Système national d’économie politique/Livre 4/04

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CHAPITRE IV.

la politique commerciale de la nation allemande.


Si un pays est destiné à l’industrie manufacturière, c’est à coup sûr l’Allemagne. Le haut rang qu’elle occupe dans les sciences, dans les beaux-arts et dans la littérature, de même que sous le rapport de l’enseignement, de l’administration publique et des institutions d’utilité générale ; son sens moral et religieux, son amour du travail et de l’économie ; sa persévérance opiniâtre en même temps que son esprit inventif, sa population considérable et robuste, l’étendue et la nature de son territoire, le développement de son agriculture, ses ressources naturelles, sociales et intellectuelles, tout lui donne cette vocation.

Si un pays est fondé à attendre d’un système protecteur approprié à sa situation des résultats avantageux pour le développement de ses fabriques, pour l’accroissement de son commerce extérieur et de sa navigation marchande, pour l’amélioration de ses voies de communication, pour la prospérité de son agriculture, de même que pour l’affermissement de son indépendance et pour l’augmentation de son influence au dehors, c’est encore l’Allemagne.

Nous ne craignons pas d’affirmer que du perfectionnement du système protecteur dépendent l’existence, l’indépendance et l’avenir de la nationalité allemande. L’esprit national ne peut prendre racine, ne peut donner de belles fleurs et des fruits abondants que sur le terrain de l’aisance générale. De l’unité des intérêts matériels, seulement, peut sortir l’unité morale, et de l’une et de l’autre réunies, la force de la nation. Que peuvent signifier nos efforts, à tous tant que nous sommes, gouvernants ou gouvernés, nobles ou bourgeois, savants ou illettrés, soldats ou hommes du civil, manufacturiers, agriculteurs ou négociants, si nous n’avons pas de nationalité, si nous manquons de garantie pour la durée de notre nationalité ?

Or, le système protecteur allemand n’aura rempli que très imparfaitement sa mission, tant que l’Allemagne ne produira pas elle-même le fil mécanique de coton et de lin qu’elle emploie, tant qu’elle ne tirera pas directement de la zone torride, en les soldant avec les produits de ses fabriques, les denrées tropicales qu’elle consomme, tant qu’elle ne fera pas ces opérations au moyen de ses bâtiments, qu’elle ne saura pas faire respecter son pavillon, qu’elle ne possédera pas un système complet de communications par fleuves, par canaux et par chemins de fer, que son association de douanes ne s’étendra pas à tout son littoral, ainsi qu’à la Hollande et à la Belgique. Nous avons traité ces objets avec détail dans diverses parties de cet ouvrage, et nous n’avons par conséquent ici qu’à nous résumer.

Quand nous importons du coton en laine de l’Égypte, du Brésil ou des États-Unis, nous le payons avec les produits de nos manufactures ; quand nous importons du coton filé d’Angleterre, nous donnons en échange des matières brutes, ou des denrées alimentaires que nous pourrions, avec plus de profit, mettre en œuvre ou consommer nous-mêmes, ou de l’argent comptant qui nous vient d’ailleurs et qui pourrait nous servir à acheter à l’étranger des matières premières pour notre industrie ou des denrées coloniales pour notre consommation.

De même le développement de la filature du lin à la mécanique nous fournit les moyens non-seulement d’augmenter notre consommation en toiles et de perfectionner notre agriculture, mais encore d’étendre immensément nos relations avec les pays de la zone torride.

Pour la filature du coton et pour celle du lin, comme pour la fabrication de la laine, nous sommes, avec nos chutes d’eau inemployées, avec le bas prix de nos denrées alimentaires et de notre main-d’œuvre, aussi bien partagés que tout autre pays. Il ne nous manque autre chose que des garanties à nos capitalistes contre la perte de leurs fonds, à nos industriels contre la misère. Un droit modéré, qui, dans le cours des cinq prochaines années, s’élèverait à environ 25 pour cent, resterait pendant quelques années à ce taux, et descendrait ensuite à 15 ou 20 pour cent, suffirait pour donner ces garanties. Tout ce que les partisans de la théorie des valeurs peuvent alléguer contre une telle mesure, a été réfuté par nous. On peut faire valoir encore en sa faveur cette considération, que de grandes industries comme celles-là offrent le moyen de fonder sur une vaste échelle la construction des machines et de former une classe d’hommes instruits et exercés dans les arts industriels.

En ce qui touche l’achat des denrées tropicales, l’Allemagne, de même que la France et l’Angleterre, doit adopter pour principe de donner la préférence aux pays de la zone torride qui nous prennent nos articles manufacturés ; en un mot nous devons acheter à ceux qui nous achètent. C’est le cas dans nos relations avec les Indes occidentales et avec les deux Amériques.

Mais il en est autrement de la Hollande qui nous fournit des quantités énormes de ses produits coloniaux, et ne nous prend en échange que de faibles quantités d’articles de nos manufactures.

La Hollande, cependant, trouve en Allemagne le débouché de la plus grande partie de ses denrées coloniales ; car l’Angleterre et la France, étant principalement approvisionnée par leurs colonies et par les pays placés dans leur dépendance, colonies et pays dont leurs manufactures ont l’approvisionneexclusif, ne peuvent offrir qu’un très-étroit accès à ces denrées néerlandaises.

La Hollande ne possède point une grande industrie manufacturière, mais elle a une production coloniale qui a grandi immensément dans les dernières années, et qui grandira encore immensément. Or, elle se conduit mal envers l’Allemagne, elle méconnaît son véritable intérêt, lorsque, trouvant en Allemagne le débouché de la majeure partie de ses produits coloniaux, elle s’approvisionne de produits fabriqués là où il lui plaît. C’est de sa part une politique à courte vue, dont les avantages ne sont qu’apparents ; car, si la Hollande donnait la préférence aux produits des fabriques allemandes chez elle et dans ses colonies, la demande de l’Allemagne en denrées coloniales néerlandaises croîtrait dans la même proportion qu’augmenterait la vente des produits fabriqués de l’Allemagne à la Hollande et à ses colonies. Ces relations d’échange sont troublées par le fait de la Hollande, lorsqu’elle vend ses denrées coloniales à l’Allemagne, et s’approvisionne de produits fabriqués en Angleterre, tandis que l’Angleterre, quelque débouché qu’elle trouve en Hollande pour ses objets manufacturés, tire toujours de ses colonies et des contrées qui lui sont soumises la majeure partie des denrées tropicales dont elle a besoin.

L’intérêt de l’Allemagne, par conséquent, exige qu’elle obtienne en faveur de ses produits manufacturés un droit différentiel qui lui assure l’approvisionnement exclusif de la Hollande et de ses colonies, ou, en cas de refus, qu’elle établisse elle-même un droit différentiel à l’importation en faveur des provenances de l’Amérique du Centre et du Sud ainsi que des marchés libres des Indes occidentales[1].

Cette dernière mesure serait le moyen le plus efficace de provoquer l’accession de la Hollande à l’Association allemande. Dans l’état actuel des choses, l’Allemagne n’a aucun motif de sacrifier ses fabriques de sucre de betterave au commerce avec la Hollande. Car ce n’est que dans le cas où l’Allemagne pourrait payer avec le produit de ses manufactures les denrées de luxe qui lui sont nécessaires, qu’il lui sera plus avantageux de se les procurer par voie d’échange avec les contrées de la zone torride qu’en les produisant elle-même.

Aujourd’hui, par conséquent, l’Allemagne devrait se préoccuper avant tout d’étendre son commerce avec les Amériques et avec les marchés libres des Indes occidentales. Dans ce but, outre les moyens déjà indiqués, les mesures suivantes se recommandent à elle : l’établissement d’une navigation régulière à la vapeur entre les villes maritimes allemandes et les principaux ports de ces contrées, encouragement de l’émigration vers elles, consolidation des relations amicales entre elles et le Zollverein, développement de leur civilisation.

L’expérience des derniers temps a surabondamment enseigné quel essor immense la navigation régulière à la vapeur imprime au grand commerce. La France et la Belgique marchent déjà sous ce rapport sur les traces de l’Angleterre, sachant bien que tout pays qui reste en arrière pour ces communications perfectionnées rétrogradera nécessairement dans son commerce extérieur. Déjà les places maritimes de l’Allemagne le comprennent ; déjà une compagnie par actions qui s’est formée à Brème est à la veille de construire deux ou trois bateaux à vapeur destinés au commerce avec l’Amérique du Nord. Mais ce n’est pas suffisant. Les intérêts commerciaux de l’Allemagne exigent des relations régulières par bâtiments à vapeur, non-seulement avec l’Amérique du Nord et en particulier avec New-York, Boston, Charlestown et la Nouvelle-Orléans, mais encore avec Cuba, Saint-Domingue, l’Amérique du Centre et du Sud. Pour ces diverses communications, l’Allemagne ne devrait le céder à aucun autre pays. On ne peut méconnaître, à la vérité que les moyens nécessaires à cet effet dépassent les ressources des places maritimes allemandes, et nous inclinons à croire que l’exécution de pareils plans n’est possible qu’au moyen de larges subventions de la part des États du Zollverein. La perspective d’une telle subvention, ainsi que de droits différentiels en faveur de la navigation allemande, devrait être pour ces places un motif puissant d’accession au Zollverein. Si l’on considère le développement que recevraient ainsi l’exportation des produits manufacturés et l’importation des denrées tropicales, par suite les recettes douanières des États associés, on ne peut manquer de reconnaître qu’une dépense considérable dans ce but serait un placement avantageux dont il y aurait lieu d’attendre de gros intérêts.

La facilité des communications avec ces contrées y encouragerait puissamment l’émigration des Allemands, base excellente d’une extension ultérieure de nos relations avec elles. À cet effet les États associés devraient instituer partout des consuls et des agents, faciliter par leur entremise les établissements et les entreprises des Allemands, et, en général, aider ces pays, par tous les moyens, à consolider leurs institutions politiques et à perfectionner leur état social.

Nous sommes très-loin de partager l’opinion que les contrées de l’Amérique, situées sous la zone torride, offrent moins d’avantages à la colonisation allemande que le climat tempéré de l’Amérique du Nord. Bien que prévenus, nous l’avouons, en faveur de ce dernier pays, et sans pouvoir ni vouloir contester que l’ouest des États-Unis offre à un émigrant allemand isolé, possesseur d’un certain capital, les meilleures chances de se créer un avenir, nous ne devons pas moins déclarer ici que, du point de vue national, l’émigration dans l’Amérique centrale et méridionale, bien conduite et opérée sur une grande échelle, promet à l’Allemagne des avantages beaucoup plus grands. Que sert à la nation allemande la fortune de ses émigrants aux États-Unis, si eux-mêmes sont à jamais perdus pour elle, et si elle ne peut attendue de leur travail que d’insignifiants résultats ? C’est se faire illusion que de croire que la langue allemande se conservera chez les Allemands établis dans l’Union américaine, ou qu’avec le temps il s’y formera des États tout à fait allemands. Nous avons autrefois partagé cette erreur, mais, après dix années d’observation sur les lieux mêmes, nous en sommes revenus. L’assimilation, tant sous le rapport de la langue et de la littérature que sous celui de l’administration et des lois, est dans le génie de toute nationalité, et il est bon qu’il en soit ainsi ; elle caractérise particulièrement l’Amérique du Nord. Quel que soit le nombre des Allemands qui habitent présentement les États-Unis, il n’y en a pas un seul dont les arrière-petit-fils ne doivent préférer l’anglais à l’allemand, et cela par un motif très-simple, c’est que l’anglais est aux États-Unis l’idiome des hommes instruits, la langue des lettres, des lois, de l’administration, des tribunaux, celle du commerce et des relations sociales. Il en sera nécessairement des Allemands aux États-Unis comme il en a été des huguenots en Allemagne et des Français à la Louisiane ; ils se fondront par la force des choses dans la population dominante, les uns un peu plus tôt, les autres un peu plus tard, suivant qu’ils auront vécu entre eux dans une union plus ou moins étroite.

On doit encore moins compter sur des relations actives entre l’Allemagne et ceux de ses enfants qui sont établis dans l’ouest des États-Unis. Le premier colon est toujours obligé de fabriquer lui même la plus grande partie de ses vêtements et de ses meubles, et les habitudes qu’engendre ainsi la nécessité se transmettent généralement jusqu’à la seconde et à la troisième génération. Joignez à cela que l’Amérique du Nord s’adonne avec énergie à l’industrie manufacturière, et qu’elle tend de plus en plus à se suffire à cet égard.

Ce n’est pas à dire, du reste, que le marché américain n’ait pas pour les manufactures de l’Allemagne une grande importance.

Bien au contraire ; à notre avis, c’est un des plus considérables qui existent pour divers objets de luxe et pour des articles d’un transport facile, dans lesquels la main-d’œuvre est le principal élément du prix ; en ce qui touche ces marchandises, son importance pour l’Allemagne s’accroîtra d’année en année. Ce que nous prétendons, c’est que les Allemands qui vont s’établir dans l’ouest de l’Amérique du Nord ne contribuent pas sensiblement à augmenter cette demande des produits des fabriques allemandes, et que, sous ce rapport, l’émigration dans l’Amérique du Centre et du Sud mérite beaucoup plus et a beaucoup plus besoin d’être encouragée[2].

Ces dernières contrées sont surtout destinées à produire des denrées tropicales ; jamais elles n’iront loin dans l’industrie manufacturière. Il y a là un marché neuf et vaste à conquérir ; ceux qui y établiront de solides relations les conserveront à tout jamais. Dépourvues de l’énergie morale nécessaire pour parvenir à un plus haut degré de culture, pour fonder des gouvernements réguliers et stables, ces contrées comprendront mieux chaque jour la nécessité d’une assistance du dehors par le moyen de l’immigration. Les Anglais et les Français y sont haïs pour leur arrogance par des peuples jaloux de leur indépendance nationale, les Allemands y sont aimés par le motif contraire. Les États du Zollverein devraient, par conséquent, porter de ce côté toute leur attention.

Il faudrait organiser un bon système d’agents consulaires et diplomatiques allemands en correspondance les uns avec les autres. Il faudrait inviter de jeunes naturalistes à parcourir ces pays et à les faire connaître par des rapports impartiaux, de jeunes négociants à les explorer, de jeunes médecins à y aller pratiquer leur art. Il faudrait appeler à la vie, soutenir par des prises d’actions sérieuses et environner d’une protection particulière des compagnies qui se constitueraient dans les places maritimes pour acheter dans ces contrées de vastes espaces de terres et pour les coloniser avec des Allemands, des sociétés de commerce et de navigation ayant pour but d’y ouvrir de nouveaux débouchés aux produits des fabriques allemandes et d’organiser des lignes de paquebots, des sociétés minières qui se proposeraient d’employer les lumières et le labeur des Allemands à l’exploitation d’immenses richesses minérales. Les États associés devraient chercher par tous les moyens possibles à se concilier le bon vouloir des peuples et surtout celui des gouvernements et à l’employer au profit de la sûreté générale, des voies de communication, de l’ordre public ; il ne faudrait pas hésiter même, si c’était un moyen de s’attacher les gouvernements de ces pays, à leur venir en aide par l’envoi de forces auxiliaires respectables.

La même politique devrait être suivie à l’égard de l’Orient, de la Turquie d’Europe et des pays du bas Danube. L’Allemagne a un immense intérêt à voir régner dans cette région la sûreté et l’ordre, et l’émigration qui se dirigerait de ce côté est la plus facile pour les individus comme la plus avantageuse pour la nation. Avec cinq fois moins d’argent et de temps qu’il n’en coûte pour se rendre aux bords du lac Érié, un habitant du haut Danube peut se transporter dans la Moldavie et dans la Valachie, ou dans la Serbie, ou encore sur la côte sud-ouest de la mer Noire. Ce qui l’attire de préférence vers les États-Unis, c’est le haut degré de liberté, de sûreté et d’ordre qui y règne. Mais, dans la situation où se trouve la Turquie, il ne serait pas impossible aux États allemands, de concert avec l’Autriche, d’opérer dans l’état social de cette contrée des améliorations qui détruiraient les répugnances des colons allemands, surtout si les gouvernements fondaient des compagnies de colonisation, y participaient eux-mêmes et leur prêtaient un appui persévérant.

Il est évident que de pareilles colonisations ne profiteraient à l’industrie des États associés qu’autant que l’échange des produits des fabriques allemandes contre les produits agricoles des colons ne rencontrerait aucun obstacle, et serait convenablement aidé par des voies de communication économiques et rapides. Il est donc dans l’intérêt des États associés que l’Autriche facilite le plus possible le commerce de transit sur le Danube, que la navigation à vapeur de ce fleuve prenne une grande activité, et qu’à cet effet elle soit, au commencement, soutenue avec vigueur par les gouvernements.

Rien, au reste, ne serait plus désirable que de voir le Zollverein et l’Autriche, un peu plus tard, lorsque l’industrie des États associés aurait fait de nouveaux progrès et se serait rapprochée davantage de l’industrie autrichienne, se faire des concessions réciproques sur les produits de leurs fabriques[3].

Après la conclusion d’un traité sur cette base, l’Autriche aurait, avec les États associés, un intérêt commun à exploiter les provinces turques au profit de leurs manufactures et de leur commerce extérieur.

En attendant l’accession des villes anséatiques et de la Hollande au Zollverein, il serait à désirer que la Prusse, prenant dès aujourd’hui l’initiative, créât un pavillon de commerce allemand, jetât les bases d’une flotte allemande, et s’occupât de la fondation de colonies allemandes dans l’Australie ou dans la Nouvelle-Zélande, ou dans d’autres îles de la cinquième partie du monde.

Les moyens de faire face à ces essais ainsi qu’aux subventions et aux entreprises que nous avons recommandées devraient être puisés aux mêmes sources où l’Angleterre et la France trouvent des ressources pour venir en aide à leur commerce extérieur et à leurs colonisations, et pour entretenir des flottes puissantes, c’est-à-dire dans le produit des droits d’entrée sur les denrées tropicales. Afin qu’il y ait de l’unité, de l’ordre et de l’énergie dans ces œuvres collectives, les États associés devraient en confier la direction à la Prusse, en ce qui touche le Nord et les relations transatlantiques, à la Bavière, quant au Danube et aux rapports avec l’Orient. Un droit additionnel de 10 p. 0/0 sur les objets manufacturés et sur les denrées coloniales à l’importation fournirait déjà chaque année quelques millions. L’accroissement continu de l’exportation de nos produits fabriqués devant avoir pour effet de doubler ou même de tripler avec le temps la consommation des denrées tropicales dans les États associés, les recettes de douane s’élèveraient naturellement dans la même proportion. Les États associés pourraient donc pourvoir convenablement aux dépenses collectives, s’ils décidaient qu’indépendamment des 10 p. 0/0 de droit additionnel, une portion de l’accroissement ultérieur du produit des droits d’entrée serait mise à la disposition du gouvernement prussien pour les affecter aux emplois qu’on vient d’indiquer.

Pour ce qui est de l’établissement d’un système national de voies de communication et en particulier de chemins de fer, nous renvoyons à l’écrit où nous avons traité spécialement ce sujet. Cette grande amélioration couvre ses frais par elle-même, et tout ce qu’il y a ici à réclamer des gouvernements peut se résumer en un seul mot, l’énergie[4].


fin du système national.
  1. Cette question des droits différentiels à établir pour développer les relations directes entre l’Allemagne et les pays transatlantiques et pour imprimer à la navigation nationale un nouvel essor, a été au delà du Rhin, il y a quelques années, l’objet de la controverse la plus vive. On se ferait difficilement idée de la masse d’écrits qu’elle a provoqués, sans cependant être jamais résolue. Je citerai comme les plus remarquables ceux de MM. d’Arnim, de Roenne et Duckwitz. M. le baron d’Arnim, qui a laissé les meilleurs souvenirs comme ministre de Prusse à Paris, et qui, après la révolution de Février, a dirigé durant quelques mois les affaires extérieures de son pays, proposait que le traité de commerce et de navigation, conclu en 1844 entre le Zollverein et la Belgique et dont il avait été le négociateur, servît de point de départ pour la conclusion d’autres traités avec les divers États des deux Amériques. M. de Roenne, qui présidait alors avec distinction le Handelsamt, ou département du commerce de Prusse, depuis nommé ministre à Washington, préférait une simple résolution des gouvernements du Zollverein, d’accord avec ceux du littoral de la mer du Nord, par laquelle les importations directes d’outre-mer auraient joui d’un dégrèvement de 20 p. %. M. Duckwitz, de Brême, qui a été depuis le ministre intelligent et laborieux de l’éphémère empire allemand de Francfort-sur-le Mein, demandait des arrangements entre le Zollverein et les États dissidents du Nord, à l’effet d’adopter un système commun de navigation et une surtaxe sur les produits transatlantiques importés sous pavillons non assimilés. En 1847, des propositions analogues à ces dernières, soumises par le cabinet de Berlin à ces États, y avaient été accueillies avec quelque faveur ; mais Hambourg, dont le sénat publia un mémoire qui fit une certaine sensation, les avait énergiquement repoussées. Elles n’avaient pas, on doit le dire, la majorité des suffrages dans les ports prussiens de la Baltique, dont les opérations maritimes dépassent rarement les limites de la mer du Nord ; elles étaient surtout soutenues par les industriels de l’intérieur, qui espéraient de nouveaux débouchés pour leurs produits. À la suite des événements de 1848, la question a été agitée de nouveau ; les droits différentiels de navigation, au parlement de Francfort, étaient envisagés par leurs partisans sous deux points de vue divers ; les uns y voyaient un moyen de protection pour la marine marchande de l’Allemagne ; les autres, et telle était l’opinion du ministère de l’empire, n’y cherchaient qu’un moyen d’obtenir pour elle des conditions favorables de la part des puissances étrangères. L’acte de navigation britannique de 1849, et après lui la réforme des lois de navigation dans les Pays-Bas, ont créé une situation nouvelle ; aujourd’hui, si les États maritimes de l’Allemagne songeaient à arrêter de concert un acte de navigation, ils ne sauraient guère s’écarter des bases qu’a adoptées l’Angleterre. (H. R.)
  2. Les essais tentés à cet égard depuis la publication du Système national ont complètement échoué. (H. R.)
  3. L’idée émise dans ce passage est un germe qui a reçu depuis un développement immense. L’Allemagne a été vivement émue des vastes plans du ministre autrichien de Bruck pour la préparation d’une union douanière austro-allemande, embrassant une population de 70 millions d’âmes, union à laquelle il a été préludé par le traité du 19 février 1853. (H. R.)
  4. Les diverses questions économiques et commerciales que l’auteur a abordées dans ce chapitre, sont celles qui, depuis la publication de son ouvrage, ont le plus fortement préoccupé ses compatriotes. (H. R.)