Voyage de l’Océan Pacifique à l’Océan Atlantique, à travers l’Amérique du Sud/08

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VOYAGE DE L’OCÉAN PACIFIQUE À L’OCÉAN ATLANTIQUE,

À TRAVERS L’AMÉRIQUE DU SUD,

PAR M. PAUL MARCOY[1].
1848-1860. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS[2].




PÉROU.

TROISIÈME ÉTAPE.

DE LAMPA À ACOPIA.


Le maître de poste d’Aguas-Calientes. — Qui rappelle de loin les noces de Gamache le Riche. — L’auteur dévoile dans une épître familière la noirceur et la perfidie de son âme. — Deux crucifix miraculeux. — Renseignements utiles sur la bière de Combapata et sur la façon dont elle est brassée. — Dissertation sur le passé des indiens Canas et Canchis. — Où il est question de César passant le Rubicon. — Arrivée à Acopia.

À partir de ce moment les choses marchèrent à souhait. Le maître de poste avait assigné à chacun sa tâche, afin d’éviter une confusion qui eût entravé le service. Deux Indiens postillons furent chargés d’entretenir le feu, de le souffler toujours et l’attiser sans cesse. Quatre matrones d’un embonpoint notable surveillèrent la cuisson du chupé, qui se composait d’une vieille poule, d’un morceau de mouton séché au soleil et de véritables pommes de terre, le chuño ou patate gelée ayant été déclaré à l’unanimité trop vulgaire et trop méprisable pour une fine bouche comme moi. La dose de sel, de piment ou d’ail, propre à condimenter le bouillon local, fut l’objet d’une discussion de la part des commères, qui ne l’admirent qu’après en avoir délibéré mûrement. Jamais plat couvert, surprise, rareté, délectation gastronomique destinée à réveiller l’appétit blasé d’un despote ou à chatouiller les houppes nerveuses du palais d’un prélat, ne fut surveillé, combiné, coctionné avec plus d’amour, d’attention et de minutie, que le pot-au-feu vulgaire qui bouillait sous mes yeux. Le maître de poste s’était chargé de la friture. Comme Brillat-Savarin, il trouvait apparemment que l’art de frire est un art difficile, et n’avait voulu confier à personne le soin de tenir la queue de la poêle. Son cochon d’Inde, flambé, lavé, vidé, ouvert, englué de saindoux, saupoudré de piment moulu et aplati au moyen d’un pavé qu’il lui avait mis sur le ventre, n’attendait plus que l’instant d’être mis au feu et d’acquérir, par une cuisson vive, cette couleur dorée qui recommande l’animal à l’appréciation des gourmets péruviens.

Ce splendide souper me fut enfin servi, non sur une table, la poste n’en possédait pas, mais sur une mante de bayeta qu’on étendit à terre et devant laquelle je m’accroupis à la façon d’un tailleur sur son établi. Une cuiller de bois fut mise à ma disposition ; de fourchette, il n’en fut pas question, mais mes dix doigts en valaient bien une. Le maître de poste voulut me servir d’échanson. Un quart d’heure me suffit pour souper et dire mes grâces. Alors les spectateurs qui m’entouraient, m’ayant vu traîner mes pellons près du feu et comprenant que j’allais demander au sommeil la réhabilitation de mes forces, se retirèrent dans la pièce voisine en me souhaitant une digestion facile et une bonne nuit. Ñor Medina, sur un signe du maître de poste, s’était mêlé au cortége et l’avait suivi dans l’autre chambre, en laissant tomber derrière lui la peau de vache suspendue par sa queue, qui servait de portière. Bientôt un bruit de mâchoires et d’éclats de rire à la cantonade m’apprit que les serviteurs soupaient de la desserte du maître et prenaient un à-compte sur les joies futures du paradis. Le lendemain je fus sur pied d’assez bonne heure. Le maître de poste était déjà levé. Après lui avoir remis une douzaine de réaux, prix auquel j’évaluai mon souper et la provende de mes mules, je détachai de mon album une feuille blanche, et sur la déclaration itérative de l’individu qu’il ne savait lire aucune espèce d’écriture, j’adressai au général L… les lignes suivantes :

« Mon cher général,

« Le nommé Ignacio Muynas Tupayanchi, maître de poste d’Aguas-Calientes, s’était proposé, à l’exemple de ses concitoyens, de brûler un peu d’encens sur votre passage, quand je l’ai engagé à n’en rien faire, persuadé que j’étais qu’à l’heure où je griffonne ces lignes sur mon genou, vous êtes fatigué d’ovations, de harangues et de banquets officiels. Si donc vous ne trouvez à Aguas-Calientes ni tentures, ni banderoles, ni guirlandes de roseaux verts, n’en veuillez pas au susdit Ignacio, qui n’a fait que céder à une influence étrangère. Ce brave garçon vous dédommagera d’ailleurs, par sa cuisine, de quelques vains honneurs qu’il vous eût rendus. Il excelle dans la friture, et d’un cochon d’Inde vulgaire, il sait faire un manger des dieux ; c’est à ce titre de cuisinier que je vous le recommande, mon cher général, afin qu’en arrivant à Aguas-Calientes vous mettiez à l’essai le talent de son maître de poste, que je n’hésite pas à proclamer aussi bon friturier qu’il m’a paru bon citoyen et dévoué d’âme et de corps à la chose publique.

« Que sainte Rose, patronne du Pérou, veille sur vos jours et sur ceux des êtres qui vous sont chers. »

J’appris plus tard que le malheureux maître de poste, mis en réquisition par le général L… et son escorte, qui avaient pris ma recommandation au sérieux, avait tenu la queue de la poêle pendant dix-huit heures et frit un nombre fabuleux de cochons d’Inde qu’on avait recrutés dans les environs. Mais n’anticipons pas sur les événements.

À deux lieues d’Aguas-Calientes et après une descente peu sensible, mais continue, on arrive à Marangani, un pauvre village qui n’a d’autres titres à l’attention que sa situation à la confluence du Huilcamayo que nous avons vu sortir du lac de Sisaccocha sur le plateau de la Raya, et du ruisseau de Langui, issu de la lagune de ce nom. La température s’est un peu adoucie. Dans quelques anfractuosités de la montagne, à l’abri des vents et du froid, verdoient faiblement de petits carrés de pommes de terre, d’orge, d’avoine, de quinoa et l’oxalide appelé occa, que les Indiens mangent dans leurs chupés.

Un détail géographique et statistique à noter en passant, c’est que l’extrémité nord du plateau de la Raya est la borne frontière qui sépare la province de Lampa de la province de Canchis. Le village de Marangani appartient à cette dernière, une des plus minimes du Pérou. Sa surface est de 180 lieues carrées.

À trois lieues de Marangani, dans l’aire du Nord et sur la rive droite du Huilcamayo, s’élève Sicuani, que les chartes péruviennes qualifient de ville, mais qui n’est en réalité qu’un grand village aussi monotone que mal bâti. Sa population au temps des vice-rois était de 7500 âmes, aujourd’hui elle est à peine de 3000. Un hospice pour les deux sexes, qu’y avait fondé au dix-septième siècle le vice-roi, comte Gil de Lemos, a disparu de la terre avec son fondateur. Quant à la splendide lampe d’argent massif qu’on pouvait voir encore dans l’église de Sicuani au commencement de ce siècle, elle a été remplacée par une ignoble lampe de cuivre à trois becs. Un Espagnol du nom de Joaquin Vilafro l’avait offerte autrefois à la Vierge de Sicuani, non pas tant par dévotion à cette même Vierge que pour s’excuser, vis-à-vis de l’inquisition et du vice-roi, des grandes richesses qu’il avait retirées en très-peu de temps de la mine de Quimsachata, voisine des sources de l’Apurimac, excuse ou précaution qui ne l’empêcha pas d’être pendu par ordre à cause de ces mêmes richesses. La lampe de l’infortuné chapeton, après avoir fait longtemps l’ornement du chœur et l’admiration des fidèles, fut enlevée du lieu saint, portée à la monnaie et servit à fabriquer des piastres pendant la guerre des royalistes et des indépendants. C’est à Sicuani que le cacique Matheo Pumacahua, qui en 1781 avait livré Tupac-Amaru aux Espagnols, reçut, trente-quatre ans après, le prix de ses ses services. Les Espagnols, qui devaient autrefois récompenser sa trahison par les épaulettes de colonel, différèrent longtemps l’exécution de leur promesse et s’acquittèrent enfin envers lui en lui faisant trancher la tête.

Sicuani, vu des hauteurs de Quellhuacocha.

Une merveille naturelle de Sicuani dont les voyageurs n’ont jamais parlé, par la raison péremptoire qu’aucun d’eux ne l’a vue et ignore probablement son existence, c’est la lagune de Quellhuaou mieux Quellhuacocha, comme on l’appelle dans le pays, laquelle est située à l’est de ce village sur les hauteurs qui le dominent. Qu’on se figure, si l’on peut, un saphir liquide de six lieues de circonférence encaissé entre cinq croupes de montagnes, que dépassent à l’horizon les cimes neigeuses des Cordillères de Chimboya et d’Atun-Quenamari, et auquel des totoras, ces roseaux-joncs à larges feuilles, font une charmante ceinture. Rien de plus calme, de plus limpide, de plus fraîchement idéal que ce lac andéen qu’aucun souffle ne ride, qu’aucune barque n’a jamais sillonné, où se peignent seuls des nuages, des étoiles, des rayons de soleil et de lune, et dont la physionomie, qui ne reflète que ces splendeurs du ciel, a quelque chose d’ineffable et de souriant.

San Pablo et San Pedro de Cacha, qu’on trouve à trois lieues nord de Sicuani, sont deux hameaux annexes de la plus triste espèce ; tous deux se suivent et se ressemblent ; c’est la même misère, la même tristesse, les mêmes huttes en torchis. Les gens du peuple prétendent néanmoins que Saint-Paul vaut mieux que Saint-Pierre, et citent à l’appui de leur dire l’école de dix-huit élèves que possède le premier et dont est privé le second. École soit ; mais à ce frivole avantage qu’un recteur d’université pourrait seul apprécier, nous préférons, pour notre part, la noblesse géologique et l’illustration archéologique de Saint-Pierre, qui, s’il n’a pas comme Saint-Paul une école et un magister, a de belles ruines couronnées par un volcan très-respectable, malheureusement éteint aujourd’hui, ce qui diminue sa valeur, et dont les éruptions ont couvert le pays de laves, de scories et de pierres ponces. Ce volcan, dont le cratère est incliné du nord au sud, s’élève sur un soubassement de collines, dans un site appelé Racchi. De là, le nom de volcan de la Riacha, que par corruption les habitants donnent à cette montagne ignivome. Au pied des collines pelées qui lui font un piédestal, on trouve une argile plastique avec laquelle les potiers de la Cordillère façonnent des cruches, des vases, des buires d’un galbe charmant ; des ocres variées, une rubrique appelée taco, qui n’est employée à aucun usage, et de la magnésie que les pauvres ménagères, qui la nomment chacco ou lait de terre, recueillent pour en faire, en la délayant dans un peu d’eau, une poulette ou sauce blanche aux pommes de terre qu’elles préparent pour le repas de la famille.

À quelques jets de flèche des collines de Racchi, dans un endroit appelé Yahuar-pampa[3], se dressent les débris d’un édifice antique qu’on aperçoit de loin, et que les voyageurs, qui les ont aperçus, appellent, dans leurs comptes rendus, les ruines de Tinta, mais sans dire un mot de leur origine. Nous ne savons trop où ces voyageurs ont pu prendre cette dénomination. Est-ce parce que la province de Canchis, où s’élèvent ces ruines, formait autrefois, avec sa voisine la province de Canas, une seule et même province sous le nom de Corregimiento de Tinta ? Nous ne pouvons rien affirmer ; mais ce que nous osons répéter, d’après les historiens de la Conquête, c’est que ces ruines sont celles d’un temple édifié vers le milieu du quatorzième siècle par Viracocha, ou mieux Huira-Ccocha[4], huitième Inca, en souvenir d’un songe où un vieillard à longue barbe, vêtu d’une robe flottante et tenant un dragon enchaîné, était apparu à ce prince, alors que, jeune encore, il gardait les moutons de l’empereur Yahuar-Huacac son père, dans les plaines de Chita[5].

Temple de Huira-Ccocha, d’après l’historien Garcilaso de la Véga.

Ce songe, dans lequel l’héritier présomptif avait cru voir un ordre d’en haut relatif à la réduction des Chancas, et que plus tard il accomplit religieusement en exterminant trois mille de ces indigènes et en annexant leur territoire à l’empire, ce songe valut à la contrée un temple commémoratif long de quatre-vingts mètres, large de quarante, et dont les murs, élevés de dix mètres, étaient construits moitié en belles pierres et moitié en pisé. L’édifice était assis sur un plateau qui commandait les environs, on y arrivait par cinq rangs d’andanerias en retraite, qui formaient comme autant de degrés. Il avait trois portes et trois fenêtres sur chaque côté du nord et du sud ; une porte et deux fenêtres sur chacune de ses façades. Cinq piliers placés de distance en distance sur les murs principaux, et reliés par des poutrelles transversales, servaient d’appui aux maîtresses poutres qui supportaient un toit de chaume. La saillie exagérée de ce toit formait sur les bas côtés de l’édifice comme une manière d’auvent sous lequel les passants surpris par une averse pouvaient se mettre à couvert.

D’après Garcilaso, qui n’accorde à ce temple que quarante mètres de longueur sur vingt mètres de largeur, c’est à-dire la moitié moins de ce que lui donnent Pedro de Cieça et le révérend Acosta, et qui prétend en outre qu’il n’était couvert d’aucun toit, conformément au songe dont il perpétuait le souvenir, lequel avait eu lieu dans la campagne et sub Jove crudo ; selon ce même Garcilaso, disons-nous, la décoration intérieure du temple consistait en un simple cube de porphyre noir sur lequel était placée la statue du vieillard mystérieux qui jadis était apparu à l’Inca Viracocha. À l’époque de la conquête, les Espagnols jetèrent bas cette statue et brisèrent son piédestal, dans l’idée qu’ils recouvraient un trésor caché.

Temple de Huira-Ccocha, d’après les historiens Pedro de la Cieça et Acosta.

De ces splendeurs architecturales, il ne reste aujourd’hui que des pans de murs d’environ vingt pieds de hauteur. Il est vrai que ces murs présentent neuf portes, quand l’édifice primitif n’en avait que huit, au dire de Pedro de Cieça et du père Acosta. Heureusement nous sommes seul à le savoir ; car si cette neuvième porte, sur laquelle on ne comptait pas, eût été retrouvée par les délégués d’une société savante, non-seulement elle offrait entre sociétés rivales matière à dissidences et prétexte à brochures, mais plus d’un bel esprit paradoxal eût ri de la trouvaille et prétendu en public que le temps, ce temps vorace et insatiable, tempus edax, qui ronge, qui grignote, émiette, amoindrit nos pauvres édifices, ajoute au contraire à ceux du Pérou. Par égard pour la chronique et la tradition, duègnes respectables, nous ne dirons rien de semblable ou même d’approchant. Nous admettrons, avec les historiens susdénommés, que le temple dont il s’agit avait bien huit portes et seulement huit portes ; mais qu’une secousse du volcan voisin a pu pratiquer la neuvième ; c’est le seul moyen de tout concilier.

Ruines du temple de Huira-Ccocha.

Deux lieues séparent Saint-Pierre et Saint-Paul de Cacha du village de Combapata. Pour atteindre ce dernier point, on descend sans cesse, et à mesure qu’on descend la température s’adoucit et quelques bandes de verdure s’étendent au pied des montagnes. Combapata, dont il n’est fait mention dans aucun traité de géographie et qui ne figure encore sur aucune carte connue, est un village d’une soixantaine de feux, situé près d’une rivière assez tapageuse. Sa petite église est des plus proprettes, et le badigeon blanc qui la recouvre, tranche agréablement sur le fond terreux des chaumières de la localité. Un christ de grandeur naturelle, dû au ciseau d’un sculpteur de Huamanga et vénéré des fidèles sous le nom du Seigneur de Combapata, décore le maître-autel de cette église. Ce christ a le don des miracles ; il a rendu la vue à des aveugles, l’ouïe à des sourds et la parole à des muets. Au dix-huitième siècle, quand les jésuites furent exilés du Pérou, des larmes de sang coulèrent, dit-on, de ses yeux d’émail. Le même prodige se renouvela en 1821, quand le vice-roi la Serna, banni de Lima par les indépendants, se vit contraint de partir pour l’Espagne. Malheureusement pour le Seigneur de Combapata, le christ de Tungasuca, un village voisin, a aussi le don des miracles. Ce dernier, connu sous le nom du Seigneur d’Añaipampa, rend fécondes les femmes stériles, guérit les maladies réputées incurables et préserve les moutons du claveau. Comme son émule, le Seigneur de Combapata, il pleure, à l’occasion, des larmes de sang sur les misères de ce monde. De cette conformité de pouvoirs entre les deux Seigneurs, il est résulté une rivalité haineuse entre les fidèles des deux paroisses. C’est à qui vantera plus haut le christ de son village, en affectant de déprécier celui du village voisin. Maintes fois, dans les solennités bachiques par lesquelles chaque village célèbre la fête de l’Homme-Dieu, on a vu des Indiennes, ivres de fanatisme et d’eau-de-vie, se battre à coups de tête comme des béliers, pour la plus grande gloire de leur Seigneur.

La rivière qui côtoie le village et, sous le nom de rio de Combapata, vient se jeter dans le Huilcamayo, prend sa source sur le versant occidental des Andes du Crucero, entre les provinces de Lampa et de Carabaya. Elle est aurifère, et, quand la fonte des neiges a grossi son cours, elle charrie sous ses flots bourbeux des parcelles d’or détachées des montagnes. Les habitants du pays avaient établi autrefois un lavadero sur ses bords. La pente rapide des terrains qu’elle arrose, donne à ses crues un caractère formidable ; c’est moins un torrent qui se précipite, qu’une avalanche qui s’abat brusquement sur la contrée environnante, qu’elle submerge en un instant. Deux ponts de pierre de deux arches, d’une solidité de construction à défier les siècles, ont été emportés successivement par cette rivière. Chacun de ces ponts avait coûté deux mille piastres (10 000 fr.) à la province, comme les ressources de celle-ci sont assez bornées, ses habitants, par mesure d’économie, en sont revenus aux ponts-balançoires en osier tressé, dont leurs aïeux s’étaient servis pendant six siècles.

Le crucifix de Combapata.

Ce qui distingue Combapata des autres villages de la Sierra n’est ni son christ miraculeux, ni l’or que charrie sa rivière ; c’est la qualité de la chicha que fabriquent ses habitants. Longtemps on ignora par quel procédé les matrones de ce village obtenaient leur bière locale, dont la transparence et l’odeur rappellent le clairet d’Espagne appelé manzanilla. Mais ce secret finit par être divulgué ; aujourd’hui chacun sait que la qualité de cette chicha est due à la mastication préalable du guñapo ou maïs germé avec lequel on la fabrique. L’invention de ce procédé remonte aux anciens Aymaras. Les cabaretières de Cochabamba dans le haut Pérou, descendantes de ces autochtones, l’emploient encore avec succès. Ce procédé, sur lequel nous croyons devoir appeler l’attention des rédacteurs de la Cuisinière bourgeoise et des éditeurs de Recueils utiles, est des plus simples et des moins dispendieux. Quelques vieillards des deux sexes s’accroupissent autour d’un monceau de maïs concassé ; chacun prend au tas une poignée de ce maïs qu’il porte à sa bouche et mâche avec plus ou moins de vigueur et pendant plus ou moins de temps, suivant le degré de vétusté de ses molaires. Quand ce maïs paraît au travailleur suffisamment broyé, il le crache dans sa main et le dépose sur un morceau de cuir placé près de lui et où la cabaretière vient le prendre pour le jeter dans la jarre qui tient lieu de chaudière.

Mastication du maïs.

D’après quelques chimistes du pays qui ont analysé la chose, c’est à une addition notable des sucs salivaires et aux sécrétions de la membrane pituitaire qui s’y trouvent mêlées, que le maïs de Combapata doit les qualités précieuses qu’il communique à sa chicha. Je ne saurais dire si la chimie locale a tort ou raison, ayant toujours refusé de goûter à cette bière de la province de Canchis ; mais j’avoue m’être arrêté parfois devant les chicherias où on la fabrique, et avoir pris plaisir à regarder les chiqueurs de maïs des deux sexes qui y étaient réunis ; Les bouches de ces braves gens, qui s’ouvraient et se refermaient avec une précision mécanique, et cela sans désemparer, me rappelaient, en même temps que la patrie absente, les dentiers de Désirabode, s’agitant du matin au soir dans leur cadre vitré.

Village et lagunes de Combapata.

Au sortir de Combapata on se dirige vers Checcacupi, distant de trois lieues. Checcacupi est un pauvre village d’une trentaine de feux, situé près d’une petite rivière, descendue, comme celle de Combapata, des Andes du Crucero. On traverse cette rivière sur un pont de pierre qui date de l’époque des vice-rois, et laissant derrière soi les provinces limitrophes de Canchis et de Canas, autrefois comprises dans le Corregimiento de Tinta, on entre dans la province de Quispicanchi. Avant de passer outre, jetons un rapide coup d’œil sur le passé de la double province que nous abandonnons pour ne la plus revoir.

Longtemps avant l’apparition des Incas au Pérou, deux nations rivales, les Canas et les Cachis, occupaient un territoire de plus de douze cents lieues carrées qui, du nord au sud, s’étendait des Sierras de Chimboya et d’Atun-Quenamari aux plateaux d’Ocoruro, et de l’est à l’ouest, de la Cordillère de Huilcanota au torrent de Chuquicabana. Le Huilcamayo, que nous avons vu naître à Aguas-Calientes et suivi jusqu’à Checcacupi, coupait en deux une partie de ce territoire. Les Canas occupaient dans le nord et l’ouest l’emplacement actuel des villages de Pitumarca, Combapata, Tinta et Yanaoca, et s’étendaient jusqu’aux hauteurs de Pichigua et de Mollocahua, voisines de la rivière Apurimac. Les Canchis habitaient la partie de l’est et du sud comprise entre les villages actuels de Saint-Pierre et Saint-Paul de Cacha, Sicuani et Marangani, jusqu’au plateau de la Raya[6].

Ces deux nations, fortes d’environ vingt-cinq mille hommes, étaient gouvernées par leurs curacas ou chefs respectifs. Leur rivalité, qui remontait à des temps reculés et qui occasionnait entre elles de sanglantes querelles, paraît n’avoir eu d’autre cause que la différence de leur origine et de leur humeur. Les Canas, habitants primitifs de la Sierra-Nevada, tiraient leur nom du volcan de Racchi qui dominait leur territoire et dont ils se vantaient d’être issus, Cana, dans l’idiome quechua, veut dire foyer d’incendie. Les Canchis étaient venus jadis des régions tempérées qui avoisinent Arequipa. Leur nom rappelait le sol natal, ses pâles fleurs et ses verdures. Cancha, en quechua, signifie enclos ou jardin. À cette différence d’origine s’ajoutait chez ces indigènes la différence du costume, invariablement noir chez les premiers et bariolé chez les seconds.

Le caractère de ces nations cadrait à merveille avec leur nom patronymique. Les Canas, d’une humeur ordinairement sombre et taciturne, mais bouillante et impétueuse à l’occasion, jaloux de leur indépendance au point de tout lui sacrifier, avaient lutté pendant quatre siècles contre l’envahissement des Incas et n’avaient subi le joug de ceux-ci qu’à la suite d’une alliance, ou la fille de l’Atun-Cana, chef de leur nation, était devenue une des trois cents femmes de Huayna-Ccapac, douzième empereur de Cuzco. Les Canchis, au contraire, d’un caractère doux et timide, d’un esprit tiède et indécis, comme le climat sous lequel ils étaient nés, s’étaient soumis sans résistance à la domination des Fils du Soleil.

Au seizième siècle, le territoire des Canas et des Canchis fut réuni en une seule province sous le nom de Corregimiento de Tinta, et ces indigènes, qui ne formaient plus qu’un seul et même peuple, passèrent du joug des empereurs sous celui des vice-rois. Pour eux le licou remplaça le collier. Comme leur constitution robuste les rendait propres au travail des mines, ils furent féodalement exploités par leurs nouveaux maîtres. Chaque année, des recruteurs espagnols venaient prélever une dîme au nom de l’État, sur la double population. Les malheureux désignés par le sort se réunissaient devant l’église, pour entendre une messe dite à leur intention et qu’ils étaient tenus de payer eux-mêmes. À l’issue de cette messe, le curé, après avoir reçu leur serment de fidélité et obéissance au roi d’Espagne, les aspergeait d’eau bénite, prononçait sur eux la formule accoutumée : Vete con Dios, et leur tournait le dos.

Ces recrues, escortées de parents et d’amis qui répondaient à leurs larmes par des gémissements, prenaient alors le chemin de Cailloma, de Carabava, de Potosi, sites des riches gisements de minerai que les vice-rois du Pérou faisaient exploiter un peu pour leur compte et pour celui du roi d’Espagne. Là, voués aux travaux d’excavation, ces Indiens descendaient dans bocaminas et les socabons — puits et galeries — Où la privation de l’air pur auquel ils étaient accoutumés et les émanations des gaz délétères leur occasionnaient, disent les docteurs du pays, une espèce d’asthme appelée chacco dont ils mouraient dans l’année. Quand cette provision de travailleurs était épuisée par la mort, les représentants de la monarchie espagnole n’avaient qu’à se baisser et prendre au tas humain pour le renouveler.

Les choses durèrent ainsi pendant plus de deux siècles, puis les populations lassées de ce joug accablant se soulevèrent. Les habitants d’Aconcahu, dans la province de Canas, exaspérés par une augmentation du tribut d’or en poudre qu’ils étaient tenus de payer à l’État, s’emparèrent du collecteur espagnol qui le leur réclamait et lui donnèrent à boire de ce métal fondu[7] ; puis, pour échapper aux poursuites de la justice, ils abandonnèrent à jamais leur village, dont l’emplacement est encore reconnaissable aujourd’hui. Tupac-Amaru, cacique de Tungasuca, après avoir pendu de sa propre main le corrégidor de Tinta, Antonio Arriega, et soulevé contre les Espagnols la population du pays, fut défait par ceux-ci et périt dans d’atroces supplices. Angulo, Bejar, Pumacahua, Andia, qui succédèrent à Tupac-Amaru, payèrent de leur tête l’œuvre d’émancipation qu’ils avaient entreprise et que neuf ans plus tard Simon Bolivar réalisa dans les plaines d’Ayacucho.

À l’époque où les premiers essais d’affranchissement furent tentés dans la contrée, le Corregimiento de Tinta était divisé en six districts. C’étaient ceux de Sicuani, Tinta, Checca, Checcacupi, Langui et Yauri, lesquels comprenaient vingt-trois villages que leur situation sur la montagne ou dans la plaine, et partant la différence de leur température, avait fait classer en villages d’en haut et villages d’en bas. Plusieurs de ces villages n’existent plus. D’autres ne sont aujourd’hui que de simples estencias (fermes) ; mais par respect pour leur mémoire et les souvenirs qu’ils rappellent, les statisticiens du pays leur ont conservé depuis quarante ans, dans leurs comptes rendus annuels, et leur conserveront longtemps encore, le rang et la situation qu’ils occupaient jadis. Ainsi, l’illustre grenadier dont s’honore la France continua de figurer après mort sur la liste du régiment dont il avait fait partie, et de répondre à l’appel nominal de chaque jour par la voix d’un de ses frères d’armes.

Tout en applaudissant à la pensée de ces statisticiens, évidemment inspirés par le plus pur patriotisme et la piété du souvenir, nous ne pouvons nous empêcher de blâmer l’artifice dont ils ont usé, dans leur annuaires, pour donner à l’Europe en général et aux républiques voisines en particulier une haute idée des forces numériques de la contrée. D’après eux, le chiffre de la population actuelle de chacune des provinces de Canas et Canchis serait celui de la population entière du Corregimiento de Tinta au temps de sa splendeur. Par malheur pour ces messieurs, on sait que de toutes les Provinces du bas Pérou, celle de Tinta fut précisément la plus maltraitée pendant la durée de l’occupation espagnole. Sa population, décimée tour à tour par les épidémies, les subsides de la Mita, les enrôlements forcés, les émigrations volontaires, les exigences du pouvoir spirituel et les révolutions politiques, ne comptait en 1792 que trente-six mille trois cent quatorze individus ; en 1820, elle avait atteint le chiffre de trente-six mille neuf cent soixante-huit ; en 1836, celui de trente-sept mille deux cent dix-huit. Or, cette même population qui, en quarante-trois ans, ne s’était augmentée que de neuf cent quatre individus, vient d’atteindre subitement le chiffre de soixante-cinq mille ! — Pareille hyperbole serait à peine admise chez un poëte, et considérée chez un prosateur comme un excès d’emphase et une redondance de mauvais goût ; à plus forte raison chez un faiseur de statistique, pour qui la vérité doit toujours être nue comme au sortir du puits.

Pont de Crisnejos, sur la rivière Combapata.

En quittant le village de Combapata, il avait été convenu avec Ñor Medina que nous passerions la nuit à Checcacupi, et que le lendemain nous pousserions jusqu’à Huaro, en doublant l’étape et traversant, sans nous y arrêter, les villages de Quiquijana et d’Urcos. Un voyage dans la Cordillère, s’il paraît monotone et soporifique au lecteur qui le lit, le paraît bien plus encore au voyageur qui l’effectue. Où le premier commodément assis, convenablement restauré, les pieds chauds et le coude appuyé sur sa table, se contente de bailler et de tourner rapidement les pages du livre, afin d’arriver plus tôt à la fin, le second maugrée et enrage de ne voir autour de lui, durant des semaines entières, que des pierres et des êtres pétrifiés, d’avoir à subir dans la même journée le froid et la chaleur, la grêle, la neige et la pluie, le tonnerre et les éclairs, sans compter la faim, la soif et la fatigue, les déceptions de tout genre et les insectes parasites qui l’attendent à la couchée. Encore si, pour abréger son martyre, ce voyageur avait la facilité qu’on a chez nous de tripler les relais et de brûler le pavé de la route ! mais cette ressource lui est interdite. D’abord la route qu’il suit n’a point de pavés, ensuite en surmenant la mule qui le porte, il courrait risque de la voir rester en chemin et d’y rester lui-même. Il faut donc qu’il contienne son impatience et qu’il se résigne à ne marcher qu’à pas comptés dans la voie fatale où, comme les âmes pécheresses d’Alighieri, il doit traverser des zones purificatoires et des cercles d’épreuves avant de jouir du repos. Tout au plus, dans le cours de son odyssée, est-il permis à l’infortuné de jurer de par tous les diables, ou de bénir la Providence, selon qu’il a le ventre vide et peu d’espoir de le remplir, ou qu’accroupi devant le feu d’une hutte postale, il écoute avec ravissement le murmure de son souper qui bout dans la marmite.

J’ai dit que nous devions terminer la journée à Checcacupi. Mais chemin faisant et tout en causant de choses indifférentes avec mon guide, je songeais à part moi que Checcacupi, à en juger par la stérilité de ses environs, ne devait offrir aucune ressource, et que nous en serions réduits à nous mettre au lit sans souper, ce qui me paraissait infiniment triste. Or, comme le lendemain nous devions passer de la rive droite de Huilcamayo sur la rive gauche, et suivre désormais cette dernière jusqu’à Cuzco, l’idée me vint d’effectuer sur-le-champ cette traversée et de pousser jusqu’à Acopia, où nous avions quelque chance de trouver à la fois le gîte et le souper. Comme c’était un trajet de deux lieues à faire encore, je me gardai bien de communiquer mon idée à Ñor Medina, qui n’eût pas manqué de prétendre que ses mules, éreintées par douze lieues de Cordillère équivalant à dix-huit lieues de plaine, boitaient des quatre jambes et soupiraient après le repos du corral, comme le cerf altéré de l’Écriture après les sources vives : Quemadmodum desiderat cervus ad fontes aquarum. Nous continuâmes donc notre marche. Arrivés par le travers de San Juan, petit hameau orné d’une lagune, mon guide s’étant arrêté en me priant de passer outre, je profitai de l’incident pour descendre vers la rivière et chercher un endroit guéable.

Un lit de cailloux jonché de grosses pierres se dessinait sous la transparence de l’eau. J’y poussai résolûment ma mule. Ñor Medina, debout sur la hauteur, vit ce changement d’itinéraire. Sans prendre le temps de rajuster ses grègues, il enfourcha sa monture et accourut au galop.

« Où va donc monsieur ? me cria-t-il.

— Vous le voyez, dis-je, je passe le Huilcamayo : Kubos aneriphto. Puisse, comme à César, le destin m’être favorable !

— Mais la rivière est pleine de trous ! mais vous allez vous noyer et estropier ma mule ! »

À ce cri d’une âme vénale, je ne répondis que par un geste d’épaules ; ce que voyant, mon guide entra dans la rivière et m’eut bientôt rejoint.

« Pourquoi monsieur a-t-il pris ce chemin ? » me demanda-t-il assez brusquement.

La question de Ñor Medina était si naturelle, que je fus tenté d’y répondre que la peur de souper de mémoire à Checcacupi m’avait poussé à passer la rivière. Mais le ton dont cette question était faite, arrêta sur mes lèvres la confidence près d’éclore. Je regardai l’homme du haut en bas et lui répondis :

« J’ai pris ce chemin pour des raisons particulières.

— Ah ! fit-il ; et où va monsieur de ce pas ?

— À Acopia.

— À Acopia ?

— À Acopia !

— Cela suffit. Dès que monsieur a des raisons particulières pour aller à Acopia, il est de mon devoir de me conformer à ces raisons et de le suivre. »

Il achevait à peine, que sa mule pirouettait sur les pierres glissantes, et dans les efforts qu’elle faisait pour garder l’équilibre, nous mouillait tous les deux des pieds à la tête.

Une aspersion dans la Cordillère n’est jamais agréable ; mais malgré l’impression glaciale que m’occasionna celle-ci, je ne pus m’empêcher de rire en voyant Ñor Medina, dont la bile était allumée, chercher querelle à sa monture et la qualifier de sans cœur et de propre à rien, injure à laquelle une mule est particulièrement sensible, soit parce qu’elle indique un certain mépris pour la bête, ou qu’on l’accompagne habituellement de quelques coups de bride.

Nous touchâmes à l’autre rive. Après nous être épongés de notre mieux, nous nous mîmes en marche, laissant à notre gauche Saint-Jean et sa lagune d’où sort un ruisseau qui se rend au Huilcamayo. Si, comme l’avait dit précédemment Ñor Medina, son devoir était de me suivre, je dois dire à sa louange qu’il le remplit, mais en mettant entre nous deux une distance de trente pas géométriques qui me fit comprendre qu’il boudait. L’arriero péruvien est éminemment susceptible. Un rien le choque ; il est froissé d’une vétille. Son humeur est un lac limpide qui se ride au moindre zéphyr. Le seul fait de passer d’une rive à l’autre du Huilcamayo sans prendre conseil de mon guide, avait suffi pour le blesser et l’indisposer contre moi. Par égard pour ma qualité de voyageur payant, je m’abstins de le rappeler près de moi et le laissai cheminer à sa guise. Nous arrivâmes à Acopia sans avoir échangé une parole.

  1. Suite. — Voy. t. VI, p. 81, 97, 241, 257 et 273.
  2. Les gravures qui accompagnent le texte de M. Marcoy ont été exécutées d’après ses albums et sous ses yeux par M. Riou.
  3. Plaine du sang, ainsi nommée parce que l’Inca Huiracocha y défit complétement son père Yahuar-Huacac, lequel, déposé par ses sujets à cause de ses vices, était venu revendiquer ses droits à l’empire à la tête de trois mille Indiens Chancas qui périrent dans l’engagement.
  4. Écume du Lac, ainsi nommé à cause de sa blancheur lactée, disent les historiens du dix-septième siècle ; mais l’exagération habituelle de ces estimables auteurs nous fait croire que cette prétendue blancheur de Huira-Ccocha n’ótait qu’une nuance café au lait, au lieu de la teinte de brique brûlée qui caractérisait les gens de sa race. La sœur et épouse de cet Inca, qui se distinguait également des siens par une blancheur relative, fut appelée Mama Runtu (la mère l’œuf).
  5. Nous laissons aux historiens de la conquête la responsabilité de ce songe apocryphe et le soin d’expliquer la présence du jeune prince dans l’affreux désert de Chita, c’est-à-dire à quarante lieues sud de Cuzco, la capitale de l’empire, et gardant des moutons que les conquérants n’introduisirent en Amérique que deux siècles plus tard.
  6. Les limites assignées aujourd’hui à ces deux provinces ne rappellent qu’imparfaitement celles de leur ancien territoire.
  7. Para saciar de este modo la sed insaciable del recaudador. Pour apaiser par ce moyen la soif insatiable du collecteur, dit naïvement Pedro Celestino Florez, qui rapporte ce fait dans un opuscule intitulé : Patriotismo y amor á la liberdad. L’honnête écrivain ajoute en manière de réflexion : L’oppression des mandataires du pouvoir et le manque de justice dans un pays, poussent souvent les opprimés à commettre ces choses fâcheuses, qui méritent d’être excusées, eu égard aux circonstances.