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À l’heure des mains jointes (1906)/Je connais un Étang

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JE CONNAIS UN ÉTANG


Il est, au cœur de la vallée, un étang que l’on nomme l’Étang Mystérieux.


Je connais un étang qui somnole, blêmi
Par l’aube blême et par le clair de lune ami.

Un iris y fleurit, hardi comme une lance,
Et le songe de l’eau s’y marie au silence.

Aucun souffle ne fait balancer les roseaux.
Le ciel qui s’y reflète a la couleur des eaux.


Le flot recèle un long regret lascif et tendre,
Et le silence et l’eau trouble semblent attendre.

Là, les larges lys d’eau lèvent leur front laiteux.
Les éphémères d’or y meurent, deux à deux…

Je choisirai, pour te louanger, les paroles
Qui coulent comme l’eau parmi les herbes folles.

Les lys semblent offrir leur coupe bleue au jour :
C’est l’élévation des calices d’amour.

Les éphémères font songer, tournant par couples,
À des femmes valsant, ondoyantes et souples.

Les lotus léthéens lèvent leur front pâli…
Ma Loreley, glissons lentement vers l’oubli.

Dans un loyal adieu, tenons-nous enlacées
Et mourons, comme les libellules lassées.

Je te dirai : « Voici l’Étang Mystérieux
Que ne connaîtront point les hommes curieux.


« Viens dormir au milieu des lys d’eau… L’iris tremble,
Et nous nous étreignons, nous qui mourons ensemble… »

… Je connais un étang qui somnole, blêmi
Par l’aube blême et par le clair de lune ami.

Et, sous l’eau de l’étang, qui mire les chimères,
Des femmes vont mourir, comme des éphémères…