Les Troubadours, leurs vies, leurs œuvres, leur influence/Chapitre III

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Librairie Armand Colin (p. 50-73).



CHAPITRE III

L’ART DES TROUBADOURS. LES GENRES

La poésie des troubadours est essentiellement lyrique. — Écoles de poésie ? — Le culte de la forme. — Le « trobar clus » ; admiration de Dante et de Pétrarque pour Arnaut Daniel. — La musique des troubadours. — Les genres : la chanson, le sirventés, la tenson, la pastourelle, l’aube. — Autres genres.


Les troubadours sont essentiellement des poètes lyriques[1]. Plusieurs ont même exprimé leur dédain pour les compositions d’un autre genre. Ainsi Giraut de Bornelh s’étonne et s’irrite même du succès qu’ont dans les cours contes et nouvelles, les romans, comme nous dirions de nos jours. (Il y avait en effet des troubadours qui, doués d’un bon talent de lecteurs, faisaient des lectures poétiques.) Le succès, dit Giraut de Bornelh, devrait être réservé aux bonnes chansons traitant de sujets relevés. Il y eut donc dans cette littérature une hiérarchie des genres. Elle fut observée pendant tout l’âge d’or et de la poésie provençale. Ce n’est que pendant la période de décadence que les « beaux traités didactiques », fort en honneur alors, et les « contes gracieux », pour nous servir des expressions du dernier troubadour, furent mis sur le même pied que les compositions lyriques. Pendant la période classique, la poésie lyrique fut seule en honneur.

Où les troubadours apprenaient-ils leur art ? N’est il pas naturel que, dans un milieu qui a poussé si loin le culte de la forme, il ait existé des écoles de poésie ? Des écoles où l’on apprenait la technique d’un métier qui dès les débuts était difficile ? La question est d’autant plus intéressante qu’il est souvent fait mention d’écoles, soit dans les biographies des troubadours, soit dans leurs poésies. Ainsi l’auteur de la vie de Giraut de Bornelh nous apprend que l’hiver il passait son temps « à l’école ». Il s’agit sans doute ici d’écoles où l’on enseignait les sept arts qui composaient l’ensemble des connaissances d’alors. D’école de poésie il n’y en eut pas. Ou s’il y en eut, ce fut peut-être celle que Jaufre Rudel nous fait connaître par le début d’une de ses chansons : maîtres et maîtresses de chant c’étaient les oiseaux et les fleurs, en un mot la Nature.

Maîtres, maîtresses de chansons
Assez autour de moi foisonnent :
Mille oiselets sur les buissons
Célèbrent les fleurs qui couronnent
Nos gazons déjà renaissants[2].

Cependant il arrivait que les poètes formaient des disciples, au vrai sens du mot. Ébles II, vicomte de Ventadour, fut ainsi le maître de Bernard, qui le paya si mal de sa peine. Marcabrun, était disciple de Cercamon. Un troubadour plus récent, Uc de Saint-Cyr, apprenait beaucoup auprès des autres poètes, mais il faisait part volontiers à ses confrères de ses connaissances poétiques. Il s’était ainsi formé de bonne heure une sorte de code poétique, auquel les troubadours font de nombreuses allusions ; ils le connaissaient par tradition, nous ne le connaissons plus, et encore incomplètement, que par des recueils didactiques de la période de décadence.

Quelle que soit l’école où ils se sont formés, les troubadours se distinguent par un souci extrême de la forme. Les métaphores abondent, chez eux, pour marquer ce travail délicat qui consiste à couvrir la pensée d’une parure élégante. L’expression classique de limer, polir revient souvent. L’un se vante de savoir bien « bâtir » ou « forger » une chanson ; l’autre de savoir l’ « orner » et l’ « affiner ». Il n’est pas rare qu’un troubadour confiant ses chants à un jongleur le prie de n’y rien changer, tellement il a conscience d’avoir fait œuvre parfaite. Ce souci de la forme est extrême chez les troubadours ; il devint bientôt excessif ; mais ils lui doivent d’avoir pu faire sur des « pensers » déjà antiques de jolis vers nouveaux.

Tout en leur reprochant ce culte presque exclusif de la forme, sachons-leur gré de l’avoir ainsi mise en honneur. Ce souci d’art est de tradition dans les littératures néo-latines. Elles ont plus d’une fois racheté par ce côté ce qui leur manquait en profondeur. Cette tradition remonte loin ; si les troubadours ne l’ont pas créée, ils étaient dignes de le faire.

Et soyons-leur indulgents aussi pour l’orgueil qu’ils ont de leur art. Vaniteux, à ce point de vue, les troubadours le furent à l’excès. La mesure et la discrétion, qualités dont ils font si souvent l’éloge, paraissent avoir été peu en honneur dans leur milieu. Ils se vantent à tout instant de leur supériorité, et de leur originalité dans l’invention. Cela est vrai en partie. Mais l’invention est pour eux autre chose que ce que nous entendons par ce mot. Elle ne consiste pas à trouver des pensées nouvelles, mais plutôt à inventer de nouveaux airs, de nouvelles mélodies, de nouvelles rimes ou combinaisons strophiques. C’est encore ici un souci d’art qui les pousse ; et c’est de lui qu’ils tirent vanité. Mais cette vanité n’est-elle pas commune aux poètes ? et n’y en a-t-il pas de plus mal placée ?

Ce souci de s’éloigner du vulgaire et de n’écrire que pour les parfaits connaisseurs a conduit les troubadours — surtout ceux de la première période — à un genre de style raffiné qu’ils désignent sous le nom de trobar clus (invention obscure, fermée aux profanes). Ce genre consiste à n’employer que des mots rares, difficiles et obscurs, ou s’éloignant de leur sens ordinaire. Les poésies écrites dans ce style paraissent claires à première vue, mais le sens en est si bien caché qu’encore aujourd’hui on discute sur le sens de quelques-unes. Il y eut dans ce genre si faux des virtuoses. Les connaisseurs du temps ne leur ménagèrent pas leur admiration. Ainsi Dante et Pétrarque mettent au premier rang des troubadours le représentant le plus éminent de ce genre, Arnaut Daniel. « C’est un grand maître en poésie, dit Pétrarque, et qui fait encore honneur à sa patrie par son style orné et poli[3]. » Ces deux grands poètes italiens eux-mêmes ont subi l’influence des troubadours de cette école ; mais leur génie les a préservés des excès. Il n’en fut pas de même dans la littérature provençale où ce genre produisit bon nombre de pièces obscures et énigmatiques, pour la plus grande joie des connaisseurs anciens et pour le désespoir des connaisseurs modernes. Il y eut d’ailleurs de bonne heure une réaction, et même tous les troubadours de la bonne époque n’ont pas admis cette conception[4].

La musique est une partie importante de l’art des troubadours. Il nous est dit de plus d’un qu’il trouvait non de belles pensées, mais de beaux « sons », c’est-à-dire de belles mélodies. Plusieurs manuscrits des troubadours, plusieurs « chansonniers », comme on les appelle, nous font connaître cette musique. Seulement on dirait qu’il y manque l’âme. Nous sommes très mauvais juges de ce qui en faisait l’originalité. Son secret paraît à jamais perdu. Chantée de nos jours elle paraît monotone, comme un plain-chant vieilli. Par quels mouvements, par quelles modulations, les troubadours et surtout les jongleurs, en relevaient-ils la monotonie ? C’est ce que nous ne saurons sans doute jamais[5].

Le chant et la musique étaient proprement du domaine du jongleur. S’il y avait eu une démarcation bien nette entre ces deux classes, le troubadour se serait contenté d’inventer la mélodie, laissant au jongleur le soin de la chanter en s’accompagnant de la viole, de la cithare et autres instruments. Mais c’est par là précisément que la classe des jongleurs se confondait avec celle des troubadours. N’était-ce pas une tentation toute naturelle pour le poète musicien de chanter lui-même sa composition ? Comme aux époques lointaines de la Grèce primitive musique et poésie allaient de pair : les deux arts se confondaient chez les troubadours comme jadis chez les aèdes.

L’étude des différents genres lyriques nous montrera mieux encore l’union de ces deux arts. Les genres que nous allons énumérer sont tous faits pour être chantés. Les troubadours (ils nous en font assez souvent la confidence) ont mis autant de soin à inventer le « son », c’est-à-dire la mélodie, qu’à trouver le fond et à orner la forme.

On divise quelquefois ces genres en deux groupes : ceux qui ont gardé quelque trace de leur origine populaire et ceux qui s’en sont éloignés[6]. C’est une division qui est à peu près juste, mais elle a le tort de laisser croire que certains genres sont d’origine plus relevée que les autres. Si nous distinguons plus simplement les genres d’après l’importance qu’ils occupent dans la poésie des troubadours, on voit que la première place appartient à la chanson, puis au sirventés, enfin à la tenson : viennent ensuite les genres que nous pourrions appeler secondaires, donnant aux précédents le nom de genres principaux.

La chanson occupe la place d’honneur. Cela se conçoit sans peine, quand on songe qu’elle est une poésie consacrée exclusivement à l’amour, thème préféré, essentiel même de la poésie provençale.

Il ne faut pas se méprendre sur ce terme de chanson. La chanson des troubadours n’a, on pourrait dire, rien de commun que le nom avec la chanson moderne. Le nombre des strophes en est variable, il va ordinairement de six à sept. Elle se termine par un ou deux envois (tornada). Le nombre des vers dans chaque strophe est également variable. Il peut aller de trois à quarante-deux et ceci donne une idée de la virtuosité des troubadours ; mais ces formes extrêmes sont assez rares.

L’agencement des rimes est l’objet d’un soin tout particulier. Il existe, dans la poétique provençale, toute une terminologie pour désigner ces combinaisons. Quoique ce souci soit commun à peu près à tous les genres lyriques, il est plus sensible encore dans la chanson. La chanson n’a pas de refrain. Voilà pour la forme.

Quant à son contenu, nous l’avons indiqué d’un mot : elle est consacrée à l’amour. Elles commencent presque toutes par une description du printemps ; ce début est de style, de convention, surtout chez les plus anciens troubadours. Voici quelques-uns de ces débuts.

Quand l’herbe verte et la feuille paraissent, et que les fleurs s’ouvrent dans les vergers, quand le rossignol fait entendre haute et claire sa voix et lance son chant, je suis heureux de l’entendre, heureux de voir la fleur. Je suis content de moi, mais encore plus de ma dame[7].

Le gentil temps de Pâques, avec la fraîche verdure, nous ramène feuilles et fleurs de diverses couleurs : c’est pourquoi tous les amants sont gais et chantent, sauf moi qui me plains et qui pleure, et pour qui la joie n’a pas de saveur…

Puisque l’hiver est parti et que le doux temps fleuri est revenu, puisque j’entends par les prés les refrains variés des petits oiseaux, les prés verts et les frondaisons épaisses m’ont rempli d’une telle joie que je me suis mis à chanter[8].

Voici le début d’une chanson de Jaufre Rudel.

Quand le ruisseau qui sort de la fontaine devient clair, et que paraît la fleur d’églantier ; quand le rossignol dans la ramure varie, module et affine son doux chant, il est juste que moi aussi je fasse entendre le mien[9].

Je suis heureux, dit Arnault de Mareuil, quand le vent halène en avril, avant l’arrivée de mai, quand, pendant toute la nuit sereine, chantent le rossignol et le geai ; chaque oiseau en son langage, dans la fraîcheur du matin, mène joie et allégresse[10].

Quelquefois ce thème du début est tout autre. Il se présente sous la forme suivante : le poète n’a pas besoin, pour chanter, d’attendre le retour du printemps ; l’amour qu’il a pour sa dame l’inspire en toute saison.

Ni pluie ni vent, dit Peire Rogier, ne m’empêchent de songer à la poésie ; la froidure cruelle ne m’enlève ni le chant, ni le rire ; car amour me mène et tient mon cœur en une parfaite joie naturelle ; il me repaît, me guide et me soutient ; nul autre objet ne me réjouit, nul autre ne me fait vivre[11].

Raimbaut d’Orange commence ainsi une de ses chansons :

Je ne chante ni pour oiseau, ni pour fleur, ni pour neige, ni pour gelée, ni pour neige, ni pour chaleur,… je ne chante pas, je n’ai jamais chanté pour nulle joie de ce genre, mais je chante pour la dame à qui vont mes pensées et qui est la plus belle du monde[12].

Ces débuts ne manquent pas de grâce, ni les précédents de poésie. Les premiers surtout rappellent par leur fraîcheur les origines populaires de la chanson courtoise. Ils expriment à merveille la joie de vivre qui s’empare des hommes et des choses à la sortie de l’hiver. Seulement ces débuts se ressemblent trop ; ils fatiguent par leur monotonie ; le charme disparaît assez vite. C’est certainement la partie la plus conventionnelle de la chanson. Qui en connaît quelques-uns connaît du même coup tous les autres. Le thème est trop simple et surtout il reparaît trop souvent. Ce n’est pas d’ailleurs la seule partie conventionnelle de la chanson. Pour le fond, la convention y règne aussi en souveraine ; mais ce n’est pas le lieu d’y insister ici ; renvoyons-en l’étude au chapitre consacré à la doctrine de l’amour courtois.

Un autre genre lyrique dispute presque la première place à la chanson dans la poésie provençale c’est le sirventés[13] (fr. serventois). On n’est pas d’accord sur l’origine du mot, ni du genre. D’après les uns, le nom lui viendrait du fait qu’il est composé à l’origine par des « serviteurs » ou pour des « serviteurs », c’est-à-dire sans doute, par des « poètes de cour » ; suivant d’autres il tirerait son nom de ce qu’il est composé sur la forme, sur l’air d’une chanson ; ce serait, pour ainsi dire, une poésie « au service » d’une autre, qu’elle imiterait servilement. Cette dernière opinion a pour elle la plus grande vraisemblance. Car pour la forme, le sirventés ne se distingue pas de la chanson. On y retrouve le même souci de l’agencement des rimes que dans le genre précédent.

C’est par le contenu surtout que ces genres diffèrent. La chanson passait aux yeux des troubadours pour le genre le plus parfait. Mais je ne sais si, à notre point de vue, le sirventés n’est pas plus vivant.

On peut en distinguer plusieurs catégories. D’abord le sirventés moral ou religieux, consacré à des thèmes généraux de morale et de religion. Il fleurit surtout pendant la période de décadence. Là aussi la convention se fait sentir de bonne heure. La poésie provençale nous offre quelques types de satiriques originaux et vigoureux. Mais à côté d’eux il y eut le troupeau servile des imitateurs.

Le sirventés politique ou personnel est bien plus intéressant. C’est lui qui nous permet de pénétrer dans la société où vécurent les troubadours. Les chansons nous montrent le côté idéal ou idéaliste de cette société ; le sirventés nous fait connaître la réalité.

Les troubadours s’intéressent aux événements politiques de leur temps. D’abord pour des raisons générales, qui font que les poètes aiment à sortir assez souvent de leur tour d’ivoire. Mais leur intervention dans les affaires politiques avait d’ordinaire un mobile plus intéressé. Les troubadours qui étaient à la discrétion — et à la solde — des grands seigneurs prenaient passionnément parti dans les affaires qui intéressaient leurs puissants protecteurs. Ils représentent par certains côtés la presse du temps, presse pas très indépendante et pas toujours très libre d’ailleurs. C’est surtout en matière de politique étrangère que son indépendance était douteuse. Quand Alfonse X de Castille, nommé empereur, tardait à venir se faire couronner, il envoyait des subsides, les fonds secrets d’alors, aux troubadours besogneux ; ceux-ci se chargeaient de la campagne de presse.

Ils connaissaient même et usaient fort souvent de ce procédé peu délicat, qui consiste à demander en menaçant. Le mot qui désigne cet acte délictueux est récent, mais la chose est ancienne. L’excuse des troubadours, c’est qu’ils n’avaient peut-être pas d’autre arme pour fléchir un seigneur avare ou orgueilleux. Malheur à ceux qui ne leur donnaient qu’un méchant cheval ou quelques pièces de monnaie ! Le doux troubadour punissait cruellement l’avarice du grand seigneur qu’il avait vainement sollicité, en répandant sur son compte médisances et calomnies. C’étaient là les mœurs du temps. Et c’était aussi la vengeance du pauvre chanteur errant ; plus d’un seigneur orgueilleux et avare, se souvenant que le poète est de race irritable, devenait libéral par crainte des médisances ou du ridicule. C’est l’ensemble des diverses poésies de ce genre que l’on appelle du nom général de sirventés.

Le genre comprend d’ailleurs d’autres subdivisions. On y range par exemple les chants de croisade, dans lesquels les troubadours excitent les chefs de la chrétienté, grands ou petits, à concourir à la délivrance de la Terre Sainte. Ils le font souvent avec éloquence ; et si l’on songe que ces poésies étaient colportées par les jongleurs ou les troubadours eux-mêmes d’une cour à l’autre, on juge de l’effet que pouvaient avoir des exhortations de ce genre sur des volontés hésitantes.

On fait entrer également dans ce genre les plaintes (planh) sorte de chant funèbre composé par le troubadour à la mémoire de son protecteur. L’élément conventionnel n’en est pas absent, mais il règne souvent dans certaines de ces poésies une sincérité et une émotion que l’on ne trouve pas toujours dans d’autres compositions.

Tout autre est le genre de la tenson[14]. Par son étymologie le mot indique une discussion. C’est une sorte de discussion poétique sur une question quelconque, peut-on dire. L’origine n’en est sans doute pas tout à fait populaire ; il faut la chercher peut être dans la coutume qui consiste à organiser un concours de poésie sur un thème donné. Ce genre, qui paraît connu des plus anciens troubadours, aurait une origine différente de la plupart des autres.

Une question importante se pose à propos de la tenson. Une tenson a-t-elle pour auteurs les deux personnages qui sont mis en scène ? Ou n’avons-nous affaire ici qu’à une fiction et le même poète exposait-il tour à tour ses propres idées et celles de son interlocuteur ? Il semble bien qu’il faille admettre dans beaucoup de cas deux auteurs différents. Mais le contraire dut avoir lieu aussi, comme le prouve l’habitude de composer des tensons avec des personnages imaginaires[15]. Les sujets des tensons sont très variés. On y discute les questions les plus étranges, quelquefois les plus grossières, souvent les plus élevées. D’une manière générale la discussion porte sur un point de casuistique amoureuse. Il y avait là des thèmes sans nombre, où l’esprit subtil et délié des troubadours, affiné par la dialectique, se donnait libre carrière.

Voici quelques sujets de ces discussions poétiques. Qu’y a-t-il de plus grand, les joies ou les souffrances causées par l’amour ? De deux hommes, l’un a une femme très laide, l’autre une femme très belle ; tous deux les surveillent avec un très grand soin ; quel est celui des deux qui est le moins blâmable ? Une tenson à trois personnages porte sur les questions suivantes[16] un roi a le pouvoir : 1o  d’obliger un riche avare à faire des libéralités ; 2o  d’empêcher un seigneur libéral de distribuer des largesses ; 3o  d’obliger à vivre dans le monde un homme qui s’est déjà consacré à Dieu ; quel est le plus à plaindre des trois ?

L’auteur de la même tenson propose à un jongleur ou à un troubadour le sujet suivant : ou bien il connaîtra à fond tous les arts qu’un clerc de son temps peut savoir, ou bien il sera un parfait connaisseur dans l’art d’aimer. Les deux thèmes sont traités avec maestria par les deux troubadours : celui qui consacre sa vie à la science commence par affirmer que les femmes sont plus trompeuses qu’un « corsaire » ; son érudition lui fournit d’illustres exemples : David, Samson et Salomon. « Je vous plains, répond son partenaire ; vous vivrez triste avec vos « sept arts » (le summum de la science d’alors) qui vous troubleront la vue et l’ouïe, comme il arrive à de nombreux savants qui en deviennent fous. » Pour lui, son choix est fait ; il aime mieux la vie riante que lui promettent la poésie et l’amour.

Voici enfin la question qu’agitent ensemble, dans une tenson, les troubadours Guiraut de Salignac et Peironet. « Qu’est-ce qui maintient le mieux l’amour, les yeux ou le cœur ? » « Les yeux, répond l’un d’eux, car le cœur ne se donne que sur le jugement des yeux. Les yeux sont de tout temps les messagers du cœur. » « C’est dans le cœur, répond l’adversaire, que se maintient le mieux l’amour ; car le cœur voit de loin, les yeux de près seulement. » Les deux derniers couplets sont à citer tout entiers : « Seigneur Peironet, tout homme de haut lignage reconnaît que votre choix est mauvais, car tous savent que le cœur a la seigneurie sur les yeux, et écoutez en quelle manière : l’amour ne sort pas des yeux si le cœur n’y consent, tandis que, sans les yeux, le cœur peut aimer celle qu’il n’a jamais vue en réalité, comme Jaufre Rudel fit de son amie. » « Seigneur Guiraut, si les yeux de ma dame me sont hostiles, peu m’importe le cœur ; mais si elle me montre un regard avenant, elle me prend le cœur et le met en sa puissance. Voici en quoi consiste le pouvoir et la hardiesse du cœur : par les yeux l’amour descend dans le cœur et les yeux disent, par un agréable langage, ce que le cœur ne peut ni n’oserait dire. »

Le jugement de cette subtile et gracieuse discussion est renvoyé à une noble dame du château de Pierrefeu, en Provence. Il n’est pas rare que les tensons se terminent par un envoi de ce genre. La tenson est, elle aussi, elle surtout, un produit de la société courtoise du temps. Elle reste comme un écho de cette société. Dans son cadre un peu grêle elle la fait revivre avec sa courtoisie et aussi son amour de la préciosité ou de la convention, et on peut voir, dans les tensons à trois ou quatre personnages qui nous restent, les origines lointaines de la comédie de salon.

Avec la pastourelle[17], nous arrivons à un genre qui paraît, au premier abord, être resté plus près de son origine populaire. Voici en quoi il consiste. Le poète, pendant un voyage, rencontre une bergère ; elle est jeune, avenante, chante ou tresse des fleurs en gardant son troupeau. Le poète la salue courtoisement, et, après quelques compliments, lui offre son amour. La conversation s’engage et elle se développe suivant la fantaisie du poète. Le début et le dénouement sont seuls conventionnels. Un exemple emprunté à un des plus anciens troubadours, Marcabrun, montrera ce que peut donner ce genre. Le troubadour, à cheval, a rencontré une bergère.

Je pousse mon cheval vers elle :
« Que ne puis-je arrêter, la belle,
La bise qui vous échevèle !
— Sire, me répond la vilaine,
Si le vent souffle et me hérisse,
Je dois au lait de ma nourrice
De ne point trop m’en mettre en peine.

— Sans médire de votre mère,
La belle, il pourrait bien se faire
Que quelque chevalier fût père
D’une aussi courtoise vilaine.
Votre regard est un sourire ;
Plus je vous vois, plus je soupire
Mais vous être trop inhumaine.

— Non, non, sire, je suis la fille
De gens dont toute la famille
N’a manié que la faucille
Ou le hoyau, dit la vilaine.
J’en sais un qui vante sa race,
Et qui devrait suivre leur trace
Six jours ou sept dans la semaine.

— Fille aussi farouche que belle,
Je sais un peu, quand je m’en mêle,
Apprivoiser une rebelle.
On peut, avec telle vilaine,
Faire amour loyal et sincère,
Et vous m’êtes déjà plus chère
Que la plus noble châtelaine.


Quand un homme a perdu la tête
Est-ce un vain serment qui l’arrête ?
Un mot, et votre bouche est prête,
À baiser mes pieds de vilaine.
Mais pensez-vous que je désire
Perdre, pour vous plaire, beau sire,
Ma richesse la plus certaine ? [18] »

L’auteur de cette traduction remarque que la vilaine, mise ainsi en scène, a « terriblement d’esprit » pour une femme des champs. « Ce n’est pas le long des haies, même en Gascogne, que fleurit une ironie si légère et si perçante à la fois. » C’est une réflexion qu’on peut faire à propos de la plupart des pastourelles. C’est un genre qui a pu être populaire ; mais il a perdu ce caractère de très bonne heure.

Comment d’ailleurs ce genre, s’il avait gardé la simplicité primitive que nous pouvons lui supposer, aurait-il eu des chances de plaire à la société raffinée pour laquelle écrivaient les troubadours ? Aussi les bergères qu’ils mettent en scène ressemblent étrangement, du début à la fin de leur littérature, à celle de Marcabrun. C’est leur aïeule. Ce sont en général de vertueuses coquettes. Elles écoutent les compliments, acceptent les galanteries, mais finissent toujours par berner leur interlocuteur. Là encore règne la convention. Le charme de la plupart de ces compositions ne vient pas des tableaux champêtres qu’elles peuvent présenter, ni de la naïveté et de la simplicité des sentiments exprimés ; il vient surtout de la forme dialoguée qui a permis aux auteurs de pastourelles de leur donner un tour dramatique. Elles se rapprochent à ce point de vue des débats que sont les tensons.

De la pastourelle on rapproche ordinairement la romance. Dans la littérature du Nord de la France surtout ce rapprochement est légitime. On entendait par romance le récit d’une aventure d’amour fait par le poète, sous forme dialoguée. Par le contenu la romance est donc d’un caractère narratif ; mais par la forme elle appartient à la poésie lyrique et par le dialogue surtout elle se rapproche de la pastourelle. Les exemples en sont très nombreux dans la littérature de langue d’oïl ; ils sont au contraire très rares dans la poésie des troubadours.

Cette rareté est très regrettable, si on en juge par les modèles qui nous restent, et dont les meilleurs sont, comme la pastourelle citée plus haut, du troubadour gascon Marcabrun. Voici la traduction de l’une de ces deux pièces. Elle est comme un écho des sentiments qui agitaient, au milieu du xiie siècle, le cœur d’une jeune femme dont l’ami était parti pour la croisade.

À la fontaine du verger, où l’herbe est verte sur le gravier, à l’ombre des beaux arbres, pendant que je cherchais de nouveaux chants et de blanches fleurs, je trouvai seule, sans compagnon, celle qui ne voulait pas de consolation.

C’était une damoiselle au corps très beau, fille du seigneur du château ; et, comme je croyais que les oiseaux et la verdure lui causaient de la joie et qu’elle écoutait mon badinage, elle changea tout à coup de couleur.

Elle pleura des yeux et soupira du fond du cœur : « Jésus, dit-elle, roi du monde, c’est pour vous que croît ma douleur. Car les meilleurs soldats sont partis pour vous servir.

« C’est pour vous qu’est parti mon doux ami, mon beau et mon vaillant ami.

« À moi il ne m’est resté que les regrets et les pleurs. Ah ! malheur au roi de France Louis, par qui le deuil est entré dans mon cœur. »

Quand je la vis se désespérer, je vins près d’elle auprès du clair ruisseau. « Belle dame, dis-je, trop de pleurs abîment le visage et enlèvent ses couleurs. Il ne vous faut désespérer, car celui qui donne au bois ses feuilles peut aussi vous rendre la joie.

« — Seigneur, dit-elle, je crois bien que Dieu aura pitié de moi dans l’autre monde, comme il aura pitié de tant d’autres pécheurs. Mais en attendant, il m’a enlevé celui qui faisait ma joie. »

Cette énumération serait incomplète, si nous ne citions en terminant un des genres les plus gracieux que les troubadours aient traités. C’est celui de l’aube (prov. alba). Le nom lui vient de ce que le mot « aube » reparaît à chaque couplet. Pour caractériser le fond, il suffit de rappeler la situation de Roméo et Juliette, quand le chant mélodieux du rossignol vient leur annoncer le jour. Seulement, dans « l’aube », le chant du rossignol est remplacé par la voix d’un ami fidèle qui a poussé le dévouement jusqu’à veiller toute la nuit à la sécurité de son compagnon. De cette situation étrange le poète sait tirer d’heureux effets, comme on peut le voir dans la traduction suivante d’une des « aubes » les plus célèbres de la littérature provençale. Elle débute par une invocation à Dieu qui ne manque pas de grandeur ni de majesté, mais qui révèle, si l’on songe à la situation, un fonds ineffable de paganisme.

Roi glorieux, roi de toute clarté,
Dieu tout-puissant, j’implore ta bonté !
À mon ami prête une aide fidèle ;
Hier au soir il m’a quitté pour elle,
Et je vois poindre l’aube.

Beau compagnon, vous dormez trop longtemps ;
Réveillez-vous, ami, je vous attends,
Car du matin je vois l’étoile accrue
À l’Orient ; je l’ai bien reconnue,
Et je vois poindre l’aube.

Beau compagnon, que j’appelle en chantant,
Ne dormez plus, car voici qu’on entend
L’oiseau cherchant le jour par le bocage,
Et du jaloux je crains pour vous la rage,
Car je vois poindre l’aube.

Beau compagnon, le soleil a blanchi
Votre fenêtre, et vous rappelle aussi ;
Vous le voyez, fidèle est mon message ;
C’est pour vous seul que je crains le dommage,
Car je vois poindre l’aube.

Beau compagnon, j’ai veillé loin de vous
Toute la nuit, et j’ai fait à genoux
À Jésus-Christ une prière ardente,
Pour vous revoir à l’aube renaissante,
Et je vois poindre l’aube.

Beau compagnon, vous qui m’aviez tant dit,
Sur le perron, de veiller sans répit,
Voici pourtant qu’oubliant qui vous aime,
Vous dédaignez ma chanson et moi-même,
Et je vois poindre l’aube.

— Je suis si bien, ami, que je voudrais
Que le soleil ne se levât jamais !
Le plus beau corps qui soit né d’une mère
Est dans mes bras, et je ne m’émeus guère
Du jaloux ni de l’aube[19].

Il y a une quinzaine de poésies de ce genre dans la littérature provençale : la plus ancienne est en latin, le refrain seul est en provençal[20]. D’où vient ce genre si étrange dont on ne trouve pas trace dans les littératures anciennes ? Est-il, comme la plupart des autres, d’origine populaire, ou faut-il lui reconnaître une origine savante ?

Si nous ne connaissions que des formes d’aube provençales, surtout celle que nous venons de citer, on pourrait se demander si ce genre n’est pas un produit de la société aristocratique et courtoise du moyen âge. Mais il y a d’autres formes plus anciennes que celles-là. Ce n’est pas toujours un ami fidèle, ou un veilleur (personnage très important dans les châteaux) qui annonce le retour du jour ; ce rôle est quelquefois confié aux oiseaux populaires par excellence, l’alouette, le rossignol, et ce thème se retrouve dans la poésie populaire de la plupart des pays. Sans engager ici une discussion inutile sur l’origine de l’aube, admettons avec la plupart des critiques que l’aube se compose de plusieurs éléments dont les principaux sont d’origine populaire. Nous ne connaissons que par hypothèse cette forme primitive. Il en est ainsi au début des littératures ; on ne juge les genres dignes d’être notés que quand ils sont déjà loin de leur origine. Les meilleurs de leurs vers — les plus populaires — ne seront jamais connus.

Ces genres principaux, chanson, sirventés, tenson (et en partie pastourelle et aube) ne sont pas les seuls que les troubadours aient traités. Dans la décadence surtout on en inventa d’autres ; à l’aube, chant du matin, on opposa la serena, chant du soir[21]. La pastourelle tirait son nom du personnage qui y jouait le rôle principal ; on composa des pièces qui portaient différents noms suivant le métier des personnages mis en scène ; la « bergère » des pastourelles pouvait être remplacée par une gardienne de vaches ou d’oies ; ceci formait une nouvelle variété du genre et prenait un nom nouveau. Laissons là ces puérilités ; ce sont jeux de poètes d’une époque de décadence, essayant de faire revivre maladroitement des genres morts.

Mais même à l’âge d’or de la poésie provençale, à côté des grands genres, existaient des genres secondaires. Les troubadours avaient, par exemple, un nom pour désigner une poésie où ils annonçaient à leur dame qu’ils se séparaient d’elle : c’était le congé. Un autre genre secondaire portait le nom d’escondig (excuse ou justification) et le mot en indique suffisamment le contenu. Pour mieux marquer sa tristesse ou sa colère de voir ses sentiment amoureux non partagés, un troubadour composait un descort (désaccord), c’est-à-dire une poésie lyrique d’un rythme et d’une mélodie assez libres : cette composition désordonnée marquait l’état de son âme. Le troubadour Rambaut de Vaqueiras trouva encore mieux : il écrivit son descort en cinq langues ou dialectes, une par strophe ; la dernière strophe est composée de dix vers, deux en chaque langue. « C’est pour mieux marquer, dit-il au début, combien le cœur de ma dame a changé, que je fais désaccorder les mots, la mélodie et le langage. » La cacophonie et le charabia avaient ainsi mission de dire ce que le cœur ne pouvait exprimer[22].

Beaucoup plus intéressants à étudier seraient d’autres genres lyriques comme les danses, les danses doubles, les ballades, les estampies. Ce sont là des genres qui paraissent avoir le mieux gardé le caractère populaire. Il y a telle ballade ou danse anonyme avec refrain qui ressembla encore à une ronde d’enfants. Mais les exemples de ces genres, si précieux qu’ils soient pour la critique, sont trop rares pour mériter ici plus qu’une rapide mention. Nous pouvons nous en tenir aux cinq genres principaux dont nous venons de décrire la forme.

Tel est, dans ses grandes lignes, le cadre où se meut la poésie des troubadours. Il est mince et grêle, en apparence. Les grands genres, ceux du moins que la critique moderne a qualifiés ainsi, en sont exclus. Mais on nous a appris, dans un vers lapidaire, la valeur d’un bon sonnet et un seul a suffi à la célébrité d’un de nos poètes contemporains. Jugeons donc les troubadours à cette mesure ; et, sans leur reprocher de n’avoir pas connu certains genres, faisons-leur un mérite d’avoir su traiter avec une incomparable maîtrise ceux qu’ils ont inventés. Faisons-leur surtout un titre de gloire d’avoir été les premiers, au début des littératures modernes, à comprendre la valeur de la forme en poésie, à en proclamer la nécessité, à donner des règles et des lois : c’est par eux que la notion de l’art est entrée dans ces littératures.

C’est aussi un mérite non moins grand, quoique d’un autre ordre, d’avoir su confier aux formes poétiques dont ils sont les inventeurs des pensées si neuves, si ingénieuses et si profondes que les littératures voisines les ont aussitôt empruntées. On s’en rendra mieux compte en étudiant leur théorie de l’amour courtois.


  1. Leur nom leur vient du mot trobar, trouver en parlant de l’invention poétique.

    Cf. en général, pour ce chapitre, Diez, Poesie der Troubadours, 2e  édition.

  2. Traduction de l’abbé Papon, Parnasse occitanien, p. 21.
  3. Pétrarque, Trionfo d’amore.
  4. Cf. Gaston Paris, Esquisse historique de la littérature française au Moyen âge, p. 159 : « ce sont les troubadours de cette école [du trobar clus] qui, malgré leurs défauts et indirectement, ont créé le style moderne ».
  5. Sur la musique cf. un excellent article de M. A. Restori, dans la Rivista musicale italiana, vol. II, fasc. 1, 1805. Voir surtout la récente publication de M. J.-B. Beck, Die Melodien der Troubadours, Strasbourg, 1908.

    Cf. encore A. Jeanroy, Dejeanne, P. Aubry : Quatre poésies de Marcabrun, troubadour gascon du xiie siècle, texte, musique et traduction, Paris, 1904.

    Les troubadours dont il nous reste le plus d’airs notés sont les suivants : Bernard de Ventadour, Folquet de Marseille, Gaucelm Faidit, Guiraut Riquier, Peire Vidal, Raimon de Miraval. Le plus grand nombre de ces mélodies (les deux tiers) se trouvent dans le manuscrit R (Bibl. nat., f. fr., 22 543).

  6. Ludwig Rœmer, Die volksthümlichen Dichtungsarten, Marbourg, 1884.
  7. Bernard de Ventadour, Quant erba vertz e fuelha par (M. W. I, 11 ; Gr., 39) ; id., La gens temps de pascor (M. W. I, 13 ; Gr., 28).
  8. Marcabrun, Pois l’iverns d’ogan es anatz (M. W. I, 57).
  9. J. Rudel, Quan lo rius de la fontana (M. W. I, 62 ; Gr., 5).
  10. Arnaut de Mareuil, Belh m’es quant lo vens (M. W. I, 155 ; Gr., 10).
  11. Peire Rogier, Tan no plou ni venta (M. W. I, 120 ; Gr., 8).
  12. Raimbaut d’Orange, Non chant per auzel ni per flor (M. W. I, 77 ; Gr., 32).
  13. Sirventés : la vraie forme provençale est sirventes ; nous l’accentuons pour mieux marquer que l’accent doit porter sur la dernière syllabe.
  14. Cf. Jeanroy, Origines…, p. 45 et suiv. De la tenson on distingue le jeu-parti (prov. partimen) qui est une variété du genre » et où les interlocuteurs choisissent entre deux propositions contraires ; nous employons le mot de tenson qui est le terme le plus général.

    Sur la question de savoir si les tensons appartiennent à des auteurs différents, cf. Diez, Poesie der Troubadours, p. 165. Pour les sujets des tensons cf. ibid., p. 169. Voici quelques autres exemples : quel est l’homme le plus amoureux, celui qui ne peut résister au désir de parler constamment de la dame qu’il aime ou celui qui y pense en silence ? Un amoureux qui est heureux dans son amour doit-il préférer être l’amant ou le mari de sa dame ?

  15. Pour les tensons avec un personnage imaginaire, cf. Jeanroy, Origines…, p. 54, note 1 : on a des tensons du Moine de Montaudon avec Dieu, de Peirol avec Amour, de Raimon Déranger et Bertran Carbonel avec leur cheval ; de Larifranc Cigala avec son cœur et son savoir.
  16. Les deux tensons qui suivent sont de Guiraut Riquier.
  17. Une des études les plus récentes sur la pastourelle est celle de M. A. Pillet, Studien zur Pastourelle, Breslau, 1902 (extrait de la Festschrift zum zehnten deutschen Neuphilologentag).
  18. Traduction de M. A. Jeanroy, Origines, p. 31.
  19. Ibid., p. 80.
  20. Le plus récent travail sur l’aube bilingue du Vatican (ainsi nommée du manuscrit qui la contient) est dû au Dr Dejeanne, dans les Mélanges Chabaneau : on trouvera dans cet article la bibliographie du sujet.
  21. Il n’y a qu’un exemple de serena, dans Guiraut Riquier ; il faut y voir sans doute une invention du poète et non une imitation d’un genre populaire.
  22. Le descort de Raimbaut de Vaquières est composé de six strophes : la première en provençal, la seconde en italien (génois), la troisième en français, la quatrième en gascon, la cinquième probablement en portugais (Cf. sur le dernier point Carolina Michaelis de Vasconcellos, dans le Grundriss de Grœber, II, B, p. 173, Rem. 1).