Traité des instruments de martyre et des divers modes de supplice employés par les païens contre les chrétiens/Chapitre II

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Traduction par un inconnu, sur les originaux italien et latin.
Charles Carrington (p. 23-35).
CHAPITRE II


De la Roue, de la Poulie et de la Presse comme
instruments de torture


AYANT exposé les diverses sortes de pendaison, à la croix et à des poteaux, il ne nous reste plus maintenant à discourir que sur les autres instruments de torture. Mais comme les instruments nommés ci-dessus, ensemble avec le cheval de bois, sont sans aucun doute les plus terribles et les plus épouvantables de tous, nous devons en traiter ici, et du cheval dans le chapitre suivant. Donc, venant au supplice de la roue qui est réputé comme le plus terrible châtiment parmi ceux mentionnés, nous notons en premier lieu la manière dont ce tourment était pratiqué par les Grecs.

Nous apprenons ces choses par les nombreuses attestations de leurs propres écrivains, qui furent conservées jusqu’à nous, attestations positives et non déguisées. Ainsi parle Aristophane dans Plutus : « De droit, vous devriez être lié à la roue, et ainsi forcé de révéler vos actes mauvais. » Commentant ce même passage, le Scoliaste ajoute : « La roue était un instrument auquel on attachait les esclaves pour les punir. » Encore le même poète (Aristophane) dans Lysistrata : « Hélas ! quelle convulsion et quelle tension je ressens dans tous mes membres, comme si j’étais torturé sur la roue. » Anacréon, ainsi qu’il est rapporté par Athenaeus, parle de la même chose lorsqu’il dit : « J’endurai bien des tourments et bien des tortures sur le cheval de bois, et beaucoup aussi sur la roue. » De même Démosthènes (Harangue contre Aphobus) : « Voyons Milias sur la roue pour être torturé », et Plutarque dans son Nicias : « Alors, il procéda à lier le barbier sur la roue, et ensuite à le torturer. » De même Lucien, dans l’Épître à Stesichorus, écrit : « Après leur avoir coupé les extrémités, on les tortura et on les étendit sur des roues ». La roue était un instrument de supplice pour torturer le corps des hommes. Puis Aristophane dit : « Qu’il soit déchiré sur la roue et fouetté. » Ainsi, les esclaves étaient liés à la roue et torturés. Et, dans un autre passage : « Vous serez forcé de parler sur la roue et de confesser vos crimes. » Ainsi nous voyons que les gens étaient torturés sur la roue afin qu’ils avouassent leurs crimes et aussi les noms de leurs complices. — Il semble que la roue était un instrument en bois, sur lequel les esclaves étaient liés en châtiment. Ainsi parle Suidas.

Phalaris semble donner un témoignage conforme dans ses épîtres, où il écrit : « On les torturait et on les déchirait sur les roues. » Enfin, pour confirmer ces écrivains, on peut ajouter ce qui a été rapporté par plusieurs des auteurs nommés ci-dessus, et par d’autres, concernant Ixion, qui fut lié à une roue virante et tourmenté pour l’éternité en châtiment de ses crimes et de ses offenses. Pindare, Homère (Iliade et Odyssée), Lucien, Ovide, Properce, Sénèque, et Claudien parlent de cette chose.

De même, il y a d’autres auteurs qui font mention de la torture de la roue, en particulier Joseph, Macchabées : « Quelques-uns refusèrent de manger des viandes impures, il ordonna donc qu’ils fussent torturés sur la roue et mis à mort », et encore : « Pour ceci, préparez les roues, et attisez le feu, afin de produire une chaleur plus ardente. » Et encore : « Mais lorsque les exécuteurs
Fig. VI
A. — Quelquefois les Martyrs étaient liés à la circonférence de grandes roues et ainsi précipités d’une hauteur sur des endroits pierreux.
eurent préparé les roues et les cordes, le tyran ajoute », etc. Et : « Alors on ordonna aux exécuteurs de faire entrer le plus âgé des prisonniers, et, lui arrachant sa tunique, ils lui lièrent les mains et les pieds avec des courroies. Et, quand ceux qui appliquaient les coups de fouet furent à bout de forces, sans reprendre haleine, ils l’attachèrent sur une grande roue, sur la circonférence

de laquelle le jeune homme au noble cœur eut toutes ses jointures disloquées et tous ses membres brisés. »

Un peu plus loin : « Cruels mercenaires, cria le jeune homme, votre roue n’est pas plus capable que vous d’étouffer ma raison ! Coupez mes membres, brûlez ma chair et disloquez mes jointures avec les machines à désarticuler[1] ! »

En l’entendant parler ainsi, ils mirent le feu en dessous de lui et séparèrent l’un après l’autre ses membres de son corps étendu sur la roue. Et la roue entière était couverte de son sang, et la grille contenant le charbon enflammé fut retirée à cause des gouttes de sang qui coulaient dessus tandis que sur les essieux des roues les lambeaux de chair continuaient à tourner ; les parties adjacentes aux jointures des os étant partout mises en pièces. Néanmoins le jeune Abraham, à l’âme haute, ne proféra pas une plainte, mais, comme si par le feu, il était devenu incorruptible, il supporta noblement le supplice des machines à désarticuler. »

Et encore : « Ils procédèrent à désarticuler les jointures des mains et des pieds d’Arthremboles et, les séparant des ligaments, ils perforèrent ses doigts, ses bras, ses jambes et ses coudes. Mais, lorsqu’ils ne purent, en aucune manière, vaincre sa résolution, ils lui arrachèrent la peau ainsi que les ongles et le mirent alors sur la roue, et là, chacune de ses jointures fut broyée et il vit sa propre chair coupee en morceaux et les gouttes de son sang tomber de lui-meme.

Et encore : Les appariteurs le trainerent aux instruments de torture. Apres lui avoir attache les genoux en Icsserrant fortement avec une bande dc fer, ils lui plierent les reins sur une roue, de sorte que tout son corps, etant etendu aulour de la circonference de la roue, fut brise en morceaux.

Et, un pen plus loin : Ils 1 attacherent a la roue, sur laquelle il fut etendu et brule par le feu, de plus, ils lui appliquerent dans le dos des broches rougies et epointees, ils lui percerent les cotes et lui brulerent I interieur du corps.

Ainsi parle Joseph, en dehors duquel d autrcs ecrivains traitent aussi de la roue, comme Apulee (Anc d Or) : Sans un instant de repit, conformement a la coutume grecque, les fers, la roue, et tous les genres de tortures furent exhibes ; et encore : ni la roue, ni le cheval, d apres la coutume des Grecs, ne manquerent a 1 appareil de son supplice. Ciceron (Tusculanes) dit : Ainsi nous sonimes bien justifies, lorsque nous disons que nulle vie n est heureuse qui finit sur la roue. Virgile (Eneide) dit : Et la ils pendent, etendussurles rayons des roues. Julius Capitolinus: Le tribun des soldats qui laissa son poste a 1 abandon, fut attache sous un char a roues et ainsi traine, vivant et mort, sur toute la scene. De nouveau, saint Basile (Homelie sur quaranle martyrs) ecrit : De plus, le feu fut prepare, les epees tirees des fourreaux, la croix dressee, le sac, la roue, les verges, prepares. Et, dans son Homelie sur saint Gordins le Centurion : . Que son corps soil dechire sur la roue. Saint Gregoire de Naziance et Nicephorus ont beaucoup a dire sur ces roues. Diverses Vies de Saints en parlent aussi, comme dans le cas de sainte Catherine, sainte Euphemie, vierge et martyre, saint Felix et ses compagnons.

Maintenant, ces roues, ainsi que nous avons pu le recueillir
Fig. VII
A. — Martyr dont les membres sont entrelacés dans les rayons d’une roue, sur laquelle il reste exposé pendant plusieurs jours jusqu’à ce qu’il meure.
B. — Martyr lié à une roue étroite que l’on fait tourner, de sorte que son corps est horriblement déchiré par les piques de fer placées au-dessous.
clairement dans les Histoires de divers martyrs, n etaient pas d une seule sorte, mais de plusieurs. Quelques-unes, que nous trouvons depeintes sous le nom de Machines dans les Actes des Saints, etaient grandes et larges, tandis que d a litres elaient etroites. C est notre devoir de trailer ici des deux especes.

Done, pour ce qui concerne la roue de premiere sorte, dont Nicephorus parle, ainsi que les Acles de saint Pantaleemon, que Ton sache qu elle etail combinee de telle sorte que, elant amenee au sommet d une colline elevee, et la victime liee a sa circonference, la roue, avec le condamne, etait violemment precipitee clu haul de la montagne, sur les pentes escarpees, de sorte que chacun des membres du martyr etait brise. C est ce que nous lisons de ce tres glorieux serviteur du Christ, Pantaleemon, dans VHistoire de son glorieux martyre : Et ils dirent : - - Commandez que la grande roue soil apportee jusqu en haul de la montagne, et qu il soil lie a cette roue et precipite an bas de la montagne, de telle facon que sa chair soil miserablement dispersee, et qu il rende 1 esprit. Ainsi le Ires saint Pantaleemon fut garde dans la prison pendant que Ton preparait la roue. Aussitot qu elle fut prete, le juge ordonna aux crieurs publics de proclamer par toute la ville Tordre a tous les hommes de venir voir le supplice du saint Pantaleemon, et il commanda que celui-ci lui fut amene. Et quand fut introduit le saint martyr du Christ, void : II chantait des psaumes au Seigneur Jesus-Christ. Alors les aides le prirent, le lierent autour de la roue. Mais aussitot qu ils commencerent a faire mouvoir la roue, les liens se relacherent et le saint martyr se tint debout, sans aucun mal. Mais la roue, allant en avant, massacra plusieurs des paiens. Ainsi s expriment les Acles des Saints, d oii nous apprenons la verite de ce que nous avons declare ci-dessus, touchant la premiere sorte de roues.

II y avait en outre, pour le massacre des Chretiens, certaines autres larges roues en usage chez les paiens. De ces roues, la circonférence, à laquelle etaient lies les martyrs, se trouvait garnie de lames tranchantes et de clous aigus.

A cvs roues, qui clemeuraient immobiles, les ministresd iniquite liaient avec des cordes les corps entierement nus des Martyrs. Alors ils les faisaient tourner et retourner de toutes leurs forces, sur des pointes de fer fixees dans le sol a 1 usage de perforer et arracher la chair des patients, laquelle, par cette torture, etait broyee et dechiree d une facon affreuse.

L on suppose que la vierge benie de Jesus-Christ, sainte Catherine, remporta la couronne dumartyre sur une roue de cette sorte, comme les Actes le rendent en partie manifeste.


DES ROUES DE LA SECONDE ESPECE


D autres roues, d une grandeur moindre que celles que nous venons de decrire, etaient de meme employees par ces adorateurs du Demon pour torturer les fideles Chretiens. Autour de la circonference de celles-ci, on fixait souvent des clous aigus et autres objets semblables, de telle facon que leurs pointes, etant tournees de has en haul, fussent projetees en dehors des jantes.

Puis, sur ces roues ainsi arrangees, on liait les martyrs dont les corps etaient dechires d une maniere pitoyable par les pointes acerees des clous des roues, aussi bien que par d autres qui avaient ete plantes dansle sol u-dessous. Dans les Actes de saint Georges, nous trouvons relate ce qui suit : Done 1 Empereur ordonna qu une roue fut pportee, toute garnie autour de pointes aigues, et que le saint y hit attache nu et ainsi mis en pieces par les engins destructeurs qui y adheraient. La roue fut suspendue dans 1 air, tandis qu au-dessous on etendait des plan ches, oil etaient fixees, l une contre 1 autre, un certain nombre de piques ressemblant a des epees acerees, quelques-unes les
Fig. VIII
A. — Martyr lié à une roue que l’on fait tourner sur des piques de fer.
B. — Lié à la circonférence d’une roue que l’on fait tourner au-dessus d’un feu allumé.
pointes droites en 1 air, d autres recourbees en forme de crochets, d autres semblablcs a des couteaux a ecorcher. En consequence, lorsque la roue, dans sa revolution, arrival! vers les planches, le saint homme, lie comme un agneau par des cordes si fines et si serrees qu elles lui entraient dans la chair et s y trouvaient cachees, etait force, tandis quc la roue tournait, de passer sur les epees, et son corps, saisi par les pointes aigues, fut horriblement lacere, et mis en pieces, commes il cut ete dechire par 1 instrument nomme scorpion. Tout cela dit sur la mort du saint.

On doit maintenant remarquer que les paiens avaientcoutume, apres avoir lie aux roues les martyrs, de les torturer crucllemcnt, tandis qu ils etaient emportes dans le mouvement de rotation des dites roues, en les frappant avec des verges et des gourdins. Les Actes de saint Clement d Ancyra rendent temoignage de ce fait dans les termes suivants : Le magistrat ordonne que le martyr (saint Clement) soit lie a la roue et que celle-ci soil unie a un mouvement rapide, et que, pendant ce temps, le martyr soit frappe dc verges d une facon barbare. Et immediatement le martyr fut lie a la roue et celle-ci unie a un mouvement rapide. Alors quand, dans la revolution de la roue, le martyr se trouvait en haut, son corps devenait la proie des individus qui se tenaient prets avec leurs verges, puis, lorsque la roue remmenait en has, son corps etait horriblement ecrase et ses os broyes. Ainsi disent les Actes de saint Clement, ce qui confirmc d une facon manifeste ce que nous avons dit plus haut.

Ensuite on devrait savoir qne les paiens, non contents d assouvir la haine qu ils avaient congue contre nos f re res Chretiens, par toutes ces especes de tortures, telles que de her les martyrs a des roues et de les supplicier ainsi, ne cessaient d en inventer de nouvelles.

II arrivait quelquefois aussi que, liant les martyrs a des roues garnies tout autour de pointes aigues, ils leur faisaient accomplir des revolutions successives a une grande vitesse tandis qu un feu ardent etait place au-dessous. Ainsi, de même qu on met a la broche devant le feu un morceau de viande de boucherie pour le faire rotir, de même les martyrs etaient retournes et rotis, afm de devenir un aliment agreable a Jesus-Christ. Voyez les Acles de sainte Christine, vierge el martyre, et de saint Calliopius,ou vous trouvex L-crit : Preparez la roue, dit-il (le prefet) a ses executeurs, etallumez au-dessous un grand feu. A la dite roue le jeune homme fut lie si fortement qu il fut completement mis en pieces. Alors, a 1 instant meme, un ange du Seigneur s approcha et eteignit la flamme des charbons, et, lorsque les aides essayerent de faire tourner la roue, ils ne purent y parvenir ; mais celle-ci etait tout inondee du sang qui coulait des membres delicats du martyr, car elle etait garnie tout autour de lames cerees. Ainsi parle 1 auteur de Histoire de saint Calliopus. C est ainsi que les saints martyrs, attaches a la roue et emportes avec elle au-dessus d un feu ardent, conqueraient d une maniere heureuse, prospere et favorable, les plus nobles couronnes du martyre.

De plus, c etait une coutume, chez ces hommes impies, de se servir des interstices des roues pour y introduire et y entrelacer les membres des fideles serviteurs du Christ, apres les avoir, an prealable, brises a coups de barre de fer, de sorte qu ils semblaient, ainsi entrelaces, avoir ete tisses avec les rayons des roues. Ensuite, attachant les roues a des poteaux fixes dans le sol, ils laissaient les martyrs vivre plusieurs jours dans cette position.

Ce supplice, comme en fait mention Gregoire de Tours (Histoire des Francs j fut inflige a Valence, en Gaule, a saint Felix, pretre, et a Fortunatus et Achille, diacres,qui avaient ete envoyes par saint Irenee, eveque de Lyon, pour precher la parole de Dieu. II a ete abondamment prouve anterieurement comment les roues qui (ainsi qu il est rapporte dans divers Actes des martyrs), etaient employees pour torturer et dechirer les corps des martyrs, etaient tantôt des poulies, tantot le cheval de bois, car, au moyen de ces instruments qui contenaient diverses petites roues et ainsi pouvaient etre consideres eux-memes comme roues, les corps des fideles serviteurs du Christ etaient plus particulieremenl dechires. Elles differaient peu ou point des roues que nous venons de decrire, ainsi que semble clairement 1 indiquer YHistoire de saint Calliopus, cilee plus haut. Car il y est dit comment il etait si fortement lie avec des cordes minces que, meme avant que ses bourreaux eussent commence a la faire tourner, le saint jeune homme etait deja dechire et mis en pieces. Mais assez sur cette forme tres horrible de torture.


DES POULIES


Les poulies, comme instruments de torture, sont mentionnees par Eusebe, dans son Histoire Ecclesiastique ; plusieurs Acles des Saints en font foi, en particulier ceux des saints Crispinus et Crispianus et de saint Quintinus, ciloyen romain. Plus loin, Gregoire de Tours en parle (Histoire des Francs) ; il dit : Attache aux poulies, il fut frappe de verges avec des triples lanieres et des gourdins. Et encore, a un autre endroit : II est etendu a terre, attache aux poulies et frappe avec des triples lanieres. Et plus loin : Le roi fut horriblement en colere et ordonna qu il fut attache aux poulies ct violemment frappe, etc. Ainsi Gregoire de Tours, dont nous a 7 ons fait une etude approfondie dans les chapitres que nous avons rapportes, demontre d une facon evidente que cette sorte de chatiment etait specialement employee pour tourmenter et torturer les malfaiteurs, les scelerats et les meurtriers. Done nous ne devons eprouver aucune surprise d apprendre que les vrais adorateurs de Dieu, combattant pour son honneur, etaienl tortures et dechires an moyen de ces memes poulies par les paiens qui les consideraient comme les plus cruels et les plus grands criminels de toute l humanite.


LES POULIES. QU ETAIENT-ELLES ?


La poulie (comme il est prouve par Vitruve) etait une invention destinee a baler, elant pourvue d une petite roue se mouvant sur un axe sur laquelle on iixait une corde. On 1 employait, dans les constructions, soit pour clever des charges et les maintenir dans la position requise, soit pour les descendre, ou encore pour decharger les bateaux de leurs marchandises ou pour tirer 1 eau des puits. Miiintenant les poulies (voyez Isidore, Etymologic) sont faites comme la leltre H,la huitieme dc 1 alphabet grec, et elles sont nommees Irochlea, du mot Irochla, qui signifie petite roue. D oii s ensuit que certains ecrivains modernes sont dans 1 erreur quand ils liennent la Irochlea (poulie) pour avoir ete un treuil ou cabestan. Il est reconnu qu iine poulie est incapable de dechirer

les corps des condamnes criminels sans 1 addition de quelque instrument special pour lui venir en aide, soit un poteau pour IV fixer, soit quelque engin d autre sorte ; pourtant on ne doit pas en conclure que c etait un cabestan, mais seulement qu elle necessitait un treuil ou cabestan. Tel est notre point de vuc sur la matiere. Car, considerant combien, dans cette forme de torture, les corps des victimes etaient horriblement détires et disloques, il nous parait prouve, surtout lorsque nous envisageons combien il est difficile de dechirer le corps d un homme, et que nous voyons Taisance avec laquelle le faisaient les bourreaux, que quelque petit engin devait etre employe conjointement a la poulie, voire un treuil ou quelque chose de semblable. Lisez,si cela vous plait, les passages de Vitruve sur ce sujet, et vous verrez clairement que la poulie n etail pas un treuil ni le treuil une poulie.
Fig. IX
A. — Poulie.
B. — Martyrs étirés par la poulie.
C. — Écrasé dans la presse, juste comme on écrase le raisin et les olives pour faire le vin et l’huile.
D. — Cabestan ou treuil.
Enfin, nous voudrions vous faire remarquer line chose, savoir que dans la fig. ix, qui accompagne ce livre, le treuil est represente accompagne d une poulie, ce qui ne veut done pas dire que

I un et 1 autre ne faisaient qu une seule et meme chose, mais qui demontre la probabilite que les victimes, pour les raisons que nous venons de donner, etaient torturees et detirees par ccs deux instruments a la fois. Nous clirons probabilite, car il y a d autres manieres par lesquelles on put faire la meme chose et que Ton devait vraisemblablement employer quelquefois. Maintenant, void la facon dont les chretiens elaient tortures par la poulie : En premier lieu, on fixait en terre autant de poteaux qu il y avait de viclimes a chatier. Cela fait, les aides preposes a cet office, comrnencaient par lier les martyrs, quelquefois paries mains, d autres fois par les pieds, aux cordes des poulies d une part et aux poteaux de 1 aulre, puis on tirait fortement sur les cordes, selon les ordres du juge, de sorte que les corps etaient miserablement detires et dechires. Tout cela est demontre dans les Actes des fils de sainte Symphorose, la martyre, comme aussi par Gregoire de Tours, Histoire des Francs.

II faut, de plus, savoir que ceux qui etaient condamnes a ce supplice (comme il est clair d apres I Histoire des Martyrs, saint Quintinus, saint Ferutius et d autres passages dans Gregoire de Tours deja nomme), en meme temps qu ils etaient tortures par les poulies, elaient battus de verges ou briiles avec des torches, ou arroses de sulfure on de resine, d huiles bouillantes ou autres choses semblables. Ainsi, dans les Actes de saint Quintinus, on trouve ces mots : Alors le Prefet, rageant d une fureur despotique, ordonne que le saint Quintinus soit si cruellement detire avec les poulies que ses membres soient forces de se separer aux jointures par la violence extreme de la torture. De plus, il commande qu on le frappe avec de petites cordes et que Ton repande sur son dos de 1 huile bouillante, de la poix et de la graisse fondue, afin qu’aucune souffrance ne manque pour ajouter à son angoisse corporelle. Mais comme tout cela n’arrive pas à satisfaire le sauvage Rictiovarus (tel était le nom du Préfet), ni à étancher sa monstrueuse soif de cruauté, il ordonne, en outre, que l’on applique sur lui des tisons enflammés, de façon que les flammes… etc. Ainsi dit l’Histoire du saint Quintinus.

MARTYRS HISSÉS EN L’AIR À L’AIDE DES POULIES

Enfin, nous pouvons noter comment les Martyrs chrétiens étaient non seulement torturés et déchirés par les poulies mais aussi hissés en l’air par les mêmes moyens et de la même manière que les criminels de ce temps, les mains liées derrière le dos, étaient élevés dans l’air par une corde pour leur faire avouer la vérité. Ce genre de supplice a, dit-on, été employé pour le Martyr du Christ saint Servus, dont nous lisons dans le Martyrologe Romain, le 7 décembre : À Tuburbo, en Afrique, anniversaire du Martyr saint Servus, qui, pendant la persécution vandale, sous le roi Hunnéric, hérétique arien, fut pendant longtemps frappé à coups de massue, puis alternativement élevé par les poulies et laissé retomber de tout le poids de son corps sur des pierres dures. Ainsi torturé, il conquit la palme du martyre. Ainsi parle le Martyrologe Romain ; on trouve de plus amples détails concernant le même Martyr dans Victor, Persécution vandale.

DE LA PRESSE COMME INSTRUMENT DE TORTURE
Les Martyrs chrétiens étaient comprimés dans des presses, juste de la même façon que les raisins et les olives y sont pressés pour
Fig. X
A. — Martyr, les mains liées derrière le dos, hissé dans l’air par une poulie.
B. — Poulie.
C. — Piques ou cônes pointus sur lesquels on laissait tomber les Martyrs.
en extraire le vin et l’huile. C’est par ce mode de torture que fut martyrisé ce très noble soldat du Christ saint Jonas, dont nous lisons ce qui suit dans les Actes du dit Martyr : « Ils (les Mages Persans)

ordonnèrent d’apporter la presse et d’y placer saint Jonas, de le presser violemment et de le couper en morceaux. Les aides firent ce qui leur était commandé et le pressèrent douloureusement dans la presse et lui rompirent les os et finalement le coupèrent en deux par le milieu. »

  1. Les machines à désarticuler (Streblae) étaient des instruments inventés pour tordre et disloquer les jointures comme dans le cas de Arthremboles, ici mentionné.