Traité des instruments de martyre et des divers modes de supplice employés par les païens contre les chrétiens/Chapitre VI

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Traduction par un inconnu, sur les originaux italien et latin.
Charles Carrington (p. 111-118).

CHAPITRE VI[modifier]

Plaques rougies au feu, torches et tisons brûlants[modifier]

QUOIQUE tous les paiens condamnassent les Chretiens des deux sexes (an mepris du Christ) a etre tortures sur le cheval, et dechires par le fouet, les griffes de fer et autres instruments semblables (ainsi qu il a ete decrit dans le chapitre precedent), et aelre ecarteles dans les blocs jusqu aux quatrieme et cinquieme trous, leurrage sauvage n etaitpourtant pas assouvie pour cela. 11 arrivait souventetsouvent qu ils faisaient repandre de la chaux vive, du plomb fondu ou de 1 huile bouillante ou autre chose semblable sur leurs blessures fraiches, on qu ils faisaient agrandir et dechirer ces memes blessures avec des debris de poterie ou encore les faisaient violemment frotter et gratteravec du drap de crin ou bien, enfin, ils commandaient que les malheureuses creatures fussent, dans ce triste etat, horriblement brulees avec des plaques rougies au feu, des torches et des tisons brulants.

PLAQUES ARDENTES OU ROUGIES AU FEU[modifier]

Plaute parle des plaques ardentes dans son Asinaria, en ces mots :

Stimulos, laminia, crucesque.

« Aiguillons, plaques et croix ; » Page:Gallonio - Traité des instruments de martyre.djvu/156
Fig. XVIII
A. — Tisons enflammés ou flambeaux.
B. — Torches de pin ou autre bois.
C. — Plaques de métal rougies au feu.
Page:Gallonio - Traité des instruments de martyre.djvu/159 maintenant même une torche de pin en indique l’endroit... » et

encore : « Une torche est là, tout enveloppée de flammes ». Virgile aussi en parle, Première Géorgique :

Ferro faces inspical acutas.

« II effile avec le couteau les torches pointues. »

Par torches, les commentateurs entendent des branches de bois de pin ; ou encore dans la Septième Enéide :

Et castis redolent altaria tedis.

« Et les autels sont resplendissants sous les torches de pin consacré. » Cicéron aussi : « Se sauvant ca et la, en proie a la terreur que leur causent les torches enflammees des Furies ; et dans un autre discours : Juste, comme sur la scene, Peres Consents, vous voyez les hommes lances dans le crime par la force du frisson des dieux, terrifies a la vue des torches enflammees des Furies. Enfin Suetone, Vie de Néron : « Souvent l’empereur avoua qu’il était terrifié par le fantôme de sa mère, les fouets de Furies et leurs torches enflammées. »

Tout cela dit pour la première sorte de torches. Celles de la deuxième sorte étaient faites de cordes entrelacées et enduites de poix ou de résine. Virgile en fait mention, Première Enéide :

Et noctem flammis funalia vincunt.

« Et les torches, par leurs flammes, dispersent les ténèbres. » Cicéron aussi, De Senectute : « II trouvait ses délices dans la torche de cire funèbre… » et encore dans le De Officiis : « II y avait dans toutes les rues des statues auxquelles l’encens et les torches de

cire... » Valerius Maximus, parlant de Caius Duilius : « Se rendant
Fig. XIX
A. — Martyr suspendu au cheval de bois et brûlé par la flamme des torches.
B. — Martyr suspendu par les pieds à une poulie et torturé de la même façon.
à la fête à la lueur d'une torche de cire et précédé d'un joueur

de flûte. »

Cette distinction étant dûment expliquee, nous pouvons ajouter que les torches de ces deux especes, savoir : torches de pin et torches de cire ou de cordes resineuses, etaient employees par les Anciens pour briiler les Chretiens jusqu a la mort. L usage des torches de pin est atleste par les Actes de sainte Barbara, vierge et martyre citee ci-dessus, car, ou les uns disent simplement que la sainte fut brulee avec des torches, d autres ont rapporte plus specialement que c etait avec des torches de pin qu elle fut torturée.

De fait, les torches de pin, comme celles de toutes autres sortes, etaient grandement en usage en ce temps-la, ainsi que semblent I indiquer les auteurs cites ci-dessus et ainsi que nous pouvons le supposer par la nature des choses. Car, en effet, le pin resineux est plus abondant en resine que les autres arbres qui en produisent, et plus capable de donner une llamme agreable (comme le dit Pline) et de fournir la lumiere pour les fonctions sacrees. Done, les torches faites de sapin resineux etaient plus en usage chez les anciens que toutes les autres.

Cette forme de torture est aussi employee, comme il est raconte dans le Theatre des Cnmutes, par les heredques, de nos jours, pour tourmenter les catholiques, et specialement par les hugue nots, dans leur haine pour notre sainte religion, comme on peut le lire dans cet ouvrage.

TISONS ENFLAMMES OU FLAMBEAUX[modifier]

On fait mention des tisons enflammes que quelqucs personnes confondent avec les torches, par manque de consideration de leur part, de la vraie nature de celles-ci dans divers Actes des Saints Martyrs, comme ceux de Theophile, Felix et Fortune, Pan- taleon, Regina, vierge et martyre, Theodore, pretre, Alexandra, eveque, Parmenius et ses compagnons, et de nombreux autres saints Martyrs.

Ces tisons ou flambeaux appartenaient, si nous pouvons nous en rapporter a certaines representations que Ton peut en voir a Rome, gravees sur d anciens marbres, a la classe generale des torches, mais etaient t aits de la facon suivante : Premierement, on prenait certains vaisseaux ou vases ayant un diametre de la longueur de la main ou un pen plus, qui etaient graduellement retrecis pour arriver a une moins grande dimension depuis le haut on bouche (ouverture) comme une pyramide renversee ou mise sens dessus dessous.

Ces vases etaient faits, soit en faïence, comme on peut le voir d apres ceux que Ton deterre de temps en temps dans les ruines de Rome, ou en fer, comme le declare Columella. Ensuite, ceux- ci etant fermes a 1 aide de petites douves de bois carrees et liees ensemble etqui, comme le vase, allaient en retrecissant, depuis le haut jusqu au bas, on les remplissait d un combustible qui don- nait du feu et de la flamme. Et ces douves, si nous considerons les usages auxquels on employait ces vases, peuvent etre regar- dees comme ayant une longueur de 5 ou 6 mains, a peu pres. Mais il est bien prouve par certaines circonstances, que ces ins truments, ainsi decrits d apres d anciens modeles, etaient des flambeaux et non des torches c est a-dire des torches en bois de sapin. En premier lieu on doit remarquer, sur les marbres deja mentionnes, que les flammes commencent a briiler avec plus d ardeur ou les douves finissent, d oii i] resulte que ce n etaient pas des torches de la premiere espece, mais de la seconde, a sa- voir : pots a feu ou flambeaux, car si c eiit ete des torches ordi- naires, les douves faisant poignee, etant de bois, auraient evidem-

ment du etre consumees par le feu contenu dans les vases.
Fig. XX
A. — Cheval de bois.
B. — Martyr descendu du cheval et roulé sur des éclats de poterie.
C. — Martyr sur lequel on verse de la chaux vive, de l’huile bouillante et autres choses semblables.
Considérez de plus que nous ne voyons jamais personne fixer

des bougies brûlant de toute leur longueur dans des bougeoirs, mais le bout seulement brûlant, afin qu'elles puissent ainsi brûler mieux et, en se consumant, donner une lumière plus vive.

Quelques-uns peuvent objecter peut-être qu il n'y a rien qui prouve que ces torches n'étaient pas des torches ordinaires de la première sorte, et que Ies douves ou poignées n'étaient pas brûlées, attendu qu'elles étaient en fer, et non en bois. Mais cela ne peut pas avoir été le cas, car, pots à feu ou flambeaux étant employés par les Anciens pour brûler les criminels, lorsqu'ils étaient hissés sur le cheval ou suspendus, ou liés à des piliers ou à des poteaux, on doit supposer qu'ils étaient légers plutôt que lourds, afin que les bourreaux pussent facilement les tenir à la main, de sorte que nous sommes portés à croire qu'ils étaient en bois plutôt qu'en fer. Cette opinion peut être confirmée par l'exemple des griffes de fer ou pinces déjà nommées ; car celles-ci, quoique d'un grand poids, étaient attachées à des poignées très légères pour servir plus facilement à torturer les personnes condamnées.

II est donc clairement manifeste, d’après ces considérations et bien d’autres semblables, que ces pots à feu ou flambeaux étaient différents des torches ordinaires premièrement décrites ; et Virgile confirme cette opinion par ces vers, tirés de sa neuvième Enéide :


Princeps ardentem conjecit lampada Turnus
Et flammam affixit lateri quac plurima venio
Corripuit tabulas et postibas haesit adesis.

(« Premièrement, Turnus saisit un flambeau enflamme et toucha le flanc avec la flamme qui s'élança avec furie, activée par le vent, lécha les planches et, arrivée aux piliers des portes, commença à les ronger. »)

DE LA FAÇON DONT LES MARTYRS ETAIENT BRULÉS PAR LES TISONS ENFLAMMÉS[modifier]

Les Saints Martyrs étaient brûlés avec des tisons enflammés, juste de la même façon qu ils etaient tortures par les griffes de for, les etrillesetles crampons, ainsi qu il estcertifie parbeaucoup des Actes des Martyrs ci-dessus cites et les details que nous avons deja donnes, chapitre I er , concernant les piliers, lesarbres et les poteaux employes pour torturer lesserviteurs du Christ.

SUPPLICES QUE L’ON FAISAIT SUBIR AUX MARTYRS APRÈS QU’ILS ÉTAIENT DESCENDUS DU CHEVAL[modifier]

Enfin, on doit remarquer comment les memes serviteurs du Christ, apres avoir ete descendus du cheval de bois, etaient alors tortures par les divers instruments ci-dessus decrits, on bien detires et leurs jambes ecartelees dans des blocs, jusqu aux quatrieme et cinquieme trous (comme il est raconte dans le chapitre III), ou roules nus sur des debris de poteries, ou meme quelqnefoisinondesd huilebouillantcouautreschoses semblables. Ces tourments divers sont certifies par les Actes des Saints Mar tyrs, comme dans le cas de saint Pelagius, de saint Felix et de saint Fortunatus. II y avait encore d autres souffraiic.es, dont on pent lire le recit, que Ton infligeait a ceux qui etaient descendus du cheval de bois, et dont on fait constamment mention dans divers autres Actes des Saints Martyrs, pour lesquels consultez, si vous voulez, l'Histoire de saint Menna en particulier. Mais assez sur les torches, les plaques rougies au feu et les tisons ardents.