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Œuvres complètes (M. de Fontanes)/Adresse à l’Empereur, 1808

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LE CORPS LÉGISLATIF


À SA MAJESTÉ


L’EMPEREUR ET ROI,


Le 27 octobre 1808.




Sire,


Le Corps législatif vient porter aux pieds de Votre Majesté l’adresse de remerciement que vote avec lui tout le peuple français.

Les sentiments paternels, contenus dans le discours que vous avez prononcé du haut du trône, ont répandu partout l’amour et la reconnaissance.

Le premier des capitaines voit donc quelque chose de plus héroïque et de plus élevé que la victoire. Oui, Sire, nous le tenons de votre propre bouche ; il est une autorité plus puissante et plus durable que celle des armes ; c’est l’autorité qui se fonde sur de bonnes lois et sur des institutions nationales. Les Codes que dicta votre sagesse pénètrent plus loin que vos conquêtes, et règnent sans effort sur vingt nations diverses dont vous êtes le bienfaiteur.

Le Corps législatif doit surtout célébrer ces triomphes paisibles qui ne sont jamais suivis que des bénédictions du genre humain.

La législation et les finances, c’est là que se renferment nos devoirs, et c’est de vous que nous avons reçu ce double bienfait.

Il vous fut donné de retrouver l’ordre social sous les débris d’un vaste empire, et de rétablir la fortune de l’État au milieu des ravages de la guerre. Vous avez créé, comme tout le reste, les vrais éléments du système des finances. Ce système, le plus propre aux grandes monarchies, est simple et fixe comme le principe qui les gouverne. Il n’est point soutenu par ces moyens artificiels qui ont toute l’inconstance de l’opinion et des événements. Il est impérissable comme les richesses de notre sol.

Si quelquefois des circonstances difficiles nécessitent des taxes nouvelles, ces taxes, toujours proportionnées aux besoins, n’en excédent pas la durée. L’avenir n’est pas dévoré d’avance. On ne verra plus, après des années de gloire, l’État succomber sous le poids de la dette publique, et la banqueroute, suivie des révolutions, entrouvrir un abime où se perdent les trônes et la société tout entière.

Ces malheurs sont loin de nous. Les recettes couvrent les dépenses. Les charges actuelles ne seront point augmentées, et vous en donnez l’assurance, au moment où d’autres États épuisent toutes leurs ressources. Quand vous immolez votre propre bonheur, celui du peuple occupe seul toute votre âme. Elle s’est émue à l’aspect de la grande famille (c’est ainsi que vous nommez la France), et, quoique sûr de tous les dévouements, vous offrez la paix à la tête d’un million de guerriers invincibles.

C’est dans ce généreux dessein que vous avez vu l’empereur de Russie. Jadis, quand des souverains aussi puissants se rapprochaient des bouts de l’Europe, tous les États voisins étaient en alarmes. Des présages sinistres et menaçants accompagnaient ces grandes entrevues. Époque vraiment mémorable ! Les deux premiers monarques du monde réunissent leurs étendards, non pour l’envahir, mais pour le pacifier.

Votre Majesté, Sire, a prononcé le mot de sacrifices, et nous osons le dire à Votre Majesté même, ce mot achève tous vos triomphes. Certes, la nation ne veut pas plus que vous de ces sacrifices qui blesseraient sa gloire et la vôtre. Mais il n’était qu’un seul moyen d’augmenter votre grandeur, c’était d’en modérer l’usage. Vous nous avez montré le spectacle de la force qui dompte tout, et vous nous réservez un spectacle plus extraordinaire, celui de la force qui se dompte elle-même.

Un peuple ennemi prétend, il est vrai, retarder pour vous cette dernière gloire. Il est descendu sur le continent, à la voix de la discorde et des factions. Déjà vous avez pris vos armes pour marcher à sa rencontre : déjà vous abandonnez la France, qui, depuis tant d’années, vous a vu si peu de jours ; vous partez, et je ne sais quelle crainte, inspirée par l’amour, et tempérée par l’espérance, a troublé toutes les âmes ! Nous savons bien pourtant que, partout où vous êtes, vous transporte : avec vous la fortune et la victoire. La patrie vous accompagne de ses regrets et de ses vœux : elle vous recommande à ses braves enfants qui forment vos légions fidèles. Tous ses vœux seront exaucés. Tous vos soldats lui jurent sur leurs épées de veiller autour d’une tête si chère et si glorieuse, où reposent tant de destinées. Sire, vous reviendrez bientôt triomphant ; la main qui vous conduisit de merveille en merveille au sommet des grandeurs humaines, n’abandonnera ni la France ni l’Europe, qui, si longtemps encore, ont besoin de vous.