Trente poésies russes/6

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Oublier !

(D’APRÈS A. APOUKHTINE)
















OUBLIER !



Oublier !… Ô mon Dieu, se peut-il qu’on oublie
Si vite ce qui fut le bonheur d’une vie !

Oublier l’heure exquise ou le cœur a battu
D’ivresse, après l’aveu si longtemps attendu…

Oublier la douceur des phrases murmurées
À voix basse et l’émoi tremblant des mains serrées…

Et les longs entretiens dont les astres des cieux,
Le soir, étaient les seuls témoins silencieux…


Les rendez-vous, sous le discret abri des branches,
Dans le calme des nuits d’été tièdes et blanches…

Et les doutes jaloux, les troubles oppressés,
Nés d’un rien et qu’un rien a bientôt effacés…

Et les yeux échangeant leurs muettes caresses,
Et l’ardeur des serments d’éternelles tendresses…

Et les rêves, les beaux rêves d’un avenir
Tout d’azur que jamais rien ne pourra ternir…

L’amour, enfin, la chère et divine folie.
Ô mon Dieu, se peut-il que si vite on oublie !