Théorie de la musique (Danhauser, 1889)/Notes

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Lemoine et Fils, Éditeurs (p. 116-119).

NOTES.

NOTE (a) — Page 4.

Le son est une sensation produite sur l’organe de l’ouïe par le mouvement vibratoire des corps sonores.

Le son musical se distingue du bruit, en ce que l’on peut en mesurer exactement la hauteur, tandis qu’on ne peut apprécier la valeur musicale d’un bruit.

Le son musical possède trois qualités spéciales : la hauteur, l’intensité et le timbre.

La hauteur est le résultat du plus ou moins grand nombre de vibrations produites dans un temps donné : plus il y a de vibrations, plus le son est aigu.

L’intensité, ou la force du son, dépend de l’amplitude des vibrations.

Le timbre est cette qualité particulière du son, qui fait que deux instruments différents ne peuvent être confondus entre eux, quoique produisant chacun un son de même hauteur et de même intensité L’oreille la moins exercée distingue facilement le timbre d’un violon de celui d’une trompette ou d’un hautbois. La cause du timbre n’est pas encore bien connue.

NOTE (b). — Page 9.

Le nom des six premières notes — UT — RÉ — MI — FA — SOL — LA — est tiré de la première strophe de l’hymne à St Jean-Baptiste dont voici le chant.

HYMNE DE St JEAN
telle qu’elle se chantait anciennement.
tirée d’un ancien manuscrit conservé dans la bibliothèque du Chapitre de Sens.[1]

\new GrandStaff \with {
  \remove Span_bar_engraver
} \new Staff {
  \relative c' {
    \cadenzaOn
    c1^\markup{\italic\tiny"Notation moderne."} d f d e d \bar "|"
    d d c d e e \bar "|"
    e f g e d e d d \bar "|"
    f g a g f d d \bar "|"
    g a g e f g d \bar "|"
    a' g a f g g g \bar "|"
    g f d c e d \bar "|."
  }
}
\addlyrics {
  \lyricmode {
    Ut que -- ant la -- _ xis
    Re -- so -- na -- re fi -- bris
    Mi -- _ -- _ ra ges -- _ to -- rum
    Fa -- mu -- li tu -- _ o -- rum
    Sol -- _ -- _ ve pol -- lu -- ti
    La -- bi -- i re -- _  a -- tum
    Sanc -- _ te Io -- ha -- nnes
  }
}
\midi {
  \context {
    \Score
    tempoWholesPerMinute = #(ly:make-moment 100 1)
  }
}

Cette désignation syllabique fut imaginée comme moyen mnémonique par Guido ou Gui, moine de l’Abbaye de Pompose, qui naquit à Arezzo en Toscane vers la fin du Xe siècle.[2]

Auparavant les notes étaient désignées par des caractères alphabétiques.

A B C D E F G
la si ut mi fa sol

NOTE (c). — Page 11.

La portée de cinq lignes, seule en usage dans la notation moderne, n’est qu’un fragment de la portée générale de onze lignes (portée fictive) sur laquelle on pourrait placer presque tous les sons contenus dans la voix humaine, depuis la plus grave jusqu’à la plus aiguë.

Ex.

La lecture de cette portée générale eut été difficile, sinon impossible ; et de plus chaque voix ayant une étendue plus restreinte, une partie de cette portée lui eût été inutile.

On attribua donc à chaque voix le fragment de cette portée qui lui était particulièrement spécial, et ce fragment fut régulièrement formé de cinq lignes voisines.

Mais alors, il devint nécessaire d’avoir un moyen pour reconnaître les divers fragments de la portée générale. Dans ce but, on plaça au commencement de la portée et sur la sixième ligne qui porte l’ut, le caractère alphabétique C qui représente cette note[3], puis pour que les cinq lignes inférieures ou supérieures détachées de cette portée aient également un signe de reconnaissance, on plaça sur la 4e ligne, qui porte le fa, la lettre F qui représente cette note et enfin sur la 8e ligne, portant le sol, la lettre G par laquelle cette note est représentée.

Ces caractères sans lesquels on ne pourrait reconnaître la position des notes, prirent par métaphore le nom de clés, et leurs figures modifiées peu à peu sont devenues telles que nous les connaissons aujourd’hui.

Le tableau suivant, qui indique le rapport des clés entre elles, présente les divers fragments de la portée générale et les différentes positions des clés sur chacun de ces fragments.

Pour cette dernière clé sur la 1re ligne il faut ajouter au dessus une grande ligne supplémentaire.


NOTE (d). — Page 12.

Le rapport des sons entre eux se règle au moyen d’un petit instrument nommé diapason et produisant un son invariable.

Ce son type est le la qui, en clé de sol 2e ligne, se place dans le deuxième interligne de la portée.

Pour des causes diverses, le son du diapason tendant à devenir de plus en plus aigu, Mr le Ministre d’État réunit une commission qu’il chargea d’établir en France un diapason musical uniforme.

Cette commission, composée de : MMrs J. Pelletier. Conseiller d’État, Secrétaire général du Ministère d’État, Président : F. Halevy, Membre de l’Institut, Secrétaire perpétuel de l’Académie des Beaux-Arts, Rapporteur : Auber, M. de l’Institut, Directeur du Conservatoire de Musique et de Déclamation ; Ambroise Thomas, M. de l’Institut ; Berlioz, M. de l’Institut ; Desprez, M. de l’Institut, Professeur de Physique à la Faculté des Sciences ; Camille Doucet, M. de l’Institut, Chef de la division des Théâtres au Ministère d’État ; Lissajous, Professeur de Physique au Lycée St Louis ; Général Mellinet, chargé de l’organisation des musiques militaires ; Meyerbeer, M. de l’Institut ; Édouard Monnais, Commissaire imp. près les Théâtres lyriques et le Conservatoire ; Rossini. M. de l’Institut ; présenta son rapport le 1er Février 1859.

Conformément à ses conclusions, il fut arrêté qu’il serait adopté un diapason normal obligatoire pour tous les établissements musicaux de France autorisés par l’État. Ce diapason donne 870 vibrations par seconde. L’étalon en est déposé au Conservatoire de Musique.

NOTE (e). — Page 16.

Les deux portées en usage pour écrire la musique de Piano, d’Orgue et de Harpe, ne sont autres que la portée générale dont il a été question dans la note c, moins la ligne du milieu.

Les sons aigus (joués par la main droite) sont écrits sur les cinq lignes supérieures — clé de sol 2e ligne —. Les sons graves (joués par la main gauche) sont écrits sur les cinq lignes inférieures — clé de fa 4e ligne.

Quant à la ligne du milieu de la portée générale, elle correspond à la première ligne additionnelle qui se place au-dessous de la portée supérieure, et au-dessus de la portée inférieure.


NOTE (f). — Page 19.

Les altérations accidentelles ou accidents ont sur les notes un effet absolu ; c’est-à-dire qu’une note à laquelle un accident est affecté est toujours, quelle que soit son altération précédente, ce qu’indique cet accident. Ainsi : une note affectée précédemment d’un double dièse, se présentant précédée d’un bécarre, sera rendue inaltérée ; cette même note précédée d’un simple dièse, sera rendue simplement diésée.

NOTE (g). — Page 34.

Pour maintenir à la quarte et à la quinte la qualification de juste, nous nous appuyons aussi sur l’opinion de Mr Henri Réber, dont la parole fait autorité, et qui, dans son traité d’harmonie, dit (page 4. note **) « on n’a pas jugé à propos d’adopter dans cet ouvrage les dénominations de quinte majeure pour la quinte juste, et de quarte mineure pour la quarte juste ; ces qualifications nouvelles ne sont pas généralement adoptées en France et n’offrent d’ailleurs aucun avantage ; celle dernière considération doit toujours faire donner la préférence à la tradition. »

NOTE (h). — Page 36.

Pour connaître la composition d’un intervalle redoublé, il faut : à la composition de l’intervalle simple dont cet intervalle redoublé émane, ajouter autant de fois 5 tons et 2 demi-tons diatoniques (composition de l’octave juste) que le redoublement contient d’octaves.

Ainsi : la douzième juste étant une quinte juste redoublée à une octave, il faut :

à la composition de la quinte juste qui est de 3 tons et 1 demi-ton diatonique,
ajouter la composition de l’octave juste, soit : 5 tons et 2 demi-tons diatoniques.
La douzième juste contient donc, 8 tons et 3 demi-tons diatoniques.

La dix-septième majeure étant une tierce majeure redoublée à deux octaves, il faut :

à la composition de la tierce majeure qui est de 2 tons,
ajouter deux fois la composition de l’octave juste, soit : 10 tons et 4 demi-tons diatoniques.
La dix-septième majeure contient donc, 12 tons et 4 demi-tons diatoniques.

NOTE (i). — Page 43.

En adoptant cette théorie de la génération de la gamme, basée sur la résonnante naturelle du corps sonore, nous n’avons pas voulu prétendre que notre gamme fût créée a posteriori d’après ce principe, ou même qu’elle fut la seule possible. Les orientaux possèdent des gammes d’une construction différente ; les modes du plain-chant offrent aussi des dispositions diverses dans la succession des tons et des demi-tons.

Nous avons choisi parmi les systèmes qui cherchent à expliquer la raison d’être de notre tonalité moderne, celui qui offrait le plus de probabilités, en même temps que l’unité qui en rattache toutes les parties et en forme un tout émanant du même principe.

NOTE (j). — Page 77.

La transposition de 1 demi-ton chromatique au-dessus ou au-dessous est des plus simples ; pour l’opérer on ne change pas de clé, on doit seulement supposer à la clé l’armure du ton dans lequel on transpose.

Ainsi, pour transposer en majeur un morceau écrit en ré majeur, il suffit de substituer aux 2 dièses, (armure de ré majeur) 5 bémols, (armure de majeur). — Pour transposer en ut mineur un morceau écrit en ut mineur, il suffit de substituer au 3 bémols (armure de ut mineur) 4 dièses (armure de ut mineur).

Dans cette transposition, il y a toujours une différence de 7 altérations entre l’armure du morceau écrit et l’armure du morceau transposé ; par conséquent, et d’accord avec la règle 1re (§ 175). si le ton dans lequel on transpose prenait plus de dièses ou moins de bémols, toutes les altérations accidentelles s’exécuteraient à un demi-ton chromatique au-dessus. De même, et d’accord avec la règle 2e (§ 176), si le ton dans lequel on transpose prenait plus de dièses ou moins de dièses, toutes les altérations accidentelles s’exécuteraient à un demi-ton au-dessous.

Cette transposition peut amener une difficulté nouvelle. Cette difficulté consisterait à être entraîné dans un ton contenant des doubles dièses ou des doubles bémols, et par conséquent d’une exécution difficile, surtout sur un instrument.

Ainsi, un morceau en si majeur, contenant une modulation persistante en mi majeur, donnerait par la transposition à 1 demi-ton chromatique au-dessous, le ton de si majeur modulant en mi majeur.

Il serait bon alors d’employer la transposition enharmonique, c’est-à-dire de substituer au ton de mi majeur, sa tonalité enharmonique de ré majeur.

Ce ne serait plus alors qu’une transposition à la seconde mineure du ton écrit.

Il est bien entendu que l’emploi de ce procédé ne serait utile qu’autant que la modulation aurait une certaine durée et serait indiquée, dans un morceau écrit, par un changement d’armure.

L’habitude de la transposition peut s’acquérir en peu de temps ; mais il sera toujours prudent, avant de commencer un morceau que l’on ne connaît pas, de le parcourir rapidement des yeux, afin de ne pas s’exposer à rencontrer une difficulté imprévue.

NOTE (k). — Page 87.

On a vu (1re partie, 14e leçon) que le triolet était la division ternaire d’une figure de note simple. On emploie aussi, ce qui est l’inverse du triolet, la division binaire d’une figure de note pointée.

Pour noter cette division binaire, on se sert des figures mêmes qui représentent la division ternaire, en ayant soin, pour en faciliter la lecture, de placer un 2 au-dessus du groupe binaire.

Ex.

\new PianoStaff <<
  \new Staff = "right" \relative c'' {
    \time 6/8
    r8 e d c b a
    \times 3/2 { c g } \times 3/2 { a b }
  }
  \new Staff = "left" \relative c {
    \clef bass
    \time 6/8
    c4. e
    g f^"etc."
  }
>>

Deux figures de notes employées dans cette division binaire ont une valeur égale à trois des mêmes figures employées dans la division ternaire (les tiers valent alors des demies).

Si le triolet n’est autre, quelquefois, qu’un temps d’une mesure composée transporté dans une mesure simple, la division dont nous parlons ici est au contraire, un temps d’une mesure simple transporté dans une mesure composée.


FIN DES NOTES.
  1. J.-J. Rousseau, Dictionnaire de musique.
  2. Les italiens ont substitué, pour solfier, la syllabe do à la syllabe ut, dont ils trouvaient le son trop sourd. Cet usage s’est également établi en France.
  3. Revoir la fin de la note (b).