Un nez culotté

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Chansons et chansonniers, Texte établi par Henri AvenelC. Marpon (p. 213-216).

Un nez culotté,
Piquante parure.
Gracieuseté
De dame Nature ;
Heureux l’effronté
Doté
D’un nez culotté.

Honneur au jus qui nous vient de la treille
Lait bienfaisant.
Qu’on tette encore enfant ;
L’adolescent au fond d’une bouteille,
Puise à pleins bords.
De la force et du corps ;
En réalité,
L’ami de la liqueur vermeille,
S’il en a goûté,
Possédera vers son été :
Un nez culotté, etc.
Or, savez-vous pourquoi cet homme est blême ?
Pourquoi ses jeux
Sont toujours soucieux ?
Pourquoi sa vie est un vaste carême ?
Pourquoi son cœur
Est triste et sans vigueur ?
C’est que l’entèté.
Suivant un absurde système,
A mis de côté,
L’or ou l’argent qu’aurait coûté :
Un nez culotté, etc.
Quand Félicie était ma souveraine
Précieux jours
De bombance et d’amours ;
Elle parait, à chaque couple pleine,
Ses traits chéris
D’un brillant coloris.
Mais en vérité,
Depuis qu’elle a sa quarantaine,
Chez Félicité,
Ce qui remplace la beauté :
Un nez culotté, etc.

Reposez-vous et sablez les liquides,
Nobles débris,
Par vingt combats meurtris ;
En arrosant vos gosiers intrépides,
Vous stimulez
Vos membres mutilés.
La postérité
Redira, braves invalides.
Au monde attristé.
Que, du moins, il vous est resté :
Un nez culotté, etc.
Voyez le nez que porte notre maire,
Le nez pourpré
De notre bon curé.
Le nez ponceau de notre gros notaire,
Le nez violet
De notre sous-préfet.
Culte, autorité,
Défenseurs du droit populaire,
Tous ont récolté,
Grâce à l’ordre et la liberté,
Un nez culotté, etc.
Tous les trésors de la Californie,
Perdent leur prix
Devant un tel rubis ;
Le gros lingot qu’on mit en loterie
N’est, près du mien.
Qu’un souffle, un zeste, un rien.
Ma divinité.
Mon lingot, mon trésor, ma vie.
Mon bien, ma santé.
C’est d’avoir en propriété :
Un nez culotté,
Piquante parure,

Gracieuseté
De dame nature ;
Heureux l’effronté
Doté,
D’un nez culotté.