’un nombre premier impair. On pourra, je crois, établir la loi et découvrir les méthodes essentielles nécessaires à la démontrer, en généralisant convenablement la théorie que j’ai développée[25] à propos du corps des racines ièmes de l’unité et ma théorie[26] des corps relativement quadratiques.


X. — De la possibilité de résoudre une équation de Diophante.

On donne une équation de Diophante à un nombre quelconque d’inconnues et à coefficients entiers rationnels : On demande de trouver une méthode par laquelle, au moyen d’un nombre fini d’opérations, on pourra distinguer si l’équation est résoluble en nombres entiers rationnels.


XI. — Des formes quadratiques à coefficients algébriques quelconques.

Nos connaissances actuelles dans la Théorie des corps quadratiques[27] nous permettent d’attaquer avec fruit la Théorie des formes quadratiques à un nombre quelconque de variables et dont les coefficients sont des nombres algébriques quelconques. Nous sommes conduits alors à cette question des plus intéressantes : Étant donnée une équation quadratique à nombre quelconque de variables et à coefficients algébriques, la résoudre en nombres entiers ou fractionnaires faisant partie des domaines algébriques de rationalité déterminés par les coefficients.

Le problème important qui suit servira de trait d’union entre la Théorie des nombres, d’une part, et l’Algèbre et la Théorie des fonctions, d’autre part.


XII. — Extension du théorème de Kronecker sur les corps abéliens à un domaine de rationalité algébrique quelconque.

C’est à Kronecker que l’on doit ce théorème que tout corps de nombres abélien dans le domaine des nombres rationnels est engendré par composition de corps de racines de l’unité. Ce théorème fondamental de la théorie des équations à coefficients numériques entiers renferme deux affirmations :

Premièrement, le théorème répond à la question relative au nombre et à l’existence des équations qui, dans le domaine des nombres rationnels, ont un degré, un groupe abélien et un discriminant assignés.

Secondement, le théorème nous dit que les racines de telles équations constituent un domaine de nombres algébriques qui coïncide exactement avec le domaine que l’on obtient lorsque, dans la fonction exponentielle , on donne successivement à l’argument toutes les valeurs numériques rationnelles.

La première affirmation soulève la question de la détermination de certains nombres algébriques au moyen de leur groupe et de leur ramification ; cette question correspond donc au problème connu de la détermination des fonctions algébriques appartenant à une surface de Riemann donnée.

La seconde affirmation fournit les nombres demandés par un moyen transcendant, à savoir, au moyen de la fonction exponentielle .

Après le domaine des nombres rationnels, le plus simple est celui du corps imaginaire quadratique ; le problème qui se présente d’abord est donc celui d’étendre à ce corps le théorème de Kronecker. Kronecker lui-même a affirmé que les équations abéliennes dans le domaine d’un corps quadratique sont fournies par les équations de transformation des fonctions elliptiques à module singulier, en sorte qu’ici les fonctions elliptiques jouent le rôle occupé, dans le cas précédent, par la fonction exponentielle. La démonstration de cette affirmation de Kronecker n’a pas encore été effectuée ; je crois que l’on peut y arriver, sans rencontrer de difficultés insurmontables, en s’appuyant sur la théorie de la multiplication complexe développée par M. Weber[28], en même temps que sur les théorèmes purement arithmétiques que j’ai établis sur les classes de corps.

Enfin, ce qui me semble d’une importance capitale, c’est l’extension du théorème de Kronecker au cas où, au lieu du domaine des nombres rationnels ou bien des nombres du corps imaginaire quadratique, on prend, comme domaine de rationalité, un corps de nombres algébriques quelconques.

Je regarde ce problème comme un des plus profonds et des plus importants de toute la théorie des nombres et des fonctions.

Ce problème paraît abordable d’une foule de côtés. La clef la plus capable de nous ouvrir la voie à la solution de la partie arithmétique du problème est, selon moi, la loi générale de réciprocité des résidus de puissances ièmes dans un corps de nombres quelconque assigné.

Quant à la partie du problème qui est relative à la Théorie des fonctions, le chercheur se laissera conduire dans ce domaine si attrayant par les remarquables analogies que l’on observe entre la Théorie des fonctions algébriques d’une variable et celle des nombres algébriques. L’analogue du développement en série de puissances d’une fonction algébrique, dans la Théorie des nombres, a été établi et étudié par M. Hensel[29] ; quant à l’analogue du théorème de Riemann-Roch, il a été traité par M. Landsberg[30]. Ensuite l’analogie entre la notion du genre d’une surface de Riemann et la notion du nombre des classes d’un corps de nombres saute aux yeux. Pour ne parler que du cas le plus simple, considérons, d’une part, une surface de Riemann de genre , et, d’autre part, un corps de nombres où le nombre des classes est  ; alors à la démonstration de l’existence d’une intégrale partout finie sur la surface de Riemann correspond la démonstration de l’existence d’un nombre entier dans le corps de nombres tel que le nombre représente un corps non ramifié relativement quadratique par rapport au corps de base. Dans la Théorie des fonctions algébriques on sait que, pour démontrer ce théorème d’existence riemannien, on emploie la méthode du problème de Dirichlet ; de même, dans la Théorie des corps de nombres, c’est la démonstration de l’existence du nombre qui présente aussi la difficulté principale. La démonstration s’appuie essentiellement sur le théorème que dans un corps de nombres il existe toujours des idéaux premiers possédant des caractères résiduels assignés. Ce dernier fait joue par suite, dans la Théorie des nombres, un rôle analogue à celui que joue le problème de Dirichlet dans la Théorie des fonctions.

Dans la Théorie des fonctions l’équation du théorème d’Abel énonce, comme on sait, la condition nécessaire et suffisante pour que les points en question de la surface de Riemann soient les zéros d’une fonction algébrique appartenant à la surface. L’analogue précis du théorème d’Abel, dans la Théorie des corps de nombres, où le nombre des classes est , est l’équation de la loi de réciprocité quadratique[31]

,

qui nous dit que l’idéal sera un idéal principal du corps de nombres, au seul et unique cas où le nombre possède par rapport à l’idéal un caractère résiduel quadratique positif.

Nous voyons que, dans les problèmes que nous venons d’examiner, les trois branches fondamentales des Mathématiques, à savoir la Théorie des nombres, l’Algèbre et la Théorie des fonctions, sont dans le rapport le plus intime, et je suis convaincu que la Théorie des fonctions analytiques de plusieurs variables ferait un progrès essentiel si l’on arrivait à la découverte et l’étude des fonctions qui, dans un corps de nombres algébriques quelconque donné, jouent le rôle analogue à celui joué, dans le corps des nombres rationnels, par la fonction exponentielle, et, dans le corps imaginaire quadratique, par la fonction modulaire elliptique.

Nous arrivons maintenant à l’Algèbre ; je parlerai dans ce qui suit d’un problème de la Théorie des équations, et d’un autre problème auquel m’a conduit la Théorie des invariants algébriques.


XIII. — Impossibilité de la résolution de l’équation générale du septième degré au moyen de fonctions de deux arguments seulement.

La Nomographie[32] a pour but la résolution des équations au moyen du tracé de réseaux de courbes qui dépendent d’un paramètre arbitraire. On voit immédiatement que toute racine d’une équation dont les coefficients dépendent de deux paramètres seulement, c’est-à-dire que toute fonction de deux variables indépendantes, est représentable d’une foule de manières, d’après ce principe de la Nomographie. Enfin, il est évident que ce principe, qui ne comporte l’emploi d’aucun élément mobile, permet de représenter une grande classe de fonctions de trois variables et plus, à savoir toutes les fonctions que l’on peut obtenir en construisant d’abord une fonction de deux arguments, puis en remplaçant chacun de ces arguments par une fonction de deux arguments, ces derniers à leur tour étant encore remplacés par des fonctions de deux arguments et ainsi de suite, en formant ainsi un enchaînement fini de fonctions de deux arguments. Par exemple, toute fonction rationnelle d’un nombre quelconque d’arguments appartient à cette classe de fonctions que l’on peut construire au moyen de tables nomographiques ; en effet, cette fonction peut être construite par addition, soustraction, multiplication et division, et chacune de ces opérations ne représente qu’une fonction de deux arguments. On voit de même que les racines de toutes les équations résolubles par radicaux dans un domaine naturel de rationalité appartiennent à la classe précitée de fonctions ; en effet, aux quatre opérations élémentaires on ne fait qu’ajouter l’opération d’extraction de racines, qui représente uniquement une fonction d’un argument. Semblablement, les équations du cinquième et du sixième degré sont résolubles par le moyen de Tables nomographiques convenables ; en effet, ces équations, par le moyen de transformations de Tschirnausen, qui elles-mêmes n’exigent que l’extraction de racines, peuvent être mises sous une forme où les coefficients ne dépendent que de deux paramètres.

Or il est probable que les racines des équations du septième degré sont des fonctions de leurs coefficients qui n’appartiennent pas à la classe susdite des fonctions que l’on peut construire par le moyen d’un enchaînement fini de fonctions de deux arguments. Pour le prouver, il serait nécessaire de démontrer que l’équation du septième degré

est impossible à résoudre au moyen de fonctions continues quelconques de deux arguments seulement.

Je remarquerai seulement qu’un examen rigoureux m’a prouvé qu’il existe des fonctions analytiques de trois arguments impossibles à obtenir au moyen d’enchaînements en nombre fini de fonctions de deux arguments seulement[33].


XIV. — Démontrer que certains systèmes de fonctions sont finis.

Dans la Théorie des invariants algébriques, il me semble que les questions où il s’agit de savoir si les systèmes de formes complets sont finis présentent un intérêt particulier. Dernièrement, M. L. Maurer[34] a réussi à étendre les théorèmes en question relatifs à la Théorie des invariants démontrés par M. Gordan et par moi, au cas où ce n’est pas, comme dans la Théorie usuelle des invariants, le groupe général projectif qui est pris comme base de la définition des invariants, mais un sous-groupe quelconque.

Un progrès essentiel dans cette direction avait déjà été effectué par M. A. Hurwitz[35] lorsqu’il parvint, par une méthode des plus ingénieuses, à démontrer d’une manière générale que le nombre des invariants orthogonaux d’une forme fondamentale quelconque est fini.

En m’occupant de cette question du nombre fini des invariants, j’ai été conduit à un problème simple qui renferme comme cas particulier la question susdite et dont la solution exige probablement un développement de la Théorie de l’élimination et des systèmes de modules de Kronecker, poussé beaucoup plus loin qu’on n’a réussi à le faire jusqu’à présent.

Supposons que l’on ait assigné un nombre de fonctions rationnelles entières des variables ,

(S)

Toute liaison rationnelle entière entre , où l’on introduira les expressions ci-dessus, sera nécessairement une fonction rationnelle de . Cependant, il peut aussi très bien se faire qu’il y ait des fonctions rationnelles fractionnaires de qui, après l’opération des substitutions (S), deviendront des fonctions entières en . Une telle fonction rationnelle de qui, après que l’on aura effectué les substitutions (S), sera devenue une fonction entière en , je la nommerai une fonction relativement entière de . Il est évident que toute fonction entière de est aussi relativement entière ; enfin, la somme, la différence et le produit de fonctions relativement entières sont également des fonctions relativement entières.

Le problème qui se présente alors est celui-ci : Est-il toujours possible de trouver un système fini de fonctions relativement entières de avec lesquelles on puisse composer d’une manière rationnelle entière toute autre fonction relativement entière de  ? On peut formuler le problème encore plus simplement, si l’on introduit la notion de domaine fini d’intégrité.

Par domaine fini d’intégrité, j’entends un système de fonctions tel que l’on puisse toujours y choisir un nombre fini de fonctions à l’aide desquelles toutes les autres fonctions du système soient exprimables d’une manière rationnelle entière. Notre problème revient donc à démontrer que toutes les fonctions relativement entières d’un domaine quelconque de rationalité forment toujours un domaine fini d’intégrité.

Nous sommes enfin conduits à rendre le problème encore plus précis en le faisant rentrer dans la pure théorie des nombres ; on regardera, dans ce cas, les coefficients des fonctions données comme étant des nombres entiers rationnels et, par fonctions relativement entières de , on entendra seulement des fonctions rationnelles de ces arguments, telles que, après l’opération des substitutions (S), elles deviennent des fonctions rationnelles entières de à coefficients rationnels entiers.

Un cas particulièrement simple du problème ainsi précisé est celui-ci : Soient , fonctions rationnelles entières à coefficients rationnels entiers de l’unique variable , et soit un nombre premier donné. Considérons le système des fonctions rationnelles entières de , qui peuvent être mises sous la forme

,

désigne une fonction rationnelle entière de ses arguments et où est une puissance quelconque du nombre premier . Des recherches que j’ai publiées autrefois dans les Math. Annalen, t. XXXVI, p. 485, font voir immédiatement que toutes les expressions de cette nature forment, pour chaque exposant déterminé , un domaine fini d’intégrité ; mais il s’agit ici de savoir s’il en est de même pour tous les exposants , c’est-à-dire qu’il s’agit de savoir si l’on peut choisir un nombre fini de pareilles expressions au moyen desquelles toute autre expression de cette forme peut être exprimée d’une manière entière et rationnelle pour un exposant quelconque.


Je mentionnerai maintenant deux problèmes qui font partie de ce domaine intermédiaire qui confine à l’Algèbre et à la Géométrie : l’un est relatif à la Géométrie énumérative, l’autre à la Topologie des courbes et des surfaces algébriques.


XV. — Établissement rigoureux de la Géométrie énumérative de Schubert.

Le problème est le suivant :

Détermination rigoureuse des nombres de la Géométrie énumérative, et cela en fixant d’une manière plus précise les limites de leur validité, et, en particulier, des nombres que Schubert[36] a trouvés en s’appuyant sur le principe de son calcul énumératif, dit de la position spéciale ou de la conservation du nombre.

Bien que l’Algèbre moderne regarde, en principe, comme possibles à effectuer les calculs des procédés d’élimination, les démonstrations des théorèmes de la Géométrie énumérative exigent des considérations ultérieures, savoir : on doit effectuer les éliminations relatives à certaines équations de forme particulière, en sorte que le degré des équations finales soit possible à prévoir, ainsi que les ordres de multiplicité de leurs solutions.


XVI. — Problèmes de topologie des courbes et des surfaces algébriques.

Le nombre maximum des branches fermées et séparées que peut posséder une courbe plane algébrique d’ordre a été déterminé par Harnack[37] ; reste la question de la situation mutuelle qu’occupent entre elles dans le plan les branches d’une courbe. En ce qui concerne les courbes du sixième ordre, je suis parvenu à prouver[38], en entrant, il est vrai, dans beaucoup de détails, que les onze branches que peut avoir une courbe du sixième ordre, d’après Harnack, ne peuvent jamais avoir leurs cours tous séparés et qu’il doit, au contraire, exister une branche à l’intérieur de laquelle se trouve une branche unique, tandis que les neuf autres ont leurs cours à son extérieur, et réciproquement. Une étude approfondie des positions relatives des branches séparées dans le cas de leur nombre maximum me semble présenter un grand intérêt, et il en est de même de la recherche analogue relative au nombre, à la forme et à la position relative des nappes d’une surface algébrique dans l’espace. Jusqu’ici d’ailleurs l’on ne sait absolument rien sur le nombre maximum effectif de nappes que peut avoir une surface du quatrième ordre de l’espace à trois dimensions[39].

Comme suite à ce problème purement algébrique, j’attirerai l’attention sur la question suivante, qui me semble pouvoir être attaquée au moyen de la méthode de la variation continue des coefficients ; la réponse à cette question est d’ailleurs importante pour la topologie des familles de courbes définies par des équations différentielles : Déterminer le nombre maximum et la situation relative des cycles limites de M. Poincaré dans le cas d’une équation différentielle du premier ordre et du premier degré de la forme

,

désignent des fonctions rationnelles entières de degré , de , ou, en employant l’écriture homogène, de la forme

,

désignent des fonctions rationnelles entières et homogènes de degré , de , ces fonctions devant être déterminées comme fonctions du paramètre.


XVII. — Représentation des formes définies par des sommes de carrés.

Une fonction ou forme rationnelle entière à nombre quelconque de variables et à coefficients réels est dite définie lorsqu’elle ne prend jamais de valeurs négatives pour aucune valeur réelle des variables. Le système de toutes les formes définies se comporte d’une manière invariante vis-à-vis des opérations de l’addition et de la multiplication ; le quotient de deux fonctions définies, tant que c’est une fonction entière des variables, est une forme définie. Le carré d’une forme quelconque est évidemment toujours une forme définie, mais, ainsi que je l’ai démontré[40], une forme définie quelconque ne peut pas toujours être composée par addition au moyen de carrés de formes ; il se présente alors cette question, que j’ai résolue dans le sens affirmatif dans le cas des formes ternaires[41] : Une forme définie quelconque peut-elle être toujours représentée comme quotient de sommes de carrés de formes ? Il serait en même temps extrêmement utile de savoir, dans certaines questions relatives à la possibilité de certaines constructions géométriques, si les coefficients des formes représentantes peuvent être toujours pris dans le domaine de rationalité donné par les coefficients de la forme représentée[42].


Je citerai encore un problème géométrique.


XVIII. — Partition de l’espace en polyèdres congruents.

Dans les questions où il s’agit de ces groupes de déplacements dans le plan, pour lesquels il existe une région fondamentale, on sait que la réponse est très différente suivant que l’on considère le plan (elliptique) de Riemann, le plan (parabolique) d’Euclide, ou le plan (hyperbolique) de Lobatchefskij. Dans le cas du plan elliptique, le nombre des régions fondamentales d’une espèce essentiellement différente est fini, et il suffit d’un nombre fini d’exemplaires de régions congruentes pour recouvrir sans lacunes le plan tout entier : le groupe est constitué par un nombre fini de déplacements. Dans le cas du plan hyperbolique, le nombre de régions fondamentales d’une espèce essentiellement différente est infini : ce sont les célèbres polygones de M. Poincaré ; pour recouvrir sans lacunes le plan tout entier, il faut un nombre infini d’exemplaires de régions congruentes. C’est le plan parabolique euclidien qui forme le cas intermédiaire ; en effet, dans ce cas il n’existe qu’un nombre fini d’espèces essentiellement différentes de groupes de déplacements à région fondamentale, tandis que pour recouvrir sans lacunes le plan tout entier il faut un nombre infini d’exemplaires de régions congruentes.

Des faits complètement analogues ont lieu dans l’espace à trois dimensions. Le fait que le nombre des groupes de déplacements dans l’espace elliptique est fini est une conséquence immédiate d’un théorème de M. C. Jordan[43], en vertu duquel le nombre des espèces essentiellement distinctes de groupes finis de substitutions linéaires à variables ne peut dépasser une certaine limite finie dépendant de . Les groupes de déplacements à région fondamentale dans l’espace hyperbolique ont été étudiés par MM. Klein et Fricke dans les Leçons sur la théorie des fonctions automorphes[44] ; enfin MM. Feodorow[45], Schœnflies[46], et dernièrement M. Rohn[47] ont démontré que, dans l’espace parabolique d’Euclide, il n’y a qu’un nombre fini d’espèces essentiellement différentes de groupes de déplacements à région fondamentale. Or, tandis que les résultats et les méthodes de démonstrations relatives aux espaces elliptiques et hyperboliques s’étendent immédiatement aux espaces à dimensions, il semble, au contraire, que la généralisation du théorème relatif à l’espace euclidien présente des difficultés considérables ; il serait donc à désirer que l’on se proposât cette recherche : Reconnaître si, dans l’espace euclidien à dimensions, il n’existe qu’un nombre fini d’espèces différentes de groupes de déplacements à région fondamentale.

Une région fondamentale de chaque groupe de déplacements, jointe aux régions congruentes provenant du groupe, fournit évidemment un recouvrement sans lacunes de l’espace tout entier. Alors se pose la question suivante : Existe-t-il aussi des polyèdres qui ne se présentent pas comme régions fondamentales de groupes de déplacements, et au moyen desquels cependant on peut, en juxtaposant convenablement les exemplaires congruents, arriver à remplir sans lacunes l’espace tout entier ? Je citerai aussi une question qui se relie à la précédente ; question importante pour la Théorie des nombres et peut-être utile aussi en Physique et en Chimie : c’est la question de savoir comment on pourrait, avec la plus grande densité possible, remplir l’espace au moyen d’un nombre infini de corps de même forme assignée d’avance, par exemple au moyen de sphères d’un rayon donné ou de tétraèdres d’arêtes données (on pourrait aussi assigner d’avance la position des arêtes) ; autrement dit, on demande de répartir ces corps dans l’espace de façon que le rapport de l’espace rempli à l’espace vide soit le plus grand possible.


Si nous jetons un coup d’œil sur le développement de la théorie des fonctions pendant le xixe siècle, nous remarquons avant tout le rôle fondamental joué par cette classe de fonctions que l’on nomme aujourd’hui fonctions analytiques, classe de fonctions qui resteront toujours le point central de l’intérêt mathématique.

Il serait facile de distribuer toutes les fonctions concevables dignes d’intérêt en classes formées à des points de vue divers. Considérons, par exemple, la classe des fonctions susceptibles d’être définies au moyen d’équations différentielles algébriques ordinaires ou au moyen d’équations de même nature aux dérivées partielles. On remarque immédiatement que cette classe de fonctions ne renferme pas des fonctions qui proviennent de la théorie des nombres, fonctions dont l’étude est pour nous de l’intérêt le plus élevé. Par exemple, la fonction , dont on a déjà parlé, ne vérifie aucune équation différentielle algébrique, comme c’est facile à reconnaître au moyen de la relation connue entre et et en invoquant le théorème où M. Hölder[48] démontre que la fonction ne vérifie aucune équation différentielle algébrique. Il est aussi très vraisemblable que la fonction des deux variables et , définie par la série

et qui est intimement liée à la fonction , ne vérifie aucune équation algébrique aux dérivées partielles ; dans l’étude de cette dernière question, on devra faire usage de l’équation fonctionnelle

.

D’autre part, si par des considérations arithmétiques et géométriques nous sommes conduits à envisager la classe de toutes les fonctions continues et susceptibles d’être différentiées indéfiniment, nous devrons dans leur étude renoncer à ce moyen de travail si maniable des séries de puissances et à cette propriété que la fonction soit complètement déterminée par la succession de ses valeurs dans une région quelconque, si petite qu’elle soit. Par conséquent, tandis que la précédente limitation du domaine fonctionnel semblait trop étroite, celle-ci nous paraît beaucoup trop large.

Le concept de fonction analytique, au contraire, embrasse dans son domaine toutes les fonctions les plus importantes de la Science, qu’elles proviennent de la Théorie des nombres, de la Théorie des équations différentielles ou des équations fonctionnelles algébriques, ou même encore de la Géométrie et de la Physique mathématique ; c’est donc avec raison que, dans le royaume des fonctions, l’on donne le rôle prépondérant aux fonctions analytiques.


XIX. — Les solutions des problèmes réguliers du calcul des variations sont-elles nécessairement analytiques ?

Je regarde comme un des faits vraiment les plus remarquables des éléments de la Théorie des fonctions analytiques qu’il y ait des équations aux dérivées partielles dont les intégrales sont toutes nécessairement des fonctions analytiques des variables indépendantes, ou, pour abréger le langage, qu’il y ait des équations aux dérivées partielles qui ne soient susceptibles que de solutions analytiques. Les équations aux dérivées partielles les plus connues de cette espèce sont l’équation du potentiel

,

et certaines équations linéaires étudiées par M. Picard[49], enfin l’équation différentielle

,

l’équation aux dérivées partielles des surfaces minima et beaucoup d’autres. La plupart de ces équations aux dérivées partielles ont ce signe distinctif commun : ce sont des équations différentielles de Lagrange, de certains problèmes du Calcul des variations, à savoir de ces problèmes de variation définis par la formule


,

où pour tous les arguments considérés doit avoir lieu l’inégalité

,

étant une fonction analytique. Nous nommerons un tel problème du Calcul des variations, un problème régulier. Ce sont les problèmes réguliers du Calcul des variations qui jouent un rôle principal en Géométrie, en Mécanique et en Physique mathématique ; on est donc conduit à se demander si toutes les solutions des problèmes réguliers du Calcul des variations sont toujours nécessairement des fonctions analytiques, c’est-à-dire si toute équation aux dérivées partielles de Lagrange d’un problème régulier du Calcul des variations a comme propriété de n’admettre que des intégrales analytiques, alors même que la fonction, comme dans le problème de Dirichlet, prendrait sur le contour des valeurs quelconques continues, mais non analytiques.

Je remarquerai encore qu’il existe, par exemple, des surfaces à courbure gaussienne constante négative qui sont représentées par des fonctions continues et susceptibles de différentiation successive, mais non analytiques, tandis qu’il est au contraire probable que toute surface à courbure gaussienne constante positive est nécessairement une surface analytique[50]. On sait bien, d’ailleurs, que les surfaces à courbure constante positive sont intimement liées à ce problème régulier du Calcul des variations : faire passer par une courbe gauche fermée une surface dont l’aire soit un minimum, cette surface étant assujettie à la condition de renfermer avec une surface fixe un volume donné, la surface fixe elle-même devant passer par la courbe gauche donnée.


XX. — Problème de Dirichlet dans le cas général.

Un important problème, intimement lié au précédent, est celui de l’existence des solutions d’équations aux dérivées partielles devant prendre des valeurs assignées le long de contours donnés. Les méthodes si perspicaces de MM. H.-A. Schwarz, C. Neumann et Poincaré ont résolu ce problème, dans le cas de l’équation de Laplace, quant aux points les plus essentiels, mais en général ces méthodes ne semblent pas susceptibles d’être étendues au cas où sont encore assignées, le long du contour, les valeurs des dérivées ou encore des relations entre ces dernières et la fonction, ou bien lorsqu’il ne s’agit plus de surfaces potentielles, mais, par exemple, de surface minima ou de surfaces à courbure gaussienne constante positive, assujetties à passer par une courbe gauche assignée ou à toucher une surface annulaire le long d’une courbe fermée. Je suis persuadé que l’on parviendrait à effectuer ces démonstrations en se basant sur une idée mère générale à laquelle se rattache le principe de Dirichlet et qui nous permettrait d’aborder de plus près cette question : Chaque problème régulier du Calcul des variations ne possède-t-il pas une solution, pourvu que certaines hypothèses soient vérifiées, relativement aux conditions limitatives données, relativement, par exemple, à la continuité et à la possibilité de différentier, plus ou moins de fois successives, les fonctions dont il s’agit, et pourvu nécessairement aussi que la notion de solution soit convenablement généralisée[51] ?


XXI. — Démonstration de l’existence d’équations différentielles linéaires ayant un groupe de monodromie assigné.

Dans la Théorie des équations différentielles linéaires à une variable indépendante , j’attirerai l’attention sur un très important problème, que Riemann d’ailleurs avait déjà en vue, et qui consiste à démontrer qu’il existe toujours une équation différentielle linéaire de la classe de M. Fuchs ayant des points critiques donnés et un groupe de monodromie donné. Ce problème exige donc que l’on trouve fonctions de la variable qui se comportent partout régulièrement dans le plan de la variable complexe , sauf en certains points critiques donnés : en ces points l’ordre d’infinitude des fonctions doit être fini, et lorsque la variable décrit un contour autour de ces points, les fonctions doivent éprouver les substitutions linéaires données. L’existence de pareilles équations différentielles est rendue très probable au moyen d’un dénombrement de constantes, mais jusqu’ici l’on n’est parvenu à une démonstration rigoureuse que dans le cas particulier où les racines des équations fondamentales des substitutions données ont l’unité pour valeur absolue. M. L. Schlesinger[52] a établi cette démonstration en s’appuyant sur la théorie des fonctions zeta-fuchsiennes de M. Poincaré. Il est clair que la théorie des équations différentielles linéaires gagnerait essentiellement en unité si l’on parvenait à résoudre d’une manière générale le problème que je viens d’indiquer.


XXII. — Relations analytiques exprimées d’une manière uniformes au moyen de fonctions automorphes.

On sait que M. Poincaré a démontré le premier qu’une relation algébrique quelconque entre deux variables peut toujours être exprimée d’une manière uniforme au moyen de fonctions automorphes d’une variable ; autrement dit, étant donnée une équation algébrique entre deux variables, on peut toujours trouver pour ces dernières des fonctions uniformes automorphes d’une variable qui, portées dans l’équation algébrique, la vérifient identiquement. L’extension de ce théorème fondamental à des relations quelconques non algébriques, mais analytiques, entre deux variables, a été faite avec grand succès par M. Poincaré[53], et cela par une voie tout autre que celle qui l’avait conduit au but dans la question antérieure du cas algébrique.

Mais la démonstration par laquelle M. Poincaré fait voir qu’il est possible d’exprimer d’une manière uniforme une relation analytique quelconque entre deux variables ne nous montre pas encore si l’on peut choisir les fonctions uniformes de la nouvelle variable, de telle sorte que, tandis que cette variable parcourt le domaine régulier de ces fonctions, on obtienne une représentation effective de l’ensemble de tous les points réguliers de la fonction analytique donnée.

Au contraire, il semblerait, d’après les recherches de M. Poincaré, que, abstraction faite des points de ramification, on doit encore, en général, mettre de côté une infinité de points isolés de la fonction analytique donnée, que l’on obtient seulement quand la nouvelle variable tend vers certains points limites des fonctions. Un éclaircissement et une solution de ces difficultés me paraissent extrêmement désirables en raison de l’importance fondamentale de la question traitée par M. Poincaré.

À la suite de ce problème prend place la même question dans le cas de relations algébriques ou analytiques entre trois ou un plus grand nombre de variables, problème que l’on sait résoudre en un grand nombre de cas ; les nouvelles recherches de M. Picard sur les fonctions algébriques de deux variables doivent être regardées ici comme des travaux préliminaires de la plus grande importance et du plus grand secours.


XXIII. — Extension des méthodes du Calcul des variations.

Jusqu’ici je n’ai cité, autant que possible, que des problèmes déterminés et particuliers, car je pense que ce sont précisément les problèmes déterminés et particuliers qui nous attirent le plus et qui ont l’influence la plus immédiate sur l’ensemble de la Science. Je vais néanmoins terminer cette Conférence par un problème général, problème ayant trait à une discipline que j’ai déjà plusieurs fois mentionnée ; cette discipline, malgré les progrès considérables que lui a fait faire Weierstrass, il n’y a pas bien longtemps, n’est cependant pas encore, selon moi, appréciée par les mathématiciens à sa juste valeur. C’est du Calcul des variations[54] que je parle. Le peu de progrès de cette discipline tient peut-être à ce que l’on manquait jusqu’ici de livres écrits au point de vue moderne sur ce sujet. On en doit d’autant plus de remercîments à M. A. Kneser, dont nous venons de citer le Livre en note. Ce traité de Calcul des variations est rédigé d’après les points de vue les plus nouveaux, et l’Auteur y a toujours eu égard à la parfaite rigueur exigée aujourd’hui.

Le Calcul des variations, au sens le plus large, est l’étude de la variation des fonctions et nous apparaît, à ce point de vue, comme une continuation nécessaire du Calcul différentiel et intégral. À ce point de vue, les recherches de M. Poincaré sur le Problème des trois corps, par exemple, forment un Chapitre du Calcul des variations, en ce sens que M. Poincaré, au moyen du principe des variations, déduit d’orbites connues, ayant certaines propriétés, de nouvelles orbites jouissant de propriétés semblables.

Aux remarques générales, faites au début de cette Conférence sur le Calcul des variations, je vais ajouter ici une rapide exposition de ce qui faisait l’objet de ces remarques.

Le problème le plus simple du Calcul des variations proprement dit consiste, comme on sait, à trouver une fonction de la variable , telle que l’intégrale définie

prenne la plus petite valeur de toutes celles que prend ladite intégrale quand on y remplace par d’autres fonctions de en conservant les mêmes valeurs initiales et finales données dans l’intégrale définie. On sait que, dans l’interprétation habituelle, l’évanouissement de la variation première

fournit, pour obtenir la fonction cherchée, l’équation différentielle bien connue du second ordre

(1) .

Maintenant, pour approfondir les conditions nécessaires et suffisantes à l’existence du minimum cherché, considérons l’intégrale


et cherchons comment nous devons choisir comme fonction de , afin que la valeur de soit indépendante du chemin d’intégration, c’est-à-dire du choix de la fonction de la variable . L’intégrale a la forme

,

et ne renferment pas , et l’évanouissement de la variation première

,

interprétée ainsi que l’exige la nouvelle manière de poser la question, fournit l’équation

,

c’est-à-dire que, pour la fonction des deux variables , nous avons l’équation aux dérivées partielles du premier ordre

(1*) .

L’équation différentielle ordinaire du second ordre (1) et l’équation aux dérivées partielles (1*) que nous venons de trouver ont entre elles un rapport intime. C’est ce que nous fait voir de suite clairement la transformation simple

De cette formule nous concluons les faits suivants : Si nous considérons une famille quelconque simple de courbes intégrales de l’équation différentielle ordinaire du second ordre (1) et si nous formons alors une équation différentielle ordinaire du premier ordre (2)

(2)

qui admette également comme solutions ces courbes intégrales, la fonction sera toujours aussi une intégrale de l’équation aux dérivées partielles du premier ordre (1*) ; et réciproquement, si l’on désigne par une solution quelconque de l’équation aux dérivées partielles du premier ordre (1*), toutes les intégrales non singulières de l’équation différentielle ordinaire du premier ordre (2) seront également intégrales de l’équation différentielle du second ordre (1).

En abrégeant le langage, on peut dire : Si est une équation intégrale du premier ordre de l’équation différentielle du second ordre (1), représentera une intégrale de l’équation aux dérivées partielles (1*) et réciproquement ; les courbes intégrales de l’équation différentielle ordinaire du second ordre (1) sont, par conséquent, aussi les caractéristiques de l’équation aux dérivées partielles du premier ordre (1*).

Dans le cas précédent nous trouvons aussi le même résultat au moyen d’un calcul facile ; ce calcul nous fournit respectivement les équations en question (1) et (1*) sous la forme

(1) ,
(1*) ,

où les indices inférieurs, d’après une notation facile à interpréter, désignent les dérivées partielles prises par rapport à . Ces formules permettent de reconnaître aisément l’exactitude de la relation dont il était question.

L’étroite relation que nous venons d’exposer et de démontrer entre l’équation différentielle ordinaire du second ordre (1) et l’équation aux dérivées partielles du premier ordre (1*) est, ce me semble, d’une importance capitale au point de vue des principes fondamentaux du Calcul des variations. En effet, la valeur de l’intégrale étant indépendante du chemin d’intégration, on aura

(3) ,

où dans le premier membre l’intégrale est prise le long d’un chemin quelconque, tandis que l’on supposera l’intégrale du second membre prise le long d’une courbe intégrale de l’équation différentielle

.

À l’aide de l’équation (3) nous parvenons à la formule de Weierstrass

(4) ,

désigne l’expression de Weierstrass

,

dépendant des quatre arguments . Comme, d’après cela, tout revient uniquement à border la courbe intégrale en question, dans le plan des , d’une manière continue et univoque, avec des valeurs d’une fonction intégrale correspondante , les développements indiqués conduisent évidemment, et cela sans introduire la considération de la variation seconde et en effectuant simplement l’opération polaire[55] sur l’équation différentielle (1), à l’établissement de la condition de Jacobi, et fournissent la réponse à la question de savoir jusqu’à quel point la condition de Jacobi, jointe à la condition de Weierstrass, est nécessaire et suffisante pour qu’il existe un minimum.

Les développements indiqués peuvent, sans autre calcul, s’étendre au cas de deux ou un plus grand nombre de fonctions cherchées, ainsi qu’au cas d’une intégrale double ou multiple. Ainsi, dans le cas d’une intégrale double

,

étendue à une région donnée , l’évanouissement

de la variation première, interprétée dans le sens habituel, fournit, pour la fonction cherchée de , l’équation différentielle du second ordre bien connue

(I)
.

D’autre part, considérons l’intégrale


,

et demandons-nous comment nous devons prendre et comme fonctions de , de manière que la valeur de soit indépendante du choix de la surface passant par la courbe gauche fermée donnée, c’est-à-dire indépendante du choix de la fonction des variables .

L’intégrale a la forme

,

et l’évanouissement de la variation première

,

interprétée d’après le sens exigé par la nouvelle manière de poser la question, fournit l’équation

 ;

c’est-à-dire que nous obtenons pour les fonctions et des trois variables l’équation différentielle du premier ordre

(I*) .

À cette équation si nous adjoignons encore l’équation aux dérivées partielles

(I*) ,

tirée des équation

,,

on voit que l’équation aux dérivées partielles du second ordre (I), relative à la fonction des deux variables , et le système simultané (I*) des deux équations aux dérivées partielles du premier ordre, relatif aux deux fonctions des trois variables , sont dans une relation tout à fait analogue à celle qui a lieu dans le cas précédent de l’intégrale simple entre les équations différentielles (1) et (1*).

L’intégrale ayant une valeur indépendante du choix de la surface d’intégration, on a

,

où l’intégrale du second membre doit être étendue à une surface intégrale des équations aux dérivées partielles

, ;

au moyen de la précédente formule nous obtenons immédiatement la suivante

(IV) ,

qui joue relativement à la variation de l’intégrale double un rôle tout à fait pareil à celui que joue la formule (4) précédemment établie dans le cas de l’intégrale simple ; nous avons encore par cette formule (IV) répondu à la question de savoir jusqu’à quel point la condition de Jacobi, jointe à la condition de Weierstrass, est nécessaire et suffisante pour qu’il existe un minimum.

Ces développements ont beaucoup de rapport avec les modifications que M. Kneser[56], en partant d’ailleurs d’autres points de vue, a apportées à la théorie de Weierstrass. En effet, tandis que Weierstrass, pour obtenir les conditions suffisantes relatives à la valeur extrême, fait usage des courbes intégrales de l’équation (1) passant par un point fixe, M. Kneser emploie une famille quelconque simple de ces courbes, et pour chaque pareille famille il construit une solution caractéristique de l’équation aux dérivées partielles que l’on doit regarder comme la généralisation de l’équation de Jacobi et Hamilton.


Les problèmes dont j’ai parlé ne sont que des essais ; ils suffisent néanmoins à nous faire voir combien riche, multiple et étendue est la Science actuelle, et l’on est conduit ainsi à se demander si la Science mathématique ne finira pas, comme c’est depuis longtemps arrivé pour d’autres Sciences, par se partager en subdivisions séparées dont les représentants se comprendront à peine les uns les autres et dont la connexion deviendra toujours moindre. Je ne le pense ni ne l’espère ; selon moi, la Science mathématique est un entier indivisible, un organisme dont la force vitale a pour condition l’indissolubilité de ses parties. En effet, quelle que soit la diversité des matières de notre Science dans ses détails, nous n’en sommes pas moins frappés de l’équivalence des procédés logiques, de la parenté des idées dans l’ensemble de la Science ainsi que des nombreuses analogies dans ses différents domaines. Nous remarquons encore ceci : plus une théorie mathématique se développe, plus son exposition gagne en harmonie et en unité, et plus on découvre de relations entre cette théorie et les branches de la Science qui lui étaient étrangères jusque-là. C’est ainsi qu’avec l’extension des Mathématiques leur caractère d’unité ne se perd pas, mais devient, au contraire, de plus en plus évident.

Mais, nous demandons-nous encore, avec l’extension de la Science mathématique ne deviendra-t-il pas enfin impossible au chercheur individuel d’embrasser toutes les branches de la Science ? Comme réponse à cette question, je me contenterai de remarquer combien il est caractéristique de notre Science que chaque progrès effectif marche la main dans la main avec la découverte de moyens auxiliaires plus rigoureux et de méthodes plus simples qui, en même temps qu’ils facilitent la compréhension des théories antérieures et qu’ils amènent la disparition d’anciens développements inutiles, permettent de s’orienter dans toutes les branches des Mathématiques bien plus aisément que dans toute autre Science.

Le caractère d’unité de la Mathématique est l’essence même de cette Science. En effet, les Mathématiques sont les fondements de toutes les connaissances naturelles exactes. Pour qu’elles remplissent complètement ce but élevé, puissent-elles être dans le nouveau siècle cultivées par des maîtres géniaux et par nombre de jeunes gens brûlant d’un noble zèle !

  1. L’original de la traduction a paru en allemand dans les Göttinger Nachrichten, 1900. M. Hilbert a fait ici quelques modifications à l’original au § 13 et quelques additions au § 14 et au § 23. (L. L.)
  2. En allemand Kreiskörper. C’est un corps déterminé par les racines de l’unité d’un degré quelconque déterminé. On trouvera les plus récents développements de ces diverses théories dans le compte rendu : Die Theorie der algebraischen Zahlkörper, par M. Hilbert (Jahresbericht der D. M. V., t. IV ; 1894-1895, Berlin, Reimer ; 1897, p. 174-542).
  3. Leipzig, Teubner, 1er fasc. ; 1896.
  4. Comparez Helmholtz : Ueber die Wechselwirkung der Naturkräfte und die darauf bezüglichen neuesten Ermittelungen der Physik, Vortrag gehalten in Königsberg ; 1854.
  5. Jahresbericht der D. M. V., t. VIII, p. 180 ; 1900.
  6. Comparer une Note inédite écrite par M. Hilbert pour la traduction de sa Festschrift : Grundlagen der Geometrie (Annales de l’École Normale supérieure, 3e série, t. XVII, p. 123 ; 1900). (L. L.)
  7. Gauss, Werke, t. VIII, p. 241 et 244.
  8. Outre les auteurs antérieurs, consulter à ce sujet Hilbert, Grundlagen der Geometrie, Chap. IV, Leipzig ; Teubner, 1899. Comparer aussi une Note ajoutée au Chap. IV de la traduction de cet Ouvrage (Annales de l’École Normale, 3e série, t. XVII ; 1900) où M. Hilbert parle des travaux fondamentaux sur ce sujet de M. Gérard, professeur au lycée Charlemagne.
  9. Gauss, Werke, t. VIII, p. 242.
  10. Leipzig, Teubner.
  11. Math. Annalen, t. XLVI, p. 91.
  12. Leçons sur la théorie générale des surfaces, t. III, p. 54 ; Paris, 1894.
  13. Comparer les intéressantes recherches de M. A. Hirsch (Math. Annalen, t. XLIX et L).
  14. Lie-Engel, Theorie der Transformationsgruppe, t. III, § 82 et 144. Leipzig, 1893.
  15. Ueber den analytischen Character der eine endliche continuirliche Transformationsgruppe darstellenden Functionen (Math. Annalen, t. XLI).
  16. Œuvres, édit. Sylow et Lie, t. I, p. 1, 61, 389.
  17. Quelques théories fondamentales dans l’Analyse mathématique. Conférences faites à Clark University, 1900. — Extrait de la Revue générale des Sciences, publié sous forme de livre par Armand Colin et Cie, p. 22.
  18. Comparer Bohlmann, Ueber Versicherungsmathematik, zweite Vorlesung, aus Klein und Riecke, Ueber angewandte Mathematik und Physik. Leipzig und Berlin, 1900.
  19. Die Mechanik in ihrer Entwickelung. Leipzig, zweite Auflage ; 1889.
  20. Die Principien der Mechanik. Leipzig ; 1894.
  21. Vorlesungen über die Principe der Mechanik. Leipzig ; 1897.
  22. Einführung in das Studium der theoretischen Physik. Leipzig ; 1900.
  23. Math. Annalen, t. XXII et XXXII.
  24. Comparer M. P. Stäckel, Ueber Goldbach’s empirisches Theorem (Göttinger Nachrichten ; 1896), et M. Landau, loc. cit. ; 1900.
  25. Bericht der D. M. V., über die Theorie der algebraischen Zahlkörper, 5e Partie, t. IV ; 1897.
  26. Math. Annalen, t. LI, et Göttingen Nachrichten, 1898.
  27. Hilbert, Ueber den Dirichletschen biquadratischen Zählenkörper (Math. Annalen, t. XLV). — Ueber die Theorie der relativquadratischen Zahlkörper (Berichte der D. M. V. ; 1897, et Math. Annalen, t. LI). — Ueber die Theorie der relativ-Abelschen Körper (Göttinger Nachrichten ; 1898). — Grundlagen der Geometrie. Festschrift. Leipzig ; 1899, Chap. VIII, § 83 (traduit dans les Annales de l’École Normale, 3e série, t. XVII ; 1900).
  28. H. Weber, Elliptische Functionen und algebraische Zahlen. Braunschweig ; 1891.
  29. Jahresberichte der D. M. V., t. VI, ainsi qu’un Mémoire des Math. Annalen : Ueber die Entwickelung der algebraischen Zahlen in Potenzreihen.
  30. Math. Annalen, t. L ; 1898.
  31. Comparer Hilbert, Ueber die Theorie der relativ-Abelschen Zählkörper (Göttinger Nachrichten ; 1898).
  32. M. d’Ocagne, Traité de Nomographie. Paris, Gauthier-Villars ; 1899.
  33. Dans ce § XIII, en fait de méthodes nomographiques, M. Hilbert n’a visé que celles qui ne comportent aucun élément mobile. En effet, l’introduction d’éléments mobiles permet de construire des fonctions de plus de deux arguments. C’est ce que M. d’Ocagne a fait voir (Comptes rendus, t. CXXXI, p. 522 ; 1900), et cela précisément à l’occasion de la conférence de M. Hilbert ici traduite. La méthode dite des points alignés, qui comporte l’emploi d’une simple droite, permet très aisément de donner une solution nomographique de l’équation du septième degré. (L. L.)
  34. Comparer les Sitzungsberichte der K. Acad. der Wiss. zu München ; 1899, et un Travail paru peu après dans les Math. Annalen.
  35. Ueber die Erzeugung der Invarianten durch Integration (Göttinger Nachrichten ; 1897).
  36. Kalcul der Abzählenden Geometrie. Leipzig ; 1879.
  37. Mathematische Annalen, t. X.
  38. Ueber die reellen Züge algebraischen Curven (Math. Annalen, t. XXXVIII, p. 116-138).
  39. Comparer Rohn, Flächen vierter Ordnung. Preisschrift der Fürstlich Jablonowskischen Gesellschaft. Leipzig ; 1886.
  40. Math. Annalen, t. XXXII.
  41. Acta mathematica, t. XVII.
  42. Comparer Hilbert, la Festschrift déjà citée ; Grundlagen der Geometrie, Chap. VII, en particulier le § 38.
  43. Journal für Mathematik, t. LXXXIV ; 1878, et Atti della Reale Accademia di Napoli ; 1880.
  44. T. I, en particulier Section I, chap. II et IV ; Leipzig, 1897.
  45. Symetrie der regelmässigen Systeme von Figuren ; 1890.
  46. Krystallsysteme und Krystallstructur ; Leipzig, 1891.
  47. Math. Annalen, t. LVIII.
  48. Math. Annalen, t. XXVIII.
  49. Journal de l’École Polytechnique ; 1890.
  50. Comparer le Mémoire subséquent de M. Hilbert sur ce sujet : Ueber flächen von constanter Gausschen Krummung (Transactions of the American mathematical Society, Vol. II, no 1, p. 87-99 ; January 1901). (L. L.)
  51. Comparer ma Note sur le Principe de Dirichlet (Jahresbericht der D. M. V., t. VIII, p. 184 ; 1900, traduite dans les Nouvelles Annales de Mathématiques, 3e série, t. XIX ; 1900).
  52. Handbuch der Theorie der linearen Differentialgleichungen, vol. II, Partie II, no 366.
  53. Bulletin de la Soc. Math. de France, t. XI ; 1883.
  54. Comme Traités je citerai : Moigno-Lindelöf, Leçons sur le Calcul des variations ; Paris, 1861, et A. Kneser, Lehrbuch der Variationsrechnung ; Braunschweig, 1900.

    Pour donner une idée du contenu de ce Livre, nous ferons simplement observer que M. Kneser, dans les problèmes les plus simples, de même que dans le cas où une limite d’intégration est variable, établit des conditions suffisantes relatives à la valeur extrême et emploie l’enveloppe d’une famille de courbes qui vérifient les équations différentielles du problème, pour démontrer la nécessité de la condition de Jacobi relative à la valeur extrême. Attirons encore l’attention sur ce point que M. Kneser, dans son Livre, applique aussi la théorie de Weierstrass à la question de la valeur extrême de quantités définies par des équations différentielles.

  55. Pour la définition de cette opération, voir le compte rendu de M. Meyer Sur la Théorie des invariants (Jahresbericht der D. M. V., t. I, p. 199), ou encore le même, Traduction de M. Fehr, dans le Bulletin de M. Darboux, t. XIX, p. 24 ; 1895. (L. L.)
  56. Comparer le Traité déjà cité, § 14, 15, 19, 20.