Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/18

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court quelque danger. Mais je ne vois rien d’extraordinaire là-dedans. Il ne faut pas crier miracle quand les gens font bonne chère, et conduisent eux-mêmes ensuite leur voiture après dîner.

— Lui !… cria M. Mantalini avec une espèce de sifflement prolongé ; alors, je vois bien que vous ne savez pas comment la chose s’est passée.

— Ma foi ! non, si ce n’est pas ce que je supposais, » répliqua Ralph en haussant les épaules d’un air d’indifférence, comme pour faire entendre à son interlocuteur qu’il n’avait aucune curiosité d’en savoir davantage.

« Diable ! vous m’étonnez, » cria Mantalini.

Ralph haussa encore les épaules, voulant dire qu’il ne fallait pas grand’chose pour étonner M. Mantalini, et jeta un regard d’intelligence à Newman Noggs, dont la figure s’était déjà montrée plusieurs fois derrière la porte vitrée ; car c’était une de ses fonctions, quand son patron recevait la visite de gens sans conséquence, de se présenter de temps en temps, comme s’il avait entendu le signal de la sonnette pour les reconduire, manière polie de leur faire savoir qu’il était temps de déguerpir.

« Quoi ! vous ne savez pas, dit M. Mantalini prenant Ralph par un bouton de son habit, que ce n’est pas du tout un accident, mais une diable d’attaque, un abominable guet-apens de votre neveu ?

— Comment ? dit en grondant Ralph Nickleby, les poings crispés et la figure livide.

— Sapristi ! Nickleby, dit Mantalini alarmé de ces démonstrations belliqueuses, à ce que je vois, l’oncle est un fier tigre aussi, comme le neveu.

— Continuez, cria Ralph ; dites-moi ce que cela signifie. Qu’est-ce que c’est que tous ces contes ? Qui vous l’a dit ? Parlez, dit-il en grommelant. Voyons ! m’entendez-vous ?

— Diable ! Nickleby, dit M. Mantalini se retirant tout doucement du côté de sa femme, savez-vous que vous avez l’air d’un terrible mauvais génie, avec votre physionomie féroce ? Vous êtes dans le cas de faire perdre connaissance à cette petite délicieuse âme de ma vie, en vous laissant emporter aux ravages brûlants de la plus enragée colère que j’aie jamais vue, le diable m’emporte !

— Bah ! répliqua Ralph faisant semblant de sourire, ce n’est qu’une frime.

— Si c’est une frime, dit M. Mantalini en ramassant sa canne, c’est une chienne de mauvaise frime, comme on en voit aux petites-maisons. »