Vies des hommes illustres/Thésée
THÉSÉE
Quand les historiens décrivent la terre, mon cher Sossius Sénécion[1], ils suppriment, aux extrémités de leurs cartes, les contrées sur lesquelles ils n’ont pas de renseignements précis ; et des notes à la marge expliquent leurs raisons : « Au delà de ces limites, sables arides, pleins de bêtes féroces ; » ou bien : « Marais couverts de ténèbres ; » ou bien encore : « Frimas de la Scythie ; » ou bien enfin : « Mer prise par les glaces. » Moi aussi, en composant ces Vies comparées, je pourrais, à leur exemple, après avoir parcouru les temps où la vraisemblance est permise au discours, et où le récit historique s’appuie sur des faits certains, dire des âges qui ont précédé : « Au delà de ces limites, c’est le pays des prodiges et des tragédies, habité par les poëtes et les mythologues ; nulle vraisemblance, nulle authenticité. » Toutefois, ayant publié les Vies de Lycurgue le législateur et du roi Numa, j’ai cru avoir quelque raison de remonter jusqu’à Romulus, puisque je venais de faire l’histoire presque d’un contemporain. Or, en considérant, comme dit Eschyle :
Contre un tel guerrier qui pourrait lutter ;
Qui j’opposerais à cet homme ; qui suffirait à l’œuvre[2] ?
Donc Thésée et Romulus m’ont semblé avoir entre eux plus d’un trait de ressemblance. Tous deux, nés secrètement d’une union clandestine, ils ont passé pour les enfants des dieux,
Vaillants tous les deux, chacun de nous le sait[3],
Thésée, par son père, remontait à Érechthée et aux premiers autochthones. Du côté de sa mère, il était Pélopide. Pélops avait été le plus puissant des rois du Péloponnèse, moins encore par ses richesses que par le nombre de ses enfants. Il maria plusieurs de ses filles aux hommes les plus considérables du pays, et il dissémina la plupart de ses fils dans les gouvernements des villes. Pitthéus, l’un d’eux, aïeul maternel de Thésée, fonda la petite ville de Trézène[5]. Il acquit le renom d’homme sensé et sage entre tous. La sagesse alors en estime consistait, je crois, en sentences morales du genre de celles qui ont fait là célébrité du poëme d’Hésiode sur les travaux et les jours. C’est là que se trouve la maxime suivante, qu’on dit être de Pitthéus[6] :
Paye à leur valeur les services de ton ami.
Égée[8] n’avait point d’enfants, et il désirait d’en avoir ; et la Pythie lui avait, dit-on, rendu cet oracle si connu, qui lui défendait d’avoir commerce avec aucune femme avant son retour à Athènes. Mais le sens des paroles lui sembla manquer un peu de clarté ; et, comme il passait par Trézène, il fit part à Pitthéus de l’ordre du dieu, qui était ainsi conçu :
Ne délie pas le pied qui sort de l’outre, ô puissant dominateur des peuples,
Avant d’être rentré dans Athènes.
Il partit ; et Éthra mit au monde un fils. L’enfant, selon les uns, fut nommé immédiatement Thésée, à cause des signes de reconnaissance déposés par son père ; mais, suivant d’autres, il ne reçut ce nom qu’à Athènes, après qu’Égée l’eut reconnu pour son fils[10]. Son éducation fut dirigée, chez Pitthéus, par un gouverneur nommé Connidas, auquel les Athéniens sacrifient encore aujourd’hui un bélier, la veille des fêtes théséennes : marque honorable de souvenir, plus justement méritée que les honneurs qu’ils rendent à Silanion et à Parrhasius, le sculpteur et le peintre des images de Thésée[11].
C’était encore alors l’usage des jeunes gens d’aller à Delphes, au sortir de l’enfance, pour y consacrer à Apollon les prémices de leur chevelure. Thésée s’y rendit ; et le lieu où il fit cette cérémonie s’appelle encore aujourd’hui, de son nom, Théséa. Mais il ne se tondit que le devant de la tête, comme dit Homère que faisaient les Abantes[12] ; et c’est de là que cette façon de se couper les cheveux fut nommée théséide. Les Abantes adoptèrent les premiers cet usage ; et ils ne l’avaient emprunté ni aux Arabes, comme l’ont cru quelques auteurs, ni aux Mysiens. Les Abantes étaient des peuples très belliqueux, qui serraient de près l’ennemi dans la bataille, et qui excellaient dans les combats corps à corps, comme Archiloque[13] le témoigne en ces vers :
Il n’y a, chez eux, ni cette multitude d’archers, ni ces nombreux soldats
Armés de frondes, alors que Mars engage la bataille
Dans la plaine : c’est l’épée à la main qu’ils iront dans la mêlée cruelle ;
Car tel est le combat où excellent
Les belliqueux maîtres de l’Eubée.
Aussi se tondaient-ils, pour que leur chevelure n’offrit point de prise aux mains des ennemis. Ce fut, dit-on, pour un semblable motif qu’Alexandre de Macédoine commanda à ses généraux de faire raser la barbe des Macédoniens. C’est par là, en effet, qu’on peut le plus aisément saisir un homme dans le combat.
Pendant longtemps Éthra cacha avec soin la véritable origine de Thésée ; et Pitthéus faisait courir le bruit qu’il était fils de Neptune. Neptune est en grande vénération chez les Trézéniens : ils regardent ce dieu comme le protecteur de leur ville ; c’est à lui qu’ils consacrent les prémices de leurs fruits, et ils ont un trident pour la marque de leur monnaie. Mais, lorsque Thésée, parvenu à l’adolescence, eut montré qu’à la force du corps, au courage et à la grandeur d’âme, il joignait la sagesse et le bon sens, Éthra le mena au lieu où était la pierre, lui découvrit le secret de sa naissance, lui dit de retirer les signes de reconnaissance laissés par son père, et lui conseilla de s’embarquer pour Athènes. Thésée souleva facilement la pierre ; mais il refusa de s’en aller par mer, bien que cette route fût la plus sûre, et malgré les instances de son aïeul et de sa mère ; car il était dangereux de se rendre par terre à Athènes : le chemin était infesté, d’un bout à l’autre, par des voleurs et des brigands. Ce siècle avait produit des hommes d’une adresse, d’une agilité, d’une force de corps incomparable, puis-je dire, et invincible ; mais, au lieu d’employer ces qualités naturelles à quelque fin honnête et utile, ils faisaient leurs délices de l’outrage et de l’impudence ; et tout le fruit qu’ils tiraient de leur supériorité, c’était l’assouvissement de leur cruauté et de leur rage, l’asservissement, l’oppression, la destruction de ceux qui tombaient sous leurs mains. Persuadés que la plupart des hommes ne louent la pudeur, l’égalité, la justice et l’humanité, que parce qu’ils n’ont pas la hardiesse de commettre des injustices, ou parce qu’ils craignent d’en éprouver, ils croyaient que toutes ces vertus n’étaient pas faites pour ceux qui peuvent avoir sur les autres un avantage décidé. Hercule, en courant par le monde, avait exterminé une partie de ces brigands ; les autres, saisis d’épouvante à son approche, s’enfuyaient devant lui, et ils n’osaient plus paraître ; aussi méprisait-on ces scélérats humiliés. Mais, quand Hercule eut eu le malheur de tuer Iphitus, il se retira en Lydie, et il y demeura pendant longtemps esclave d’Omphale : c’était l’expiation qu’il s’était lui-même imposée pour son crime. La Lydie jouit alors d’une paix profonde et d’une pleine sécurité ; mais, dans les contrées de la Grèce, on vit les brigandages renaître et déborder de tous côtés, dès qu’il n’y eut plus personne pour les réprimer, et pour s’opposer à ces violences. C’était donc risquer sa vie que de voyager par terre du Péloponnèse à Athènes ; et Pitthéus, pour persuader à Thésée de partir par mer, lui dépeignait chacun de ces brigands, et lui racontait les traitements cruels qu’ils faisaient souffrir aux étrangers.
Mais depuis longtemps le cœur de Thésée s’était secrètement enflammé, ce semble, à la pensée de l’héroïque renom d’Hercule : Hercule avait toute son admiration ; il écoutait avec le plus vif intérêt ceux qui lui parlaient d’Hercule, et qui lui décrivaient sa personne, surtout ceux qui l’avaient vu et entendu, et qui avaient été les témoins de ses hauts faits. On voyait alors sensiblement en lui ces vives impressions que Thémistocle éprouva, bien des années plus tard, et qui lui faisaient dire que le trophée de Miltiade l’empêchait de dormir. De même Thésée, plein d’enthousiasme pour le courage d’Hercule, rêvait la nuit à ses exploits, et, pendant le jour, se sentait transporté d’émulation et piqué d’un vif désir d’en faire autant. D’ailleurs Hercule et lui étaient parents ; ils étaient enfants de deux cousines-germaines : Éthra était fille de Pitthéus ; Alcmène avait pour mère Lysidice, et Lysidice était sœur de Pitthéus, étant née comme lui d’Hippodamie et de Pélops. C’eût donc été, selon lui, un déshonneur insupportable, si, pendant qu’Hercule courait partout après les brigands, pour en purger la terre et les mers, lui, au contraire, il eût évité les combats qui se présentaient sur son chemin ; s’il eût fait rougir, par cette fuite à travers les mers, le dieu que l’opinion publique lui attribuait pour père ; s’il eût porté à son père véritable, pour uniques signes de sa naissance, des brodequins, une épée que le sang n’aurait point encore rougie, et non pas des hauts faits et des exploits qui fissent resplendir sur-le-champ les marques de sa noblesse.
Il partit donc, avec l’intention et la résolution bien arrêtées de n’attaquer personne, mais de repousser vigoureusement toute violence.
Et d’abord, comme il traversait le territoire d’Épidaure, un brigand nommé Périphétès, armé ordinairement d’une massue, et qu’on surnommait pour cela Corynète[14], l’arrêta, et voulut l’empêcher de passer. Thésée le combattit et le tua ; et, charmé de la massue, il la prit et s’en arma, et il la porta toujours depuis, comme Hercule portait la peau du lion : la dépouille du lion montrait à tous les yeux quel énorme monstre Hercule avait tué ; et Thésée faisait voir qu’il avait pu conquérir la massue, mais qu’entre ses mains elle serait invincible.
Dans l’isthme de Corinthe, il fit périr Sinnis, le ployeur de pins, par le même supplice que Sinnis avait infligé à tant d’autres[15] ; non pas que ce fût, chez Thésée, parti pris ou habitude de cruauté : il voulait seulement prouver que la vertu est supérieure à l’art même le plus exercé. Sinnis avait une belle et grande fille, nommée Périgune. Voyant son père mort, elle avait pris la fuite ; et Thésée la cherchait de tous côtés, dans un bois épais, rempli d’épines et d’asperges sauvages, où elle s’était jetée. Avec une véritable simplicité d’enfant, elle leur adressait des prières, comme si ces plantes l’eussent comprise : elle leur promettait avec serment, si elles lui sauvaient la vie et la dérobaient à la vue de Thésée, de ne jamais les couper ni les brûler. Cependant Thésée l’appelait à haute voix, et il lui donnait sa parole qu’il la traiterait bien, et qu’il ne lui ferait aucun mal. Rassurée par ses promesses, elle sortit du bois, et elle vint le trouver. Thésée, de son commerce avec elle, eut un fils, Mélanippus ; mais, dans la suite, elle s’unit à Déionée, fils d’Eurytus d’Œchalie, à qui Thésée la céda. De Ménalippus naquit Ioxus, qui alla, avec Ornithus, s’établir dans la Carie[16]. De là l’usage conservé par les Ioxides, hommes et femmes, de ne point brûler les asperges sauvages ni les épines : ils les honorent, et leur rendent une sorte de culte.
Il y avait, à Crommyon, une laie nommée Phéa[17], animal dangereux et plein de courage, et dont il n’était pas aisé de venir à bout. Thésée, pour ne point paraître agir uniquement par nécessité, l’attendit et la tua, alors qu’il pouvait continuer son chemin. Il croyait, d’ailleurs, qu’un homme de cœur ne doit combattre les hommes que pour repousser les attaques des méchants, mais qu’il doit provoquer les animaux courageux, et s’exposer contre eux à tous les dangers. Quelques-uns disent aussi que Phéa était une femme meurtrière et débauchée, qui habitait à Crommyon ; qu’on lui avait donné le surnom de laie, à cause de ses mœurs et de son genre de vie, et qu’ensuite elle périt sous les coups de Thésée.
Sur les confins de Mégare, Thésée donna la mort à Sciron, en le précipitant du haut d’un rocher dans la mer. Suivant l’opinion la plus reçue, Sciron était un brigand qui pillait les étrangers ; selon d’autres, cet homme impudent et superbe leur présentait ses pieds, et il les forçait de les lui laver ; puis, pendant l’opération, il les précipitait d’un coup de talon dans la mer. Les écrivains de Mégare combattent cette tradition, et, faisant la guerre, selon l’expression de Simonide[18], à la longue autorité des temps, ils disent que Sciron ne fut ni un brigand ni un scélérat, mais, au contraire, le destructeur des méchants, le protecteur et l’ami des hommes justes et vertueux. Éacus, ajoutent-ils, passe pour l’homme le plus saint de la Grèce ; Cychrée de Salamine reçoit à Athènes les honneurs divins ; la vertu de Pelée et de Télamon n’est ignorée de personne. Or, Sciron fut gendre de Cychrée, beau-père d’Éacus, et grand-père de Pelée et de Télamon, nés l’un et l’autre d’Endéis, fille de Sciron et de Chariclo. Or, il n’est pas vraisemblable que les personnages les plus vertueux se soient alliés au plus méchant des hommes ; qu’ils aient voulu lui donner et recevoir de lui ce que les hommes ont de plus cher et de plus précieux. Ces mêmes auteurs disent encore que Thésée ne tua pas Sciron durant son premier voyage à Athènes, mais longtemps après, lorsqu’il s’empara d’Éleusis, occupée alors par les Mégariens, et en chassa Dioclès, qui y commandait. Tels sont les récits contradictoires sur le fait en question.
Arrivé à Éleusis, Thésée vainquit à la lutte Cercyon d’Arcadie, et le tua. Passant de là à Érinnéus, qui en est peu éloigné, il fit mourir Damaste, qu’on appelait aussi Procruste, en l’allongeant à la mesure de son lit, comme il allongeait lui-même ses hôtes. En cela Thésée imitait Hercule, qui infligeait à ses agresseurs le même supplice qu’ils lui avaient destiné. C’est ainsi qu’Hercule avait sacrifié Busiris, étouffé Antée à la lutte, tué Cycnus en combat singulier, et brisé la tête à Termérus, d’où est venue l’expression mal termérien[19] : Termérus, à ce qu’il paraît, cassait la tête aux passants, en les heurtant de la sienne. De même Thésée, pour punir les méchants, employait contre eux le genre de violence dont ils usaient eux-mêmes, et il les condamnait avec justice au même supplice qu’ils faisaient injustement souffrir aux autres.
Parvenu, dans sa route, jusqu’aux bords du Céphise, il rencontra des hommes de la famille des Phytalides, qui lui adressèrent les premiers le salut. Il les pria de le purifier : ils le firent avec les cérémonies d’usage ; et après le sacrifice propitiatoire, ils le reçurent à leur foyer. C’était la seule fois qu’on lui eût encore fait bon accueil durant son voyage.
Il arriva, dit-on, à Athènes, le huitième jour du mois Cronius, appelé aujourd’hui Hécatombéon[20]. Il y trouva les affaires publiques bouleversées par les dissensions civiles, et les affaires même d’Égée et toute sa maison dans le désordre. Médée, exilée de Corinthe, vivait avec le roi, à qui elle avait promis de lui faire avoir des enfants, par la vertu de certains remèdes. Elle eut bien vite pénétré les desseins de Thésée, et elle voulut le prévenir, avant qu’Égée eût le temps de le reconnaître. Elle persuada au vieillard, affaibli par l’âge, et que remplissaient toutes sortes de craintes au sujet de la sédition, d’inviter Thésée au festin des hôtes, et de l’empoisonner. Thésée vint au repas, avec le projet de ne pas dire lui-même le premier qui il était. Il voulait que la reconnaissance vint d’abord de son père ; et, afin de lui en donner l’occasion, il lui laissa voir l’épée[21], en tirant son couteau pour couper les viandes qu’on avait servies. Égée la reconnaît à l’instant, et renverse la coupe ou était le poison. Il interroge Thésée ; et, sur ses réponses, il le salue son fils ; puis il le reconnaît devant l’assemblée des citoyens, qui le reçurent avec joie, vu le renom de sa valeur. On dit que le poison, à la chute de la coupe, se répandit dans cet endroit du quartier Delphinien, qui est aujourd’hui enfermé de murailles[22] : c’est là qu’habitait Égée ; et l’Hermès qui est à l’orient du temple[23] s’appelle, encore à présent, l’Hermès de la porte d’Égée.
Les Pallantides avaient toujours espéré jusque-là de s’emparer de la royauté, si Égée mourait sans enfants ; mais, quand Thésée eut été proclamé son héritier, ils ne purent souffrir qu’Égée, simple fils adoptif de Pandion, et qui ne tenait en rien à la famille des Érechthides, non content d’avoir régné lui-même, voulût faire régner après lui Thésée, qui n’était aussi qu’un étranger et un intrus. Ils se préparèrent donc à la guerre. Ils se partagent en deux bandes, afin de charger les ennemis de deux côtés différents. Les uns s’avançaient à découvert, le père en tête, du côté de Sphette[24] ; les autres s’étaient mis en embuscade à Gargettus[25]. Il y avait, dans le parti, un héraut d’Agnuse[26], nommé Peuple[27], qui découvrit à Thésée le dessein des Pallantides. Thésée, sans perdre un instant, tombe sur la troupe qui était en embuscade, et la taille en pièces. Ceux qui suivaient Pallas se dispersèrent à cette nouvelle. Depuis ce temps-là, dit-on, ceux du dème de Pallène[28] ne contractent jamais mariage avec les Agnusiens ; et, dans les annonces publiques, on ne crie point, chez eux, ces mots qui sont en usage dans les autres dèmes : « Écoutez, Peuple ! » tant ils ont ce nom en horreur, à cause de la trahison du héraut.
Thésée, pour exercer son courage et gagner en même temps l’affection du peuple, alla combattre le taureau de Marathon, qui nuisait beaucoup aux habitants de la Tétrapole[29]. Il le prit vivant ; et, après l’avoir promené en spectacle dans toute la ville, il le sacrifia à Apollon Delphinien. Ce qu’on raconte d’Hécalé, de l’hospitalité et du festin qu’elle donna à Thésée, ne paraît pas entièrement dépourvu de vérité ; car les dèmes des environs se rassemblaient jadis, pour faire à Jupiter Hécaléen un sacrifice qu’on appelait hécalésien, où ils honoraient Hécalé, et lui donnaient le nom diminutif d’Hécalène, par imitation de ce qu’elle-même avait fait. Lorsqu’elle reçut Thésée, qui était encore fort jeune, elle l’avait embrassé, et elle lui avait donné, suivant l’usage des vieilles gens, de ces petits noms d’amitié. Elle avait voué un sacrifice à Jupiter, si Thésée revenait vainqueur du combat où il allait s’engager ; mais elle mourut avant son retour, et Thésée institua la solennité, en reconnaissance de l’hospitalité qu’il avait reçue. Tel est le récit de Philochorus[30].
Peu de temps après, des députés vinrent de Crète chercher pour la troisième fois le tribut. Androgée, fils de Minos, ayant été tué en trahison dans l’Attique, Minos avait fait aux Athéniens une guerre impitoyable. En même temps les dieux avaient frappé le pays de tous les fléaux : partout la stérilité et les maladies ; enfin les rivières avaient tari. L’oracle d’Apollon annonça que la colère des dieux ne s’apaiserait, et qu’il n’y aurait de trêve à ces maux, qu’après qu’on aurait apaisé Minos, et fait la paix avec lui. On lui envoya donc des hérauts, pour le supplier d’accorder la paix. Il y consentit, à condition que, pendant neuf ans, les Athéniens lui payeraient un tribut de sept jeunes garçons et d’autant de jeunes filles. Voilà sur quoi la plupart des écrivains sont d’accord. S’il faut en croire le récit le plus tragique, ces enfants, transportés en Crète, étaient dévorés par le Minotaure, dans le Labyrinthe, ou bien ils mouraient égarés dans ce palais, faisant de vains efforts pour en trouver l’issue. Quant au Minotaure, c’était, suivant le mot d’Euripide,
Un corps double, un être monstrueux ;
Le mélange de deux natures, le taureau et l’homme[31].
Mais, suivant Philochorus, les Crétois ne conviennent pas de ce fait. Ils disent que le Labyrinthe était une prison, où l’on n’avait d’autre mal que de ne pouvoir s’enfuir, quand on y était enfermé. Minos, ajoutent-ils, avait institué, en l’honneur de son fils, des combats gymniques, où les vainqueurs recevaient pour prix ces enfants, qui restaient, jusqu’à cet instant, détenus dans le Labyrinthe. Aux premiers jeux, le vainqueur avait été un des principaux favoris du roi, un général d’armée nommé Taurus, homme de mœurs dures et farouches, et qui avait traité les enfants des Athéniens avec insolence et cruauté. Aristote, dans sa République des Bottiéiens[32], ne croit pas non plus que ces enfants fussent mis à mort par Minos, mais qu’ils vieillissaient en Crète, asservis à des travaux mercenaires. Et il advint que les Crétois, pour acquitter un ancien vœu, envoyèrent un jour à Delphes leurs premiers-nés : les descendants des prisonniers athéniens se joignirent à cette troupe, et tous quittèrent ensemble le pays. Mais, n’ayant pas trouvé à Delphes les moyens de subsister, ils passèrent d’abord en Italie, et ils s’établirent près du promontoire Iapygien[33] ; puis, retournant sur leurs pas, ils se transportèrent dans la Thrace, et ils prirent le nom de Bottiéiens. C’est pour cela que les filles des Bottiéiens, dans un de leurs sacrifices, terminent les chants par ces mots : « Allons à Athènes ! »
On voit, au reste, combien il est dangereux de s’attirer la haine d’une ville qui sait parler, et qui cultive les arts. Minos a toujours été décrié et couvert d’outrages, sur les théâtres d’Athènes. Rien ne lui a servi d’avoir été appelé, par Hésiode, le plus grand des rois, et, par Homère, le familier de Jupiter. Les poëtes tragiques ont prévalu ; et, du haut du logéum[34] et de la scène, ils ont fait pleuvoir sur lui l’opprobre, et ils l’ont fait passer pour un homme dur et violent ; et pourtant Minos est, à les entendre, le roi et le législateur des enfers, tandis que Rhadamanthe n’y est que l’exécuteur des arrêts portés par Minos.
Le temps de payer le troisième tribut arriva ; et il s’agissait de faire prononcer le sort sur ceux des pères de famille qui avaient de jeunes enfants. Ce fut une nouvelle occasion, pour Égée, de se voir assailli par les plaintes et les murmures des citoyens. Il était seul, disait-on, la cause de tout le mal, et seul il n’avait aucune part à la punition ; il faisait passer sa royauté à un étranger, à un bâtard, et il ne s’inquiétait nullement de les voir privés de leurs fils légitimes, de tous leurs enfants. Ces doléances perçaient le cœur de Thésée : il se décida donc à partager lui-même la fortune des autres citoyens ; et, dans ce dessein, il s’offrit volontairement pour aller en Crète, sans tirer au sort. Les Athéniens admirèrent sa grandeur d’âme, et ce dévouement conquit leur affection. Égée employa d’abord les prières et les plus vives instances pour dissuader son fils ; mais il finit par céder à son inflexibilité, et il tira au sort les autres enfants. Cependant, s’il faut en croire Hellanicus[35], ce n’était point le sort qui désignait les jeunes garçons et les jeunes filles qu’envoyait la ville : c’était Minos lui-même qui les venait choisir ; et, cette fois, il prit Thésée le premier de tous. Les conventions établies étaient : que les Athéniens fourniraient le vaisseau de transport ; que les enfants que Minos embarquerait avec lui pour le voyage n’auraient aucune arme offensive, et qu’à la mort du Minotaure, le tribut cesserait.
Avant ce jour, il n’y avait jamais eu aucun espoir de salut pour ces enfants : aussi le vaisseau partait-il avec une voile noire, pour montrer qu’ils allaient à une mort certaine ; mais alors, Thésée rassurant son père, et le remplissant de confiance par la promesse de dompter le Minotaure, Égée donna au pilote une seconde voile, qui était blanche, avec ordre de la mettre au retour, si son fils était sauvé ; sinon, de revenir avec la voile noire, et de signaler ainsi la catastrophe. Simonide, toutefois, dit que la voile qu’Égée donna au pilote était non pas blanche, mais teinte dans la liquide fleur de l’yeuse aux verts rameaux[36], et qu’elle devait être un signe qu’ils avaient échappé à la mort. Le vaisseau avait pour pilote Amarsyadas Pheréclus, suivant le récit de Simonide ; mais Philochorus prétend que Thésée reçut de Scirus de Salamine un pilote nommé Nausithoüs, avec un matelot de proue, qui s’appelait Phéax ; car les Athéniens ne s’appliquaient point encore à la marine. Le motif de ce présent, c’est qu’au nombre des enfants se trouvait Ménesthès, fils de la fille de Scirus. On a pour preuve du fait les monuments que Thésée fit élever en l’honneur de Nausithoüs et de Phéax, à Phalère, près du temple de Scirus ; et c’est pour eux, selon Philochorus, qu’on célèbre la fête des Cybernésies[37].
Quand le sort eut décidé, Thésée prit les enfants dont les noms étaient sortis, et il alla du Prytanée au temple Delphinien, où il offrit pour eux à Apollon le rameau du suppliant : c’était une branche de l’olivier sacré, enveloppée de bandelettes de laine blanche. Quand il eut fait sa prière, il descendit vers la mer. C’était le sixième jour du mois Munychion[38], jour où l’on envoie encore aujourd’hui les jeunes filles au temple Delphinien, pour adresser les supplications au dieu. On prétend qu’à Delphes le dieu lui ordonna de prendre Vénus pour guide, et de l’invoquer comme la compagne du voyage. On ajoute que, pendant qu’il lui sacrifiait sur le bord de la mer, la chèvre fut tout à coup changée en bouc. De là le surnom d’Épitragie[39], que porte la déesse.
Plusieurs historiens racontent, et plusieurs poëtes chantent qu’après qu’il eut abordé en Crète, Ariadne s’éprit pour lui d’amour, lui donna un peloton de fil, et lui enseigna le moyen de se tirer des détours du Labyrinthe ; qu’il tua le Minotaure, et qu’il se rembarqua, emmenant avec lui Ariadne et les jeunes enfants. Phérécyde[40] écrit que Thésée, avant de partir, coupa les fonds des vaisseaux crétois, et les mit ainsi hors d’état de le poursuivre. Taurus, général de Minos, fut tué, suivant Démon[41], pendant le combat naval qu’il livra à Thésée, dans le port même, pour l’empêcher de mettre à la voile. Mais Philochorus raconte que, Minos ayant annoncé des jeux en l’honneur de son fils, ce fut avec une chagrine jalousie qu’on songea à la victoire qu’allait remporter Taurus sur tous les concurrents. Son caractère avait rendu sa puissance odieuse aux Crétois ; et d’ailleurs, on l’accusait d’un commerce criminel avec Pasiphaé[42]. Aussi, quand Thésée demanda la permission de le combattre, Minos la lui accorda-t-il volontiers ; et, comme c’est l’usage, en Crète, que les femmes assistent aux spectacles, Ariadne, présente au combat, fut frappée de la beauté du jeune Athénien, et saisie d’admiration pour le vaillant lutteur qui avait défait tous ses rivaux. Minos lui-même fut ravi, surtout quand il eut vu Taurus vaincu, et livré à la risée publique : il rendit donc à Thésée les jeunes enfants, et il déchargea la ville d’Athènes du tribut qu’elle payait.
Clidémus[43] prend son récit de haut, mais tout différemment des autres, et avec de longs détails. Il y avait, dit-il, un traité entre tous les peuples de la Grèce, qui défendait de mettre en mer, pour une destination quelconque, aucun vaisseau monté de plus de cinq hommes : on n’exceptait que le seul Jason, qui commandait le navire Argo, et qui courait la mer pour la purger des pirates. Dédale s’étant enfui de Crète à Athènes sur une barque, Minos, contre les dispositions du traité, le poursuivit avec de longs vaisseaux, et fut jeté par la tempête sur les côtes de la Sicile, où il mourut. Deucalion, fils de Minos, irrité contre les Athéniens, les envoya sommer de lui livrer Dédale, avec menace, s’ils refusaient, de faire mourir les enfants que Minos avait reçus pour otages. Thésée lui fit une réponse polie, s’excusant sur ce que Dédale était son cousin, et qu’il appartenait à sa famille ; à titre de fils de Mérope, fille d’Érechthée. Cependant il fit construire une flotte nombreuse, partie dans l’Attique, à Thymœtades, endroit éloigné du chemin public, partie à Trézène, par l’entremise de Pitthéus ; car son dessein était de tenir l’armement secret. Quand tout fut préparé, il mit à la voile, ayant pour guides Dédale et les bannis de Crète. Personne n’eut le moindre soupçon ; et les Crétois prirent pour des vaisseaux amis la flotte qui arrivait. Thésée se saisit du port, débarque ses soldats, surprend la ville de Cnosse. Il livre, aux portes mêmes du Labyrinthe, un combat où périssent Deucalion et ses gardes. Ariadne était devenue, par sa mort, maîtresse du royaume ; Thésée fit un traité avec elle : il reprit les jeunes Athéniens, et il unit d’amitié les Athéniens avec les Crétois, lesquels jurèrent de ne jamais recommencer la guerre.
Il y a encore, sur ces faits, et à propos d’Ariadne, une foule d’autres traditions, mais qui n’ont aucun caractère d’authenticité. Ainsi les uns disent qu’Ariadne, abandonnée par Thésée, se pendit de désespoir ; d’autres que, conduite par des matelots dans l’ile de Naxos, elle y épousa Œnarus, prêtre de Bacchus, et que Thésée l’abandonna pour un nouvel amour.
Il était agité d’un violent amour pour Églé, fille de Panopéus.
Thésée et Pirithoüs, illustres enfants des dieux[45].
La ville que fonda Œnopion, fils de Thésée.
Ce qu’il y a de mieux avoué dans ces fables est, pour ainsi dire, dans la bouche de tout le monde. Toutefois Péon d’Amathonte[47] a publié, sur ce sujet, un récit qui diffère de tous les autres. Thésée, selon lui, ayant été jeté par la tempête sur les côtes de Cypre, et Ariadne, qui était grosse, se trouvant incommodée par la tourmente, il la débarqua seule sur le rivage ; puis, tandis qu’il travaillait à la sûreté de son navire, il se vit emporté par les vents en pleine mer. Les femmes du pays recueillirent Ariadne, et elles cherchèrent à adoucir le désespoir dont la remplissait son isolement. Elles lui remirent des lettres, qu’elles feignaient écrites par Thésée. Elles lui prodiguèrent leurs secours, dès qu’elle ressentit les douleurs de l’enfantement ; et, comme elle mourut sans avoir pu accoucher, elles l’ensevelirent. Thésée revint ; et, profondément affligé de cette mort, il laissa aux habitants du pays une somme d’argent, qu’il destina aux frais d’un sacrifice en l’honneur d’Ariadne. Il lui dédia aussi deux petites statues, l’une d’argent et l’autre de bronze. Dans le sacrifice qui se fait le deuxième jour du mois Gorpiéus[48], un jeune homme, couché sur un lit, imite et les cris et les mouvements d’une femme en travail. Les habitants d’Amathonte appellent le bois sacré où ils montrent le tombeau d’Ariadne, bois d’Ariadne-Vénus.
Quelques écrivains de Naxos suivent une tradition qui leur est particulière. Il y a eu, suivant eux, deux Minos et deux Ariadnes : l’une épousa Bacchus dans Naxos, et elle fut mère de Staphylus ; l’autre, moins ancienne, fut enlevée par Thésée, qui l’abandonna. Elle vint à Naxos, et, avec elle, sa nourrice, nommée Corcyne, dont on y montre encore le tombeau. Cette Ariadne mourut dans l’île ; et les honneurs qu’elle y reçoit sont tout différents de ceux qu’on rend à la première. Les fêtes qui se célèbrent en l’honneur de l’ancienne se passent dans les réjouissances et les jeux : les sacrifices qu’on fait à l’autre sont mêlés de deuil et de tristesse.
Thésée partit de Crète, et il alla débarquer à Délos. Là, après avoir fait un sacrifice à Apollon, et consacré la statue de Vénus, qu’il avait reçue d’Ariadne, il exécuta, avec les jeunes Athéniens, une danse dont les Déliens conservent encore, dit-on, l’usage : ce sont des pas cadencés, qui s’entrelacent dans tous les sens, à l’imitation des tours et des détours du Labyrinthe. Cette sorte de danse se nomme, à Délos, la Grue, suivant le rapport de Dicéarque[49]. Thésée la dansa autour du Cératon, autel composé de cornes[50] d’animaux, toutes du côté gauche. On dit aussi qu’il célébra des jeux à Délos, et que c’est lui qui, pour la première fois, donna aux vainqueurs une branche de palmier.
Quand on fut près de l’Attique, Thésée oublia, dans le transport de sa joie, et son pilote oublia comme lui, de mettre la voile qui devait être pour Égée le signe de l’heureux retour. Égée, au désespoir, se précipita du haut d’un rocher, et se tua. Cependant Thésée entre dans le port, et il s’acquitte des sacrifices qu’il avait voués aux dieux à Phalère, en partant ; puis il envoie un héraut à la ville, pour porter la nouvelle de son arrivée. Le héraut trouva, sur son chemin, grand nombre de gens qui pleuraient la mort du roi, et aussi beaucoup d’autres qui le reçurent, comme on peut croire, avec grand empressement et grande joie, et qui lui présentèrent des couronnes, pour l’heureuse nouvelle qu’il apportait. Il reçut les couronnes, et il en entoura son caducée. Revenu vers la mer avant que Thésée eût achevé les libations, il se tint au dehors du temple, afin de ne pas troubler le sacrifice. Les libations finies, il annonça la mort d’Égée. À cette nouvelle, tous se mettent à monter précipitamment à la ville, en gémissant et en poussant de grands cris. C’est pour cela, dit-on, qu’encore aujourd’hui, dans la fête des Oschophories[51], on couronne non pas le héraut, mais son caducée, et qu’après les libations, rassemblée s’écrie : « Éléleu ! Iou ! Iou ! » Le premier cri est celui de gens qui se hâtent et qui sont dans la joie ; le second marque l’étonnement et le trouble.
Thésée, après avoir enseveli son père, s’acquitta de son vœu envers Apollon, le 7 du mois Pyanepsion[52] ; car c’est le jour qu’ils rentrèrent sains et saufs dans Athènes. L’usage de faire bouillir ce jour-là des légumes vient, dit-on, de ce que les jeunes gens firent cuire, dans une même marmite, tout ce qui leur restait de vivres, et les mangèrent ensemble. On porte aussi, dans ces fêtes, l’irésione, branche d’olivier entourée de laine[53], comme faisaient les suppliants d’alors. Elle est garnie des prémices de toutes sortes de fruits, en mémoire du temps où la stérilité cessa dans l’Attique ; et l’on chante les vers suivants :
Irésione, porte des figues, et des pains nourrissants,
Et du miel dans une cotyle[54], et l’olive bonne à cuire,
Et une coupe de vin pur, pour t’enivrer et t’endormir.
D’autres veulent pourtant que ces vers aient été faits parce que les Héraclides avaient été nourris de cette manière par les Athéniens. J’ai suivi la tradition la plus commune.
Le navire à trente rames sur lequel Thésée s’était embarqué avec les jeunes enfants, et qui le ramena heureusement à Athènes, fut conservé par les Athéniens jusqu’au temps de Démétrius de Phalère. Ils en ôtaient les pièces de bois, à mesure qu’elles vieillissaient, et ils les remplaçaient par des pièces neuves, solidement enchâssées. Aussi les philosophes, dans leurs disputes sur la nature des choses qui s’augmentent, citent-ils ce navire comme un exemple de doute, et soutiennent-ils, les uns qu’il reste le même, les autres qu’il ne reste pas le même.
Ce fut aussi Thésée qui établit la fête des Oschophories. En effet, on dit qu’il n’avait pas emmené en Crète toutes les filles qui étaient tombées cette fois au sort. Il avait choisi deux jeunes gens de ses amis, aux traits délicats comme ceux des jeunes filles, mais dont le cœur était plein de courage et de résolution. Il leur fit prendre souvent des bains chauds, et il les fit longtemps vivre à l’ombre : ils se frottaient des huiles les plus propres à adoucir la peau, à rendre le teint frais, et ils se parfumaient les cheveux ; et Thésée les accoutuma à imiter la voix, les gestes et la démarche des jeunes filles ; il leur en donna les habits, et il changea si bien leurs manières, qu’il était impossible de soupçonner leur sexe. Ainsi déguisés, il les mêla parmi les jeunes filles, sans que personne se doutât de rien. À son retour, ils conduisirent, lui et ses deux amis, une procession publique, revêtus du même costume dont se couvrent aujourd’hui ceux qui portent, à cette fête, les rameaux chargés de fruits[55]. Ces rameaux, on les porte à l’honneur de Bacchus et d’Ariadne, en mémoire de ce que raconte la tradition, ou plutôt parce que Thésée et ses compagnons arrivèrent à Athènes pendant la récolte des fruits. Les femmes nommées Dipnophores, qui assistent au sacrifice et prennent part à tout ce qui s’y fait, représentent les mères des enfants tombés au sort, lesquelles, au moment de leur départ, leur apportèrent toutes sortes de provisions de bouche. Elles y débitent des fables, de même que ces mères avaient fait des contes à leurs enfants, pour les consoler et soutenir leur courage. C’est à l’historien Démon que nous devons aussi ces détails. On consacra une portion de terre, où l’on bâtit un temple à Thésée lui-même. Il ordonna que les familles qui avaient été soumises au tribut feraient les frais du sacrifice ; et les Phytalides en eurent l’intendance. C’est ainsi que Thésée récompensa l’hospitalité qu’il avait reçue de cette famille.
Après la mort d’Égée, il conçut une grande et merveilleuse entreprise : il s’agissait de réunir en un seul corps de ville tous les habitants de l’Attique, et d’en former un seul peuple, dans une seule cité. Dispersés auparavant en plusieurs bourgs, il était difficile de les assembler pour délibérer sur les affaires publiques : souvent même ils étaient dans un mutuel désaccord, et ils se faisaient la guerre les uns aux autres. Thésée parcourut lui-même chaque dème et chaque famille, pour faire agréer son projet. Les simples citoyens et les pauvres l’adoptèrent sans balancer. Pour déterminer les puissants, il leur promit un gouvernement sans roi, où le peuple serait souverain : lui, Thésée, ne s’y réservait que le commandement militaire et la garde des lois ; chaque citoyen, pour tout le reste, jouirait des mêmes droits que lui-même. Il en persuada quelques-uns : les autres, craignant sa puissance, qui était déjà considérable, et aussi son audace, aimèrent mieux s’y prêter de bonne grâce que de s’y voir forcés. Il fit abattre, dans chaque bourg, les prytanées et les édifices où se tenaient les conseils, cassa les magistrats, bâtit pour tous un prytanée et une salle des délibérations dans le lieu où ils sont encore aujourd’hui, donna à la ville et à la citadelle le nom d’Athènes[56], et établit les Panathénées[57], fête de tout le peuple athénien. Il institua aussi le sacrifice appelé Métœcie[58], pour le seizième jour du mois Hécatombéon[59] et qui se célèbre encore de notre temps. Il abdiqua ensuite la royauté, comme il l’avait promis, et il s’occupa de régler les affaires de l’État. Il commença par les dieux ; et voici les destinées que l’oracle de Delphes, en réponse à ses questions, prédit à la ville :
O Thésée, fils d’Égée et de la fille de Pitthéus,
Mon père a décidé que bien des villes auraient leurs intérêts et leur sort enchaînés à votre ville.
Ne va donc pas livrer ton cœur au ravage
Des soucis : comme l’outre, malgré la tourmente, tu traverseras les mers.
Comme l’outre, tu te mouilles ; mais tu ne saurais enfoncer.
Dans le dessein d’accroître encore davantage la population de la ville, il appelait à l’égalité des droits civiques tous ceux qui voulaient y habiter ; et la proclamation : « Peuples, venez tous ! » est, dit-on, celle dont se servit jadis Thésée, quand il fit d’Athènes comme le rendez-vous de tous les peuples. Mais il ne permit point que cette multitude, qui accourait de toutes parts pêle-mêle, fût, pour la république, une cause de désordre et de confusion ; et il institua trois classes différentes de citoyens : les nobles, les laboureurs, les artisans. Il donna à la noblesse les fonctions religieuses, les magistratures, la préparation des lois et l’interprétation des rites sacrés. Cette classe se trouva ainsi sur un pied d’égalité avec les deux autres : les nobles l’emportaient par les honneurs, les laboureurs par l’utilité de leur profession, et les artisans par le nombre. Thésée est le premier, suivant Aristote, qui ait incliné vers le gouvernement de la multitude, et qui se soit démis de l’autorité royale. Homère semble lui-même témoigner du fait ; car, dans le dénombrement des navires, il donne aux seuls Athéniens le nom de peuple[60]. Thésée fit frapper une monnaie[61] qui portait l’empreinte d’un bœuf, soit à cause du taureau de Marathon, ou du général de Minos[62], soit pour inspirer aux citoyens le goût de l’agriculture. C’est cette monnaie qui a donné, dit-on, naissance à la locution : « Cela vaut cent bœufs ; cela vaut dix bœufs[63]. »
Il unit à l’Attique, par un lien solide, le territoire de Mégare, et il dressa dans l’isthme cette fameuse colonne, sur laquelle il grava deux vers trimètres[64], inscription qui déterminait les limites des deux pays. Il y avait, sur le côté oriental :
Ce n’est pas ici le Péloponnèse, mais l’Ionie ;
C’est ici le Péloponnèse, non l’Ionie.
Il fut le premier qui établit des jeux, à l’imitation d’Hercule. Hercule avait institué, en l’honneur de Jupiter, les jeux Olympiques : Thésée eut l’ambition de faire célébrer par la Grèce des jeux Isthmiques, en l’honneur de Neptune. Ceux qu’on avait établis au même endroit, pour Mélicerte, se célébraient la nuit, et ils avaient plutôt la forme d’une initiation à des mystères que d’un spectacle et d’une fête publique. Quelques-uns, toutefois, prétendent que les jeux Isthmiques furent consacrés à Sciron, et que ce fut, de la part de Thésée, l’expiation du meurtre d’un parent : Sciron était, selon eux, fils de Canéthus et d’Hénioché, fille de Pitthéus. D’autres disent Sinnis, et non pas Sciron : c’est pour Sinnis, et non pour l’autre, que Thésée aurait institué les jeux Isthmiques. Quoi qu’il en soit, il régla, avec les Corinthiens, que ceux d’Athènes qui viendraient pour y assister auraient droit, sur les premiers bancs, à autant de places qu’en pourrait couvrir, déployée, la voile du vaisseau de la Théorie[65] : c’est du moins ce qu’ont écrit Hellanicus et Andron d’Halicarnasse[66].
Thésée fit une course sur le Pont-Euxin. Ce fut, selon Philochorus et quelques autres, pour accompagner Hercule à son expédition contre les Amazones ; et Antiope fut le prix de sa valeur. Mais la plupart des écrivains, entre autres Phérécyde, Hellanicus et Hérodore[67], prétendent qu’il y alla après Hercule, avec sa flotte à lui, et qu’il fit l’Amazone prisonnière. Ce récit est le plus vraisemblable ; car, de tous ceux qui le suivirent dans son expédition, aucun autre que lui, au rapport de la tradition, ne prit captive une Amazone : Bion[68] dit même qu’il l’enleva par surprise. Les Amazones, à l’en croire, naturellement amies des hommes, loin de s’enfuir lorsque Thésée aborda sur leurs côtes, lui envoyèrent les présents d’hospitalité. Il engagea celle qui les lui avait apportés à entrer dans son vaisseau, et il mit aussitôt à la voile. Un certain Ménécrate[69], qui a publié une histoire de Nicée en Bithynie, raconte que Thésée, lorsqu’il emmenait Antiope, fit quelque séjour dans ces parages. Il avait eu pour compagnons, dans son entreprise, trois jeunes Athéniens, trois frères, Eunéus, Thoas et Soloon[70]. Ce dernier s’éprit d’amour pour Antiope. Il ne s’en était ouvert à personne, hormis un seul de ses amis. Il finit pourtant par se déclarer à Antiope, qui rejeta bien loin ses propositions ; mais d’ailleurs elle se conduisit avec beaucoup de prudence et de douceur, et elle ne se plaignit point à Thésée. Soloon, ayant perdu tout espoir, se précipita dans un fleuve, et s’y noya. Thésée apprit alors la cause de ce malheur, et la passion du jeune affligé. Sa douleur lui rappela un oracle de la Pythie, l’ordre qu’il avait reçu à Delphes de fonder une ville dans une terre étrangère, à l’endroit où il aurait éprouvé un vif chagrin, et d’y laisser pour gouverneurs quelques-uns de ses compagnons. Il bâtit donc une ville, qu’il appela Pythopolis, du nom du dieu[71] ; et il donna au fleuve voisin le nom de Soloon, en l’honneur du jeune homme. Il laissa les deux frères de Soloon pour gouverner la ville et lui donner des lois, et, avec eux, Hermus, un des eupatrides[72] d’Athènes. C’est de là que les Pythopolites appellent un certain endroit de leur ville la maison d’Hermès : une contraction vicieuse, sur la seconde syllabe du mot, a fini par leur faire transporter cet honneur du héros à un dieu[73].
Tel fut le prétexte de la guerre des Amazones. Cette guerre ne fut, évidemment, ni chose légère ni affaire de femmes. En effet, auraient-elles campé dans Athènes même, et livré le combat en un lieu voisin du Pnyx et du Musée, si elles ne s’étaient auparavant rendues maîtresses du pays, et si elles ne fussent venues intrépidement attaquer la ville ? Du reste, qu’elles soient arrivées, comme l’a écrit Hellanicus, en traversant sur la glace le Bosphore Cimmérien, c’est chose difficile à croire. Mais leur campement presque au milieu d’Athènes est prouvé par les noms mêmes de plusieurs lieux de la ville, et par les tombeaux de ceux qui périrent dans le combat. Des deux côtés, l’hésitation fut longue, et la lenteur à engager l’action. Enfin, Thésée ayant, sur un oracle, sacrifié à la Peur, commença l’attaque. Le combat fut donné dans le mois Boédromion[74], le jour où les Athéniens célèbrent encore à présent les Boédromies. Clidémus entre dans tous les détails de cette rencontre : il écrit que l’aile gauche des Amazones s’étendait jusqu’au lieu appelé aujourd’hui Amazonium, et que l’aile droite s’allongeait, vers le Pnyx, jusqu’à Chyrsa. L’aile gauche fut chargée la première par les Athéniens, du côté du Musée. C’est ce que prouvent les tombeaux de ceux qui périrent dans le combat : on les voit encore sur la place qui mène à la porte nommée maintenant Piréique, près du temple du héros Chalcodon. Les Athéniens furent repoussés jusqu’au temple des Euménides[75] et ils reculèrent devant les Amazones ; mais leur aile gauche, qui occupait le Palladium, l’Ardette et le Lycée, chassa jusque dans son camp l’aile droite de l’armée ennemie, et en fit un grand carnage. Enfin, au quatrième mois, les deux partis conclurent un traité, par l’entremise d’Hippolyte ; car Clidémus appelle Hippolyte l’Amazone qui vivait avec Thésée, et non Antiope. D’autres disent qu’elle fut tuée d’un coup de javelot, en combattant à côté de Thésée, par une Amazone nommée Molpadia, et que c’est sur son corps qu’on a dressé la colonne du temple de la Terre-Olympique[76].
Dans des événements si anciens, ces incertitudes de l’histoire n’ont rien d’étonnant. Ne raconte-t-on pas aussi que les Amazones blessées furent secrètement envoyées à Chalcis, par Antiope ; qu’il y en eut quelques-unes de guéries, et que celles qui moururent de leurs blessures y furent enterrées, dans le lieu qu’on appelle encore aujourd’hui Arnazonium ? Du reste, la guerre finit par un traité, comme le prouvent et le nom d’Horcomosion[77], que porte un endroit voisin du temple de Thésée, et l’antique sacrifice qu’on fait tous les ans aux Amazones, avant les fêtes Théséennes. Les Mégariens montrent aussi chez eux un tombeau d’Amazones, sur le chemin qui va de la place publique au Rhoüs : c’est un édifice en forme de losange. On dit encore qu’il en mourut plusieurs à Chéronée, et qu’elles furent ensevelies sur les bords du petit ruisseau qui anciennement s’appelait, à ce qu’on croit, Thermodon, et qu’on nomme aujourd’hui Hémon : j’ai parlé d’elles dans la Vie de Démosthène. Il paraît que ce ne fut pas sans avoir à lutter que les Amazones traversèrent la Thessalie ; car on montre encore plusieurs de leurs tombeaux, près de Scotussée[78] et des rochers Cynoscéphales.
Voilà ce qui vaut la peine d’être noté au sujet des Amazones. L’auteur de la Théséide[79] a écrit, il est vrai, qu’Antiope suscita l’attaque des Amazones contre Thésée, pour se venger, avec leur secours, de ce qu’il allait épouser Phèdre, et qu’elles furent exterminées par Hercule ; mais ce récit a trop évidemment l’air d’une fable inventée à plaisir. Thésée n’épousa Phèdre qu’après la mort d’Antiope, dont il avait un fils nommé Hippolyte, ou, selon Pindare, Démophon.
Quant aux malheurs qu’il éprouva à l’occasion de son fils et de Phèdre, comme les historiens sont d’accord sur ce point avec les poëtes tragiques, on doit admettre que les choses se sont passées comme ceux-ci les racontent unanimement.
Il est question encore d’autres mariages de Thésée, qu’on n’a jamais représentés sur la scène, et qui n’ont eu, pourtant, ni des commencements honnêtes ni des fins heureuses. Il enleva une Trézénienne, nommée Anaxo ; et, après avoir tué Sinnis et Cercyon, il fit violence à leurs filles. Il épousa Peribée, mère d’Ajax, puis aussi Phérébée, puis lopé, fille d’Iphiclès. On reproche à son amour pour Églé, fille de Panopéus, de lui avoir fait abandonner Ariadne, comme je l’ai dit plus haut, avec autant de lâcheté que d’ingratitude. Enfin, l’enlèvement d’Hélène, qui remplit de guerre toute l’Attique, fut, comme je le raconterai plus tard, la cause de son exil et de sa mort.
Tandis que les héros de ce temps se signalaient par mille beaux faits d’armes, Thésée ne prit part, suivant l’opinion d’Hérodore, qu’au combat des Lapithes contre les Centaures. D’autres, au contraire, disent qu’il accompagna Jason en Colchide ; qu’il défit, avec Méléagre, le sanglier de Calydon, et que c’est de là qu’est venu le proverbe : Non sans Thésée. Pour lui, ajoutent-ils, il sut accomplir, seul et sans secours, plusieurs entreprises glorieuses ; et l’on disait de lui : « C’est un autre Hercule. » Ce fut lui qui aida Adraste à recouvrer les corps de ceux qui avaient péri sous les murs de Thèbes ; non pas, comme le dit Euripide dans sa tragédie[80], en gagnant une bataille sur les Thébains, mais en leur persuadant de faire une trêve : telle est, du moins, la tradition la plus accréditée. Philochorus prétend que ce fut là la première trêve qu’on eût faite pour retirer les morts après la bataille ; mais il est écrit, dans les histoires d’Hercule[81], qu’Hercule fut le premier qui rendit les morts à ses ennemis. On montre, à Éleuthères, les tombeaux des soldats d’Adraste ; ceux des chefs sont à Éleusis : autre faveur qu’Adraste obtint encore de Thésée. La tradition d’Euripide, dans les Suppliantes, a pour contre-poids le témoignage d’Eschyle, dans les Éleusiniens[82], où Thésée lui-même rapporte ce que je viens de dire.
Voici quelle fut l’occasion de l’amitié qu’il contracta avec Pirithoüs. La force et le courage de Thésée étaient devenus célèbres : Pirithoüs voulut s’assurer de ce qui en était, et se mesurer avec lui. Il enleva de Marathon un troupeau de bœufs, qui lui appartenait ; et, instruit que Thésée en armes courait après lui, il ne prit point la fuite ; il fit volte-face, et l’attendit de pied ferme. Mais, à peine se furent-ils vus, que, frappés réciproquement de leur beauté et de la fierté de leur contenance, ils ne pensèrent plus à se battre. Pirithoüs tendit le premier la main à Thésée, et lui dit d’estimer le dommage que lui avait causé l’enlèvement des bœufs, se déclarant prêt à en passer par toutes ses conditions. Thésée le tint quitte de toute amende, le pria d’être son ami et son compagnon d’armes ; et ils se jurèrent un attachement inviolable.
Quelque temps après, Pirithoüs, qui épousait Déidamie, invita Thésée à venir, pour visiter le pays, et pour faire connaissance avec les Lapithes. Il avait aussi convié les Centaures au festin. Ceux-ci y perdirent toute retenue ; et ils portèrent, dans l’ivresse, la main sur les femmes. Les Lapithes en tirèrent vengeance : ils se jetèrent sur les Centaures, tuèrent les uns sur place, vainquirent les autres en bataille, et finirent, avec le secours de Thésée, par les chasser du pays.
Hérodore raconte le fait autrement. Il dit que, lorsque Thésée alla au secours des Lapithes, la guerre était déjà commencée ; que ce fut alors qu’il connut pour la première fois Hercule de vue, ayant profité du voisinage pour l’aller voir à Trachine, où il se reposait de ses courses et de ses travaux. Là, ils se seraient donné réciproquement les plus grands témoignages d’estime et d’amitié. Il vaut mieux s’en rapporter néanmoins à ceux qui disent qu’ils s’étaient déjà vus plusieurs fois, et que c’est à la faveur de Thésée qu’Hercule avait dû son initiation aux mystères, et, avant l’initiation, la purification dont il avait besoin pour les fautes qu’il avait involontairement commises.
Thésée, suivant Hellanicus, avait déjà cinquante ans lorsqu’il enleva Hélène, qui n’était pas encore nubile. Aussi quelques-uns, pour le disculper d’un si grand crime, disent-ils que ce ne fut pas lui-même qui l’enleva, mais qu’Ida et Lyncée, ses ravisseurs, la mirent en dépôt entre ses mains, et qu’il refusa de la rendre aux réclamations des Dioscures. Il y a plus : on a soutenu que ce fut Tyndare lui-même qui la lui confia, parce qu’il craignait Énarsphorus, fils d’Hippocoon, lequel eût fini par la ravir de force, tout enfant qu’elle fut encore ; mais le récit le plus vraisemblable, et qu’appuient le plus grand nombre de témoignages, c’est que Thésée et Pirithoüs, étant allés ensemble à Sparte, enlevèrent Hélène, pendant qu’elle dansait dans le temple de Diane Orthia, et prirent aussitôt la fuite. Ceux qu’on envoya courir après eux ne les poursuivirent que jusqu’à Tégée. Les ravisseurs, se voyant en sûreté, et ayant traversé le Péloponnèse, convinrent de tirer Hélène au sort, à condition que celui dont elle serait devenue la femme aiderait son compagnon à chercher un autre hymen. Elle échut en partage à Thésée. La jeune fille n’était point nubile encore : Thésée l’emmena à Aphidnes[83], et il mit auprès d’elle sa mère Éthra. Il les confia aux soins d’Aphidnus, qui était son ami, en lui recommandant une exacte surveillance et le secret. Ensuite, fidèle à son engagement envers Pirithoüs, il l’accompagna en Épire, pour enlever la fille d’Aïdonéus, roi des Molosses. Aïdonéus avait donné à sa femme le nom de Proserpine, à sa fille celui de Coré, et à son chien celui de Cerbère. Il faisait combattre contre ce chien ceux qui recherchaient sa fille en mariage, avec promesse de l’accorder à celui qui triompherait de l’animal ; mais, averti que Pirithoüs venait pour l’enlever, et non pour la demander en mariage, il s’assura de la personne des ravisseurs, fit dévorer sur-le-champ Pirithoüs par Cerbère, et retint Thésée prisonnier.
Cependant Ménesthée, fils de Pétéus, et petit-fils d’Ornéus, fils d’Érechthée, le premier, dit-on, d’entre les hommes qui ait affecté la popularité, et qui se soit mis à essayer sur la multitude l’effet des discours flatteurs, soulevait les citoyens les plus considérables, et les animait contre Thésée. Depuis longtemps, du reste, Thésée les avait mécontentés. En ôtant aux nobles l’empire qu’ils exerçaient chacun dans leurs dèmes, et en les renfermant dans une seule ville, Thésée les avait rendus, pensaient-ils, ses sujets, ou plutôt ses esclaves. Ménesthée agitait aussi la multitude, en lui reprochant de s’être laissé séduire par un fantôme de liberté, tandis qu’on dépouillait en réalité les citoyens de leurs patries et de leurs sanctuaires ; et de souffrir devant ses yeux, à la place de plusieurs rois pleins de bonté et ses chefs légitimes, le despotisme d’un étranger et d’un intrus.
Mais rien ne favorisa mieux ses projets et ses intrigues, que la guerre des Tyndarides, qui entrèrent en armes dans l’Attique, appelés, suivant quelques auteurs, par Ménesthée lui-même. Ils ne commirent d’abord aucune hostilité, et ils demandèrent seulement qu’on leur rendit leur sœur. Ceux d’Athènes répondirent qu’ils ne l’avaient pas, et qu’ils ignoraient même où elle était. Alors les Tyndarides se disposèrent à l’attaque ; mais Académus, qui avait découvert, on ne sait comment, le secret, leur donna avis qu’Hélène était cachée dans Aphidnes. En reconnaissance de ce bienfait, les Tyndarides le comblèrent d’honneurs pendant sa vie ; et les Lacédémoniens, qui firent plus tard de si fréquentes incursions dans l’Attique, et qui mirent si souvent tout le pays au pillage, respectèrent toujours l’Académie[84], en mémoire d’Académus. Mais Dicéarque raconte qu’il y avait, dans l’armée des Tyndarides, deux Arcadiens, Échédémus et Marathus ; qui le premier donna le nom d’Échédémie à ce qu’on appelle aujourd’hui l’Académie ; et que le bourg de Marathon prit son nom de Marathus, qui s’était volontairement offert, sur la demande d’un oracle, pour être sacrifié à la tête de l’armée. Les Tyndarides marchèrent droit à Aphidnes, y gagnèrent la bataille, et prirent la ville d’assaut. On dit que c’est là que périt Alycus, fils de Sciron, qui combattait pour les Dioscures ; et que l’endroit du territoire de Mégare où son corps fut enterré s’appelle encore, de son nom, Alycus. Héréas écrit qu’Alycus périt dans Aphidnes, de la main de Thésée lui-même ; et il allègue pour preuve ces vers où il est dit qu’Alycus,
… dans Aphidnes aux vastes campagnes,
Combattant pour reconquérir la belle Hélène, Thésée
Le tua[85].
Aphidnes prise, ceux d’Athènes tremblaient pour eux. Ménesthée persuada au peuple d’ouvrir les portes aux Tyndarides, et de les recevoir comme amis. Ils ne faisaient la guerre, à l’entendre, que contre Thésée, qui avait été le premier agresseur ; ils étaient les bienfaiteurs, les sauveurs des autres citoyens. Leur conduite justifia son témoignage. Tout maîtres absolus qu’ils se voyaient, ils ne demandèrent qu’à être initiés aux mystères, à titre de parents des Athéniens au même degré qu’Hercule. Aphidnus les adopta pour fils, comme Pylius avait adopté Hercule ; et ils reçurent les honneurs divins sous le nom d’Anaces, qui leur fut donné, soit parce qu’ils avaient accordé la paix à la ville[86], soit pour avoir mis le plus grand soin à empêcher que les Athéniens ne reçussent aucun dommage, bien qu’une si nombreuse armée séjournât au milieu d’eux. Ce terme désigne ceux qui prennent soin, les protecteurs ; et c’est pour cela probablement qu’on donne aux rois le nom d’anactes[87]. D’autres veulent qu’on ait appelé Anaces les Tyndarides, à cause de l’apparition de leurs étoiles dans le ciel ; et ils dérivent ce nom des mots dont se sert la langue attique pour marquer ce qui est en haut[88].
On dit qu’Éthra, mère de Thésée, fut prise dans Aphidnes, et emmenée captive à Lacédémone, d’où elle suivit Hélène à Troie ; et on s’appuie de ce vers d’Homère[89] :
Éthra, fille de Pitthéus, et Clymène aux grands yeux.
Aïdonéus le Molosse reçut un jour chez lui Hercule ; et, comme il lui eut conté, par hasard, que Thésée et Pirithoüs étaient venus, et dans quel dessein, et la punition qu’il en avait tirée, Hercule, affligé de la mort honteuse de l’un, et inquiet du danger que l’autre courait de la vie, mais voyant qu’il serait inutile de se plaindre du traitement fait à Pirithoüs, demanda comme grâce la remise de Thésée entre ses mains. Aïdonéus lui octroya sa demande. Thésée, délivré, retourna à Athènes, où ses amis n’étaient pas encore entièrement vaincus. En arrivant, son premier soin fut de consacrer à Hercule les temples que les Athéniens lui avaient dédiés à lui-même. Il changea leur nom de Théséia en celui d’Héracléia, ne s’en réservant que quatre pour lui, selon Philochorus. Il prétendit, dès les premiers jours, gouverner comme auparavant, et reprendre l’administration des affaires ; mais il se vit entravé par des séditions et des troubles civils, et il se convainquit bientôt que ses ennemis d’autrefois avaient ajouté, à la haine qu’ils lui portaient, le mépris de sa faiblesse ; que le peuple, presque tout entier corrompu, au lieu d’obéir en silence, voulait être flatté. Il essaya de le réduire par la force ; mais les démagogues et les factieux rendirent ses efforts inutiles. Désespérant de rétablir son autorité, il envoya secrètement ses enfants en Eubée, auprès d’Éléphénor, fils de Chalcodon : pour lui, après avoir prononcé, à Gargettus, des imprécations contre les Athéniens, dans un lieu qui porte, encore aujourd’hui, le nom d’Aratérion[91], il s’embarqua pour Scyros : il pensait y avoir des amis, et il possédait dans l’île quelques domaines paternels.
Lycomède était alors roi des Scyriens. Thésée alla le trouver, et le pria de lui rendre ses terres, disant que son intention était de faire son séjour dans l’île ; mais il lui demanda, suivant d’autres, du secours contre les Athéniens. Lycomède, soit pour la crainte que lui inspirait la renommée d’un tel homme, soit dans le but de complaire à Ménesthée, conduisit Thésée sur les montagnes de l’île, soi-disant pour lui montrer de là ses terres, et le précipita du haut des rochers. Thésée périt dans la chute. Quelques-uns disent qu’il tomba en faisant un faux pas, comme il se promenait après souper, selon son usage. Personne, dans le temps même, ne tint compte de sa mort. Ménesthée régna paisiblement dans Athènes ; et les fils de Thésée vécurent en simples particuliers, chez Éléphénor, qu’ils suivirent au siège de Troie. Mais Ménesthée mourut à ce siège : ils retournèrent donc à Athènes, et ils rentrèrent en possession de la royauté. Plusieurs siècles après, les Athéniens honorèrent Thésée comme un héros. Ils en avaient plus d’un motif ; mais ce qui les détermina, c’est qu’à Marathon, plusieurs soldats, pendant la mêlée, crurent voir apparaître Thésée en armes, à la tête des troupes, et combattant contre les barbares.
Après les guerres Médiques, Phédon étant archonte, la Pythie ordonna aux Athéniens, qui l’avaient consultée, de recueillir les ossements de Thésée, de leur donner une sépulture honorable, et de les garder avec soin. Mais il n’était pas facile de recouvrer, ni même de reconnaître le tombeau, à cause de la férocité des Dolopes, habitants de l’île, qui n’avaient aucun commerce avec les autres peuples. Cependant, Cimon, s’étant rendu maître de Scyros, comme je l’ai écrit dans sa "Vie", s’occupait activement de cette recherche, lorsqu’il aperçut, dit-on, un aigle qui frappait à coups de bec sur une sorte de tertre, et qui y fouillait avec ses serres. Cimon, saisi tout à coup d’une inspiration divine, fit creuser en cet endroit ; et l’on y trouva la bière d’un homme de grande taille, et, à côté, un fer de pique et une épée. Cimon fit charger ces restes sur sa trirème. Les Athéniens, ravis de joie, les accueillirent avec des processions et des sacrifices : on eût dit que Thésée lui-même revenait dans la ville. Ils les placèrent au centre d’Athènes, près de l’endroit où est maintenant le Gymnase. C’est un lieu d’asile aux esclaves, et à tous les citoyens faibles qui craignent l’oppression des puissants. En effet, Thésée, pendant sa vie, avait été le protecteur des opprimés, et recevait avec humanité les prières de ceux qui venaient implorer son secours.
Les Athéniens célèbrent, en son honneur, un sacrifice solennel, le 8 du mois Pyanepsion[92], jour où il était revenu de Crète avec les autres jeunes gens. On l’honore aussi le 8 de chaque mois, soit parce qu’il arriva pour la première fois de Trézène à Athènes le 8 du mois Hécatombéon[93], comme l’a écrit Diodore le Périégète[94], ou qu’ils crussent que ce nombre lui convenait mieux que tous les autres, parce qu’il passait pour fils de Neptune, et qu’on fait des sacrifices à ce dieu le 8 de chaque mois. La raison, c’est que le nombre huit, étant le premier cube formé du premier nombre pair, et le double du premier carré, représente naturellement la puissance ferme et immuable de Neptune, ce dieu que nous surnommons Asphalius[95] et Gééochus[96].
- ↑ Les Latins écrivaient son nom Sosius. C’était un des premiers personnages de Rome, au temps de Néron et de Trajan. Plutarque lui a aussi dédié quelques-uns de ses ouvrages de morale.
- ↑ C’est un centon formé de quelques portions de vers, prises çà et là dans les Sept contre Thèbes.
- ↑ Homère, Iliade, chant VIII, vers 281.
- ↑ Le premier fondateur d’Athènes avait été Cécrops.
- ↑ Ville de l’Argolide, dans le Péloponnèse.
- ↑ Œuvres et Jours, vers 370.
- ↑ Au vers 11 de la tragédie d'Hippolyte.
- ↑ Égée était roi d’Athènes.
- ↑ Pallas était frère d’Égée ; et ses fils, qui se regardaient comme les héritiers naturels du trône d’Athènes, attendaient impatiemment la mort de leur oncle.
- ↑ Le mot τίθημι, θήσω, signifie déposer, et τιθέναι υἱόν, reconnaître pour son fils.
- ↑ Le portrait de Thésée, par Parrhasius, était au Capitole du temps de Pline. Parrhasius florissait vers l’an 400 avant J.-C. Silanion, statuaire en bronze, était contemporain d’Alexandre.
- ↑ Peuples de l’île d’Eubée, originaires de la Thrace. Homère les appelle chevelus par derrière.
- ↑ Poëte grec né à Paros, vers l’an 700 avant J.-C, et inventeur du vers ïambique.
- ↑ Le mot κορύνη, signifie massue.
- ↑ Sinnis, dit-on, ployait deux pins, attachait à chacun un des bras de la victime, et lâchait en même temps les deux arbres.
- ↑ On ignore s’ils y avaient fondé une ville, ou si le nom d’Ioxides était celui simplement d’une peuplade qui prétendait descendre d’eux.
- ↑ Ce nom signifie noirâtre.
- ↑ Poëte et philosophe, né à Iulis, dans l’île de Céos, contemporain d’Eschyle et de Pindare.
- ↑ Cette expression s’employait proverbialement, surtout au pluriel, pour signifier des maux intolérables.
- ↑ Partie de juillet et d’août.
- ↑ Le mot épée n’est pas dans le texte, mais il est nécessaire au sens, du moins en français. Thésée, en prenant son couteau, ou, si l’on veut, son poignard, rejette son manteau en arrière, et montre, par conséquent, l’épée. Mais je dois dire que, suivant quelques-uns, l’épée et le couteau, ou le poignard, sont ici la même chose, et que Plutarque fait tirer à Thésée non pas un couteau, mais l’épée même qui lui venait de son père.
- ↑ On avait consacré la place désignée par la tradition.
- ↑ Ce temple, qui avait donné le nom au quartier, était consacré à Apollon Delphinien.
- ↑ Dème ou bourg de l’Attique.
- ↑ Autre bourg de l’Attique.
- ↑ C’est encore un bourg de l’Attique.
- ↑ En grec Λεώς.
- ↑ Ce dème tirait son nom de Pallas et des Pallantides.
- ↑ C’est-à-dire des quatre villes de Zénoé, Marathon, Probalinthe et Tricorythe.
- ↑ Historien athénien de la fin du troisième siècle avant J.-C.
- ↑ Ces deux vers sont tirés d’une pièce d’Euripide qui n’existe plus.
- ↑ Aristote avait décrit les gouvernements de cinquante-huit républiques, ouvrage aujourd’hui perdu, et dont il ne reste que des fragments.
- ↑ Ce promontoire était celui qui forme l’extrémité orientale de l’Italie,
- ↑ Ce mot, qui signifie parloir, désigne la plate-forme de la scène, ou, si l’on veut, le plancher du théâtre.
- ↑ Historien né à Lesbos en 495 avant J.-C., et dont il ne reste que des fragments.
- ↑ C’est la teinture écarlate appelée kermès.
- ↑ Κυβερνήσια signifie fête des pilotes.
- ↑ Partie d’avril et de mai.
- ↑ Τράγος signifie un bouc.
- ↑ Historien né dans l’île de Léros, une des Sporades, contemporain d’Hellanicus, et dont nous avons aussi des fragments. Il ne faut pas le confondre avec le philosophe Phérécyde de Scyros.
- ↑ Écrivain inconnu. C’est peut-être le Damon de Cyrène dont parlent Diogène de Laërte et Athénée, qui avait fait un traité sur les philosophes et un autre sur Byzance, et dont l’époque est incertaine.
- ↑ Pasiphae était la femme de Minos.
- ↑ Clidemus ou Clidamus est souvent cité chez les auteurs anciens, surtout chez Théophraste ; et il paraît qu’il y a eu plusieurs écrivains de ce nom, mais on ignore l’époque et le pays où ils ont vécu.
- ↑ Écrivain inconnu.
- ↑ Odyssée, chant XI, vers 630.
- ↑ Poëte tragique et élégiaque du temps de Périclès.
- ↑ J’ignore en quel siècle cet écrivain a vécu. C’était un chroniqueur qui avait recueilli des histoires d’amour.
- ↑ Il répondait à peu près au mois de septembre,
- ↑ Dicéarque de Messène, disciple d’Aristote, auteur d’un grand nombre d’écrits fort estimés dans l’antiquité, et dont il reste quelques fragments.
- ↑ Κέρας signifie une corne.
- ↑ Voyez plus loin la description de cette fête.
- ↑ Partie d’octobre et de novembre.
- ↑ Ces mots donnent le sens du mot irésione.
- ↑ Mesure de capacité correspondant à peu près au quart d’un litre.
- ↑ Le nom de la fête vient de ce qu’on y portait de tels rameaux. Ὦσχος ou ὄσχος veut dire une jeune branche chargée de fruits, et particulièrement le pampre avec ses raisins.
- ↑ Il est plus que douteux que le nom d’Athènes date seulement de Thésée. Les Athéniens, il est vrai, disaient ordinairement Asty, c’est-à-dire la ville par excellence ; mais ils s’étaient mis de tout temps sous la protection de Pallas Athéné, et ils nommaient leur ville la ville de Pallas ou Athènes. Plutarque lui-même se sert du nom d’Athènes, pour désigner la capitale d’Égée. Thésée ne fit qu’étendre le nom primitif à la cité agrandie.
- ↑ C’est-à-dire la fête générale de Minerve, célébrée par tout le peuple athénien.
- ↑ C’est-à-dire la commémoration du changement de résidence.
- ↑ Mois correspondant en partie à juillet, en partie à août.
- ↑ Il dit le peuple d’Érechthée. Iliade, chant II, vers 547.
- ↑ L’art de frapper la monnaie est postérieur de plusieurs siècles à l’époque de Thésée.
- ↑ Taurus, ou le Taureau, vaincu par lui.
- ↑ Cette locution vient plutôt de l’usage des échanges.
- ↑ Ceci est encore un anachronisme. Ces vers, à raison même de leur forme iambique, ne sauraient être de Thésée. Archiloque est l’inventeur de l’ïambe.
- ↑ C’est-à-dire du vaisseau qui aurait transporté les Athéniens députés à la fête.
- ↑ On ignore l’époque où Andron a vécu. Il avait composé un ouvrage intitulé Épitomé des Parentés.
- ↑ Il était de Pont, et il avait écrit une Vie d’Hercule.
- ↑ Auteur d’une Histoire d’Éthiopie. C’était un Cilicien de Soli
- ↑ Cet écrivain n’est point connu d’ailleurs.
- ↑ Au lieu de Soloon, d’autres lisent Soloïs.
- ↑ Le dieu était Apollon Pythien.
- ↑ Autrement dit des nobles.
- ↑ Les génitifs grecs des noms d’Hermus et d’Hermès ne diffèrent que par l’accent : Ἕρμου, Ἑρμοῦ.
- ↑ Partie de septembre et d’octobre.
- ↑ Ce temple était près du bourg de Colone.
- ↑ C’est la Lune qu’on adorait sous ce nom.
- ↑ Ce mot signifie prestation du serment ou jurement d’alliance.
- ↑ Ville de la Magnésie.
- ↑ Le nom de ce poëte est inconnu, à moins que ce ne soit Antimachus.
- ↑ C’est dans les Suppliantes, au vers 24.
- ↑ On peut entendre aussi que Plutarque renvoie à une Vie d’Hercule écrite par lui-même. Il se sert souvent du terme général γέγραπται en ce sens. Cette Vie, s’il l’a composée, n’existe plus.
- ↑ Tragédie aujourd’hui perdue.
- ↑ Aphidnes était à peu de distance d’Athènes.
- ↑ L’Académie, si célèbre par l’enseignement de Platon, était un jardin public ou une promenade aux portes d’Athènes.
- ↑ On ne sait pas de qui sont ces vers.
- ↑ Du mot ἀνοχαί, suspension d’armes.
- ↑ Ἄναξ, ἄνακτος, signifie roi.
- ↑ Ἀνέκας et ἀνέκαθεν, pour ἄνω et ἄνωθεν. Il est inutile de remarquer combien toutes ces étymologies sont futiles.
- ↑ Iliade, chant III, vers 144.
- ↑ WS. Il n’y a pas de note correspondant au no 4)
- ↑ Ce mot signifie le lieu des imprécations.
- ↑ Partie d’octobre et de novembre.
- ↑ Partie de juillet et d’août.
- ↑ Écrivain cité plusieurs fois par Plutarque, et auteur d’un ouvrage sur les tombeaux. On ne le connaît pas autrement.
- ↑ C’est-à-dire qui soutient les fondements de la terre.
- ↑ C’est-à-dire qui embrasse la terre.