Vie et opinions de Tristram Shandy/2/24

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Traduction par Joseph-Pierre Frenais.
Chez Jean-François Bastien (Tome premier. Tome secondp. 64-65).



CHAPITRE XXIV

Il en manque encore.


Par la barbe d’or de Jupiter et de Junon… De Junon ? oui, de Junon, de Vénus, de Minerve, et par la barbe de tous les dieux et de toutes les déesses de l’empirée… Ce sont bien des barbes… Et il y a encore les divinités aériennes, les divinités de la terre, les divinités des fleuves, des bois, des fontaines, des enfers, sans compter les divinités subalternes, les ganymèdes et les catins des uns, les greluchons et les farfadets des autres. Par la barbe humide de Neptune et de Thétis, par la Barbe enfumée de Pluton et de Proserpine, et par toutes les barbes sacrées de toutes ces divinités mâles et femelles ! Notre ami Varron, dans un de ses cinq cents volumes, en a compté trente mille, et il n’y en a pas une, qui, en particulier, ne réclame le privilége que l’on ne jure par elle… Par toutes ces barbes, donc prises ensemble, jaunes, rouges, grises, noires, blanches, longues, courtes, dures, rudes, douces, droites, hérissées, mêlées, frisées, recroquevillées, il n’importe, je jure par toutes ces ces barbes, y en eût-il quelques-unes qui ne fussent que de poil folet, que des deux mauvaises soutanes dont je suis possesseur, j’aurois donné la meilleure avec autant de franchise que Cid Hamet Angely offrit la sienne… Et cela seulement, pour être là, et entendre en ce moment l’accompagnement lamentatif de mon oncle Tobie. »