Vive la beauté

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Dès l’aurore quand pour boire
Adam Billaut se levait,
Un baiser rend la mémoire

À ma Suzon qui rêvait ;
Dans ses bras, heureux esclave,
Je dis au vieux chansonnier :
Tu peux descendre à la cave,
Moi, je suis bien au grenier.

Vous dont le cœur bat au ventre,
Chantez Bacchus et Comus ;
Pour moi, s’il faut opter entre
Les divinités en us,
Dieux gourmands, je vous néglige,
Et suivant un rit plus beau,
C’est à Vénus Callypige
Que je dis : Introïbo.

L’Alcoran, que je révère,
Traite le vin de poison :
Le vin noie au fond d’un verre
L’amour comme la raison.
L’infortuné, qu’il enivre,
Chancelle en parlant d’amour ;
Fi donc ! l’amant qui sait vivre
Ne doit tomber qu’à son tour.

Tout votre or devient potable,

Et bien souvent au dessert,
Gourmands, vous quittez la table
Comme on quitte un tapis vert.
Prodiguez : je suis avare,
Et le soir, quand je m’endors,
Pour que rien ne m’en sépare,
J’ai la main sur mes trésors.

Sur les genoux de ma belle
Je dîne, et, pour un amant,
Cette méthode nouvelle
Offre plus d’un agrément.
À l’étiquette on échappe,
Puis, à la fin du repas,
On n’a qu’à lever la nappe,
Et l’on met la table à bas.

En vain un docteur morose
Me dit : Jouir c’est vieillir ;
Une guêpe est dans la rose,
Prends des gants pour la cueillir.
Au hasard je marche et j’aime,
Aventureux pèlerin ;
Vive la beauté quand même !
Sera toujours mon refrain.