Traité des instruments de martyre et des divers modes de supplice employés par les païens contre les chrétiens/Chapitre I

La bibliothèque libre.


Traduction par un inconnu, sur les originaux italien et latin.
Charles Carrington (p. 1-22).


CHAPITRE PREMIER

De la Croix, des Poteaux, et autres Engins de supplice, auxquels étaient suspendus les corps des Chrétiens qui demeuraient fermes dans la Confession du Christ.


Considérant que nous nous proposons, dans ce livre, de traiter des divers instruments de supplice, et des modes de torture sans nombre, par lesquels les plus glorieux et les plus invincibles soldats de Notre Seigneur Jésus-Christ, affrontèrent, d’un cœur ferme, la mort pour son honneur, nous avons jugé convenable de commencer notre labeur par la Croix sainte et sacrée. — Et cela par la raison que ce fut sur elle que le Sauveur du Monde, brisant les liens de la Mort, fut victorieux de ce rusé serpent, le Diable, et obtint, par ses souffrances, une telle force d’âme pour ses serviteurs, qu’ils étaient prêts, le cœur en joie, à endurer les plus cruelles rigueurs, jusqu’à l’effusion de leur sang et l’ablation de leurs membres. Et c’est aussi à cause de cette force que les Confesseurs et les Prêcheurs de la Loi divine puisèrent dans la Croix et déployèrent dans les tortures, qu’il nous a paru convenable de placer la Croix en tête du présent livre. Mais, comme les poteaux plantés en terre étaient tous inclus par les Anciens sous le nom général de Croix, nous en devons traiter dans le même chapitre, aussi bien que des autres engins auxquels les corps des Saints Martyrs étaient suspendus, en punition de leur persistance dans la foi du Christ. Car, en vérité, soit qu’ils aient été cloués à la Croix, ou bien liés à des poteaux, on peut toujours dire qu’ils étaient suspendus.

Mais, pour en revenir à la Croix, nous devons dire que non seulement les Juifs, mais aussi les Gentils, avaient l’habitude de clouer sur une Croix les criminels condamnés. Et cela est expressément constaté par divers de leurs propres auteurs, en premier lieu par Cicéron, en différents passages (spécialement dans « les Philippiques » et « De Finibus ») ainsi que par Valérius Maximus, par Tite Live, Curtius, Suetonius (Galba) et Sénèque (De Consolatione).

Ce dernier passage montre qu’il y avait des Croix de plus d’une sorte, comme cela est clairement établi dans ce qui suit : « De ceci, je conclus que les Croix n’étaient pas que d’une sorte, mais faites différemment par les différents peuples. Il y en a qui pendent le criminel la tête en bas, d’autres lui traversent les entrailles par un pieu, d’autres encore lui étendent les bras sur un gibet en forme de fourche. » Maintenant, pour expliquer de quelle sorte étaient ces croix qui « traversent les entrailles avec un pieu », Sénèque l’explique d’autre part, car il appelle cette sorte de croix, dans son accusation contre le luxurieux Mécènes une croix en pointe aiguë. D’après cela, il est aisé de comprendre que, si certaines de ces Croix ressemblaient à ce que nous appelons aujourd’hui Croix, d’autres étaient semblables à ces pieux aiguisés que les Turcs, de nos jours, emploient pour exécuter les condamnés et avec lesquels ils traversent les victimes depuis le fondement jusqu’à la tête. Lisez aussi Procopius (Guerre des Vandales).

Sur la première espèce de Croix, quelques-uns des suppliciés étaient crucifiés avec la tête tournée vers la terre, tandis que d’autres avaient la tête levée vers le Ciel (ainsi que Sénèque le déclare dans le passage ci-dessus cité, et ainsi qu’en rendent témoignage de nombreux Actes des Saints). Les martyrs chrétiens étaient crucifiés de chacune de ces deux manières par les adorateurs des idoles.

Parmi ceux qui conquirent la Couronne du Martyr en étant crucifiés la tête en bas, fut le chef des apôtres lui-même, saint Pierre, sur lequel Origène écrit ceci : « Lorsque Pierre fut arrivé aux faubourgs de Rome, il fut cloué à la croix, la tête en bas (car il désira lui-même que cela fut ainsi). »

Saint Augustin écrit également : « Ainsi tous deux (Pierre et Paul) se hâtent d’atteindre la palme du Martyre, et de conquérir, par ce moyen, la couronne. » Et, un peu plus loin : « Pierre, pour l’amour du Christ, est suspendu sur l’arbre, la tête en bas. Paul est tué par le sabre. L’apôtre, avec ses propres pieds, marcha à la rencontre du Christ, et, levant ses yeux en haut, laissa monter aux cieux son esprit béni. » Dans le même esprit (pour passer à d’autres pères) saint Chrysostome ; (Homélie sur le chef des Apôtres) : « Réjouis-toi, Pierre, à qui il a été donné de jouir du Christ sur l’arbre et qui eut le bonheur d’être crucifié comme le fut ton maître, cependant, non pas le corps droit comme le Seigneur Christ, mais la tête tournée vers la terre ainsi que quelqu’un voyageant de la terre au ciel. Bénis soient les clous qui percèrent ces membres sacrés ! » Ainsi parle Chrysostome. Au très saint apôtre du Christ, on peut adjoindre Saint Calliopus, qui mourut de la même mort pour avoir gardé sa foi en Christ et qui, bravement, triompha d’une façon signalée du monde et du Démon. Tout cela donc a été dit sur les Martyrs qui furent crucifiés, les pieds levés vers le ciel.

Mais beaucoup de champions, dont la voix était comme un clairon pour proclamer la Loi chrétienne, moururent sur la Croix, les pieds tournés vers la terre (pour continuer à traiter notre sujet), par exemple : saint Philippe et saint André, apôtres ; Nestor, évêque ; Timon, diacre, et d’autres encore. D’ailleurs, outre ceux-la, le Martyrologe Romain nous parle de dix mille martyrs ainsi crucifiés, — et, en particulier, d’un certain Siméon, évêque, qui, à la date de son martyre, était dans sa cent vingtième année.

Relativement aux premiers désignés, c’est-à-dire les dix mille qui furent dressés sur la croix (2 juin), nous lisons : « Sur le mont Ararat, passion de dix mille martyrs qui furent crucifiés. »

Relativement à saint Siméon (2 avril) : « À Jérusalem, anniversaire de saint Siméon, évêque et martyr, qu’on dit avoir été fils de Cléophas, et parent du Sauveur selon la chair. Ordonné évêque de Jérusalem, immédiatement après Jacques, frère de Notre Seigneur, après avoir souffert, pendant la persécution de Trajan, maintes tortures, il mourut martyr ; tous ceux qui se trouvaient présents, et le juge lui-même, furent émerveillés de voir comment un vieillard de cent-vingt ans avait pu endurer le supplice de la Croix bravement et sans fléchir ». Le même évêque Siméon est remémoré de la même façon par Eusèbe (Histoire Ecclésiastique).

MODE EMPLOYÉ PAR LES PAÏENS POUR CRUCIFIER LES CHRÉTIENS

En premier lieu, les Ministres de Cruauté préparaient (comme l’attestent divers passages des Actes des Saints, cités plus haut, et en particulier ceux de saint Pionius) des maillets, des clous de fer, et une croix faite en bois, qu’ils posaient à terre ; quelquefois, y attachant des cordes pour lier les mains et les pieds de ceux
Fig. I
A. — Martyres suspendues par un pied.
B. — Suspendue par les deux pieds.
C. — Élevée sur la croix, la tête en haut.
D. — Clouée à la croix, la tête en bas.
E. — Pendue par les deux bras, avec de lourds poids attachés aux pieds.
F. — Femmes chrétiennes pendues par les cheveux.
G. — Martyres pendues par un bras, avec d’énormes poids attachés aux pieds.
qui devaient être crucifiés. Alors, couchant les saints martyrs, ou quelque criminel de leur propre religion, si méprisable, sur le bois, après leur avoir arraché leurs vêtements, ils les attachaient au moyen de quatre clous (nombre qui semble le plus probablement avoir été employé). Cela fait, ils élevaient la croix, avec les victimes, et, l’enfonçant dans un trou creusé à cet effet, les abandonnaient à l’amère agonie d’une mort lente, — les laissant pendus jusqu’à ce que leurs chairs fussent entièrement pourries, comme Valérius Maximus l’explique clairement dans divers passages.

De cela, nous pouvons déduire que les Juifs, relativement aux corps des crucifiés qui étaient sur les croix, différaient des Gentils. Ces derniers, ainsi que nous venons de le remarquer, les laissaient pendre au gibet jusqu’à ce qu’ils fussent pourris ; mais les Juifs agissaient autrement et, conformément à la loi, comme il est déclaré dans le Deutéronome, ch. XVe, ils avaient coutume de les descendre le même jour et de les enterrer dans un endroit convenable.

Nous dirons peu de chose, dans ce présent ouvrage, de l’autre sorte de croix, dont nous avons parlé au commencement du chapitre, sous l’autorité de Sénèque, comme étant munie d’un bâton pointu. Car, jusqu’à présent, nous avons été incapables de trouver, dans les histoires des anciens martyrs, aucune mention d’une semblable punition ayant été infligée. À vrai dire, cependant, nous préférions inclure sous ce titre la torture infligée à quelques-uns des plus glorieux athlètes du Christ, sous forme de bâtons pointus leur traversant l’intérieur du corps. Mais de cela, si Dieu nous le permet, nous traiterons dans le dernier chapitre de notre livre. Une autre punition, en partie semblable, est décrite par Théodoret (Histoire Ecclésiastique) de la façon suivante : « Mais quand il le tient (saint Benjamin) se moquant de cette torture, il commande encore qu’un autre roseau soit introduit cette fois, dans son membre génital, lequel roseau étant retiré, et enfoncé de nouveau, lui causait des tourments inexprimables. Ensuite, le sauvage tyran ordonne de lui introduire dans le fondement un gros bâton épais, et extrêmement rugueux en raison des branches qui en sortaient de toutes parts. » Aussi loin va Théodoret. D’ailleurs c’est un fait reconnu, que les Turcs empalèrent sur des pieux, Adrien, de l’ordre de saint Dominique, et vingt-six autres, ses compagnons ; et Procopius (Guerre des Vandales) parle du meme supplice. Mais assez sur cela.


LES POTEAUX


Les poteaux étaient grandement employés, et de maintes manières différentes, par les Païens, adorateurs du Démon, pour tourmenter les Chrétiens. Ils y attachaient les saints martyrs, — après leur avoir arraché leurs vêtements afin de les rendre aussi nus que possible, — soit au moyen de clous de fer, ou bien de cordes. Ils leur déchiraient alors la chair sans merci avec des griffes de fer, des pinces ou des étrilles. Ils les transperçaient de flèches, les battaient de verges, de bâtons, ou même les exposaient aux morsures des bêtes féroces. Ils leur arrachaient les dents, leur coupaient la langue, et les seins, lorsque c’étaient des femmes. En un mot, ils les torturaient de toutes les manières les plus horribles, après les avoir d’abord attachés à des pieux ou poteaux fixes en terre. Cela est confirmé par de nombreux Actes des Saints Martyrs, tels que ceux de Grégoire Thaumaturge ; Polycarpe Gaiana et Fébronia vierge, et une légion presque innombrable d’autres des deux sexes. La même chose est démontrée par des auteurs classiques tels que Ciceron (Philippiques), Valérius Maximus, Suétone (Claudius), etc. Il devrait être remarqué ici que les Martyrs qui étaient attachés à des poteaux par des clous de fer et torturés ainsi, étaient aussi quelquefois liés avec des cordes, probablement pour que leur tourment soit plus grand.


DES PILIERS ET ARBRES EMPLOYÉS POUR LE MÊME OBJET
ET DANS LE MÊME BUT


Bien que les adorateurs du Démon, pour torturer les condamnés à mort, les aient souvent attachés à des poteaux ou à des croix, il est pourtant fréquemment rapporté comment nos Martyrs étaient attachés ou cloués à des arbres ou à des piliers, sur le commandement de leurs bourreaux, et, ainsi, étaient torturés.

Les Actes de divers Martyrs, aussi bien qu’Eusèbe, rendent témoignage de piliers employés ainsi. Pour terminer, enfin, il y a le fameux pilier religieusement conservé à la basilique de Saint-Sébastien, en dehors des murs, et que l’on suppose, d’accord avec l’ancienne Tradition chrétienne, être le même auquel le dit saint Martyr, confessant sa foi au Christ, fut attaché et percé de flèches jusqu’à la mort.

Les Actes de divers Martyrs, tels que ceux de sainte Zoé et de saint Paphnutius, font mention d’arbres semblables ainsi employés.


DES DIFFÉRENTS MODES D’ÊTRE SUSPENDU À LA CROIX, ETC.


Ayant suffisamment traité de la croix elle-même, et des pieux employés pour le crucifiement, il reste, dans la dernière partie de ce chapitre, à donner des informations sur les diverses manières d’y être suspendu ; c’est-à-dire de quelles façons les Martyrs bénis, et les champions du saint Évangile y étaient suspendus par les Païens. Car les moyens de suspension étaient à la fois variés et horriblement cruels, et nous trouvons que les Chrétiens devaient les subir, au caprice de leurs bourreaux. Nous apprenons comment quelques-uns d’entre eux étaient suspendus par un seul pied, ou mieux (comme l’explique Nicéphore dans son Histoire), par un pied élevé au niveau de la tête, un feu lent étant allumé au-dessous, de façon à les suffoquer par la fumée. D’autres étaient suspendus par les bras, par les deux ou par un seul, ou encore par les extrémités des pouces, et, à leurs pieds, étaient attachés des poids d’une extraordinaire pesanteur. D’autres encore, selon ce que nous trouvons rapporté, étaient suspendus à de hauts murs. Des pierres étaient attachées à leur cou ou à leurs pieds ; ils étaient liés de cordes ; on chargeait leurs épaules de lourds sacs de sel, et, afin qu’ils souffrissent davantage, des bâillons de bois étaient enfoncés dans leur bouche. Plus loin, il est dit comment certains étaient enduits de miel et attachés, dans cet état, à des poteaux exposés à un soleil brûlant, de sorte qu’ils étaient torturés par les piqûres des mouches et des abeilles. Il est dit aussi que d’autres étaient pendus à des crampons de fer ou à des nœuds coulants (ainsi que sont pendus, de nos jours, les voleurs et les meurtriers condamnés à mort). Enfin, ils étaient attachés à des piliers, étant face à face, et les pieds ne touchant pas le sol, ou encore, pendus par les cheveux, ce qui était employé souvent pour torturer les femmes qui demeuraient constantes dans la foi du Christ.

De toutes ces diverses manières, les Actes des saints Martyrs font fréquemment mention. Particulièrement, pour la première manière, les Actes de saint Grégoire, évêque d’Arménie.

Les femmes chrétiennes, aussi, étaient souvent suspendues par un pied pendant tout le jour (comme rend témoignage Eusèbe, dans son Histoire ecclésiastique), et cela d’une telle façon que même leurs parties intimes étaient dévoilées, afin que soit
Fig. II
A. — Martyr suspendu par les deux pieds, avec une grosse pierre attachée au cou.
B. — Quelquefois les Saints Martyrs, après avoir été enduits de miel, étaient liés à des poteaux fixés en terre, et ainsi exposés aux rayons du soleil pour être torturés par les piqûres d’abeilles et de mouches.
C. — Martyr suspendu par un pied ; l’une des jambes est pliée au genou et est maintenue au moyen d’un cercle en fer, l’autre étant chargée d’une lourde masse de fer.
montré, pour la sainte religion du Christ, le plus grand mépris possible.

Ainsi, pour ce qui concerne les moyens par lesquels les Martyrs étaient torturés par la suspension, l’on peut dire qu’ils étaient nombreux et divers. Quelquefois, les Martyrs étaient simplement suspendus par un pied, tandis que, pour d’autres, l’on ajoutait la fumée d’un combustible humide avec des mauvaises odeurs, comme celles des excréments d’animaux, pour accroître leurs souffrances, et, en couronnement du tout, une douzaine de bourreaux frappaient en même temps la victime à l’aide de cordes. En d’autres occasions, ils étaient suspendus par un pied, la jambe étant repliée au genou, et une bande de fer fixée autour de cette jointure. Alors un poids de fer était attaché à l’autre pied, de telle sorte que les malheureuses victimes se trouvaient écartelées misérablement. C’est ainsi que dans les Actes de saint Samona, nous trouvons écrit ceci : « Mais le magistrat ordonne immédiatement que Samona ait une jambe repliée au genou, et une bande de fer fixée autour de la jointure. Cela fait, il le pend la tête en bas, par le pied de la jambe repliée, tirant en même temps l’autre jambe vers le bas, au moyen d’un poids de fer ».

Parmi les Martyrs qui souffrirent par le premier de ces modes de tourments, nous lisons les noms des plus nobles soldats du Christ, mentionnés un peu plus haut : saint Grégoire d’Arménie et saint Samona.

Quant à la seconde manière, par laquelle les victimes étaient pendues par les deux pieds, divers Actes des Saints en parlent, par exemple, ceux de saint Venantius, des vierges saintes, Euphémie et ses sœurs, de l’évêque Acepsima et ses compagnons. Aussi les Martyrs cappadociens, dont toute une légion est solennellement célébrée dans le Martyrologe Romain, 23 mai, où il est écrit : « À Cappadoce, commémoration des saints Martyrs, qui, dans la persécution de Maximin, eurent leurs membres brisés et furent mis à mort ; — de même pour ceux qui, à la même date, en Mésopotamie, furent pendus, les pieds en haut et la tête en bas, étouffés par la fumée et consumés au-dessus d’un feu lent, — et ainsi accomplirent leur martyre. »

Et, véritablement, ce n’était pas d’une seule manière, mais de façons nombreuses et variées que les serviteurs du Démon (comme on peut le voir dans les Actes désignés ci-dessus) pendaient et tourmentaient les Martyrs. Ceux-ci, quelquefois, étaient asphyxiés par la fumée, quelquefois leur tête était broyée à coups de marteau, ou bien de grosses pierres étaient pendues à leur cou, ou bien encore ils étaient cruellement brûlés par des torches enflammées.

On sait que nombre de chrétiens, par la première de ces manières, ont souffert dans la Mésopotamie. Par la seconde furent torturées Euphémie, Thécla, Érasme et Dorothée, les plus nobles vierges et martyres du Christ. Par la troisième les saints Théopompe, Mercurius et le déjà mentionné Venantius.


DU TROISIÈME MODE DE SUSPENSION, C’EST-À-DIRE LES MARTYRS PENDUS PAR UN BRAS


Ce troisième mode de suspension, à savoir, comme nous le disons, d’être pendu par un bras, est mentionné dans un grand nombre d’Actes des saints Martyrs, parmi lesquels nous pouvons désigner celui de saint Samona, déjà cité, ainsi que ceux de saint Antoine, ce martyr au noble cœur, relativement auquel nous trouvons rapporté dans le Martyrologe Romain, le 4 mai : « À Nicodémie, anniversaire de saint Antoine, martyr, qui, après avoir été sauvagement mis à la roue et torturé de diverses tortures, fut suspendu pendant trois jours par un bras, et gardé prisonnier pendant deux ans dans une tour ; puis finalement, par le gouverneur Priscillianus, brûlé au poteau, en confessant le seigneur Jésus. » Ainsi dit le Martyrologe Romain.

En premier lieu, nous devrions noter que, quelquefois, les exécuteurs des martyrs pendus avaient l’habitude, afin d’écarteler les diverses jointures de leur corps, d’attacher à leurs pieds des pierres d’un grand poids. De cela, un noble et indubitable témoignage nous est donné par les histoires de divers saints, spécialement celle de saint Samona, déjà mentionné dans une autre partie du présent chapitre.


POIDS PAR LESQUELS FURENT TORTURÉS LES ATHLÈTES
DE NOTRE SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST


Nous lisons et relisons, dans les Histoires des Martyrs, comment, après avoir été pendus, ils étaient, au milieu d’autres tourments, chargés de poids, dont quelques-uns étaient, comme nous le décrivons plus haut, de fer ou de bronze, et d’autres de pierre. Pour ces derniers, nous avons cette preuve qu’il y en a qui ont été conservés jusqu’à nos jours, ici, à Rome, dans les Églises des Saints Apôtres, et aussi dans celles de saint Apollinaire et d’Anastase, non loin de la cité. Il y avait des pierres d’un grand poids, de couleur noire, de forme ronde ou ovale, avec un anneau de fer incrusté dans la pierre, où l’on passait une corde pour lier et pendre aux pieds ou aux mains des martyrs suspendus.

Une autre chose que nous ne voudrions pas voir ignorer par le lecteur, est que certaines autorités ont propagé l’opinion que ces dites masses de pierres, appelées par Joseph (Macchabées) orbiculaires, ou Pierres Rondes, n’étaient pas désignées spécialement comme employées pour torturer, mais bien pour servir de poids. Cela, pourtant, ne peut possiblement pas être, ainsi qu’il est prouvé dans les notes ajoutées au Martyrologe Romain, car les pierres pour peser avaient toujours (comme le remarquent Isidore et Alciatus en parlant des poids) le chiffre de leur pesanteur inscrit dessus. Chose que n’ont pas celles qui sont ici.

Ces charges de pierres étaient entièrement différentes (comme on le trouve mentionné dans les notes déjà citées du Martyrologe Romain), de celles auxquelles étaient condamnés les détenus pour dettes dans la loi XII des Tables. Ces dernières n’étant rien autre que des entraves. Aulu-Gelle en parle, disant : « Liez-le, soit avec des courroies, soit avec des entraves ne pesant pas moins de quinze livres, ou, si un plus grand poids est nécessaire, prenez des entraves plus pesantes encore. »


DU QUATRIÈME MOYEN DE SUSPENSION, C’EST-À-DIRE D’ÊTRE
PENDU PAR LES DEUX BRAS


Cette quatrième méthode de suspension est mentionnée dans les Actes des saints Procopius, Andochius, Thyrsus, Félix et d’autres, leurs compagnons.

Ici, vous devez savoir que la coutume des païens, selon l’occasion, était celle-ci : soit d’attacher de lourds poids aux pieds de ceux qui supportaient ce genre de suspension, ou bien, après leur avoir croisé les bras derrière le dos, de les élever en l’air en les tirant, et ensuite de les laisser retomber. Ainsi, dans le

Martyrologe Romain, le 24 septembre, nous lisons sur les saints confesseurs du Christ, saint Andochius et ses compagnons : « À Augusto-dunum (Autun) l’anniversaire des saints martyrs Andochius, prêtre, Thyrsus, diacre, et Félix, qui étant envoyés d’Orient par le saint Polycarpe, évêque de Smyrne, pour enseigner le christianisme à la Gaule, furent en ce pays cruellement flagellés
Fig. III
A. — Martyr suspendu par les pouces, de lourdes pierres étant attachées à ses pieds.
B. — Chrétiens pendus, un feu lent étant allumé au-dessous d’eux, afin de les suffoquer ; les victimes étaient en même temps frappées avec des bâtons.
et suspendus tout le jour les mains liées derrière le dos, ensuite jetés dans le feu, mais non complètement brûlés. Finalement, leurs cous sont frappés avec de lourdes barres et ils gagnent ainsi la couronne du martyre. »


DU CINQUIÈME MODE DE SUSPENSION, SAVOIR : PENDUS
PAR LES POUCES


On trouve la description de cette cinquième manière dans les Actes des saints Jacob et Marianus, où se trouve consignée la narration suivante, concernant Marianus, serviteur du Christ : « Mais il condamna Marianus à la torture, parce que celui-ci se dit un simple religieux, ce qu’il était en effet. Et quels tourments furent les siens ! Combien nouveaux et étranges, et inspirés par le génie empoisonné du démon ! Combien astucieusement combinés pour briser la force de l’âme ! Marianus fut pendu pour être torturé, et de quelle grâce ce martyr ne se montra-t-il pas soutenu, même au milieu de ses souffrances, et des tourments de son supplice qui exaltaient son courage ! Or, la corde qui le tenait suspendu fut attachée, non pas à ses mains, mais à l’extrémité de ses pouces, de sorte que se multipliât, par la faiblesse de ces parties de son corps, supportant le poids de tout le reste, l’agonie qu’il endurait. De plus, des poids extraordinairement pesants furent attachés à ses pieds, de sorte que toute la charpente du corps suspendu fut déchirée de part en part d’atroces douleurs, avec des convulsions d’agonisant qui faisaient tressaillir l’intérieur. » Aussi loin s’expliquent les Actes, et ainsi se trouve clairement démontrée l’évidence de ce que nous avons exposé, concernant le cinquième mode de ce supplice.

DU SIXIÈME MODE, SAVOIR : ÊTRE SUSPENDU, AVEC DES POIDS
ATTACHÉS AUTOUR DU COU ET AUX PIEDS


De ce mode, l’Histoire du très saint martyr saint Sevarianus rend témoignage, car il est écrit : « En conséquence le préfet, prenant le silence de Severianus pour du mépris, ce qu’il était en effet, lui infligea un châtiment plus terrible encore ; et, après l’avoir fait retirer de la roue, le fit conduire à un mur. Alors, après lui avoir fait attacher deux énormes et très lourdes pierres, l’une au cou et l’autre aux pieds, et l’avoir attaché par le milieu du corps avec une corde, il le laisse suspendu au mur, dans les airs, afin que ses membres soient tirés séparément et qu’il périsse de cette manière violente. » Ainsi disent les Actes, mais c’en est assez, et plus qu’assez sur cette dernière forme de cruauté.


DU SEPTIÈME MODE, SAVOIR : QUAND LES CORPS DES SUPPLICIÉS SONT SUSPENDUS PAR DES CORDES, LEURS ÉPAULES SONT CHARGÉES EN MÊME TEMPS DE LOURDS FARDEAUX DE SEL, OU D’AUTRES CHOSES SEMBLABLES.


Ce septième mode est mentionné dans les Actes de saint Grégoire d’Arménie, où nous lisons : « Lorsque saint Grégoire eut fini de parler sur ces matières, Tyridates fut rempli de colère au-delà de toute mesure, et s’élança contre lui avec fureur. En conséquence, le très noble héros fut instantanément lié. Alors, après lui avoir introduit dans la bouche un bâillon en bois, distendant autant qu’il est possible les mâchoires, ils chargèrent ses épaules de fardeaux du sel que l’on extrait en Arménie. Ensuite, liant son corps sacré avec des cordes, ils élevèrent le saint et le suspendirent, prolongeant cet amer tourment pendant sept jours entiers. » Aussi loin vont les Actes de saint Grégoire, qui (si la vérité doit être dite) montrent d’une manière claire et manifeste la nature et l’horreur de ce mode de suspension.


DU HUITIÈME MODE, SAVOIR : CELUI DE SUSPENDRE LES VICTIMES À DES POTEAUX FIXÉS EN TERRE APRÈS LES AVOIR ENDUITES DE MIEL, AFIN QU’ELLES SOIENT TORTURÉES PAR LES PIQÛRES DES MOUCHES ET DES ABEILLES.


Il est parlé de cette forme de torture dans les Histoires de saint Maurice et de ses compagnons, et de saint Marc d’Arethusa.

On peut trouver mémoire de six méthodes, dans les Histoires de Martyrs, où il est dit que les chrétiens étaient exposés aux rayons du soleil, en vue d’être suppliciés ainsi. Quelquefois, ils étaient simplement liés à des poteaux, comme il fut fait pour saint Maurice et ses compagnons. Quelquefois, ils étaient exposés dans des paniers élevés, faits de joncs, comme on peut le voir rapporté de saint Marc d’Arethusa, nommé un peu plus haut. Enfin, (comme saint Jérôme en rend témoignage dans son Histoire de Paul, le premier ermite), ils étaient quelquefois couchés sur le sol les mains liées derrière le dos.

Cœlius Rhodiginus déclare qu’il existait parmi les anciens une forme de supplice connue sous le nom de « Cyphonismus » ainsi nommée du mot Cyphon (ϗυφω) lequel mot Cyphon est nommé aussi dans la pièce Plutus d’Aristophane », écrit Rhodiginus, parce que c’était une sorte d’entrave en bois ou, comme de nos jours, en fer, communément nommée pilori. » À laquelle entrave le prisonnier était attaché en manière d’ignominie, et tenu captif, enduit de miel et exposé aux piqûres des mouches. « De là, il arriva », ajoute le même auteur « que ce nom de « Cyphon » fut donné aux chenapans, et le supplice fut appelé « Cyphonismus. » Et ensuite, un peu plus loin : « Je remarque que certains peuples se font une règle d’employer le procédé suivant : tout homme qui aura insolemment méprisé les ordres de la loi, sera retenu aux fers sur la place publique d’exécution pendant vingt jours, nu et enduit de miel et de lait, pour servir de pâture aux mouches et aux abeilles. Et, quand celles-ci auront accompli leur œuvre, il sera revêtu d’habits de femme et précipité du haut en bas des rochers. »

Les Perses infligeaient un châtiment à peu près semblable pour les criminels condamnés à mort, qu’ils appelaient eux-memes Scaphismus. Plutarque (Arlaxercès) en parle en ces termes : « En conséquence, il ordonna que Mithridate fût mis a mort par le châtiment des bateaux. » La nature de cette sorte de supplice est la suivante : « deux bateaux étant construits, avec la même grandeur et la même forme, on couche dans l’un l’homme condamné à la torture, et on renverse l’autre bateau par-dessus lui, les joignant tous deux de façon à ce que les mains et les pieds du condamné restent en dehors, tandis que tout le reste du corps, sauf la tête, est emprisonné. On donne de la nourriture à l’homme en le faisant manger de force par des pointes aiguës qu’on lui place devant les yeux. Et, tandis qu’il mange, on lui verse dans la bouche comme boisson, un mélange de miel et de lait, et on lui enduit le visage avec le même mélange. Ensuite, orientant le bateau comme il est nécessaire, on a soin que l’homme ait constamment les yeux en face du soleil, et sa tête et son visage sont chaque jour couverts d’une légion de mouches qui viennent s’y établir. De plus, comme il fait à l’intérieur des bateaux fermés, ces sortes de choses que les hommes sont obligés de faire par la nécessité, après avoir mangé et bu, la corruption et la pourriture qui en résultent donnent naissance à une multitude de vers, qui
Fig. IV
A. — Martyr suspendu par les pieds, sa tête étant en même temps broyée à coups de marteau.
B. — Martyr suspendu par les mains qui sont liées derrière le dos, de lourds poids étant attachés à ses pieds et autour de son cou.
pénétrant au-dessous des vêtements lui dévorent la chair. Dès lors, quand l’homme est mort, le bateau du dessus étant retiré, l’on peut voir que son corps est entièrement rongé, et que dans ses entrailles se trouvent des foules de vers et insectes du même genre qui augmentent chaque jour en nombre. Soumis à ce genre de supplice, Mithridate endura cette existence d’agonisant pendant dix-sept jours — au bout de quoi il rendit enfin l’esprit. » Ainsi s’exprime Plutarque dont le récit diffère peu de celui fait par Zonaras (Annales) dans les termes suivants : « Les Perses surpassent tous les autres barbares par l’horrible cruauté de leurs châtiments, employant des tortures qui sont particulièrement terribles et traînées en longueur ; notamment les « bateaux » et leur coutume de coudre les hommes dans des sacs de cuir humides. »

Mais, pour le bénéfice de lecteurs mal informés, je dois maintenant expliquer ce que signifie ce mot : « bateaux ». Deux bateaux sont joints ensemble, l’un renversé sur l’autre, avec des trous ménagés de telle façon que la tête, les mains et les pieds de la victime soient laissés au dehors. À l’intérieur des bateaux, l’homme qui subit le supplice est placé, couché sur le dos, et les bateaux sont alors réunis ensemble à l’aide de boulons. Ensuite, l’on verse un mélange de miel et de lait dans la bouche du misérable jusqu’à ce qu’il en soit rempli à en avoir des nausées, lui enduisant aussi le visage, les pieds et les mains de la même mixture, et le laissant exposé au soleil. Cela est renouvelé chaque jour, ayant pour résultat d’attirer les mouches et les abeilles, amenées là par l’appât de la mixture, et s’établissant sur le visage et les parties du corps situées hors du bateau, pour piquer et tourmenter misérablement l’infortuné.

De plus, son ventre, distendu qu’il est par le miel et le lait, laisse échapper des excréments liquides, et cette putréfaction engendre des légions de vers, intestinaux et autres. Ainsi, la victime étant couchée dans le bateau, la chair dévorée par les vers et se pourrissant dans ses propres déjections, meurt d’une mort lente et horrible. Par ce supplice, Parysatis, mere d’Artaxercès et de Cyrus, fit exécuter l’homme qui s’était vanté d’avoir tué Cyrus, lequel luttait avec son frère pour la royauté. Il endura le tourment quatorze jours avant de mourir. Telle est la torture du Scaphismus ou torture du bateau.

Un peu différent était le sort de ceux qui étaient cousus dans une peau de bœuf. Dans ce cas, la tête seulement restait en dehors, tout le reste du corps ayant été mis à nu et cousu à l’intérieur de la peau. Ainsi nous lisons dans les Actes de saint Chrysanthus : « L’emmenant de cette place, ils procédèrent à l’abattage d’un veau et cousirent le saint dans la peau fraîche, le plaçant face au soleil. Néanmoins, bien qu’exposé tout le long du jour à l’ardeur d’un brûlant soleil, il ne ressentit aucune chaleur spéciale. Mais, continuant à conserver la même fraîcheur qu’au début, la peau ne put en aucune façon blesser le serviteur de Dieu. Ensuite, ils lui mirent des fers et autres entraves. »

D’après cela, la différence qui existait entre le supplice de la peau fraîchement écorchée, et le supplice décrit plus haut sous le nom de « Scaphismus », se montre d’une façon claire et évidente.

On peut trouver la description complète de méthodes de tortures semblables dans le Dialogue de Lucien, intitulé Lucius ou l’Âne, dans lequel se trouve rapporté le récit suivant : « Nous devons découvrir, dit-il alors, quelque genre de mort par lequel cette jeune fille puisse endurer un tourment cruel et long… Donc, tuons cet âne, ouvrons-lui le ventre, et après en avoir retiré les entrailles, renfermons la fille à l’intérieur de façon à ne laisser au dehors que la tête, cela afin de l’empêcher d’étouffer entièrement, tandis que le reste du corps sera entièrement caché dans la carcasse de l’âne. Alors, quand celle-ci sera bien recousue, laissons le tout exposé aux vautours, — un étrange repas préparé d’une façon nouvelle et singulière. Maintenant, je vous prie de
Fig. V
A. — Martyr suspendu par les mains (qui sont liées derrière son dos) et ayant les épaules chargées de paquets de sel, un bâillon de bois étant aussi mis dans sa bouche.
B. — Martyr suspendu par une cheville.
considérer la nature de cette torture. Pour commencer, une femme vivante est enfermée à l’intérieur d’un âne mort ; ensuite, en raison de la chaleur du soleil, elle sera rôtie dans le ventre de l’animal, de plus elle sera tourmentée par une faim mortelle, et pourtant absolument incapable de se détruire elle-même. Pourtant, je ne dirai rien de certaines autres particularités de son agonie, telles que l’infection du corps mort à mesure qu’il pourrit et les légions de vers grouillants. Enfin, les vautours qui se nourriront de la carcasse vont mettre en pièces du même coup la femme vivante. Tous encouragèrent avec des cris cette monstrueuse proposition et approuvèrent à l’unanimité sa mise à exécution. »

Dans le même ordre d’idées, Apulée dans son Âne d’Or écrit ceci :

« Décidons de couper la gorge à cet âne, demain, et, lorsqu’on l’aura dépouillé de toutes ses entrailles, cousons la vierge nue dans l’intérieur de son ventre, de façon à ce que seul le visage de la fille reste au dehors, tandis que tout son corps reste emprisonné à l’intérieur de l’animal, et, cela fait, exposons l’âne et son contenu, aux rayons du soleil brûlant, sur quelque hauteur escarpée. »


DES NEUVIÈME ET DIXIÈME MODES DE SUSPENSION, SAVOIR : ÊTRE SUSPENDU À UN CROCHET ET MIS À MORT À L’AIDE D’UN NŒUD COULANT.


Ces deux modes de martyre sont amplement attestés dans divers Actes des Saints Martyrs, — en premier lieu, dans ceux de saint Nicetus, ainsi que des saints Gorgonius et sainte Dorothée, — leur mort est rapportée par Eusèbe dans son Histoire ecclésiastique.
DU ONZIÈME MODE, SAVOIR : LIER LES VICTIMES CONTRE DES PILIERS,
DE SORTE QUE LEURS PIEDS NE TOUCHENT PAS LE SOL


L’évêque Philéas parle de cette méthode de supplice, rapportée également par Eusèbe, dans son Histoire ecclésiastique, comme il suit : « D’autres encore furent liés, se faisant face l’un à l’autre, suspendus à des piliers, leurs pieds ne touchant pas le sol, de façon que plus les cordes se tendaient, plus elles se resserraient, et plus cruellement souffraient les victimes, du poids même de leur propre corps. Et cela ne durait pas seulement le temps où le magistrat les mettait à l’examen de la croix et les questionnait, mais bien pendant des jours tout entiers. De plus, lorsque le magistrat les quittait pour aller en interroger d’autres, il laissait des officiers subordonnés à ses ordres pour surveiller soigneusement les premiers condamnés. S’il arrivait que l’une de ces victimes parût à bout de forces et prête à céder à la torture, des ordres étaient donnés pour qu’on la torturât au moyen des cordes sans un instant de répit, et, finalement, lorsqu’elle était sur le point de rendre l’âme, on la remettait à terre et l’écarlelait sans pitié. »

Le même écrivain, un peu plus loin, parle dans le meme sens : « D’autres étaient suspendus au portique ou arche, attachés par un bras, et enduraient le tiraillement et le déchirement de tous leurs membres et de toutes leurs jointures, tourment amer, qui surpassait presque tous les autres en dureté. D’autres encore étaient liés à des piliers, leurs figures tournées l’une contre l’autre, et suspendus sans avoir rien pour s’appuyer. »

Maintenant, relativement à la manière dont les martyrs étaient attachés aux piliers, nous devons comprendre qu’ils étaient liés à la partie supérieure de ces piliers, soit par des anneaux de fer, ou, plus vraisemblablement encore, à l’aide de diverses poulies, sur lesquelles étaient établies des cordes.

Au moyen de ces cordes, les saints martyrs, dont les bras étaient liés au dos et le visage tourné contre le pilier, pendant toute une journée étaient tourmentés par les bourreaux, qui tantôt les hissaient dans les airs, et tantôt les laissaient brusquement retomber vers la terre, sans cependant qu’ils aillent jamais jusqu’à toucher le sol — cela étant imaginé pour leur faire subir la plus agonisante douleur. Enfin, lorsqu’ils étaient sur le point de rendre l’esprit, les bourreaux, sur l’ordre du juge, les faisaient redescendre à terre, et les tiraillaient cruellement de côté et d’autre.


DU DERNIER MODE, SAVOIR : LES FEMMES CHRÉTIENNES PENDUES PAR LES CHEVEUX


On trouve témoignage de ce genre de torture dans un grand nombre d’Histoires des saints martyrs. En premier lieu, dans le récit de la passion de sainte Eulampia, sainte Juliana, vierge et martyre, et aussi de sainte Théonilla, Euphémia, et enfin sainte Symphorosa.

Nous avons jugé qu’il était bon de dire tout ce que nous avons dit concernant les divers modes de suspension employés par les païens contre les chrétiens, hommes et femmes. Si le lecteur désire en apprendre davantage sur ce sujet, qu’il consulte, pour lui-même, les diverses autorités et les Actes des saints martyrs déjà cités. Pourtant, avant d’abandonner tout à fait le sujet, nous rapporterons un autre passage de saint Grégoire de Naziance, où il est écrit, parlant de saint Marc d’Arethusa : « Il fut lancé çà et là, d’un groupe de garçons à l’autre, balancé en l’air, les garçons recevant alternativement ce corps sacré sur les pointes de leurs stylets, et de cette façon tragique mettant à mort le saint homme, comme si c’eût été une nouvelle sorte de jeu !!! Ce qui veut dire que le martyr en question fut balancé en avant et en arrière entre deux rangées d’écoliers. Beaucoup d’autres exemples du même mode de martyre, ou d’autres à peu près semblables, pourraient être donnés ; lesquels pourtant nous sommes forcés d’omettre, afin d’être bref.