Une de perdue, deux de trouvées/Tome II/44

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Eusèbe Sénécal, Imprimeur-éditeur (IIp. 252-275).

CHAPITRE XLIV.

fourberie punie.


La loi martiale avait été proclamée, et la rébellion supprimée dans le Sud. Les chefs étaient en fuite ; de fortes récompenses avaient été offertes, par les autorités, pour leur appréhension. L’effroi que causait la proclamation était exagéré par l’idée que, sous la loi martiale, l’on exécutait sans forme de procès tous ceux qui étaient arrêtés les armes à la main, ou même que l’on soupçonnait seulement d’avoir pris les armes.

Les bureaucrates étaient triomphants, et se vantaient hautement que tous les rebelles allaient être pendus. La terreur parmi les Canadiens était extrême dans la ville.

La nouvelle s’était répandue que trois des chefs, qui avaient commandé les rebelles à St. Denis et à St. Charles, étaient arrivés dans la ville. Des visites domiciliaires furent faites dans toutes les maisons où l’on avait le moindre soupçon que l’un d’eux pût être caché.

C’est à cdtte époque que l’on vit de grands actes de courage et de dévouement parmi les femmes canadiennes de Montréal. Plusieurs s’exposèrent à des dangers graves pour porter des secours et des consolations. On vit de jeunes femmes timides chercher l’obscurité de la nuit afin de n’être point découvertes, braver le mauvais temps, s’exposer aux insultes pour porter de la nourriture à des maris ou à des frères qui n’osaient sortir des lieux où ils se tenaient cachés.

Les sommes offertes pour l’appréhension des chefs rebelles, qui étaient entrés à Montréal, étaient considérables. Il devenait en conséquence de la plus grande urgence que leur retraite ne fut pas connue, même de leurs amis, de crainte qu’une imprudence, une indiscrétion, ne réveillât la cupidité de quelques personnes en qui ils auraient cru pouvoir mettre leur confiance. Il n’y eut que deux personnes qui surent le lieu où ils se tinrent cachés, pendant les huit jours qu’ils demeurèrent à Montréal. L’une d’elles était la sœur d’un de ces braves jeunes gens, venus pour exécuter une mission avec un espoir dont ils furent bientôt déçus. Quand ils virent qu’il n’y avait pas moyen de réaliser leur dessein, alors ils songèrent à sortir de cette ville dans laquelle ils avaient eu tant de difficultés à entrer, et où ils étaient exposés à chaque instant à être découverts. Mais il était devenu encore plus difficile d’en sortir qu’il ne leur avait ôté difficile d’y entrer ; parceque, leur présence étant connue, toutes les issues étaient gardées par des personnes qui, outre leur haine, étaient encore animées par l’espoir de gagner les récompenses promises.

Une circonstance néanmoins se présenta qui prouva aux autorités combien était grande l’audace de ces jeunes Canadiennes, et à quels dangers le gouvernement se serait trouvé exposé si l’insurrection eut eu la moindre organisation.

Toutes les recherches ayant été vaines pour les découvrir, on apposta des émissaires secrets pour suivre tous ceux de leurs parents ou amis, que l’on supposait devoir avoir des communications avec eux. On tenta de corrompre les domestiques de leurs familles, pour qu’ils tâchassent de pénétrer leurs secrets. Et malgré toutes les précautions les plus grandes de leurs amis, le lieu de leur refuge fut découvert ; et ce fut encore la même jeune femme qui, au milieu de la nuit, courut les avertir une demi-heure, tout au plus, avant que la police ne s’y rendit. Elle leur avait procuré les moyens de s’échapper. Mais quels dangers ne courut-elle pas pour les aider ; quels sacrifices d’amour-propre ne fut-elle pas obligée de faire, pour obtenir les renseignements qui lui permirent de devancer les forces envoyées pour les arrêter. Belle et bonne sœur, noble et courageuse femme, que nous appellerons Henriette ; nom que tu avais donné toi-même, en même temps que ton cœur faisait une offrande à la reconnaissance et que ta bouche formulait une prière à la générosité et à la discrétion. Ton action ne t’avait pas compromise, parceque celui en qui tu te confiais avait soupçonné un grand dévouement, quoiqu’il n’en connut point alors toute l’étendue.

St. Luc avait été infructueux dans ses recherches ; il n’avait pas pu même s’assurer au juste si c’était bien dans la rue St. Maurice qu’il l’avait perdue de vue.

Le soir, à la même heure que le jour précédent, il se rendit à l’entrée du faubourg St. Joseph, pour revoir son inconnue et attendit, examinant toutes les femmes qui passaient ; mais elles étaient toutes accompagnées, et d’ailleurs aucune d’elles n’avait la taille de celle qu’il cherchait. Déterminé à attendre, il marchait depuis le coin de la rue McGill jusqu’à une petite ruelle qui communique du faubourg St. Joseph à la rue Bonaventure. Minuit sonnait, au cadran de l’église anglaise, quand il se décida à retourner à son hôtel. Ce peu de succès, au lieu de le décourager dans ses recherches, ne fit que piquer sa curiosité de plus en plus. Le jour suivant, il plaça Trim à l’une des extrémités de la rue St. Maurice, avec ordre de l’avertir, par un coup de sifflet, s’il voyait la jeune femme passer, soit qu’elle entra dans la rue St. Maurice ou qu’elle gagnât dans une autre direction. Il prit son poste à l’autre extrémité de la méme rue, qui n’est pas longue. Cette soirée ne lui donna pas de meilleur résultat que la précédente. Il commença à croire que ce n’était pas dans ces endroits qu’il la trouverait, et qu’elle n’était plus dans cette rue.

Le lendemain étant un dimanche, il se promit de bien examiner toutes les femmes qui entreraient ou sortiraient de l’église paroissiale, où il supposa qu’elle devait aller. Il ne fut pas plus heureux dans sa nouvelle tentative. Alors il désespéra de la trouver et se décida à ne plus la chercher ; laissant au hasard le soin de lui faire découvrir, une seconde fois, celle qui lui inspirait un si grand intérêt.

Dans la rue Notre-Dame, un peu plus loin que l’église paroissiale, il y avait une maison en pierre à deux étages. Le rez-de-chaussée était occupé par un magasin de mercerie, au second logeait un dentiste qui occupait les chambres du devant. Au même étage, sur le derrière, une modiste d’un côté, et de l’autre, une chambre garnie, occupée par un célibataire, où se réunissaient souvent quelques-uns des membres les plus violents du Doric club. Un passage et un escalier communs servaient aux personnes qui occupaient cet étage, pour entrer et sortir sur la rue Notre-Dame.

C’est un dimanche ; la demie de cinq heures vient de sonner. Il fait nuit. Une femme, dont le pas leste et rapide trahit la jeunesse, regarde de chaque côté avant de se hasarder à entrer et de monter l’étroit escalier de cette maison.

Nous la précéderons de quelques instants, afin d’avoir une idée plus exacte des lieux avant qu’elle monte.

Entrons d’abord chez la modiste ; c’est une dame d’un certain Age ; elle est assise dans un fauteuil, les lunettes sur le nez, lisant dans une bible, tandis que son mari ronfle sur un sofa.

Un petit cabinet de toilette sert dans la semaine aux pratiques pour essayer les robes ou autres objets qu’elles font faire. Ce cabinet ne contient rien de bien remarquable : une table avec un miroir, placé prés de la cloison, en bois, qui sépare cet appartement de la chambre du vieux garçon ; un sofa et deux chaises, voilà pour son ameublement.

Passons dans celle du vieux célibataire dont on entend la voix nazillarde à travers la cloison. C’est un assez joli appartement. Un tapis de laine couvre le plancher ; un petit poële en fonte, sur lequel bout un canard rempli d’eau, réchauffe aussi la chambre. Du lit est dans un coin ; sur une table, il y a un bol vide, avec une grande cuillère de fer argenté. Le vieux garçon ne paraît pas être sorti de la journée ; il est en robe de chambre de laine, à ramages bleus et rouges sur un fond orange ; étendu sur une espèce de divan, il fuma dans une écume de mer, en écoutant avec assez d’insouciance, en apparence, ce que lui dit un homme, d’une trentaine d’années, portant l’uniforme de la cavalerie volontaire.

La jeune femme vient de monter ; elle s’arrête un instant devant la porte du vieux garçon, puis marchant sur la pointe du pied, elle va frapper discrètement chez la modiste et entre avant qu’on lui ait dit d’ouvrir. La jeune femme était probablement dans l’habitude de venir dans cette maison, car elle dit sans façon :

— Je vais avec votre permission, me jeter un instant sur le sofa dans le petit cabinet. J’attends quelqu’un ; si l’on vient me demander, vous m’avertirez, n’est-ce pas, Madame ?

Sans ôter ses yeux de dessus sa bible, qu’elle s’était remise à lire aussitôt qu’elle eut reconnu celle qui était entrée, la vieille dame lui fit de la tête un signe affirmatif.

Aussitôt qu’elle fut entrée dans le cabinet, elle alla au sofa, qui était contre la cloison, et écouta ce qui se disait dans la chambre voisine. Elle prenait sans doute un intérêt bien grand à ce qui se disait dans cette chambre, car elle n’entendit pas la modiste qui, au bout d’un quart d’heure environ, vint à l’entrée du cabinet lui demander « si elle voulait prendre une tasse de thé. » Elle dort, pensa la modiste, qui se retira discrètement en fermant sur elle la porte du cabinet.

Le vieux garçon que nous nommerons M. Edouard parlait du bout de la langue. Il avait de la difficulté à prononcer les “ r ; ” ce qui rendait sa conversation un peu difficile à comprendre pour une personne non habituée à l’entendre.

— Je ne crois pas que ça soit bvai, disait-il au moment où la jeune femme entrait dans le cabinet de la modiste. On nous a tant donné d’infobvmation qui se sont tvouvée fausse. Le désibv de gagner ces bvécompenses, bvend tout le monde fou.

— Oui, mais, cette fois-ci, je me crois certain d’être sur la bonne piste. Le fait est que j’en suis positivement sûr, répondit le volontaire.

— Probablement ! vous êtes toujouv certain, vous ! Mais continuez ; je pvends note.

— Vous allez en juger. — Je vous ai déjà dit que jeudi dernier, vers neuf heures du soir, j’étais à la station de police, quand la patrouille amena deux voleurs pris dans le faubourg St. Joseph. Ils avaient été arrêtés pour un assaut commis sur une femme ; du moins c’est ce qu’un nègre, qui les tenait par le collet de leurs capots, dit à la patrouille quand il les lui remit. Je n’avais pas fait attention à cette circonstance, et je n’y aurais probablement plus pensé, si, hier, je n’eusse appris de Mary, qui demeure chez le Dr. L…, qu’une dame respectable avait été attaquée par des malfaiteurs l’avant-veille.

— Quel rapport cela a-t-il avec les bvebels ?

— Vous allez voir ; je lui demande…

— À Mavy ?

— Oui, à Mary, quelle était cette dame ? D’abord, elle ne voulut pas me le dire ; mais à la fin vous savez, les femmes, il faut que ça parle ; elle me confia en secret, bien entendu, que c’était sa jeune maîtresse qui sortait, comme ça, seule, depuis deux à trois soirs, vers huit heures ou huit heures et demi, et ne rentrait que tard. Elle se déguise en habits d’homme depuis qu’elle a été attaquée.

— C’est une amourette, probablement !

— Attendez donc. Je ne pense pas, moi, que ce soit une amourette ; je pense, bien au contraire, qu’elle ne sortait ainsi, en cachette, que pour voir l’un des chefs de St. Charles, qui sont actuellement cachés dans la ville.

— Vous ne pensez qu’à la bvécompense, vous autves ; c’est ce qui fait que vous voyez toujou un bvebel, là où il y a qu’une intvigue. Mais, continuez ; je pvends note.

— Ce n’était pas une intrigue, car elle est la sœur d’un de ces chefs qui se cache.

— Sa sœubv ? Ah ! c’est diffévent ; s’il est son fvebve, l’affaive devient sévieuse, très sévieuse !

— C’est ce que je pense ; mais ce n’est pas tout : hier soir, vers sept heures, je me suis rendu au Marché-à-foin et me suis caché en face de la maison du Dr. L… ; j’attendis une bonne heure, au moins. Enfin je vois sortir le jeune homme, c’est-à-dire la jeune femme, qui portait quelque chose sous son bras. Au lieu de prendre à droite, comme je m’y attendais, elle gagna la rue Bonaventure, enfila la ruelle qui conduit à la rue St. Joseph. Elle marchait si vite, que je fus obligé de courir pour qu’elle ne m’échappa point. Elle était à peu près à la moitié de la ruelle quand m’ayant sans doute entendu, elle se sauva comme une biche. Quand j’arrivai à la rue St. Joseph, elle avait disparue.

— Là !… vous avez tout perdu, pouv avoiv coufvu ! pvenez donc gavde, une autve fois !

— Ce n’est pas tout ; je vis un nègre…

— Un gvos ?

— Oui ; le connaissez-vous ?

— Continuez ; je pvends note.

— Qui s’en allait du côté de la rue McGill. Je lui demande s’il n’a pas vu passer une femme qui courait ? Il me répond que oui, en me désignant le côté opposé à celui où il allait. — Je ne perds pas de temps. Je reprends ma course ; et, après avoir couru une bonne escousse, je rejoins, en effet, une femme qui courait. C’était une vieille irlandaise, à moitié soûle ! C’était de ma faute ; j’avais demandé au nègre s’il avait vu une femme.

— Tvès maladvoit ! Comment voulez-vous qu’il pvit un garçon pouv une fille ? et vous de pvendre une irlandaise pouv un garçon ! C’est tvop stupide, pav exemple ! C’est tvès bête, même !

— J’en conviens. Aussi m’y suis-je mieux pris aujourd’hui.

— Probablement ! continuez ; je pvends note.

— Je me suis rendu cette après-midi à la prison. J’ai fait venir à la grille, l’un des prisonniers, que j’avais vu à la police jeudi soir. Moyennant une piastre, je lui ai fait raconter tout ce qui s’était passé lors de l’assaut sur la jeune femme. Il m’a dit qu’elle avait un manteau ; qu’elle portait un petit panier, dans lequel il y avait une bouteille et quelques provisions. Qu’elle était entrée dans un clos de bois dans la rue St. Maurice lorsqu’ils l’attaquèrent. Qu’elle fut délivrée des mains du P’tit loup, qui voulait lui faire du mal, par un homme auquel vint se joindre le nègre qui les avait livrés à la patrouille.

— À la bonne heubve ! Vous vous êtes mieux pvis aujouvd’hui, continuez : je pvends note.

— Il m’a montré un petit porte-monnaie qu’il avait pris à la jeune femme, dans lequel il y avait une enveloppe de lettre déchirée sur laquelle on ne voyait que cette partie de l’adresse. Voici l’enveloppe, regardez.

— Henviette !… mais Henviette qui ?

— Ou D… ; ou G… ; ou C… ; l’une des trois. Je crois que ça doit être Henriette D…

— Et apvès ? continuez ; je pvends note.

— Après, je suis venu ici au sortir de la prison ; j’ai frappé à la porte, personne ne m’a répondu.

— Je dovmais ; pvobablement.

— Et je me suis rendu tout droit à la rue St. Maurice. Le clos de bois n’était pas difficile à trouver, il est à gauche. J’entre dans le clos ; visite partout ; regarde dans tous les coins ; rien. Pas de traces qui pussent me guider ; toute la journée, hier, des voitures avaient charroyé des planches et des madriers. Tout-à-fait en arrière du clos, il y avait une petite clôture en planches, qui séparait le clos d’un terrain vacant attenant à la vieille bâtisse en pierres dont la couverture en tôles est peinturée en rouge. L’entrée de cette bâtisse est sur la rue du Collège.

— Je la connais ; c’est la bvassebvie de Monsieu Daubveville.

— Justement. Eh bien ! en suivant cette clôture, j’aperçus l’empreinte de deux petits pieds. Je suivis la piste ; il n’y avait pas à s’y méprendre. Elle traversait le lot vacant, allait à un tas de vieilles barriques et de quarts, placés les uns sur les autres, à l’un des coins de la brasserie. Derrière ce tas de barriques, il y avait une petite porte qui donne entrée dans la brasserie. La porte est en chêne fermée par un verrou en dedans. C’est là qu’ils sont cachés, j’en suis sûr.

— Ça me pavait pvobable ; mais il ne faut pas en êtve trop cevtain S’il n’y avait bvien, nous sebvions la bvisée de tout le monde. Prenons nos précautions ; n’en disons bvien à personne, et nous gagnevons la bvécompense à nous deux. Continuer ; je pvends note.

— Qu’allons nous faire maintenant ?…

En ce moment la jeune femme, qui était toujours restée dans le cabinet, se leva tout agitée, souhaita le bonsoir à la modiste, descendit précipitamment l’escalier, et se dirigea rapidement du côté de la rue St. Joseph.

Revenons à St. Luc. Cette journée là, il dût édifier ceux qui le remarquèrent. Il avait assisté à la messe ; il retourna aux vêpres, et venait de sortir de l’archiconfrèrie, suivant la foule qui s’écoulait dans la direction de l’église des Récollets, où il serait peut être entré, s’il y eut eu quelqu’office. Il paraissait chercher quelqu’un, car il s’arrêtait et marchait quelques instants derrière certaines personnes dont la taille ou la démarche avaient attiré son attention ; puis il passait rapidement pour s’arrêter un peu plus loin. Rendu au coin de la rue McGill, il se tint sous la lanterne, regardant, un peu effrontément peut-être, tous les jolis minois qui passaient. Son examen ne sembla pas avoir été satisfaisant, car après que les femmes furent toutes passées, il laissa échapper un profond soupir, et reprit, à pas lents et La tête baissée, le chemin qu’il venait de parcourir. La rue était devenue à peu près déserte après l’écoulement de la foule, qui était sortie de l’église paroissiale à l’issue de l’archiconfrérie.

Arrivé en face de l’église des Récollets, il entendit le frôlement d’une robe de soie, sans presque voir la personne qui, venant à sa rencontre, passait à côté de lui. Il releva la tête et se retourna pour regarder. La taille de cette femme ainsi que sa démarche le frappèrent ; malgré toutes ses déceptions de la journée, il la suivit. Elle avait une pelisse de soie noire, un chapeau de velours de même couleur ; son voile était rabattu. Elle tenait de la main droite un petit manchon de vison ; elle marchait vite, et paraissait très-pressée.

Le cœur de St. Luc battit. Etait-ce elle ? Elle n’avait pas le même habillement ; mais elle marchait si bien comme celle qu’il cherchait ! Il eut envie de lui adresser la parole ; mais que lui dire ? Comment l’aborder ? Si ce n’était pas elle ? Enfin une idée le frappe ; il tire le mouchoir qu’il a trouvé dans le clos de bois, et qu’il portait dans sa poche. « Si elle ne me répond pas et qu’elle regarde le mouchoir, c’est elle, pensa-t-il, si elle répond, je connaîtrai sa voix. »

— Madame, lui dit-il, voici, je crois, votre mouchoir que vous venez de laisser tomber.

La dame prit le mouchoir, regarda au chiffre, le mit dans sa poche, salua, et continua sa route, sans avoir relevé son voile, ni dit une parole.

— Henriette, dit St. Luc d’une voix presque timide.

La jeune femme sembla hésiter un instant, puis elle se mit à hâter le pas.

— Henriette, si c’est vous, pourquoi ne pas me répondre ? Si je me trompe, pourquoi, Madame, ne me le dites-vous pas ?

— C’est moi, Monsieur, dit-elle d’une voix émue et presque suppliante, je vous en prie, ne me retardez pas.

— Ah ! vous êtes toujours bien pressée de vous éloigner quand c’est moi qui vous parle ; si vous saviez combien je vous ai cherchée !

— Pourquoi me cherchiez-vous, Monsieur ? fit-elle avec un visible effort.

St. Luc était timide devant cette femme. Il se sentit confus, et ne sut que répondre.

— Me repoussez-vous ? dit-il enfin, d’un ton où sa voix tremblait un peu.

Henriette hésita un instant, puis répondit :

— Eh bien ! non, venez ; je n’ai pas un instant à perdre.

— Où allez-vous donc ?

— À la même place.

Un éclair de jalousie traversa la pensée de St. Luc ; il crut à un rendez-vous d’amour. Il aimait lui-même, sans connaître celle pour qui il se sentait un sentiment que les obstacles n’avaient fait qu’accroître. Il se redressa dans son orgueil, et lui dit sans réfléchir à l’inconséquence de ses paroles :

— Un rendez-vous ?

— Presque, répondit-elle ; pourquoi me faites-vous cette question ?

— Je suis fou. J’ai eu l’idée que ce pouvait être un rendez-vous d’amour.

— Et, quand cela serait ; quel intérêt cela a-t-il pour vous ?

— Henriette ! pardonnez-moi… je vous aime !

La jeune femme, qui n’était occupée que d’une seule idée, ne s’offensa pas de ce que venait de lui dire St. Luc.

— Vous dites que vous m’aimez ? pardonnez-moi à votre tour, si je vous dis que je n’en crois rien. Vous avez été intrigué un peu ; vous vous êtes mis en tête de découvrir qui j’étais, vous n’avez pu réussir, le peu de réussite vous a irrité ; c’est cette irritation que vous prenez pour de l’amour.

— Si vous saviez comme je vous ai cherchée ! tous les soirs je me suis rendu à l’endroit où je vous ai vue pour la première fois, espérant vous y trouver.

— Je le sais.

— Vous le savez ?

— Oui, j’ai passé à vos côtés en allant et en revenant hier et avant-hier ; j’avais pris des habillements d’homme. Je vous ai presque touché en passant, vous ne m’avez pas reconnue, mais je vous ai bien vu, moi. J’ai bien pensé que c’était le désir de me revoir, qui vous avait conduit cet endroit.

— Vous m’avez reconnu, vous saviez que c’était vous que je cherchais, et vous avez passé sans daigner me donner un signe de reconnaissance ! Vous êtes bien cruelle !

— Non, non ; je n’étais pas cruelle : si vous saviez ce que je souffrais d’être obligée de vous traiter ainsi. Mais le devoir m’y forçait.

— Le devoir ?

— Oui ! et la prudence.

— Devoir, prudence ! Avez-vous peur de moi ?

— Je vous ai donné la plus grande preuve possible que je n’avais pas peur de vous personnellement, et que j’avais confiance en votre honneur. Ce n’était pas cette crainte que j’avais.

— Mais quelle crainte donc ?

— Écoutez-moi. Je vais vous faire quelques questions ; répondez si vous le jugez convenable. Vous êtes étranger à Montréal ?

— Oui.

— Avez-vous formé quelqu’opinion politique, sur les évèmemenis qui se passent en Canada ? Comment considérez-vous les rebelles ?

— Je les plains parcequ’ils ont été trompés ; je crois qu’ils ont raison de demander le redressement de leurs griefs ; qu’ils n’auraient pas du prendre les armes, quoiqu’ils l’aient fait plutôt dans un but de défense que d’agression.

— Vous savez qu’on a offert des récompenses pour l’appréhension des chefs ?

— Je le sais.

— Aideriez-vous à leur arrestation ?

— Non.

— Savez-vous que trois de ceux pour l’arrestation desquels on offre des sommes d’argent, sont actuellement cachés dans la ville ? Si vous connaissiez le lieu de leur retraite les découvrireriez-vous ?

— On dit que deux des chefs qui étaient à St. Charles, et un autre de St. Eustache, sont cachés dans la ville. Je ne connais point l’endroit où ils se cachent ; mais si je le connaissais, je n’en parlerais pas.

— S’ils avaient besoin de votre aide pour sortir de la ville, la leur donneriez-vous ?

— Non ; car quoique je les plaigne, je ne voudrais pas me compromettre personnellement sans motif suffisant.

— Vous m’avez répondu franchement, je n’ai aucune raison d’en douter ; et votre généreuse conduite vis-à-vis de moi jeudi dernier m’autorise à vous confier un secret que je ne pouvais vous dire l’autre soir, mais que les circonstances me permettent, me forcent même de vous révéler en ce moment. Je dois aussi vous ôter de l’idée ce mauvais soupçon que vous avez manifesté il n’y a qu’un instant. L’un de ces chefs, qui sont ici cachés, est mon frère. C’est lui que je vais voir, pour lui porter des providons et l’avertir de ce qui se dit et de ce qui se passe dans la ville. Voilà mes rendez-vous ! En êtes-vous jaloux ?

— Noble et généreuse sœur, je vous admire autant que je vous aime ; pourquoi ne m’avez-vous pas dit cela plus tôt ? j’aurais peut-être pu vous être utile ?

— Ce secret n’était pas le mien seul, hier.

— Et aujourd’hui ?

— Aujourd’hui je puis vous le dire, parceque l’on m’y a autorisé ; je sais qui vous êtes, vous êtes M. de St. Luc, ne soyez pas surpris, si je vous nomme ; je vous connais mieux que vous ne pensez, mais ce n’est point ici le lieu d’en parler, il suffit de vous dire que jeudi soir, après que vous m’eûtes sauvée des mains des bandits, je racontai à mon frère et à son compagnon ce qui m’était arrivé, le danger que j’avais couru, votre généreux secours ; je lui fis la description de votre personne, ainsi que de ce gros nègre qui accourut au premier coup de sifflet. « Je le connais, me dit mon frère, c’est M. de St. Luc ; tu peux avoir toute confiance en lui et tout lui dire. » « Non, reprit son compagnon, il vaut mieux ne pas le faire pour le moment ; si quelque circonstance rend plus tard cette confidence nécessaire, elle pourra la faire. » Voilà comment j’appris votre nom. Depuis, j’ai aussi entendu parler de vous par une autre personne que je ne vous nommerai pas, car c’est une belle jeune fille qui vous porte beaucoup d’intérêt. Eh bien ! M. de St. Luc, la circonstance qui m’autorise à vous confier mon secret et la retraite de mon frère est arrivée. »

— Quelle circonstance ? Qu’est-il donc arrivé ?

— On a découvert le lieu où il est caché. Je viens de l’apprendre et je cours l’en avertir. Dans quelques instants il sera peut-être trop tard !

— Vous m’avez donné une marque de confiance ; je ne connais pas le nom de votre frère ; sans doute vous me le cachez pour que je ne sache pas le vôtre ; n’importe. Vous ne croyez pas à mon amour ? Eh bien ! ordonnez ce que vous voudrez, je vous jure que je ferai ce qui sera humainement possible.

— Mais vous allez vous compromettre ; et vous venez de me dire que vous ne voudriez pas vous compromettre pour des rebelles !

— Ce ne sera pas pour eux, mais pour vous ; ce ne sera pas pour un rebelle, mais pour un frère. Je n’hésite pas.

— Je vais vous mettre à l’épreuve. Nous voici rendus au clos de bois ; je vais aller seule trouver mon frère. Restez ici, je crains que l’on ne vienne à chaque instant nous surprendre ; si je vous appelle, venez à moi.

— Mais où pourrai-je vous trouver dans ce labyîinthe de piles de planches ? Ne vaudrait-il pas mieux que j’allasse avec vous ?

— Vous avez raison, venez.

Pendant qu’elle le conduit, regardant à droite et à gauche, écoutant le moindre bruit, montons un instant dans l’espece de grenier, qui se trouve dans la brasserie de M. Daubreville.

Il fait noir ; il n’y a pas de lumière. Une paillasse est dans un des coins du grenier ; deux robes de buffles, jetées sur la paillasse, servent de couverture à deux hommes qui sont couchés et dorment. Deux paires de pistolets chargés, sont sur un baril, à portée de leurs mains ; deux poignards, espèce de bowie-knives affilés et tranchants, sont sous l’oreiller de plume, sur laquelle reposent leurs têtes. Ils se sont couchés tout habillés, comme ils l’ont fait depuis huit jours qu’ils sont dans ce méchant réduit. Ils ont leurs casques sur la tête ; il fait froid, plus froid que dehors ; car l’atmosphère renfermée n’a point été réchauffée par les rayons du soleil. Ils dorment tous deux le jour, parce que la nuit ils sont obligés de veiller pour attendre les nouvelles qu’on peut leur communiquer et se tenir prêts à toute éventualité, ainsi que pour recevoir les provisions qu’on doit leur apporter. Bientôt l’un d’eux se réveille. Il écoute un instant puis il pousse son compagnon.

— Entends-tu ?

— Quoi ?

— Écoute.

— Ce n’est rien ; ce sont les rats qui rongent le papier dans lequel j’ai laissé le fromage.

— Levons-nous.

— Pourquoi ? je n’attends pas Henriette avant neuf heures ; tu sais qu’elle doit s’informer, avant de venir, si Chénier a tout arrangé pour demain.

— Dis donc cette nuit ; car si les hommes sont prêts, il faut partir cette nuit pour être rendus avant le jour à la Côte des Neiges.

— Tu as raison, c’est demain lundi ; c’est le jour où l’artillerie va exercer les chevaux en faisant le tour de là montagne. Te rappelles-tu combien il y a de canons ?

— Onze, et autant de caissons. Quatre chevaux à chaque voiture. Quatre hommes par voiture ; deux à cheval, deux assis sur la voiture, point armés, en tout quatre-vingt huit hommes pour les voitures ; et quatre cavaliers à cheval. Voilà ce que nous écrit Chénier.

— Où as-tu mis la note ?

— Je l’ai déchirée.

— J’entends du bruit.

— Moi aussi ; ça m’a l’air du signal d’Henriette ?

— Levons-nous ? je vais aller regarder par la lucarne. Oui ; c’est ta sœur. Va ouvrir. Non, arrête, il y a un homme, il s’éloigne. Qu’est-ce que cela veut dire ?

— Peux-tu le distinguer ?

— Non.

— C’est peut-être Chénier ?

— Ou St. Luc ?… J’entends encore le signal. Elle parait pressée, vas ouvrir.

Quand le verrou fut tiré, Henriette se jeta dans les bras de son frère, et lui dit :

— Sauvez-vous, votre retraite est découverte.

— Quel est l’homme qui est dehors ?

— M. de St. Luc.

— Ce n’est pas de lui que tu as peur ?

— Non ; les volontaires, M. Édouard et un autre. Ils vont venir !

— Penses-tu qu’ils seront plusieurs ?

— Je crois qu’ils ne seront que deux ; je lui ai entendu dire qu’il fallait s’assurer d’abord que vous fussiez ici, enfin de ne pas s’exposer à une bévue, et ensuite pour partager à eux deux seuls la récompense.

— As-tu entendu parler de Chénier ?

— Non ; je dois voir sa cousine ce soir à huit heures.

— Je vois M. de St. Luc qui avance, dit tout bas celui qui était posté a la lucarne ; il a l’air inquiet.

— Va voir ce qu’il y a, Henriette, ma chère et sainte sœur.

Pendant son absence, ils tinrent conseil et décidèrent de ne pas quitter leur retraite avant d’avoir su, au juste, où était Chénier, et l’endroit ainsi que l’heure où ils devaient le rencontrer. Ils résolurent aussi, s’il ne venait que deux hommes, de tâcher de s’en emparer et de les enfermer dans le grenier.

— J’ai vu un homme, dit St. Luc à Henriette, il est seul et semble ne pas bien connaître les lieux.

— Ne vous laissez pas apercevoir et veillez là. Je vais aller avertir mon frère. Je vous en prie, ne vous montrez pas, à moins que je ne vous appelle en frappant dans mes mains ; vous ne devez pas vous compromettre.

Elle courut avertir son frère qu’un homme, probablement M. Édouard ou le volontaire, avançait.

— Cache-toi, lui répondit son frère, nous allons tâcher de l’empoigner. Si nous pouvons réussir, tant mieux ; nous attendrons l’autre ici, et nous lui en ferons autant. Pendant ce temps-là, tu iras chercher des nouvelles de Chénier ; tu nous retrouverasici. Vois-tu cette planche, dit-il, en approchant de la clôture qui divisait le terrain vacant du clos de bois, si elle est à terre c’est que nous serons dans le grenier ; et si elle est mâtée de ce côté-ci de la clôture, c’est que nous serons cachés derrière quelqu’une des piles de planche du clos ; si au contraire elle est mâtée de ce côté-lâ de la clôture, c’est qu’il y a du danger et que nous nous sommes sauvés.

— Et si vous vous êtes sauvés, où vous trouverai-je ?

— Dans la petite rue derrière l’église des Récollets : pourrais-tu nous procurer un sleigh avec un bon cheval ; pauvre Henriette, il faudra que tu le mènes toi-même, car nous ne pouvons nous fier à personne.

— Je le mènerai — silence ! j’entends marcher. Je me sauve.

En effet un homme, en redingote grise, une canne à la main, s’avançait lentement, jetant, de temps en temps, un coup d’œil en arrière et sondant avec sa canne dans les interstices des piles de planches. Il était seul. Tout à coup, en arrivant au bout d’une des allées, formées par ces piles de planches dont le clos était couvert, il fut saisi et jeté à terre avant qu’il eut le temps de lâcher un cri ou de faire la moindre résistance. Son casque lui fut rabattu sur les yeux, et ses mains attachées derrière le dos avec sa cravate. L’attaque avait été si soudaine, qu’il ne put savoir s’il avait eu affaire à deux ou à un plus grand nombre de personnes.

— Si tu ne fais pas de résistance et si tu ne cherches pas à t’échapper, lui dit-on, il ne te sera pas fait de mal ; sinon, prends garde.

— Je ne suis pas venu pouv vous pvendve, dit-il d’un ton piteux.

— Oh ! faut prendre l’ours avant de vendre la peau, lui répondit-on.

— Pas vendve ; pvendve.

— Nous fendre ? ça ne se fait pas si aisément.

— Non pas fendve ; pvendve.

— Nous allons te pvendve sous une tonne, marche !

Il fut conduit dans le grenier où on le mit sous une tonne vide, que l’on assujettit fermement par le moyen d’une barre de bois, que l’on plaça en travers sur le dessus.

— Je ne crois pas qu’il puisse bouger, dit l’un des deux jeunes gens.

— Il est bien là. Qu’allons-nous faire maintenant ? Il y en a encore un autre qui doit venir. Nous allons guetter à la même place, où nous avons empoigné celui-ci.

— Je crois que je ferai mieux de veiller celui-ci ; veille l’autre. Tu m’avertiras, si tu le vois venir.

— Regarde de temps en temps à la lucarne de devant, car on pourrait venir par la rue du collège.

St. Luc, entendant le signal que donnait Henriette, se rendit près d’elle.

— Nous, allons maintenant partir, M. de St. Luc lui dit-elle, en lui prenant le bras. Vous avez subi noblement votre première épreuve.

— Je suis prêt à en subir une seconde, pour vous plaire.

— Bien vrai ?

— Oui, bien vrai ; essayez ! Il lui serra affectueusement la main.

— Si je vous priais de né pas me serrer la main si fort ?

— J’obéirais, dit-il, en riant.

— Et si je vous priais de me procurer une bonne voiture avec de bonnes robes, bien chaudes, et, surtout, avec un bon cheval ; pourriez-vous le faire ? vous voyez, continua-t-elle, en riant à son tour, que je mets considérablement votre amour à contribution.

— J’ai justement ce qu’il vous faut, je serai moi-même le conducteur. À quelle heure la voulez-vous ? À quel endroit vous trouverai je ?

— Disons à huit heures précises, au coin de la rue McGiil et St. Joseph.

— Où je vous ai vu la première fois ?

— Justement : ce sera le lieu du rendez-vous. Nous y arrivons. — Maintenant, séparons-nous jusqu’au revoir. — À tantôt.

Voici comment M. Edouard se trouvait seul, dans le clos de bois, lorsqu’il fut arrête, — Quand le volontaire lui eut confié tout ce qu’il avait pu apprendre concernant la retraite des chefs patriotes, il résolut de profiter de ces révélations pour gagner seul la récompense. IL lui dit donc avec un air d’indifférence :

— Mon chev ami, vos venseignements me paraissent assez bons ; mais comme je vous l’ai dit, il faut de la pvudence et de la discvétion. Il faut que je sovte un instant ; dans une heuve ou deux je sebvai de vetoufv, — venez à huit heufv. Si je ne suis pas ventvé, vous m’attendvez jusqu’à neuf heufv ; alov nous ivons ensemble. Si je ne suis pas vevenu, vous febvez ce que vous voudvez, c’est que je ne poufvez pas veveni. — Tachez d’être ici à huit heuves ; je viendvai juste à cette henve-là. Il faut absolument les pvendve cette nuit. En m’attendant vous pvendvez du punch et vous fumevez une pipe. — J’ai du bon tabac ; il y a de l’eau chaude suv le poêle.

Aussitôt que le volontaire fut sorti, M. Edouard prit son casque, endossa une redingote de volontaire, qui avait été laissée dans sa chambre par quelqu’un de ses amis ; et sa canne à la main, il se rendit au clos de bois de la rue St. Maurice, où nous savons ce qui lui arriva. Il avait eu l’intention de reconnaître les lieux, avant d’aller faire sa déposition au bureau de police. La convoitise lui avait fait commettre une fourberie, dont il fut bien puni.

Laissons le pour le présent sous sa tonne ; s’il n’était pas un homme loyal, ni un homme brave, il était au moins un homme de prudence ; il se résigna donc à rester tranquille et à ne pas faire le moindre bruit.