Waverley/Avertissement

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Waverley ou Il y a soixante ans
Traduction par Albert Montémont.
Ménard (Œuvres de Walter Scott, volume 5p. 5-7).


AVERTISSEMENT

DE
L’AUTEUR,
MIS EN TÊTE DE LA PREMIÈRE ÉDITION D’ÉDIMBOURG.




Depuis quelques années, l’auteur de Waverley s’occupait, à diverses reprises, de revoir et de corriger la volumineuse série de romans mis au jour sous ce nom, afin que, si ces productions étaient jamais publiquement reconnues par lui, il pût, en quelque sorte, les rendre dignes de la faveur dont on n’a cessé de les honorer depuis leur première apparition. Toutefois l’auteur put croire pendant long-temps que l’édition perfectionnée et annotée qu’il méditait serait une publication posthume. Mais le concours des événements qui ont amené la découverte du nom de l’auteur, lui ayant rendu le droit d’une sorte de critique paternelle sur ses propres ouvrages, il se trouve tout naturellement porté à ne les livrer à la presse que revus et même corrigés, puisque la vie et la santé dont il jouit lui permettent de les examiner de nouveau, et de les revêtir de tous les éclaircissements nécessaires. Telle étant l’intention de l’auteur, il se trouve obligé de dire quelques mots sur le plan de l’édition projetée.

De ce que cette édition est annoncée comme devant être revue et corrigée, on ne doit pas inférer qu’on eût le dessein de changer l’ordre du récit, le caractère des acteurs ou l’esprit du dialogue. Sans doute tous ces points sont susceptibles d’être retouchés ; mais, comme dit le proverbe, où l’arbre tombe, il doit demeurer. Toute tentative dans la vue de prévenir la critique même la plus juste est généralement infructueuse quand elle a pour objet de changer un ouvrage déjà mis au grand jour de la publicité.

Dans les fictions même les plus improbables, le lecteur désire rencontrer quelque air de vraisemblance. Il trouverait mauvais que les incidents d’un conte qui lui est familier fussent altérés pour satisfaire le goût des critiques ou le caprice de l’auteur lui même. Ce concours de sentiments est si naturel à l’homme, qu’on le remarque même chez les enfants, qui ne peuvent souffrir qu’on leur répète un conte de leur nourrice d’une façon différente du premier récit qui leur en a été fait.

Mais, sans modifier en rien les fictions ou la manière de les narrer, l’auteur a saisi cette occasion pour corriger tout à la fois les fautes d’impression ou les erreurs qui auraient pu lui échapper. Et en vérité, ces fautes, ces erreurs ne doivent étonner personne, si l’on songe à la série non interrompue d’éditions de ces divers romans que les éditeurs ont, dans leur intérêt, jugé à propos de livrer au public ; éditions que l’auteur n’eut point occasion de revoir, comme cela se doit en pareil cas. Il y a tout lieu d’espérer que l’on trouvera la présente édition affranchie de ces erreurs accidentelles.

L’auteur s’est aussi hasardé à faire quelques corrections d’une autre nature, qui, ne s’écartant pas des fictions originales au point de troubler les premières impressions des lecteurs, ajouteront, selon lui, à la vivacité du dialogue, à celle du récit et des descriptions. Ces corrections consistaient à faire quelques retranchements aux endroits où le langage était surabondant, à resserrer le style dans ceux où il était lâche et diffus, à lui donner de la vigueur lorsqu’il se trouvait faible et languissant ; enfin, à substituer à des épithètes trop emphatiques d’autres plus convenables au sujet. En définitive, ces légers changements peuvent se comparer aux dernières touches d’un artiste. Un œil inexpérimenté ne peut en découvrir l’utilité réelle, et cependant elles ajoutent à la perfection et au fini de la peinture.

La préface générale de la nouvelle édition et les notices qui servent d’introduction à chaque ouvrage séparé contiendront une exposition des diverses circonstances qui ont accompagné la première publication des romans et des contes, en tant que ces circonstances seront susceptibles par elles-mêmes de quelque intérêt, ou qu’elles seront jugées propres à devoir être communiquées au public. L’auteur se propose aussi de publier, à cette occasion, les diverses légendes, les traditions de famille, les faits historiques reconnus obscurs qui ont servi de base à ces romans, et d’offrir une légère description des lieux témoins des scènes par lui décrites, lorsque ces lieux ne sont pas totalement imaginaires. L’auteur présentera aussi l’énumération des incidents particuliers fondés en fait ; il publiera enfin un glossaire plus étendu que les précédents, ainsi que des notes explicatives sur les anciens usages et les superstitions populaires auxquelles il fait allusion dans ses romans.

En résumé, l’auteur espère que ses productions, dans leur nouvelle parure, ne seront point considérées comme ayant perdu de leur attrait parce qu’elles auront reçu des éclaircissements et qu’elles auront été soumises à un examen scrupuleux.

Abbotsford, janvier 1829.