Uchronie/Avant-propos

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Félix Alcan (p. i-xvi).

UCHRONIE



L’UTOPIE DANS L’HISTOIRE



histoire de la civilisation européenne, telle qu’elle n’a pas été, telle qu’elle aurait pu être


AVANT-PROPOS DE L’ÉDITEUR



Le manuscrit latin du curieux ouvrage que nous donnons au public porte ce simple titre : Uchronia. La suite, en français, d’une autre main que le corps du livre, nous désigne comme l’auteur un moine de l’ordre des Frères Prêcheurs, dont la famille et la patrie ne sont point indiquées, mais qui serait mort à Rome, dans la première année du XVIIe siècle, victime de l’inquisition romaine, un peu après Giordano Bruno. Les caractères extérieurs du manuscrit, que son possesseur actuel a pu apprécier très compétemment, confirment cette date, et donnent celle du commencement du XVIIIe au morceau le plus récent de la suite dont nous venons de parler. La première partie de cet appendice explique l’origine de l’ouvrage, et la manière dont il vint aux mains d’un réformé, de famille française, établie en Hollande, qui nous raconte son histoire et les aventures de son père. L’ouvrage en lui-même suppose chez l’auteur une instruction libre et étendue, des notions en bien des choses de science, très-épurées pour son temps, et des sentiments plus rares encore. C’est le seul motif que nous puissions admettre d’en suspecter l’authenticité, mais ce motif suffit d’autant moins, que les idées de ce moine, extraordinaires en 1600, paraîtront encore étranges à la plupart de nos lecteurs.

Il s’agit de l’histoire d’un certain moyen âge occidental que l’auteur fait commencer vers le premier siècle de notre ère et finir dès le quatrième, puis d’une certaine histoire moderne occidentale qui s’étend du cinquième au neuvième. Mais cette histoire, mêlée de faits réels et d’événements imaginaires, est en somme de pure fantaisie, et la conclusion de ce livre singulier s’éloigne on ne peut plus de la triste vérité. L’écrivain compose une uchronie, utopie des temps passés. Il écrit l’histoire, non telle qu’elle fut, mais telle qu’elle aurait pu être, à ce qu’il croit, et il ne nous avertit ni de ses erreurs volontaires, ni de son but. Arrivé au terme seulement, il pose la liberté morale de l’homme, en guise de fondement et de réalité sérieuse de son œuvre, mais sans quitter la fiction ; car, supposant alors que certains personnages eussent pris d’autres résolutions qu’ils n’ont fait il y a quinze cents ans, et ces résolutions-là sont celles qu’ils ont véritablement prises, il montre en peu de mots les conséquences de leurs actes, il fait pressentir toute la suite des calamités possibles, interminables, qui en seraient sorties ; et ces calamités sont celles qu’ont éprouvées nos pères et qui pèsent sur nous encore. On verra que l’un des auteurs de l’appendice a insisté, peut-être un peu lourdement, sur cet aperçu des faits réels. Le moine, auteur de l’Uchronie, ne laisse ses passions s’y trahir qu’un moment. Partout ailleurs, vous diriez une sorte de Swedenborg de l’histoire. Visionnaire qui rêve le passé, il s’exprime avec la même assurance que ferait l’historien le plus sage et le plus attentif à expliquer la série philosophique des événements.

La publication de ce manuscrit eut été impossible il y a deux siècles ou plus. Ce n’est pas que les institutions aristocratiques ou monarchiques y soient attaquées violemment ; la généralité du point de vue et l’élévation de la pensée éloignaient tout danger à cet égard. Ce n’est pas non plus que la religion catholique s’y trouve outragée : elle n’y est seulement point discutée. Mais supposer que le christianisme aurait pu ne pas triompher anciennement dans l’Occident, s’établir dans l’Orient seul, et ne rentrer en Europe que tard, après qu’il aurait abandonné sincèrement ses vues dominatrices ; se faire un idéal de l’histoire, où le progrès des sociétés et l’organisation définitive des nations d’élite, entièrement dus à la philosophie et au développement des mœurs politiques, n’assureraient aux religions que le droit des associations libres, limitées les unes par les autres et par la prérogative morale d’un état rationnel, voilà ce qui aurait fait suspecter à bon droit la piété et les intentions des dépositaires d’un ouvrage de ce genre, s’ils avaient osé le divulguer. Le soupçon sur pareille matière menait alors fort loin, en tout pays, comme chacun sait. Au surplus l’un de ces dépositaires qui nous a laissé son témoignage anonyme à la fin du manuscrit, et qui nous a dévoilé ingénument les dispositions de son âme, ne croyait pas que les hommes de son temps fussent en état de participer utilement à ce qui était sa propre vie intellectuelle ; il n’espérait même rien de nos aïeux, rien de nous, postérité déjà reculée. Le livre comme il l’appelle, lui venait de son père, et il le destinait à ses enfants, comme une nourriture de famille qui les fortifierait en secret.

D’autres raisons s’opposaient à la publication du manuscrit pendant le dix-huitième siècle, ou du moins l’eussent rendue inopportune. Ce siècle, qu’on a nommé siècle de la philosophie, fut bien plutôt celui de la vulgarisation des procédés rationnels, et de l’application pratique de la raison à toutes choses. La spéculation proprement dite y est faible, et cela doit être, parce que plus forte, plus élevée, plus désintéressée, elle eût éloigné trop souvent le penseur de ses préoccupations actuelles, humaines, pratiques, politiques. Ce siècle est en quelque sorte le premier de l’humanité depuis dix-huit cents ans ; je veux dire qu’on y voit l’humanité s’y prendre elle-même pour objet, raisonner sur soi, travailler sur soi, compter sur soi, viser à s’organiser et à se conduire par soi et pour soi. Ce siècle est donc aussi le siècle de l’histoire, caractère qui nous frapperait en lui plus qu’il ne fait, si nous-mêmes nous n’étions pas historiens et antiquaires en tout, à tout propos, et si j’ose dire à tout prix. En effet, l’une des grandes conditions de la possession de l’humanité par elle-même est la connaissance exacte de son passé, dégagé des nuages de la fable, affranchi du prestige des fausses origines divines, des commandements célestes apocryphes, et de ces traditions de droit surhumain, parfois inhumain, qui serrent, arrêtent, enchaînent, étouffent les âmes, fondent la servitude. C’est ainsi que l’enfant devenant homme, doit, pour se connaître, connaître aussi son enfance, et en reprendre possession comme d’une partie de sa conscience, mais en éclairant les fantômes dont son imagination, informée par des mensonges de nourrice, a pu être obsédée. On avait écrit l’histoire avant le dix-huitième siècle, mais les grands esprits du siècle précédent la dédaignaient d’ordinaire, car ils la croyaient tenue de conserver par le mensonge les liens qui attachent le peuple aux puissances spirituelles et temporelles. Ils ne songeaient pas qu’avec les fières spéculations, leur unique ressource, ils se réduisaient au rôle d’esclaves déguisés en maîtres, au sein des toutes-puissantes habitudes, prêtes à régner le lendemain comme la veille des saturnales de la pensée pure ; et que, s’ils s’affranchissaient vraiment par la force du génie, mais seuls, et encore n’était-ce point sans s’exposer aux persécutions et aux supplices, la triste humanité continuait sa route loin d’eux, les maudissait même, aveuglée qu’elle était, et serrée dans les liens de sa fausse histoire et de ses traditions puériles. Aussi prenaient-ils souvent le parti de mépriser le vulgaire (odi profanum…), tandis qu’il aurait fallu le convoquer d’abord au mystère de la connaissance des faits humains, au réel spectacle des événements du monde, et faire ainsi qu’il n’y eût plus de mystères, plus de profanes à écarter. La grande, l’irrécusable révélatrice est l’histoire. L’histoire, écrite au seizième et au dix-septième siècle par des chroniqueurs confinés à leur temps et à leurs passions, ou par des politiques ou des dévots, qui respectaient et consacraient de leur mieux le mensonge convenu, l’histoire fut enfin conçue au dix-huitième comme une science dont l’objet est d’apprendre aux hommes ce qu’ils ont été, ce qu’ils se sont faits, sans hypothèse, sans postulat d’origine ; d’opposer au respect des traditions la critique des traditions, et par là de rendre aux esprits et aux cœurs la libre disposition d’eux-mêmes, et aux sociétés leur autonomie, cette fois réfléchie et savante.

Il est de la nature d’une science de supposer et de chercher des lois nécessaires, et il est de la nature des faits, dans les sciences mathématiques et physiques, d’être des faits nécessaires. Une science qui se fonde, et qui n’est pas exempte d’erreurs, tend naturellement à se modeler sur les sciences déjà connues de genre différent ; et comme il y a deux parts dans l’histoire, une pour la critique des événements comme vrais ou probables, une autre pour la recherche de leurs lois de production et d’enchaînement, il ne faut pas s’étonner si l’esprit des historiens qui ont traité cette dernière a été de considérer, non pas seulement la liberté humaine comme astreinte à se mouvoir entre des limites que lui tracent certaines fins que l’humanité ne pourrait s’empêcher d’atteindre tôt ou tard, mais encore tous les actes humains comme déterminés par leurs précédents, et tous les événements écrits d’avance dans nous ne savons quels décrets éternels. En apparence, les écrivains du dix-huitième siècle en France, et Condorcet lui-même, ne furent pas décidément enclins à ce point de vue fataliste : c’est que, préoccupés avant tout de leur lutte contre les traditions d’intolérance, de superstition et de barbarie, obligés de stigmatiser les crimes historiques, ils auraient eu mauvaise grâce à proclamer la nécessité des institutions et des actes dont ils niaient hautement la légitimité morale. Quand il nous arrive de nous indigner contre un grand coupable, et de le condamner en face, allons-nous lui dire, est-ce le moment de penser nous-mêmes qu’après tout il n’a fait que ce qu’il pouvait faire, et que nous voyons en lui un agent rationnellement irréprochable ? Mais perçons la surface des livres, laissons la satire du passé, interrogeons les pures doctrines des auteurs, demandons à ceux-ci, à Voltaire tout le premier, ce qu’ils pensent de la liberté morale de l’homme, s’ils y croient : la pratique et la conscience agissante ont répondu oui ; les théories disent constamment non. Les philosophies, comme les théologies de tous les temps, à de bien rares exceptions près, quoique importantes, ont penché à l’affirmation d’une nécessité universelle. Le dix-huitième siècle a fait comme ses devanciers. Autrement, qu’aurait-il donc laissé à faire au vingtième ? Si les hommes avaient cru fermement et dogmatiquement en leur liberté à une époque quelconque, au lieu de s’approcher d’y croire très-lentement et imperceptiblement, par un progrès qui est peut-être l’essence du progrès même, dès cette époque la face du monde aurait été brusquement changée.

Notre apocryphe se serait donc vu accueillir, au siècle dernier, comme un maladroit qui vient jeter le trouble dans un parti uni, discipliné, résolu à ne point se laisser détourner de son œuvre. Ces mêmes hommes qui faisaient la guerre à Paul et à Constantin, alliance avec Celse et Julien, se seraient sentis quelque peu scandalisés à l’apparition d’une histoire imaginaire, destinée à poser comme une vérité philosophique et de conscience, plus haute que l’histoire même, la réelle possibilité que la suite des événements, depuis l’empereur Nerva jusqu’à l’empereur Charlemagne, eût été radicalement différente de ce qu’elle a été par le fait. Il ne leur convenait pas de pousser si loin l’enquête ; car il fallait, en ce cas, ou abandonner définitivement la conviction acquise de la nécessité morale ; et ils auraient cru perdre terre, aller à la dérive jusque dans une théologie anthropomorphique usant de l’hypothèse ainsi accordée du libre arbitre ; ou, appelés de force à voir les conséquences du déterminisme historique, avouer la légitimité supérieure, à titre de nécessité, des actes mêmes qu’ils entendaient bien condamner, l’utilité des égorgements et des bûchers, la vérité des erreurs et des mensonges. On a justifié tout cela depuis eux, nous le savons, mais le cœur leur en aurait levé.

Quoi qu’il en soit, l’œuvre historique du dernier siècle était de réformer l’histoire des faits réels, et non d’imaginer celle des faits possibles ; de critiquer nos origines et non de les feindre changées ; de substituer à la fable reçue d’une église ou d’une monarchie sacrée, la teneur exacte et l’esprit positif des événements dont les hommes furent les auteurs ou les victimes ; enfin, de ruiner l’autorité des traditions de fanatisme et de superstition ; à cet effet, de professer avant tout un profond respect pour la réalité, un inviolable attachement pour la méthode qui la constate avec rigueur, quelle qu’elle soit.

Cette œuvre s’est continuée jusqu’à notre temps, mais avec des tendances plus fatalistes, quelquefois obscures, souvent avouées, et, par suite, en réagissant contre les jugements portés par nos prédécesseurs. La réaction a été religieuse et philosophique : nous avons profité de quelques erreurs de logique et de métaphysique, bien excusables chez nos pères, pour restaurer à l’encontre de leur mémoire plusieurs des idolâtries dont ils avaient eu tant de peine à s’affranchir ; et nous en sommes venus, dans la carrière des réhabilitations, jusqu’à trouver une justice à rendre à tous les dogmes, une explication à proposer pour des théories contradictoires. Nous avons appris à les admirer toutes, chacune sous le bon point de vue, puis à les mélanger comme des ingrédients utiles, à de certaines doses ; enfin nous avons conclu de tant de recherches, si intelligentes, si impartiales, non pas au vrai pour le vrai, parce qu’il est vrai, mais à l’avantageux, au convenable, au prudent ; incapables que nous semblons être désormais de toute croyance ingénue et de tout franc effort de raison. La réaction a été artistique : nous avons abandonné le culte du rationnel dans les arts, pour nous engouer du fantastique et de l’étonnant, que nous avons qualifié de poétique. Nous avons demandé des prodiges, on nous a rendu les miracles : le miracle des voûtes gothiques a remis en faveur celui des sacrements, et des créations épiscopales et monacales, et tout le cortége tant gracieux que bouffon des revenants de la légende dorée. Nous avons trouvé toutes ces choses très-belles, touchantes, consolantes, peu à peu presque vraisemblables ; elles nous ont acheminés, de miracle en miracle, à la divinité d’une vierge et à l’infaillibilité d’un lama. Sommes-nous au bout seulement ? Et tout cela pour avoir pris d’abord en pitié les pauvres philosophes, dont la raideur ne s’humanisait point avec la poésie de la fable !

À la vérité, les beautés védiques, bouddhiques, druidiques et autres sont venues en concurrence des beautés du moyen âge. Les doctrines et les engouements devraient se compenser. Malheureusement il y en a une qui tire un avantage incomparable à la fois des habitudes populaires et des intérêts oligarchiques toujours groupés autour d’elle. Celle-là profite seule de toute la réaction que le déterminisme historique conduit contre la philosophie et contre la raison. Ainsi, étant donné le préjugé de la nécessité, tout le nœud de cette réaction est dans le culte de l’histoire ; et comment pourrait-il en être autrement ? Nous venons de voir que la philosophie, la religion et les arts avaient eux-mêmes réagi en se transformant de manière à n’être avant tout que de l’histoire. Les historiens ont pris à tâche de vivre de la vie du passé : ils ont tout compris, le mal comme le bien, les nécessités du mal, les excuses du crime, mieux encore, son indispensable utilité. Ils se seraient crus gens peu intelligents, esprits étroits, philistins, s’ils avaient pensé qu’en Perse on pût être autre chose que Persan. Ils ont donc épousé les préjugés de chaque époque, à une seule illusion près, que les témoins ont coutume de se faire au moment : l’illusion d’imaginer que la chose même qui arrive pourrait n’arriver pas comme elle arrive. Des penseurs encore plus hardis, formant de faits et d’hypothèses déguisées la chaîne et la trame entières de l’histoire, et lisant dans le passé l’avenir, ont fixé le sort de l’humanité future. Par malheur, ces grands écrivains, ces illustres professeurs et ces constructeurs du destin, que nous avons applaudis dans la naïveté de notre jeunesse, ces hommes à l’esprit démesurément ouvert, savaient on ne peut mieux pourquoi chaque événement était ce qu’il avait dû être, y compris l’événement d’hier ; mais ils ne savaient pas pourquoi, et comment et quel serait, même en gros, celui de demain. Cette inexplicable lacune de leur méthode de prévision les a mis dans la triste alternative de se prosterner devant le présent, qui fut pour eux l’objet d’une négation ou d’une improbation anticipée quand il était futur ; ou de condamner des faits actuels, inévitables suivant eux, dont ils sont obligés de présenter la justification sitôt qu’ils les trouvent inscrits dans le passé. Chacun sait comment de fâcheux déboires éprouvés par cette philosophie de l’histoire ont ruiné le crédit de nos professeurs et faux prophètes, avant même que nous fussions plongés dans les derniers malheurs où leur science tâche vainement de se reconnaître.

Toutefois l’esprit du fatalisme historique est vaincu, mais ne se rend pas. Dans l’état actuel d’opiniâtreté des doctrines et de délabrement des idées, nous avons pensé que l’Uchronie d’un moine du XVIe siècle pourrait n’être pas un complet anachronisme parmi nous. Ce n’est pas que nous nous fassions la moindre illusion. Nous n’ignorons ni la puissance des habitudes intellectuelles, ni la difficulté de faire bien accueillir des hommes la responsabilité que leur apporterait la croyance en l’efficacité de leurs volontés libres, au lieu de la commode placidité de l’optimisme : ce ne serait rien moins que la rénovation définitive du genre humain, l’avènement d’un nouvel homme, mieux nommé que celui dont nul n’a encore vu la face, le nouvel homme de l’Évangile. L’Uchronie n’aspire pas si haut. Mettons qu’elle ne soit pas vraiment un signe des temps, un tout petit commencement de quelque chose de grand ; n’y voyons qu’une conviction, une direction d’esprit toute personnelle, aujourd’hui comme il y a trois siècles. Examinons alors ce fait curieux. Puisse-t-il nous faire penser. C’est tout au moins une mise en demeure adressée aux partisans nouveaux, sérieux, trop peu résolus peut-être, d’une liberté humaine, réelle dans le passé qu’elle a fait et qu’elle aurait pu ne pas faire, et grosse d’un immense avenir, dont sa propre affirmation doit être le point capital.

L’éditeur demande pardon au lecteur pour cette ambitieuse préface, si peu convenable à la modestie de son état. Mais puisqu’il a tant fait que de s’élever dans ces hauts parages, au lieu d’annoncer une simple curiosité littéraire, il croit au-dessous de lui-même et de son public d’entrer dans les détails dont un archéologue peut s’enquérir au sujet du manuscrit et de sa traduction. Il s’est attaché à la pensée, cela suffit. Que les antiquaires viennent donc consulter et vérifier le texte ; il regrettera peu d’avoir à leur en refuser la communication[1], parce qu’il fait peu de cas des antiquités comme telles. Le latin n’est rien, la paléographie n’est rien ici ; la pensée est tout ; la voici en français à l’adresse de tous ceux qui lisent. En profite qui peut.

Le sous-titre que nous avons adopté, après bien des tâtonnements : Histoire de la civilisation européenne telle qu’elle n’a pas été, telle qu’elle aurait pu être, indique l’objet moral du livre, non le sujet proprement dit, ni l’hypothèse qui en fait le nœud. Il était difficile de faire mieux que d’énoncer en termes généraux la pensée neuve et le genre insolite. Nous venons d’expliquer comment doit se comprendre le développement de cette pensée. Quant à l’ordre à adopter, nous croyons devoir placer en tête de l’ouvrage la partie de l’appendice final où se trouve exposé tout ce que nous savons de l’origine et des premières aventures du livre d’Uchronie. La seconde et la troisième partie du même appendice nous ont paru offrir une bonne conclusion pour l’ensemble de notre publication et nous les avons laissées pour la fin.

  1. Le propriétaire actuel du manuscrit s’en montre fort jaloux, et refuse d’ailleurs d’être nommé. Nous blâmons cette détermination, mais nous devons la respecter.