Un Roman politique sur l’Italie

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Un Roman politique sur l’Italie
Revue des Deux Mondes2e série de la nouv. période, tome 12 (p. 676-689).
UN


ROMAN POLITIQUE


SUR L’ITALIE





Doctor Antonio, a tale, by the author of Lorenzo Benoni; Paris, Galignani 1855.





Celui qui a dit le premier qu’il était impossible à un peuple chrétien de mourir entièrement a exprimé non-seulement une grande, mais une consolante vérité historique. Il est consolant, en effet, de penser que le dogme de la résurrection n’est pas uniquement un dogme religieux, mais un fait pratique vérifié par l’expérience, qu’un peuple mis au tombeau n’est point un Lazare que la parole d’un Dieu seul pourrait ranimer, mais qu’enseveli comme ce Dieu lui-même, il ressuscitera le troisième jour. Il est consolant de penser que, chez les peuples de la moderne Europe, il n’y a point de défaite irréparable, mais simplement des vicissitudes de fortune; point d’anéantissement, mais des maladies qui durent parfois des siècles et qui font condamner le malade par de longues générations successives auxquelles il survit, et sur les cendres desquelles un beau jour il danse bruyamment ses farandoles de triomphe et fait passer ses chariots de guerre. L’Italie est la preuve de cette vérité. Condamnée, tenue pour morte, elle se réveille de loin en loin pour affirmer qu’elle ne consent pas à mourir. A mesure que le temps marche, ces preuves de vitalité deviennent de plus en plus nombreuses et se succèdent plus rapidement. Il est même à remarquer que ces mouvemens perdent de leur caractère convulsif et deviennent plus réguliers. Or, comme nous sommes de ceux qui souhaitent aux Italiens bonne chance et heureux succès, nous profiterons de l’occasion qui nous est offerte par la dernière publication de l’auteur de Lorenzo Benoni pour dire quelques mots sur l’état actuel de l’Italie et sur la ligne de conduite que, d’accord avec bien des hommes éclairés et avec quelques-uns des esprits les plus avancés de la péninsule même, nous croyons la plus propre à. remettre ce grand pays à la place qui lui est due et à laquelle il a droit.

Nous disons volontairement grand pays, car outre sa grandeur historique, il est relativement grand encore aujourd’hui par le rôle qu’il joue en Europe. Il n’est guère de puissance que n’intéressent vivement les destinées de ce peuple. Un mouvement à Rome ou à Milan ébranle l’Europe tout entière. Nous sommes d’ailleurs de ceux qui gardent quelque reconnaissance au passé. Rien n’est étonnant lorsqu’on étudie l’histoire, comme de voir le fonds d’égoïsme et de niaise ingratitude qui se rencontre au fond de l’humanité. Les contemporains n’ont jamais d’yeux que pour le vainqueur et le triomphateur du jour, ils ressemblent en masse à ces troupeaux d’intrigans que l’on a vus à toute époque assiéger les antichambres ministérielles pour saluer le lever de tout nouveau soleil politique. L’humanité applique instinctivement les vilaines règles de conduite que formulait en ces termes, au dire du violent Saint-Simon, un cynique courtisan du temps de Louis XIV : « Tant que les ministres sont en place, on doit leur tenir le pot de chambre, et, lorsqu’ils sont renversés, le leur vider sur la tête. » C’est ainsi que l’humanité se venge des bravos qu’elle a fait éclater au récit des plus grandes actions et de l’admiration que lui ont arrachée les grandes œuvres. Un peuple est-il riche et puissant, sait-il menacer et corrompre, et surtout a-t-il le pouvoir de menacer et de corrompre; peut-il, à son gré, vous faire pendre ou vous donner des pensions; tient-il pour un instant entre ses mains la vie et la mort, la fortune ou la ruine du monde : — aussitôt les hommes s’agenouillent, les nations courbent la tête devant le commandeur des croyans, les écrivains font fumer les cassolettes de parfums, et les diplomates, habiles dans l’astronomie comme des mages chaldéens, suivent l’étoile favorable et vont porter la myrrhe et l’encens aux pieds de la sultane Angleterre ou du grand mamamouchi russe. — Puis la fortune change-t-elle et la tempête brise-t-elle le puissant navire, soudain on voit les hommes se précipiter sur la rive, se disputer les épaves rejetées par les vagues, et dépouiller le naufragé.

Hélas! l’humanité prise en masse ne croit qu’à la force, et c’est là une triste vérité que les peuples, pas plus que les individus, ne doivent jamais oublier. Cependant, à tout prendre, je ne sais si cette lâcheté n’est point préférable encore à un certain genre d’assistance qui ne manque jamais, pas plus aux peuples déchus qu’aux individus malheureux. Lorsqu’un peuple est tombé et qu’on le voit, obéissant à la loi fatale de la gravitation, rouler d’abîme en abîme, les prêtres et Les lévites se rassemblent par milliers et viennent le haranguer, le prêcher et souhaiter bon voyage, in nomine Domini, à son âme immortelle; les pédans se rassemblent en conseil pour lui faire sentir son imprudence et ses fautes, et lui donner des règles de conduite pour la vie future: puis viennent les amis maladroits qui récriminent contre ses défauts et ses sottises. Tout le monde est d’accord alors pour ne plus voir que ses vices et ses erreurs, et ceux qui agissent ainsi, ce n’est pas ce vulgaire troupeau humain que nous venons de décrire et qui n’aime que le succès; non, ce sont les hommes éclairés, les philosophes, les publicistes. Ils se refusent à voir les grandes qualités qui jadis avaient fait la gloire de ce peuple et qui subsistent encore malgré tous ses malheurs. Ils se font ainsi, quoique à leur insu, les auxiliaires de tous les despotismes et les apologistes de toutes les injustices; eux dont le rôle devrait être celui du bon Samaritain, ils formulent des arrêts de pharisiens, et leur conclusion, comme celle du musulman fataliste, est toujours que cela était écrit.

L’Italie, la grande et malheureuse Italie, a fait toutes ces expériences. Admirée, enviée, flattée, imitée, pillée au temps de sa grandeur, elle s’est vue rebutée, méprisée, honnie, dès qu’elle est tombée, par tous les peuples qui précisément l’avaient ruinée et meurtrie. Le dédain et l’injustice dont l’Europe a fait preuve envers l’Italie ressemblent à de la lâcheté, et n’ont rien de commun avec cette froide insouciance qu’ont rencontrée parmi nous les revers de certaines autres nations, car c’est l’Europe elle-même qui a fait de l’Italie ce qu’elle est. L’Espagne, par exemple, est déchue autant que l’Italie peut l’être, et n’a d’autre avantage sur elle que d’être exempte de la domination étrangère; mais les sentimens peu sympathiques que l’Europe a souvent manifestés pour elle ont au moins une excuse. L’Espagne a voulu elle-même sa ruine; agressive, insultante envers l’Europe, elle s’est laissée mener par ses princes à l’asservissement des autres nations, et elle a rencontré le sort qu’elle voulait leur faire subir. Elle a été punie pour avoir été ambitieuse et avoir caressé des rêves de coupable domination. Ses malheurs ont donc une cause, et l’on peut en vérité, sans trop d’injustice, n’être pas charitable à son égard. L’Italie au contraire n’a jamais été agressive et n’a jamais menacé l’indépendance des autres peuples, qui l’ont prise pour théâtre de toutes leurs fantaisies guerrière et pour but de tous leurs désirs de domination. Confiante à l’excès, elle a souvent appelé dans son sein l’étranger, dont le premier soin a toujours été d’abuser de son hospitalité. L’indiscipline de ses peuples a pu être la cause lointaine et première de sa décadence, mais ce n’est pas de leurs mains qu’elle a reçu le coup de la mort. Ces trésors qu’elle n’a plus, ce sont les armées de Gonzalve, de Bourbon, de Charles-Quint, qui les ont ravis; ce commerce de Venise, ce sont les confédérés de Cambrai qui l’ont détruit; cette domination étrangère, c’est la France qui l’a permise, autorisée, sanctionnée. Valois et Bourbons, Aragonais et Castillans, soldats de l’impériale Allemagne et de la France républicaine, ont tellement traversé, sillonné, remué en tous sens cette terre, bombardé, incendié et pillé ses villes, que c’est presque un miracle qu’il y ait encore une Italie. En vérité l’Europe doit toujours être modeste et réservée dans ses appréciations sur ce pays.

La France surtout, cette sœur de l’Italie, peut se frapper la poitrine et avouer ses fautes, car c’est peut-être après tout le seul peuple envers lequel elle ait été coupable. Elle qui a été si souvent trahie, qui a ressenti si amèrement les trahisons, d’autant plus amèrement que par sa nature le Français est le moins trahisseur des peuples, elle a autorisé mainte fois l’Italie à l’accuser de trahison. Il appartient à la France, moins qu’à toute autre nation, d’être injuste envers l’Italie. Tout lui fait un devoir de la traiter comme sa sœur aînée; communauté d’origine, de race, de langage, de tradition, de religion, et si tout cela ne suffit pas, ses intérêts matériels et politiques le lui commandent. Parmi tant de raisons qui sont connues de tout le monde et qui sont autant de lieux communs politiques, il en est une moins connue, moins observée que les autres. Cette raison, la voici.

Lorsque j’entends parler légèrement en France de l’Espagne ou de l’Italie, je ne puis me défendre d’un profond sentiment de tristesse; il me semble toujours voir un insensé qui travaille à se discréditer lui-même, ou un général qui travaille à couper à sa propre armée sa ligne de retraite. Que l’Espagne s’épuise dans des guerres civiles beaucoup trop prolongées, cela est possible; mais ce qui est incontestable, c’est que l’Espagne est pour la France d’une importance géographique extrême. Que l’Italie ne soit plus ce qu’elle était autrefois, fort bien; mais qu’il y ait en Europe un autre pays où la France puisse plus librement déployer son influence, cela est douteux. L’Italie est le théâtre naturel de l’action morale de la France, et c’est pour cela qu’elle est pour nous d’un prix inestimable. Si nous ne cherchons pas à agir sur l’Italie, sur quel peuple pouvons-nous espérer agir? Ce n’est point sur l’Allemagne, ni sur l’Angleterre, qui nous comprendront toujours aussi incomplètement que nous les comprenons, qui ont une civilisation sui generis, qui sentent autrement que nous et ont une autre tournure de pensée. Ce n’est point sur les nations slaves : de ce côté, nous ne pouvons agir que par l’épée; nous n’aurons peut-être jamais chez elles, et en tout cas de longtemps, que l’influence que donne la crainte. Mais en Italie nous n’avons pas à nous faire redouter, et nous sommes sûrs de ne rencontrer aucune de ces oppositions de race, de langage, de traditions, qui sont autant de barrières morales infranchissables. Là notre influence peut se déployer à son aise, et s’il est aussi nécessaire à un peuple d’avoir une action morale à exercer qu’une armée pour faire respecter ses frontières, on peut voir de quelle utilité l’Italie est pour la France.

Si l’Italie nous est utile, les règles les plus simples d’une politique, même égoïste, sont de veiller sur elle, de la protéger et de l’aider contre ses ennemis; mais ce n’est pas seulement un intérêt pour la France, c’est un devoir qui lui est commandé par la politique qui doit régir les nations chrétiennes. Précisément parce que l’Italie est le théâtre naturel de l’action morale française, et que l’esprit de la France y peut être plus facilement compris qu’ailleurs, la France a jusqu’à un certain point charge d’âmes en ce pays. Je crois sincèrement que, si l’Italie doit être régénérée, elle ne peut l’être que par la France. C’est en vain qu’elle essaiera, comme elle l’a fait dans les dernières années, de s’assimiler les idées anglaises, c’est en vain qu’elle essaiera de pénétrer les systèmes allemands : il y aura toujours là pour elle des énigmes qu’elle ne trouvera jamais chez nous, et ici nous touchons à un des faits les plus curieux de la politique contemporaine, c’est-à-dire à l’influence de l’Angleterre sur l’Italie.

Certes, s’il est un pays dont l’esprit soit différent de l’esprit italien, c’est bien l’Angleterre, et cependant l’influence anglaise n’a fait que grandir au-delà des monts, pendant que l’influence de la France baissait sensiblement. Pourquoi? Parce que l’Angleterre a pris en Italie le rôle qui aurait dû être celui de la France. Pendant que nos hommes politiques s’inclinaient devant cette école de diplomates qui trouvent que la péninsule est une belle idée géographique, pendant que notre clergé et nos catholiques allaient en pèlerinage à Rome et revenaient sans se douter qu’il y eût dans ce pays autre chose que des prêtres, des cardinaux, une cour pontificale; pendant que nos artistes et nos poètes allaient en Italie pour n’y rien voir que des musées et des églises, les Anglais parcouraient cette terre et y découvraient que l’Italie contenait encore des Italiens. Nous rendrons volontiers cette justice à ce grand peuple anglais, que dans ces dernières années il a véritablement découvert le peuple italien et a déclaré au monde que la manière dont il était traité était réellement indigne, qu’il y avait mieux à faire de lui et de ses nobles facultés. Notre grand crime, à nous tous Européens, est d’avoir considéré l’Italie comme une institution européenne, et de n’avoir jamais voulu y voir un peuple et une nation. Il entre encore beaucoup de souvenirs du moyen âge dans notre manière de considérer l’Italie, et la papauté et le saint empire occupent encore beaucoup trop peut-être nos imaginations. Dans un autre ordre de faits, depuis trop longtemps déjà notre politique au-delà des monts a été plutôt une politique d’intervention qu’une politique d’influence, et lorsque nos armées sont entrées en Italie, c’était moins afin de protéger les Italiens que de nous protéger nous-mêmes. Il s’agissait avant tout d’empêcher l’Autriche d’aller trop loin. Au milieu de toutes ces luttes, nul ne songeait au peuple italien, et lorsqu’on y songeait, c’était pour dire (on l’a déclaré à haute voix à la tribune française) que le peuple italien ne s’appartenait pas, et que le sol italien était un sol cosmopolite.

La politique anglaise a été diamétralement contraire. Dégagée par sa position insulaire des intérêts compliqués qui se débattent en Italie, libre par son caractère protestant des passions qui s’agitent autour de la papauté, l’Angleterre était mieux en position qu’aucune autre puissance européenne de voir des Italiens en Italie, et elle a fait réellement, nous le répétons, cette découverte. Personne n’a mieux parlé et plus affectueusement de l’Italie que les poètes modernes de l’Angleterre, personne n’a parlé plus souvent de ses souffrances que les hommes d’état de l’Angleterre. Toute consolation est bonne dans le malheur, les Italiens en ont été reconnaissais. Ils se sont retournés du côté de l’Angleterre pour chercher la protection que leur refusait l’Europe, et ont appris à compter plutôt sur elle que sur toute autre nation pour leur délivrance. Ce ne sont point seulement les classes cultivées de la nation qui ont subi cette influence, ce ne sont pas seulement les écrivains, l’aristocratie, les réfugiés politiques : des faits récens ont montré que cette influence s’était étendue jusqu’aux dernières couches du peuple. Ces monstrueuses affaires de protestans italiens condamnés pour avoir lu la Bible en sont la preuve. Que ce peuple artiste, amoureux de ses madones, en soit arrivé à accepter la Bible des mains d’un prédicant de l’église anglicane, ce fait seul suffit pour indiquer l’intensité de la maladie, et la puissance d’action que l’esprit anglais s’est acquise sur l’esprit italien. Il y a aussi une énergie désespérée fort remarquable chez ce malade qui, pour se guérir, ne craint pas d’avoir recours à des remèdes antipathiques à sa nature. Mais si l’Angleterre a pu se créer un tel empire sur cette nation, qui a si peu de ressemblance avec elle, quelle influence la France n’aurait-elle pas pu exercer! Ainsi donc, que l’on discute plus ou moins vivement sur les motifs qui ont fait agir l’Angleterre, qu’on lui attribue ou non un but intéressé, un fait n’en reste pas moins évident : c’est que la politique anglaise a la première, et pour la première fois depuis des siècles, compté le peuple italien pour quelque chose en Italie. Ce fait est des plus importans, car il constitue à lui seul le commencement d’une ère toute nouvelle pour l’Italie, c’est-à-dire la constatation de L’existence d’un peuple particulier en libre possession de lui-même, ayant droit à se gouverner lui-même. C’est sur ce fait que doit s’appuyer désormais notre politique française, et c’est sur ce fait aussi que désormais les Italiens doivent régler leur politique intérieure. Ici s’élève l’importante question de savoir quelle est la meilleure ligne politique à suivre pour l’Italie.

Une nationalité se compose de deux choses, d’abord du peuple lui-même avec ses goûts particuliers, ses traditions, ses instincts, ses aptitudes spéciales, ses tendances déterminées, et puis du gouvernement né de ces goûts, qui dirige ces instincts, donne leur vraie direction à ces aptitudes. Le vice radical de l’Italie moderne est précisément le désaccord qui existe entre l’esprit du peuple et ses gouvernemens, désaccord qui fait de l’Italie le pays le plus anarchique du monde. Les gouvernemens italiens sont tous pour ainsi dire des gouvernemens étrangers; l’Autriche gouverne en Lombardie, la Toscane n’a qu’une ombre d’indépendance, la papauté est une institution universelle autant qu’italienne, dont le génie est parfaitement conforme au génie italien, mais qui, en vertu de son caractère universel, ne peut se dévouer exclusivement à l’Italie. Quant au gouvernement de Naples, il est trop difficile de le qualifier, et nous y renonçons, de crainte de ne pas trouver assez de ressources dans notre langue, si pauvre et si claire, où les mots à nuances et à demi-teintes n’abondent pas. Parmi tous ces gouvernemens italiens, où trouver un gouvernement national? Le gouvernement pontifical l’est par un côté seulement; le gouvernement de la Toscane a la bonne volonté de l’être, bonne volonté dont l’Italie doit lui savoir gré, mais qui est incessamment effarouchée et assombrie par une ombre menaçante. L’étranger a donc la main sur toute l’Italie. Où trouver un coin de terre libre? Et si le seul moyen de régénération de l’Italie est un gouvernement national, où trouver les élémens d’un tel gouvernement? Un seul pays italien est libre réellement et se possède lui-même, un seul peut avoir une politique, une année, un seul est gouverné par des princes nationaux : c’est le Piémont. C’est donc le Piémont qui renferme les élémens de régénération future de l’Italie, et s’ils ne se trouvent pas là, ils ne se trouvent nulle part.

Parlons d’abord de la dynastie. Il y a toujours pour les peuples deux choses à considérer chez les princes, d’abord leur origine, et ensuite leur esprit de famille. La plus importante des deux est, je crois, l’origine, et je suis très porté à considérer comme vrai le jugement de M. de Maistre sur la guerre d’Espagne et la lutte héroïque que soutint ce pays pour ne pas accepter de l’étranger un bon roi en place d’un roi détestable, mais représentant de la nationalité. Un peuple peut perdre sous un mauvais roi de sa race sa liberté et sa puissance; rarement il perdra son indépendance, et les nations sentent si bien instinctivement cette vérité, qu’elles ne se décident qu’à la dernière extrémité à chasser ou à remplacer leurs dynasties traditionnelles. Or la maison de Savoie possède cet avantage, qu’elle est la plus italienne des maisons princières qui gouvernent la péninsule. Puis, outre cet avantage, qui est le premier pour une famille royale, la maison de Savoie en possède un autre : elle est nationale non-seulement par son origine, mais par son histoire, en fait comme de nom. Elle est essentiellement populaire en ce sens qu’elle a toujours considéré ses intérêts comme liés à ceux de ses peuples, qu’elle ne s’est pas cru des droits différens de ceux de ses peuples et qu’elle n’a jamais cherché à retarder leurs progrès, mais à les guider. Cette petite dynastie, bien différente en cela de dynasties plus puissantes et plus célèbres, n’a jamais, je crois, produit un seul mauvais prince, et quelques-uns d’entre eux ont été, comme Félix V par exemple, animés d’un grand esprit de justice et doués d’un grand esprit politique. Le caractère de ses princes a toujours été exempt de ces vices d’âme qui rendent les aristocraties odieuses; ils ont tous eu au contraire les qualités qui plaisent au peuple et qui font les dynasties populaires. Ardens, courageux, chevaleresques, grands batailleurs, bons soldats, francs du collier, comme dit énergiquement le peuple, souvent aussi mauvais diplomates qu’ils étaient solides cavaliers, bons enfans en un mot, tels ont été généralement les princes de cette famille. Grande a été déjà la destinée de la maison de Savoie, l’avenir lui en réserve encore cependant une plus glorieuse, car elle peut être, à un moment donné, la maison d’Orange de l’Italie. Si les Italiens sont sages, ils ne laisseront échapper aucune occasion de grandir cette famille, ils l’entoureront de leurs respects, ils l’appuieront de toutes leurs forces, et même, si besoin est, ils devront se résoudre à bien des concessions.

Au nom de l’Italie, tout homme éclairé du continent doit demander aux chefs de parti l’abandon de bien des rêves chéris et caressés avec amour. Les partis en Italie peuvent nourrir des idées plus ou moins généreuses, mais ils n’ont aucun élément de force entre leurs mains. La monarchie piémontaise est non-seulement le seul gouvernement national de l’Italie, mais elle est encore la seule force nationale. Une des plus grandes erreurs de notre époque est de croire que la force morale peut quelque chose toute seule, de penser qu’il y a un divorce radical entre la force morale et la force matérielle réglée. Telle est l’erreur dans laquelle sont tombés notamment les révolutionnaires modernes; ils acceptent bien la force, mais sous sa forme anarchique; toute autre leur est antipathique. Les patriotes italiens qui comptent sur les explosions populaires pour accomplir la régénération de l’Italie sont le jouet de la plus funeste et de la plus coupable illusion. Les explosions populaires peuvent renverser un gouvernement; mais où a-t-on jamais vu qu’elles aient fondé une nationalité? Excellentes pour détruire et renverser, elles peuvent momentanément assurer le triomphe d’une cause : elles sont impuissantes à établir la durée de ce triomphe. Une cause n’est donc jamais victorieuse que lorsqu’elle a des forces normales à sa disposition; jusque-là c’est une âme sans corps. Mais lorsqu’une idée s’est transformée en un gouvernement régulier, lorsqu’au lieu de dons volontaires et d’aumônes privées elle a un budget régulier, lorsqu’au lieu de corps francs elle a une armée composée d’escadrons et de bataillons soldés et recrutés par l’état, lorsqu’elle peut contracter des emprunts, qu’elle a le droit de siéger aux congrès, qu’elle peut conclure des alliances, construire des navires et fondre des canons, alors elle est réellement une puissance, et, quelles que soient les vicissitudes de sa fortune, ses revers sur les champs de bataille, ses fautes dans les conseils des peuples, elle est sûre de se relever toujours. Tout au contraire, une idée qui reste à l’état moral pur, qui compte pour triompher sur le seul enthousiasme et sur la force populaire, cette idée, une fois abattue, ne se relève plus. L’enthousiasme, comme tout ce qui est individuel, s’éteint avec l’enthousiaste. Une idée morale, lorsqu’elle s’est produite, doit donc s’incarner dans un fait destiné à durer après la disparition des générations qui l’ont adoptée, ou bien elle risque fort de passer avec elles et d’être bientôt oubliée. La réforme offre une preuve mémorable de cette vérité. Nul doute qu’elle n’eût disparu, si elle s’était confiée à la seule force morale et à l’enthousiasme des contemporains; mais elle s’incarna en faits politiques solides et durables, elle forma des sociétés non-seulement religieuses, mais civiles, et elle fut à jamais triomphante du jour où elle eut ses dynasties à elle, ses armées et ses budgets à elle. Or il existe un gouvernement qui représente ces élémens de force nécessaires à toute idée morale. Le gouvernement de Piémont représente pour l’idée de la nationalité italienne ce que la république de Genève, les Provinces-Unies et la Suède ont représenté successivement pour la réformation. Comment pourrait-il y avoir des hommes assez aveugles pour confier au hasard et aux forces du hasard, qui n’ont ni durée, ni certitude, ni continuité, l’accomplissement d’une œuvre qui demande du temps, de la suite, de la constance, et pour se fier à des hypothèses lorsqu’il existe des assurances de succès?

Non-seulement la dynastie piémontaise représente plus qu’aucune autre la nationalité italienne, non-seulement le gouvernement piémontais réunit seul les élémens de force nécessaire au triomphe de cette nationalité, mais dynastie et gouvernement représentent encore les idées modernes au moyen desquelles doit s’accomplir la régénération de l’Italie. Leurs idées sont celles de la France et de l’Angleterre avec lesquelles le Piémont combat et dont il est l’allié. Aucun parti italien, si enthousiaste soit-il, ne pourra jamais servir ces idées avec autant de succès que le Piémont. L’influence d’un gouvernement est plus lente sur l’opinion populaire, il est vrai, que celle d’un parti, mais elle est plus sûre. Un parti a toujours besoin de triompher, il a toujours besoin de ces grands et bruyans incidens de combat, de victoire, de lutte, qui ne sont et ne doivent être que de rares incidens dans la vie nationale des peuples. Ses idées n’ont de force qu’autant qu’elles se montrent au dehors, et pour cela il lui faut des efforts désespérés qui troublent la vie générale, font quelques enthousiastes, beaucoup plus de mécontens, fatiguent les esprits et les âmes, laissent la conscience troublée et la vérité des idées contestée, puis en fin de compte engendrent le scepticisme et l’indifférence. Pour un gouvernement, il n’a pas besoin de tant de tapage. Lorsqu’il est une fois reconnu qu’il représente certaines idées, il peut rester immobile et laisser ces idées faire leur rayonnement. Un parti peut être toujours nié, un gouvernement ne peut jamais l’être. A ceux qui lui demandent des preuves de la vérité de ses idées, il se montre lui-même pour exemple, et renouvelle ainsi l’argument de cet ancien qui se mit à marcher pour prouver le mouvement. Le gouvernement piémontais doit donc être regardé comme le vrai et le seul représentant des idées libérales en Italie, et c’est lui seul qui les représente aux yeux de l’Europe. Quelques Italiens égarés par un trop célèbre hiérophante pourront le nier, mais les ministres de l’empereur François-Joseph ne s’y trompent pas. En vérité, les Italiens, s’il en est encore qui soient hostiles au Piémont, devraient bien ouvrir les yeux en voyant la malveillance systématique dont ce petit royaume est l’objet: — cette malveillance est très raisonnable et on ne peut plus clairvoyante. Il est aisé en effet de se débarrasser de tout le parti mazzinien. Pour cela, quelques coups de fusil suffisent et quelques procès sommaires contre lesquels personne ne réclamera, parce que personne n’aura le droit de réclamer; mais il est plus difficile de se débarrasser d’un royaume qui possède un gouvernement, une armée, et qui est l’allié de puissantes nations. On peut menacer, chicaner, refuser ses ambassadeurs, mais l’anéantir, non. On a, il est vrai, la ressource de gronder et d’insulter : mais si l’insulte va trop loin, l’affaire ne peut se terminer que par un duel réglé en bonne forme, et non plus par les vulgaires coups de bâton au moyen desquels on termine ses querelles avec un rustre grossier. Pour les idées comme pour les individus, il est toujours excellent et profitable d’être de bonne famille, et c’est heureusement la condition des idées libérales en Piémont.

Toutefois cette ligne de conduite politique telle que nous l’exposons n’est plus à l’état de désir et d’espoir, comme il y a quelques mois à peine, et nous sommes heureux de constater que les Italiens ont enfin compris qu’elle était la seule possible, la seule profitable, et même la seule légitime. La politique révolutionnaire inspirera toujours à l’Europe de la méfiance, et en lui créant des dangers éloignera de l’Italie les sympathies qui ne demanderaient qu’à se tourner vers elle. La ligne politique que nous venons d’exposer au contraire n’a aucun de ces inconvéniens ; elle aura le double avantage d’éveiller les sympathies et d’enlever toute ressource aux mauvais vouloirs. Elle recevra les encouragemens, les conseils et les secours de tous les amis de l’Italie ; elle réduira ses ennemis à l’impuissance. C’est même déjà un fait accompli. Les chefs les plus importans des partis italiens abdiquent successivement, et la lettre de M. Manin n’est point un fait isolé, car, si nous en croyons un journal anglais, un des chefs les plus fougueux de la révolution romaine a écrit une lettre empreinte de sentimens semblables, que certes on était en droit de ne pas attendre de lui. Le Piémont devient de plus en plus non-seulement la main, mais la tête de l’Italie ; en lui se résument de plus en plus toute sa force matérielle et toute sa force morale. Les hommes éminens de la péninsule s’y donnent tous rendez-vous. Là vit et écrit le violent M. Guerrazzi, le plus modéré cependant, dit-on, malgré toutes ses violences, des triumvirs de la révolution toscane ; là vivent et écrivent M. Tommaseo et l’ancien ministre du pape, Terenzio Mamiani. L’auteur du livre dont on a pu lire le titre en tête de ces pages est aussi un sujet sarde, rallié, croyons-nous, à la ligne de conduite politique que nous venons d’exposer, et nous éprouvons une satisfaction sincère, pour lui comme pour son pays, à voir les espérances qu’il laissait percer dans son charmant récit de Lorenzo Benoni devenir si vite des réalités.

Son nouveau livre, le Docteur Antonio, est une jolie histoire d’amour coupée et contrariée par les tristes incidens de la politique napolitaine, dans laquelle respire un souffle italien qui tient le lecteur en éveil, et l’empêche de voir que l’intérêt languit et que l’action marche trop lentement. C’est le défaut de ce récit, dont le fond est évidemment historique; mais l’anecdote racontée, n’étant point personnelle à l’auteur, n’a pas ce cachet d’originalité et de passion qui caractérisait Lorenzo Benoni. Dans Lorenzo Benoni, tout était vrai, parce que tout était personnel; dans le Docteur Antonio, tout est vrai encore, mais d’une vérité de seconde main, pour ainsi dire : L’auteur a vu peut-être, il n’a peint senti; on lui a raconté, il n’a pas été mêlé directement aux aventures de son héros. L’amour d’Antonio pour la belle Anglaise miss Lucy Davenne, qui occupe les trois quarts de ce récit, est charmant et fait honneur à l’âme gracieusement courtoise de cette Italie que l’on se figure toujours sensuelle et matérielle, et qui pourtant est pleine d’une si grande noblesse naturelle. L’Italie est essentiellement au contraire une terre patricienne, et sur le visage de ses paysannes et de ses simples pêcheurs brillent la majesté royale et la tristesse sérieuse et fière des races aristocratiques, supérieures au malheur et à la misère. Cette noblesse est d’autant plus frappante que l’éducation n’a rien fait pour elle, qu’elle n’est pas le produit lentement distillé de la civilisation des siècles, mais qu’elle est comme le fruit spontané d’un sol vigoureux. L’amour d’un Italien pour une Anglaise, quel admirable sujet de roman ou de poème ! L’amour de l’héliotrope, sorti sans préparation d’une terre fertile, pour la fraîche et éblouissante fleur de cactus qui a attendu cent ans pour s’ouvrir! l’alpha et l’oméga de la beauté qui se rencontrent et se reconnaissent ! la nature sous sa forme la plus forte et la plus naïve, qui, pour la première fois, n’est pas en querelle avec la civilisation, et qui baisse la tête d’admiration devant le plus exquis de ses produits! C’est quelque chose de semblable que l’amour d’Antonio pour miss Davenne, et ce pauvre Italien qui tombe à genoux devant la jeune Anglaise, en la prenant pour la madone, est certainement un des hommages les plus touchans que la nature ait rendus à la civilisation et au raffinement de la culture humaine. Malheureusement ce poème admirable, et que nous indiquons à tout poète en quête de sujets, n’a été qu’ébauché à peine par M. Ruffini, et ce n’est pas cependant la bonne volonté qui lui a manqué, car son livre indique qu’il nourrit pour la civilisation, les idées et la beauté anglaises, autant d’amour que son héros pouvait en avoir pour miss Lucy.

Antonio est un proscrit sicilien de noble naissance, qui, banni après les troubles de 1836, cherche un refuge on Piémont, retourne en Sicile, prend part aux révolutions de 1848, et finit par aller, en compagnie du duc d’Andria et de Carlo Pocrio, rendre compte de sa conduite à ces fameux tribunaux napolitains dont M. Gladstone a raconté les exploits. L’amoureux de miss Davenne, le galant et vaillant médecin italien endosse la casaque du galérien et va ramer sur les galères de sa majesté Ferdinand II. Les détails que donne M. Ruffini sur les affaires de 1848 et les procès qui en furent la suite sont assez nombreux, mais n’apprennent rien de bien nouveau après les lettres de M. Gladstone, et d’ailleurs le cœur nous manquerait pour soulever ces tristes incidens, qui sont encore si près de nous, et dont on ne peut parler avec calme et peut-être avec justice. Pourtant, puisque nous rencontrons sur notre chemin le gouvernement napolitain, disons en passant qu’on ne lui rend pas, à notre avis, la justice qu’il mérite. Le gouvernement napolitain est bien un gouvernement italien ; oui, vraiment il est après le Piémont le plus italien des gouvernemens de la péninsule. Tandis que le Piémont représente les aspirations nouvelles de l’Italie, l’idée de réforme et de nationalité italienne, l’entrée de l’Italie dans l’alliance de l’Europe moderne, et en un mot tout ce qu’il y a d’excellent dans la pensée et dans le présent de l’Italie, Naples semble prendre plaisir à représenter tout ce qu’il y a de fâcheux dans le caractère du peuple de la péninsule et de triste dans son passé : là nous avons la superstition italienne, les puérilités italiennes, le lazzaronisme et le vice fatal qui a perdu ce noble pays, — l’amour de l’étranger et l’appel incessant au barbare. Ainsi donc il existe en Italie deux gouvernemens réellement nationaux : c’est aux Italiens à faire leur choix; qu’ils choisissent bien, car ils ne peuvent avoir que l’un des deux.

Comme les événemens marchent vite à l’heure où nous sommes arrivés! Il y a un an, tout dormait tranquillement en Italie, ou plutôt tout couvait sous la lave refroidie de 1848, et maintenant nous attendons impatiemment des nouvelles de chaque courrier qui arrive de Turin et de chaque paquebot qui touche à Marseille. Et quelle différence aussi entre la situation de 18’8 et celle d’aujourd’hui ! En 1848, l’Italie était seule, livrée à toutes les violences révolutionnaires, sans gouvernemens réguliers, sans alliances. Le Piémont était abattu, et son souverain allait mourir sur un sol étranger après une abdication volontaire. Il n’y avait plus de force italienne nulle part. L’Italie a grandi dans la défaite; le Piémont est remonté à son rang et occupe une place plus glorieuse que celle qu’il occupa jamais, et les gouvernemens despotiques raffermis luttent en vain pour conserver un pouvoir qu’ils n’ont plus la force d’exercer. Renversés, ils se présentaient aux yeux de l’Europe comme un élément d’ordre; relevés, ils se présentent comme un élément de désordre et d’anarchie. Cependant il y a eu un fait plus considérable que tous ceux-là : c’est que l’Europe a compris, comme elle ne l’avait jamais compris auparavant, la solidarité qui l’unit à l’Italie; c’est qu’elle a senti que l’état de l’Italie était réellement insupportable et qu’il devait être changé par tous les moyens, si elle ne voulait pas se créer à elle-même des dangers sans cesse renaissans et s’attacher au flanc un ulcère rongeur, si elle ne voulait, comme le disait naguère avec force un spirituel et ingénieux écrivain, faire de l’Italie l’Irlande du continent.

Là surtout a été le grand point gagné, et auquel ont contribué bien des événemens, dont quelques-uns malheureux et même injustes que nous n’avons pas besoin de citer. Désormais la politique des puissances occidentales est toute tracée ; elles ont besoin, pour se protéger elles-mêmes, de la régénération italienne, et elles ont pour allié l’instrument même de cette régénération. Les puissances occidentales ne peuvent désormais agir au-delà des Alpes sans le Piémont; il est donc désirable pour les Italiens qu’elles n’agissent jamais que par lui, de manière à identifier leurs intérêts particuliers en Italie avec ceux de l’Italie même. Grâce à l’alliance du Piémont avec les puissances occidentales, il ne peut plus guère y avoir dans l’avenir aucune de ces interventions directes et armées de l’Occident qui ont été la ruine de la péninsule, car cette alliance fait tacitement du Piémont l’arbitre suprême des affaires italiennes. Mais cette alliance avec l’Occident confère encore à l’Italie un dernier bienfait, qui est le plus grand de tous : elle fait rentrer dans la politique active de l’Europe l’Italie, qui depuis des siècles n’avait joué qu’un rôle passif, une rôle de souffrance et de misère. Chacun des succès de l’Occident est aussi un succès pour elle, chacune de nos victoires est une victoire pour elle, chacun des Te Deum qui se chantent à Turin ébranle les voûtes des casernes ou des palais de ses ennemis. De même qu’elle partage nos dangers, l’Italie partagera aussi nos triomphes, et le moment viendra où dans nos conseils une voix italienne s’élèvera pour stipuler en faveur de l’Italie. Puisse ce moment n’être pas éloigné, et tous les Italiens comprendre, en l’attendant, que le seul moyen de régénération pour leur pays n’est pas dans des théories nébuleuses et dans des proclamations ridicules, et que les murailles de Jéricho tombent plus facilement, de nos jours, sous le canon que sous le son des trompettes, dont certains patriotes italiens, trop préoccupés de leur personne, assourdissent les oreilles des contemporains!


EMILE MONTEGUT.