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IDE
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une idée sur les hommes, les événements, la société, etc., l’être humain doit essayer de la faire partager aux autres hommes. Il ne faut jamais cacher son idée ou la camoufler. Il ne faut, non plus, jamais hésiter à abandonner une idée quand les faits et l’analyse en démontrent la fausseté.

L’homme sincère et probe envers lui-même n’hésitera pas à mettre tout en jeu : liberté, situation, pour assurer le triomphe de son idée. Les anarchistes sont même prêts à risquer leur vie pour que triomphe l’idée de liberté, d’amour et de bien-être qu’ils ont adoptée après mûre réflexion, parce qu’elle leur semble la seule juste et la seule compatible avec la dignité d’homme.

On dit aussi : j’ai quelque chose en l’idée — le mot est alors pris dans le sens d’esprit qui conçoit.

Le mot idée est pris aussi dans le sens de souvenir, image, imagination (être heureux en idée), anticipation (idée sur la société future).

L’idée fixe est une pensée dominante dont on est obsédé.


IDÉE GÉNÉRALE de la Révolution au xixe siècle. — Un des ouvrages les plus solides de Proudhon, dans lequel l’auteur, avec maîtrise, fait la critique du gouvernement et expose ses vues sur la tactique révolutionnaire et où il affirme avec force la suppression du gouvernement par l’organisation économique anarchiste.


IDENTITÉ n. f. (du latin identitas). Ce qui fait qu’une chose est la même qu’une autre : l’identité de deux propositions. État d’une chose qui demeure toujours la même : l’identité de la personne humaine.

En Mathématiques : Égalité dont les deux membres sont identiquement les mêmes, ou encore dont les deux membres prennent des valeurs numériques égales, quelles que soient les valeurs numériques attribuées aux lettres.

En Philosophie : Principe d’identité, principe logique de la connaissance, qu’on formule ainsi : A est A, ou : Ce qui Est, Est.

En Droit : Ensemble de circonstances qui font qu’une personne est bien telle personne déterminée.

Dans la matière, où tout est changement, apparence, mouvement, phénomène, l’identité n’existe pas. Il n’y a pas deux êtres qui soient absolument identiques, qui soient absolument les mêmes. Deux cheveux pris sur la même tête, deux feuilles sur le même arbre, ne sont pas identiques : ils ne sont que semblables.

Si l’on dit : « Ces deux sœurs portent les mêmes robes, des robes identiques », mêmes, exprime la similitude ; identiques, est employé au figuré. Dans la matière, il n’existe donc pas deux êtres identiques ; mais non plus, un être n’est identique à lui-même dans le temps. Pour peu sensibles que soient les modifications qu’il subit, elles existent.

Aussi, en sciences naturelles, ne procède-t-on jamais par identités, mais par analogies.

En Mathématiques, si on raisonne par identités, c’est qu’on a d’abord posé en principe que A est identique à lui-même, qu’il représente un absolu : A = A. Mais la question reste posée : A représente-t-il vraiment un absolu, ou restera-t-il toujours : une convention ?

Si l’Univers est tout matière, il n’y a pas d’identités, pas d’absolus et « A = A » est une erreur.

Si Dieu existait, lui seul serait égal à lui-même, identique. Mais une identité, qui n’existe qu’en soi, qui n’a pas d’autre identité en regard, ne peut nous être d’aucune utilité. — A. Lapeyre.


IDÉOLOGIE n. f. (du grec idéa, idée, et logos, discours). Science des idées. Système qui considère les idées

prises en elles-mêmes, abstraction faite de toute métaphysique.

Les gens « bien pensants » appellent idéologie, en donnant à ce mot le sens de chimère, toute spéculation philosophique, toute tentative d’émanciper le peuple. Ex. : l’idéologie libertaire.

Nonobstant les railleries et les quolibets, nous pensons que l’idéologie est une chose très utile qui amène chaque jour plus de compréhension et plus de raisonnement chez l’individu.

Il est, certes, beaucoup plus facile de s’assimiler tout le fatras d’idées toutes faites sur lesquelles reposent la religion, l’autorité, la propriété, etc. Aussi l’on conçoit admirablement bien pourquoi les détenteurs de privilèges font mine de dédaigner les idéologues.

Les anarchistes sont donc des idéologues. Ils pratiquent l’idéologie — ou science des idées — parce qu’ils estiment que les idées doivent être non des choses abstraites, mais des observations et des spéculations basées sur l’expérience et la raison.

Quand les hommes auront pris l’habitude de penser d’après le résultat de leurs réflexions, qu’ils voudront avoir une idée exacte sur toute chose et que le savoir sera pour eux un besoin aussi urgent que le manger, alors ils n’auront pas assez de mépris pour ceux qui cachaient leur ignorance, leur bêtise, leurs préjugés et leur soif de domination sous le masque du dédain de l’idéologie. Ceux qui ont intérêt à maintenir le peuple dans une infériorité intellectuelle, qui se dressent de toutes leurs forces de conservation sociale contre les coups répétés du progrès humain auront beau faire. L’idéologie sera une science de plus en plus cultivée, de plus en plus vulgarisée ; elle sera la fossoyeuse de l’obscurantisme.

L’idéologie libérera le peuple moralement et l’aidera à se libérer socialement.


IDIOME n. m. (du grec idiômas ; de idios, propre). Langue propre à une nation. Langage particulier à une région plus ou moins étendue.

La diversité des idiomes est un des faits qui est le plus à déplorer pour la classe ouvrière.

Alors que les classes aisées peuvent donner à leurs enfants l’enseignement de plusieurs langues étrangères, dans la classe ouvrière on n’a même pas toujours les moyens d’apprendre correctement son idiome national.

Il s’ensuit que si les capitalistes peuvent correspondre entre eux par le monde entier, il est très difficile à des travailleurs de pays différents de se comprendre.

Aussi quelques savants linguistes épris d’internationalisme, ont imaginé divers idiomes auxiliaires : volapük, esperanto, ido, etc. (voir ces mots) qui, appris en très peu de temps, pourraient permettre aux ouvriers du monde entier de se comprendre.

Le volapük n’est plus maintenant. On ne peut que regretter que, pour des raisons personnelles, les propagateurs de l’esperanto et de l’ido ne soient pas arrivés à s’entendre pour doter la classe ouvrière d’un idiome international unique qui faciliterait énormément la besogne révolutionnaire mondiale.


IDO « Langue fondée sur le même principe que l’Esperanto mais où ses principes ont été appliqués avec plus de rigueur. » (A. Meillet : Les Langues dans l’Europe Nouvelle, Paris 1918.)

Ces lignes du savant professeur de linguistique au Collège de France montrent que l’Ido n’est pas autre chose qu’une mise au point de l’Esperanto. Ce travail a été commencé en octobre 1907 par la « Délégation pour l’adoption d’une langue internationale » et continué par l’Académie Idiste en tenant compte de la critique publique faite pendant six années, de 1907 à 1913, dans la Revue mensuelle Progreso, par les idistes pratiquants de tous pays.