Théorie analytique de la chaleur/Chapitre 5

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Firmin Didot (p. Ch. V.-368).

CHAPITRE V.
DE LA PROPAGATION DE LA CHALEUR DANS UNE
SPHÈRE SOLIDE.
Séparateur

SECTION PREMIÈRE.

Solution générale.

283.

La question de la propagation de la chaleur a été exposée dans le chapitre II, section 2, article 117 (page 111) ; elle consiste à intégrer l’équation en sorte que l’intégrale satisfasse, lorsque à la condition désigne le rapport et désigne le rapport des deux conducibilités ; est la température que l’on observerait après le temps écoulé dans une couche sphérique dont le rayon est  ; est le rayon de la sphère ; est une fonction de et qui équivaut à lorsqu’on suppose La fonction est donnée, elle représente l’état initial et arbitraire du solide.

Si l’on fait étant une nouvelle indéterminée, on aura, après les substitutions,  : ainsi il faut intégrer cette dernière équation, et l’on prendra ensuite On cherchera en premier lieu quelles sont les valeurs les plus simples que l’on puisse attribuer à ensuite on en formera une valeur générale qui satisfera en même temps à l’équation différentielle, à celle de la surface et à l’état initial. Il sera facile de reconnaître que lorsque ces trois conditions sont remplies, la solution est complète, et que l’on ne pourrait en trouver aucune autre.

284.

Soit étant une fonction de on aura On voit d’abord que la valeur de devenant infinie, celle de doit être nulle dans tous les points ; puisque le corps est entièrement refroidi. On ne peut donc prendre pour qu’une quantité négative. Or a une valeur numérique positive ; on en conclut que la valeur de dépend des arcs de cercle, ce qui résulte de la nature connue de l’équation Soit on aura cette condition Ainsi l’on peut exprimer une valeur particulière de par l’équation est un nombre positif quelconque, et et sont des constantes. On remarquera d’abord que la constante doit être nulle ; car la valeur de qui exprime la température du centre, lorsqu’on fait ne peut pas être infinie, donc le terme doit être omis.

De plus le nombre ne peut pas être pris arbitrairement. En effet si dans l’équation déterminée on substitue la valeur de on trouvera

Comme l’équation doit avoir lieu à la surface, on y supposera a rayon de la sphère, ce qui donnera Soit le nombre et on aura Il faut donc trouver un arc qui, divisé par sa tangente donne un quotient connu et l’on prendra Il est visible qu’il y a une infinité de tels arcs, qui ont avec leur tangente un rapport donné ; en sorte que l’équation de condition a une infinité de racines réelles.

285.

Les constructions sont très-propres à faire connaître la nature de cette équation. Soit (voy. fig. 12), l’équation d’une ligne dont l’arc est l’abscisse, et l’ordonnée ; et soit l’équation d’une droite dont et désignent aussi les coordonnées. Si on élimine avec ces deux équations, on a la proposée L’inconnue est donc l’abscisse du point d’intersection de la courbe et de la droite. Cette ligne courbe est composée d’une infinité d’arcs ; toutes les ordonnées correspondantes aux abscisses etc. sont infinies, et toutes celles qui répondent aux points 0, etc. sont nulles. Pour tracer la droite dont l’équation est on forme le quarré 0 1 ω 1, et portant la quantité de ω en h, on joint le point h avec l’origine o. La courbe dont l’équation est a pour tangente à l’origine o une ligne qui divise l’angle droit en deux parties égales, parce que la dernière raison de l’arc à sa tangente est 1. On conclut de là que si ou est une quantité moindre que l’unité, la droite mom passe à l’origine au-dessus de la courbe non et qu’il y a un point d’intersection de cette droite avec la première branche. Il est également évident que la même droite coupe toutes les branches ultérieures nπn, n2πn, etc. Donc l’équation a un nombre infini de racines réelles. La première est comprise entre 0 et la seconde entre et la troisième entre et ainsi de suite. Ces racines approchent extrêmement de leurs limites supérieures lorsque leur rang est très-avancé.

286.

Si l’on veut calculer la valeur d’une de ces racines, par exemple : de la première, on peut employer la règle suivante : on écrira les deux équations et désignant la longueur de l’arc dont la tangente est Ensuite prenant un nombre quelconque pour on en conclura, au moyen de la première équation , la valeur de on substituera cette valeur dans la seconde équation, et l’on en déduira une autre valeur de on substituera cette seconde valeur de dans la première équation ; on en déduira la valeur de qui, au moyen de la seconde équation, fera connaître une troisième valeur de En la substituant dans la première équation on aura une nouvelle valeur de On continuera ainsi de déterminer par la seconde équation, et par la première. Cette opération donnera des valeurs de plus en plus approchées de l’inconnue la construction suivante rend cette convergence manifeste.

En effet, si le point correspond (voy. fig. 13) à la valeur arbitraire que l’on attribue à l’ordonnée et si l’on substitue cette valeur dans la première équation le point correspondra à l’abscisse que l’on aura calculée, au moyen de cette équation. Si l’on substitue cette abscisse dans la seconde équation on trouvera une ordonnée qui correspond au point Substituant dans la première équation, on trouvera une abscisse qui répond au point ensuite cette abscisse étant substituée dans la seconde équation fera connaître une ordonnée qui, étant substituée dans la première, fera connaître une troisième abscisse ainsi de suite à l’infini. C’est-à-dire que, pour représenter l’emploi continuel et alternatif des deux équations précédentes, il faut par le point mener l’horizontale jusqu’à la courbe, par le point d’intersection mener la verticale jusqu’à la droite, par le point d’intersection mener l’horizontale jusqu’à la courbe, par le point d’intersection mener la verticale jusqu’à la droite, ainsi de suite à l’infini, en s’abaissant de plus en plus vers le point cherché.

287.

La figure précédente (13) représente le cas où l’ordonnée prise arbitrairement pour est plus grande que celle qui répond au point d’intersection. Si l’on choisit au contraire pour la valeur initiale de une quantité plus petite, et que l’on emploie de la même manière les deux équations on parviendrait encore à des valeurs de plus en plus approchées de l’inconnue. La figure (14) fait connaître que dans ce cas on s’élève continuellement vers le point d’intersection en passant par les points etc. qui terminent des droites horizontales et verticales. On obtient, en partant d’une valeur de trop petite, des quantités etc. qui convergent vers l’inconnue et sont plus petites qu’elles ; et l’on obtient, en partant d’une valeur de trop grande, des quantités qui convergent aussi vers l’inconnue, et dont chacune est plus grande qu’elle. On connaît donc des limites de plus en plus resserrées, et entre lesquelles la grandeur cherchée sera toujours comprise. L’une et l’autre approximation sont représentées par la formule


Lorsqu’on aura effectué quelques-unes des opérations indiquées, les résultats successifs différeront moins et l’on sera parvenu à une valeur approchée de

288.

On pourrait se proposer d’appliquer les deux équations et dans un ordre différent, en leur donnant cette forme et On prendrait pour une valeur arbitraire, et, en la substituant dans la première équation, on trouverait la valeur de qui étant substituée dans la seconde équation donnerait une seconde valeur de on emploierait ensuite cette nouvelle valeur de de la même manière qu’on a employé la première. Mais il est facile de reconnaître, par les constructions, qu’en suivant le cours de ces opérations, on s’éloigne de plus en plus du point d’intersection, au lieu de s’en approcher, comme dans le cas précédent. Les valeurs successives de que l’on obtiendrait diminueraient continuellement jusqu’à zéro, ou augmenteraient sans limite. On passerait successivement de en de en de en de en ainsi de suite à l’infini.

La règle que l’on vient d’exposer pouvant s’appliquer au calcul de chacune des racines de l’équation qui ont d’ailleurs des limites données, on doit regarder toutes ces racines comme des nombres connus. Au reste il était seulement nécessaire de se convaincre que l’équation a une infinité de racines réelles. On a rapporté ici ce procédé d’approximation parce qu’il est fondé sur une construction remarquable, qu’on peut employer utilement dans plusieurs cas, et qu’il fait connaître sur-le-champ la nature et les limites des racines ; mais l’application qu’on ferait de ce procédé à l’équation dont il s’agit serait beaucoup trop lente ; il serait facile de recourir dans la pratique à une autre méthode d’approximation.

289.

On connaît maintenant une forme particulière que l’on peut donner à la fonction et qui satisfait à deux conditions de la question. Cette solution est représentée par l’équation ou Le coëfficient est un nombre quelconque, et le nombre est tel que l’on a Il en résulte que si les températures initiales des différentes couches étaient proportionnelles au quotient elles diminueraient toutes à-la-fois, en conservant entre elles pendant toute la durée du refroidissement les rapports qui avaient été établis ; et la température de chaque point s’abaisserait comme l’ordonnée d’une logarithmique dont l’abscisse désignerait le temps écoulé. Supposons donc que, l’arc étant divisé en parties égales et pris pour abscisse, on élève en chaque point de division une ordonnée égale au rapport du sinus à l’arc. Le système de toutes ces ordonnées sera celui des températures initiales, qu’il faut attribuer aux différentes couches, depuis le centre jusqu’à la surface, le rayon total étant divisé en parties égales. L’arc dont la longueur représenterait dans cette construction le rayon ne doit pas être pris arbitrairement ; il est nécessaire que cet arc ait avec sa tangente un rapport donné. Comme il y a une infinité d’arcs qui satisfont à cette condition, on formerait ainsi une infinité de systèmes des températures initiales, qui peuvent subsister d’eux-mêmes dans la sphère, sans que les rapports des températures changent pendant la durée du refroidissement.

290.

Il ne reste plus qu’à former un état initial quelconque, au moyen d’un certain nombre ou d’une infinité d’états partiels, dont chacun représente un de ces systèmes de température que nous avons considérés précédemment, et dans lesquels l’ordonnée varie avec la distance proportionnellement au quotient du sinus par l’arc. Le mouvement général de la chaleur dans l’intérieur de la sphère, sera alors décomposé en autant de mouvements particuliers dont chacun s’accomplira librement comme s’il était seul.

Désignant par etc. les quantités qui satisfont à l’équation et que l’on suppose rangées par ordre, en commençant par la plus petite ; on formera l’équation générale


Si l’on fait on aura pour exprimer l’état initial des températures


La question consiste à déterminer, quel que soit l’état initial, les coëfficients etc. Supposons donc que l’on connaisse les valeurs de depuis jusqu’à et représentons ce système de valeurs par  ; on aura

291.

Pour déterminer le coëfficient on multipliera les deux nombres de l’équation par et l’on intégrera depuis jusqu’à L’intégrale prise entre ces limites, est

Si et sont des nombres choisis parmi les racines

et qui satisfont à l’équation

on aura

On voit par-là que la valeur totale de l’intégrale est nulle ; mais il y a un seul cas où cette intégrale ne s’évanouit pas, c’est lorsque Elle devient alors et, par l’application des règles connues, elle se réduit à Il résulte de là que pour avoir la valeur du coëfficient dans l’équation il faut écrire

Le signe indiquant que l’on prend l’intégrale depuis jusqu’à On aura pareillement

On déterminera de même tous les coëfficients suivants. Il est aisé de voir que l’intégrale définie a toujours une valeur déterminée, quelle que puisse être la fonction arbitraire Si cette fonction est représentée par l’ordonnée variable d’une ligne qu’on aurait tracée d’une manière quelconque, la fonction correspondra aussi à l’ordonnée d’une seconde ligne que l’on construirait facilement au moyen de la première. L’aire terminée par cette dernière ligne entre les abscisses fera connaître le coëfficient étant l’indice du rang de la racine

La fonction arbitraire entre dans chaque coëfficient sous le signe de l’intégration, et donne à la valeur de toute la généralité que la question exige, on parvient ainsi à l’équation suivante

Telle est la forme que l’on doit donner à l’intégrale générale de l’équation pour qu’elle représente le mouvement de la chaleur dans la sphère solide. En effet toutes les conditions de la question seront remplies : 1o l’équation aux différences partielles sera satisfaite ; 2o la quantité de chaleur qui s’écoule à la surface conviendra à-la-fois à l’action mutuelle des dernières couches et à l’action de l’air sur la surface ; c’est-à-dire que l’équation à laquelle chacune des parties de la valeur de satisfait lorsque aura lieu aussi lorsqu’on prendra pour la somme de toutes ces parties ; 3o la solution donnée conviendra à l’état initial lorsqu’on supposera le temps nul.

292.

Les racines etc. de l’équation sont très-inégales ; d’où l’on conclut que si la valeur du temps écoulé est considérable, chaque terme de la valeur de est extrêmement petit par rapport à celui qui le précède. À mesure que le temps du refroidissement augmente, les dernières parties de la valeur de cessent d’avoir aucune influence sensible ; et ces états partiels et élémentaires qui composent d’abord le mouvement général, afin qu’il puisse comprendre l’état initial, disparaissent presqu’entièrement, excepté un seul. Dans ce dernier état, les températures des différentes couches décroissent depuis le centre jusqu’à la surface, de même que dans le cercle les rapports du sinus à l’arc décroissent à mesure que cet arc augmente. Cette loi règle naturellement la distribution de la chaleur dans une sphère solide. Lorsqu’elle commence à subsister, elle se conserve pendant toute la durée du refroidissement. Quelle que soit la fonction qui représente l’état initial, la loi dont il s’agit tend de plus en plus à s’établir ; et lorsque le refroidissement a duré quelque temps, on peut supposer qu’elle existe sans erreur sensible.

293.

Nous appliquerons la solution générale au cas où la sphère ayant été long-temps plongée dans un liquide, a acquis dans tous ses points une même température. Dans ce cas, la fonction est 1, et la détermination des coëfficients se réduit à intégrer depuis jusqu’à cette intégrale est Donc la valeur d’un coëfficient quelconque est exprimée ainsi


le rang du coëfficient est déterminé par celui de la racine l’équation qui donne ces valeurs de est :

on trouvera donc

Il est aisé maintenant de former la valeur générale ; elle est donnée par l’équation


En désignant par , etc. les racines de l’équation , et les supposant rangées par ordre en commençant par la plus petite ; remplaçant , , , etc. par , etc., et mettant au lieu de et leurs valeurs et , on aura pour exprimer les variations des températures pendant le refroidissement d’une sphère solide qui avait été uniformément échauffée, l’équation

SECTION II.

Remarques diverses sur cette solution.

294.

Nous exposerons quelques-unes des conséquences que l’on peut déduire de la solution précédente. Si l’on suppose que le coëfficient qui mesure la facilité avec laquelle la chaleur passe dans l’air, a une très-petite valeur, ou que le rayon de la sphère est très-petit, la moindre valeur de sera extrêmement voisine de zéro, en sorte que l’équation se réduit à , ou, en omettant les puissances supérieures de , . D’un autre côté la quantité devient, dans la même hypothèse, Quant au terme il se réduit à 1. En faisant ces substitutions dans l’équation générale, on aura On peut remarquer que les termes suivants décroissent très-rapidement en comparaison du premier, parce que la seconde racine est beaucoup plus grande que zéro ; en sorte que si les quantités ou ont une petite valeur, on doit prendre, pour exprimer les variations des températures, l’équation Ainsi les différentes enveloppes sphériques dont le solide est composé conservent une température commune pendant toute la durée du refroidissement. Cette température diminue comme l’ordonnée d’une logarithmique, le temps étant pris pour abscisse ; la température initiale qui est 1 se réduit après le temps à Pour que la température initiale devienne la fraction , il faut que la valeur de soit . Ainsi, pour des sphères de même matière qui ont des diamètres différents, les temps qu’elles mettent à perdre la moitié ou une même partie déterminée de leur chaleur actuelle, lorsque la conducibilité extérieure est extrêmement petite, sont proportionnels à leurs diamètres. Il en est de même des sphères solides dont le rayon est très-petit ; et l’on trouverait encore le même résultat en attribuant à la conducibilité intérieure une très-grande valeur. Il a lieu en général lorsque la quantité est très-petite. On peut regarder le rapport comme très-petit, lorsque le corps qui se refroidit est formé d’un liquide continuellement agité que renferme un vase sphérique d’une petite épaisseur. Cette hypothèse est en quelque sorte la même que celle d’une conducibilité parfaite : donc la température décroît suivant la loi exprimée par l’équation

295.

On voit par ce qui précède que dans une sphère solide qui se refroidit depuis long-temps, les températures décroissent depuis le centre jusqu’à la surface comme le quotient du sinus par l’arc décroît depuis l’origine où il est 1 jusqu’à l’extrémité d’un arc donné , le rayon de chaque couche étant représenté par la longueur variable de cet arc. Si la sphère a un petit diamètre, ou si la conducibilité propre est beaucoup plus grande que la conducibilité extérieure, les températures des couches successives diffèrent très-peu entre elles, parce que l’arc total qui représente le rayon de la sphère a très-peu d’étendue. Alors la variation de la température commune à tous les points est donnée par l’équation Ainsi, en comparant les temps respectifs que deux petites sphères emploient à perdre la moitié ou une partie aliquote de leur chaleur actuelle, on doit trouver que ces temps sont proportionnels aux diamètres.

296.

Le résultat exprimé par l’équation ne convient qu’à des masses d’une forme semblable et de petite dimension. Il était connu depuis long-temps des physiciens, et il se présente pour ainsi dire de lui-même. En effet si un corps quelconque est assez petit pour que l’on puisse regarder comme égales les températures des différents points, il est facile de reconnaître la loi du refroidissement. Soit 1 la température initiale commune à tous les points, et la valeur de cette température après le temps écoulé  ; il est visible que la quantité de chaleur qui s’écoule pendant l’instant dans le milieu supposé entretenu à la température 0 est en désignant par la surface extérieure du corps. D’un autre côté étant la chaleur qui est nécessaire pour élever l’unité de poids de la température 0 à la température 1, on aura pour l’expression de la quantité de chaleur qui porterait le volume du corps dont la densité est de la température 0 à la température 1. Donc est la quantité dont la température est diminuée lorsque le corps perd une quantité de chaleur égale à . On doit donc avoir l’équation ou Si le corps a la forme sphérique, on aura, en appelant le rayon total, l’équation .

297.

Supposons que l’on puisse observer pendant le refroidissement du corps dont il s’agit deux températures et correspondantes aux temps et  ; on aura


On connaîtra donc facilement par l’expérience l’exposant Si l’on fait cette même observation sur des corps différents, et si l’on connaît d’avance le rapport de leurs chaleurs spécifiques et  ; on trouvera celui de leurs conducibilités extérieures et Réciproquement, si l’on est fondé à regarder comme égales les valeurs et de la conducibilité extérieure des deux corps différents, on connaîtra le rapport des chaleurs spécifiques. On voit par-là qu’en observant les temps du refroidissement pour divers liquides et autres substances enfermées successivement dans un même vase d’une très-petite épaisseur, on peut déterminer exactement les chaleurs spécifiques de ces substances.

Nous remarquerons encore que le coëfficient qui mesure la conducibilité propre n’entre point dans l’équation

,


ainsi les temps du refroidissement dans les corps de petite dimension ne dépendent point de la conducibilité propre ; et l’observation de ces temps ne peut rien apprendre sur cette dernière propriété ; mais on pourrait la déterminer en mesurant les temps du refroidissement dans des vases de différentes épaisseurs.

298.

Ce que nous avons dit plus haut sur le refroidissement d’une sphère de petite dimension, s’applique au mouvement du thermomètre dans l’air ou dans les liquides. Nous ajouterons les remarques suivantes sur l’usage de ces instruments.

Supposons qu’un thermomètre à mercure soit plongé dans un vase rempli d’eau échauffée, et que ce vase se refroidisse librement dans l’air dont la température est constante. Il s’agit de trouver la loi des abaissements successifs du thermomètre.

Si la température du liquide était constante, et que le thermomètre y fut plongé, il changerait de température en s’approchant très-promptement de celle du liquide. Soit la température variable indiquée par le thermomètre, c’est-à-dire son élévation au-dessus de la température de l’air ; soit l’élévation de la température du liquide au-dessus de celle de l’air, et le temps correspondant à ces deux valeurs et . Au commencement de l’instant qui va s’écouler, la différence de la température du thermomètre à celle du mercure étant la variable tend à diminuer, et elle perdra dans l’instant une quantité proportionnelle à  ; en sorte que l’on aura l’équation Pendant le même instant la variable tend à diminuer, et elle perd une quantité proportionnelle à , en sorte que l’on a l’équation . Le coëfficient exprime la vitesse du refroidissement du liquide dans l’air, quantité que l’on peut facilement reconnaître par l’expérience, et le coëfficient exprime la vitesse avec laquelle le thermomètre se refroidit dans le liquide. Cette dernière vitesse est beaucoup plus grande que . On peut pareillement trouver par l’expérience le coëfficient en faisant refroidir le thermomètre dans le liquide entretenu à une température constante. Les deux équations et ou et fournissent celle-ci , et étant des constantes arbitraires. Supposons maintenant que la valeur initiale de soit , c’est-à-dire que la hauteur du thermomètre surpasse de la vraie température du liquide au commencement de l’immersion ; et que la valeur initiale de soit , on déterminera et , et l’on aura


La quantité est l’erreur du thermomètre, c’est-à-dire la différence qui se trouve entre la température indiquée par le thermomètre et la température réelle du liquide au même instant. Cette différence est variable, et l’équation précédente nous fait connaître suivant quelle loi elle tend à décroître. On voit par l’expression de cette différence que deux de ses termes qui contiennent diminuent très-rapidement, avec la vitesse qu’on remarquerait dans le thermomètre, si on le plongeait dans le liquide à température constante. À l’égard du terme qui contient , son décroissement est beaucoup plus lent, et s’opère avec la vitesse du refroidissement du vase dans l’air. Il résulte de là qu’après un temps bien peu considérable, l’erreur du thermomètre est représentée par le seul terme

299.

Voici maintenant ce que l’expérience apprend sur les valeurs de et . On a plongé dans l’eau, à 1/2 (division octogésimale), un thermomètre qui avait d’abord été échauffé, et il est descendu dans l’eau de à 20 degrés en six secondes. On a répété plusieurs fois et avec soin cette expérience. On trouve d’après cela que la valeur de est 0,000042, si le temps est compté en minutes, c’est-à-dire que l’élévation du thermomètre étant au commencement d’une minute, elle sera à la fin de cette minute. On trouve aussi . On a laissé en même temps se refroidir dans l’air à 12° un vase de porcelaine, rempli d’eau échauffée à 60°. La valeur de dans ce cas a été trouvée de celle de est On voit par-là combien est petite la valeur de la fraction , et qu’après une seule minute chaque terme multiplié par n’est pas la moitié de la dix-millième partie de ce qu’il était au commencement de cette minute. On doit donc n’avoir aucun égard à ces termes dans la valeur de . Il reste l’équation ou . D’après les valeurs trouvées pour et , on voit que cette dernière quantité est plus de 673 fois plus grande que , c’est-à-dire que le thermomètre se refroidit dans l’eau plus de six cent fois plus vite que le vase ne se refroidit dans l’air. Ainsi le terme est certainement moindre que la 600e partie de l’élévation de la température de l’eau au-dessus de celle de l’air, et comme le terme est moindre que la 600e partie du précédent qui est déjà très-petit, il s’ensuit que l’équation qu’on doit employer pour représenter très-exactement l’erreur du thermomètre est . En général si est une quantité très-grande par rapport à , on aura toujours l’équation .

300.

L’examen dans lequel on vient d’entrer fournit des conséquences très-utiles pour la comparaison des thermomètres.

La température marquée par un thermomètre plongé dans un liquide qui se refroidit est toujours un peu plus forte que celle du liquide. Cet excès ou erreur du thermomètre diminue en même temps que l’élévation du thermomètre. On trouverait la quantité de la correction en multipliant l’élévation actuelle du thermomètre, par le rapport de la vitesse du refroidissement du vase dans l’air à la vitesse du refroidissement du thermomètre dans le liquide. On pourrait supposer que le thermomètre, lorsqu’il a été plongé dans le liquide, marquait une température inférieure. C’est même ce qui arrive presque toujours ; mais cet état ne peut durer ; le thermomètre commence à se rapprocher de la température du liquide ; en même temps le liquide se refroidit, de sorte que le thermomètre passe d’abord à la température même du liquide, ensuite il indique une température extrêmement peu différente et toujours supérieure.

On voit par ces résultats que si l’on plonge dans un même vase rempli d’un liquide qui se refroidit lentement différents thermomètres, ils doivent tous indiquer à très-peu-près la même température dans le même instant. Appelant , , , les vitesses du refroidissement de chacun de ces thermomètres dans le liquide, on aura , , pour les erreurs respectives. Si deux thermomètres sont également sensibles, c’est-à-dire si les quantités et sont les mêmes, leurs températures différeront également de celles du liquide. Les coëfficients , , , ont de grandes valeurs en sorte que les erreurs des thermomètres sont des quantités extrêmement petites et souvent inappréciables. On conclut de là que si un thermomètre est construit avec soin et peut être regardé comme exact, il sera facile de construire plusieurs autres thermomètres d’une exactitude égale. Il suffira de placer tous les thermomètres que l’on voudra diviser dans un vase rempli d’un liquide qui se refroidit lentement, et d’y placer en même temps le thermomètre qui doit servir de modèle ; on n’aura plus qu’à les observer tous de degré en degré, ou à de plus grands intervalles, et l’on marquera les points où le mercure se trouve en même temps dans les différents thermomètres. Ces points seront ceux des divisions cherchées. Nous avons appliqué ce procédé à la construction des thermomètres employés dans nos expériences, en sorte que ces instruments coïncidaient toujours exactement dans des circonstances semblables.

Non-seulement cette comparaison des thermomètres pendant la durée du refroidissement du liquide établit entre eux une coïncidence parfaite, et les rend tous semblables à un seul modèle ; mais on en déduit aussi le moyen de diviser exactement le tube de ce thermomètre principal sur lesquels tous les autres doivent être réglés. On satisfait ainsi à la condition fondamentale de cet instrument, qui est que deux intervalles quelconques comprenant sur l’échelle un même nombre de degrés contiennent la même quantité de mercure. Au reste nous omettons ici plusieurs détails qui n’appartiennent point directement à l’objet de notre ouvrage.

301.

On a déterminé dans les articles précédents la température que reçoit après le temps écoulé une couche sphérique intérieure placée à la distance du centre. Il s’agit maintenant de calculer la valeur de la température moyenne de la sphère, ou celle qu’aurait ce solide si toute la quantité de chaleur qu’elle contient était également distribuée entre tous les points de la masse. Le solide de la sphère dont le rayon est étant la quantité de chaleur contenue dans une enveloppe sphérique dont la température est , et qui est placée à la distance , sera . Ainsi la chaleur moyenne est ou , l’intégrale étant prise depuis jusqu’à . On mettra pour sa valeur

et l’on aura l’équation

On a trouvé précédemment . On aura donc, en désignant par la température moyenne,

équation dans laquelle tous les coëfficients des exponentielles sont positifs.

302.

Nous considérerons le cas où toutes les autres conditions demeurant les mêmes, la valeur du rayon de la sphère deviendra infiniment grande. En reprenant la construction rapportée en l’article 285, on voit que la quantité devenant infinie, la droite menée par l’origine, et qui doit couper les différentes branches de la courbe se confond avec l’axe des . On trouve donc pour les différentes valeurs de les quantités , , , etc.

Le terme de la valeur de qui contient devenant, à mesure que le temps augmente, beaucoup plus grand que les suivants ; cette valeur de après un certain temps est exprimée sans erreur sensible par le premier terme seulement. L’exposant étant égal à , on voit que le refroidissement final est très-lent dans les sphères d’un grand diamètre, et que l’exposant de qui mesure la vitesse du refroidissement est en raison inverse du quarré des diamètres.

303.

On peut d’après les remarques précédentes se former une idée exacte des variations que subissent les températures pendant le refroidissement d’une sphère solide. Les valeurs initiales de ces températures changent successivement, à mesure que la chaleur se dissipe par la surface. Si les températures des diverses couches sont d’abord égales, ou si elles diminuent depuis la surface jusqu’au centre, elles ne peuvent point conserver leurs premiers rapports, et dans tous les cas, le système tend de plus en plus vers un état durable qu’il ne tarde point à atteindre sensiblement. Dans ce dernier état, les températures décroissent depuis le centre jusqu’à la surface. Si l’on représente par un certain arc ε moindre que le quart de la circonférence le rayon total de la sphère, et que, divisant cet arc en parties égales, on prenne en chaque point le quotient du sinus par l’arc, le système de ces rapports représentera celui qui s’établit de lui-même entre les températures des couches d’une égale épaisseur. Dès que ces derniers rapports ont lieu, ils continuent de subsister pendant toute la durée du refroidissement. Alors chacune des températures diminue comme l’ordonnée d’une logarithmique, le temps étant pris pour abscisse. On peut reconnaître que cet ordre est établi en observant plusieurs valeurs successives , etc. qui désignent la température moyenne pour les temps , , , , etc. la suite de ces valeurs converge toujours vers une progression géométrique, et lorsque les quotients successifs etc. ne changent plus, on en conclut que les rapports dont il s’agit sont établis entre les températures. Lorsque la sphère est d’un petit diamètre, ces quotients sont sensiblement égaux dès que le corps commence à se refroidir. La durée du refroidissement pour un intervalle donné, c’est-à-dire le temps nécessaire pour que la température moyenne soit réduite à une partie déterminée d’elle-même , est d’autant plus grande que la sphère a un plus grand diamètre.

304.

Si deux sphères de même matière et de dimensions différentes sont parvenues à cet état final où les températures s’abaissent en conservant leurs rapports, et que l’on veuille comparer les durées d’un même refroidissement, c’est-à-dire le temps que la température moyenne de la première emploie pour se réduire à , et le temps que la température de la seconde met à devenir  ; il faut considérer trois cas différents. Si les sphères ont l’une et l’autre un petit diamètre, les durées et sont dans le rapport même des diamètres. Si les sphères ont l’une et l’autre un diamètre très-grand, les durées et sont dans le rapport des quarrés des diamètres ; et si les sphères ont des diamètres compris entre ces deux limites, les rapports des temps seront plus grands que ceux des diamètres, et moindres que ceux de leurs quarrés. On a rapporté plus haut les valeurs exactes de ces rapports.

La question du mouvement de la chaleur dans une sphère comprend celle des températures terrestres. Pour traiter cette dernière question avec plus d’étendue, nous en avons fait l’objet d’un chapitre séparé.

305.

L’usage que l’on a fait précédemment de l’équation est fondée sur une construction géométrique qui est très-propre à expliquer la nature de ces équations. En effet, cette construction fait voir clairement que toutes les racines sont réelles ; en même temps elle en fait connaître les limites, et indique les moyens de déterminer la valeur numérique de chacune d’elles. L’examen analytique des équations de ce genre donnerait les mêmes résultats. On pourra d’abord reconnaître que l’équation , dans laquelle est un nombre connu moindre que l’unité, n’a aucune racine imaginaire de la forme . Il suffit de substituer au lieu de cette dernière quantité, et l’on voit après les transformations que le premier membre ne peut devenir nul lorsqu’on attribue à et des valeurs réelles, à moins que ne soit nulle. On démontre aussi qu’il ne peut y avoir dans cette même équation

aucune racine imaginaire de quelque forme que ce soit.

En effet, 1o les racines imaginaires du facteur n’appartiennent point à l’équation puisque ces racines sont toutes de la forme  ; 2o l’équation a nécessairement toutes ses racines réelles lorsque est moindre que l’unité. Pour prouver cette dernière proposition, il faut considérer comme le produit d’une infinité de facteurs qui sont

et considérer comme dérivant de par la différentiation. On supposera qu’au lieu de former du produit d’un nombre infini de facteurs, on emploie seulement les premiers, et que l’on désigne le produit par . Pour trouver la valeur correspondante qui remplace , on prendra ou . Cela posé, on aura l’équation . Or, en donnant au nombre ses valeurs successives 1, 2, 3, 4, etc. depuis 1 jusqu’à l’infini, on reconnaîtra, par les principes ordinaires de l’algèbre, la nature des fonctions de qui correspondent à ces différentes valeurs de . On verra que, quelque soit le nombre des facteurs, les équations en qui en proviennent ont les caractères distinctifs de celles qui ont toutes leurs racines réelles. De là on conclut rigoureusement que l’équation , dans laquelle est moindre que l’unité ne peut avoir aucune racine imaginaire. Cette même proposition pourrait encore être déduite d’une analyse différente que nous emploierons dans un des chapitres suivants.

Au reste la solution que nous avons donnée n’est point fondée sur la propriété dont jouit cette équation d’avoir toutes ses racines réelles. Il n’aurait donc pas été nécessaire de démontrer cette proposition par les principes de l’analyse algébrique. Il suffit pour l’exactitude de la solution que l’intégrale puisse coïncider avec un état initial quelconque ; car il s’ensuit rigoureusement qu’elle doit représenter aussi tous les états subséquents.