Trente poésies russes/26

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Dans un Bal

(D’APRÈS LE COMTE ALEXIS TOLSTOÏ)
















DANS UN BAL



Dans un bal, au milieu du tumulte, au passage,
Je m’approchai de toi, seulement par hasard.
Encor je ne vis pas les traits de ton visage
Qu’un voile, en ce moment, cachait à mon regard.

Je ne pus entrevoir, à travers la dentelle,
Que l’éclair fugitif qui brillait dans tes yeux.
Et j’entendis ta voix sonore et pure, telle
Qu’on eût dit le doux chant d’un luth mélodieux.


Par le balancement de l’orchestre assouplie,
Ta taille était charmante et, je ne sais pourquoi,
Un nuage de grâce et de mélancolie
Me semblait vaguement flotter autour de toi.

Tu riais, cependant ; et l’éclat de l’aurore
Est moins frais et moins gai que ton rire moqueur…
Oh ! ce rire d’enfant, je crois l’entendre encore ;
Ce rire ! je l’entends à jamais dans mon cœur !

Depuis ce temps, à l’heure où, triste et solitaire,
Je cherche sur ma couche un repos qui me fuit,
Un incessant murmure, à travers un mystère,
Ressemblant à ta voix, me parle dans la nuit ;

Et je vois deux beaux yeux candides qui, sans trêve,
Brillent comme j’ai vu les tiens briller, un jour ;
Une forme pareille à toi passe en mon rêve…
Je ne sais, mais je crois que c’est cela l’amour !