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Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des minéraux/Du bitume

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DU BITUME

Quoique les bitumes[NdÉ 1] se présentent sous différentes formes, ou plutôt dans des états différents, tant par leur consistance que par les couleurs, ils n’ont cependant qu’une seule et même origine primitive, mais ensuite modifiée par des causes secondaires : le naphte, le pétrole, l’asphalte, la poix de montagne, le succin, l’ambre gris, le jayet, le charbon de terre, tous les bitumes, en un mot, proviennent originairement des huiles animales ou végétales altérées par le mélange des acides ; mais, quoique le soufre provienne aussi des substances organisées, on ne doit pas le mettre au nombre des bitumes, parce qu’il ne contient point d’huile, et qu’il n’est composé que du feu fixe de ces mêmes substances combiné avec l’acide vitriolique.

Les matières bitumineuses sont ou solides comme le succin et le jayet, ou liquides comme le pétrole et le naphte, ou visqueuses, c’est-à-dire d’une consistance moyenne entre le solide et le liquide, comme l’asphalte et la poix de montagne : les autres substances plus dures, telles que les schistes bitumineux, les charbons de terre, ne sont que des terres végétales ou limoneuses plus ou moins imprégnées de bitume.

Le naphte est le bitume liquide le plus coulant, le plus léger, le plus transparent et le plus inflammable. Le pétrole, quoique liquide et coulant, est ordinairement coloré et moins limpide que le naphte : ces deux bitumes ne se durcissent ni ne se coagulent à l’air ; ce sont les huiles les plus ténues et les plus volatiles du bitume. L’asphalte, que l’on recueille sur l’eau ou dans le sein de la terre, est gras et visqueux dans ce premier état ; mais bientôt il prend à l’air un certain degré de consistance et de solidité : il en est de même de la poix de montagne, qui ne diffère de l’asphalte qu’en ce qu’elle est plus noire et moins tenace.

Le succin, qu’on appelle aussi karabé et plus communément ambre jaune, a d’abord été liquide et a pris sa consistance à l’air, et même à la surface des eaux et dans le sein de la terre[NdÉ 2] : le plus beau succin est transparent et de couleur d’or ; mais il y en a de plus ou moins opaque, et de toutes les nuances de couleur du blanc au jaune et jusqu’au brun noirâtre ; il renferme souvent de petits débris de végétaux et des insectes terrestres, dont la forme est parfaitement conservée[1] ; il est électrique comme la résine végétale, et par l’analyse chimique on reconnaît qu’il ne contient d’autres matières solides qu’une petite quantité de fer, et qu’il est presque uniquement composé d’huile et d’acide[2]. Et, comme l’on sait d’ailleurs qu’aucune substance purement minérale ne contient d’huile, on ne peut guère douter que le succin ne soit un pur résidu des huiles animales ou végétales saisies et pénétrées par les acides, et c’est peut-être à la petite quantité de fer contenue dans ces huiles qu’il doit sa consistance et ses couleurs plus ou moins jaunes ou brunes.

Le succin se trouve plus fréquemment dans la mer que dans le sein de la terre[3], où il n’y en a que dans quelques endroits et presque toujours en petits morceaux isolés : parmi ceux que la mer rejette, il y en a de différents degrés de consistance, et même il s’en trouve des morceaux assez mous ; mais aucun observateur ne dit en avoir vu dans l’état d’entière liquidité, et celui que l’on tire de la terre a toujours un assez grand degré de fermeté.

L’on ne connaît guère d’autre minière de succin que celle de Prusse, dont M. Neumann a donné une courte description, par laquelle il paraît que cette matière se trouve à une assez petite profondeur dans une terre dont la première couche est de sable, la seconde d’argile mêlée de petits cailloux de la grosseur d’un pouce, la troisième de terre noire remplie de bois fossiles à demi décomposés et bitumineux, et enfin la quatrième d’un minerai ferrugineux : c’est sous cette espèce de mine de fer que se trouve le succin par morceaux séparés, et quelquefois accumulés en tas.

On voit que les huiles de la couche de bois ont dû être imprégnées de l’acide contenu dans l’argile de la couche supérieure, et qui en descendait par la filtration des eaux ; que ce mélange de l’acide avec l’huile du bois a rendu bitumineuse cette couche végétale ; qu’ensuite les parties les plus ténues et les plus pures de ce bitume sont descendues de même sur la couche du minerai ferrugineux, et qu’en la traversant elles se sont chargées de quelques particules de fer, et qu’enfin c’est du résultat de cette dernière combinaison que s’est formé le succin qui se trouve au-dessous de la mine de fer.

Le jayet diffère du succin en ce qu’il est opaque et ordinairement très noir ; mais il est de même nature[NdÉ 3], quoique ce dernier ait quelquefois la transparence et le beau jaune de la topaze ; car, malgré cette différence si frappante, les propriétés de l’un et de l’autre sont les mêmes ; tous deux sont électriques, ce qui a fait donner au jayet le nom d’ambre noir, comme on a donné au succin celui d’ambre jaune ; tous deux brûlent de même, seulement l’odeur que rend alors le jayet est encore plus forte et sa fumée plus épaisse que celle du succin : quoique solide et assez dur, le jayet est fort léger, et on a souvent pris pour du jayet certains bois fossiles noirs, dont la cassure est lisse et luisante, et qui paraissent en effet ne différer du vrai jayet que parce qu’ils ne répandent aucune odeur bitumineuse en brûlant.

On trouve quelques minières de jayet en France : on en connaît une dans la province de Roussillon, près de Bugarach[4]. M. de Gensane fait mention d’une autre dans le Gévaudan, sur le penchant de la montagne, près de Vebron[5], et d’une autre près de Rouffiac, diocèse de Narbonne, où l’on faisait dans ces derniers temps de jolis ouvrages de cette matière[6]. On a trouvé dans la glaise, en creusant la montagne de Saint-Germain-en-Laye, un morceau de bois fossile, dont M. Fougeroux de Bondaroy a fait une exacte comparaison avec le jayet. « On sait, dit ce savant académicien, que la couleur du jayet est noire, mais que la superficie de ses lames n’a point ce luisant qu’offre l’intérieur du morceau dans sa cassure ; c’est aussi ce qu’il est aisé de reconnaître dans le morceau de bois de Saint-Germain. Dans l’intérieur d’une fente ou d’un morceau rompu, on voit une couleur d’un noir d’ivoire bien plus brillant que sur la surface du morceau. La dureté du jayet et du morceau de bois est à peu près la même : étant polis, ils offrent la même nuance de couleur ; tous deux brûlent et donnent de la flamme sur les charbons ; le jayet répand une odeur bitumineuse ou de pétrole ; certains morceaux du bois en question donnent une pareille odeur, surtout lorsqu’ils ne contiennent point de pyrites. Ce morceau de bois est donc changé en jayet, et il sert à confirmer le sentiment de ceux qui croient le jayet produit par des végétaux[7]. »

On trouve du très beau jayet en Angleterre dans le comté d’York et en plusieurs endroits de l’Écosse : il y en a aussi en Allemagne, et surtout à Wurtemberg. M. Bowles en a trouvé en Espagne près de Peralegos, « dans une montagne où il y a, dit-il, des veines de bois bitumineux, qui ont jusqu’à un pied d’épaisseur… On voit très bien que c’est du bois, parce que l’on en trouve des morceaux avec leur écorce et leurs fibres ligneuses, mêlés avec le véritable jayet dur[8]. »

Il me semble que ces faits suffisent pour qu’on puisse prononcer que le succin et le jayet tirent immédiatement leur origine des végétaux, et qu’ils ne sont composés que d’huiles végétales devenues bitumineuses par le mélange des acides ; que ces bitumes ont d’abord été liquides, et qu’ils se sont durcis par leur simple dessèchement, lorsqu’ils ont perdu les parties aqueuses de l’huile et des acides dont ils sont composés. Le bitume, qu’on appelle asphalte, nous en fournit une nouvelle preuve : il est d’abord fluide, ensuite mou et visqueux, et enfin il devient dur par la seule dessiccation.

L’asphalte des Grecs est le même que le bitume des Latins : on l’a nommé particulièrement bitume de Judée, parce que les eaux de la mer Morte et les terrains qui l’environnent en fournissent une grande quantité ; il a beaucoup de propriétés communes avec le succin et le jayet ; il est de la même nature, et il paraît, ainsi que la poix de montagne, le pétrole et le naphte, ne devoir sa liquidité qu’à une distillation des charbons de terre et des bois bitumineux qui, se trouvant voisins de quelque feu souterrain, laissent échapper les parties huileuses les plus légères, de la même manière à peu près que ces substances bitumineuses donnent leurs huiles dans nos vaisseaux de chimie. Le naphte, le pétrole et le succin paraissent être les huiles les plus pures que fournisse cette espèce de distillation, et le jayet, la poix de montagne et l’asphalte sont les huiles plus grossières. L’Histoire sainte nous apprend que la mer Morte, ou le lac Asphaltique de Judée, était autrefois le territoire de deux villes criminelles qui furent englouties ; on peut donc croire qu’il y a eu des feux souterrains qui, agissant avec violence dans ce lieu, ont été les instruments de cet effet ; et ces feux ne sont pas encore entièrement éteints[9] ; ils opèrent donc la distillation de toutes les matières végétales et bitumineuses qui les avoisinent et produisent cet asphalte liquide que l’on voit s’élever continuellement à la surface du lac maudit, dont néanmoins les Arabes et les Égyptiens ont su tirer beaucoup d’utilité, tant pour goudronner leurs bateaux que pour embaumer leurs parents et leurs oiseaux sacrés ; ils recueillent sur la surface de l’eau cette huile liquide, qui par sa légèreté la surmonte comme nos huiles végétales.

L’asphalte se trouve non seulement en Judée et en plusieurs autres provinces du Levant, mais encore en Europe et même en France. J’ai eu occasion d’examiner et même d’employer l’asphalte de Neufchâtel ; il est de la même nature que celui de Judée : en le mêlant avec une petite quantité de poix, on en compose un mastic avec lequel j’ai fait enduire, il y a trente-six ans, un assez grand bassin au Jardin du Roi, qui depuis a toujours tenu l’eau. On a aussi trouvé de l’asphalte en Alsace, en Languedoc sur le territoire d’Alais et dans quelques autres endroits. La description que nous a donnée M. l’abbé de Sauvages de cet asphalte d’Alais ajoute encore une preuve à ce que j’ai dit de sa formation par une distillation per ascensum. « On voit, dit-il, régner auprès de Servas, à quelque distance d’Alais, sur une colline d’une grande étendue, un banc de rocher de marbre qui pose sur la terre et qui en est couvert : il est naturellement blanc, mais cette couleur est si fort altérée par l’asphalte qui le pénètre, qu’il est vers sa surface supérieure d’un brun clair et ensuite très foncé à mesure que le bitume approche du bas du rocher : le terrain du dessous n’est point pénétré de bitume, à la réserve des endroits où la tranche du banc est exposée au soleil : il en découle en été du bitume qui a la couleur et la consistance de la poix noire végétale ; il en surnage sur une fontaine voisine, dont les eaux ont en conséquence un goût désagréable…

» Dans le fond de quelques ravines et au-dessous du rocher d’asphalte, je vis un terrain mêlé alternativement de lits de sable et de lits de charbon de pierre, tous parallèles à l’horizon[10]. » On voit, par cet exposé, que l’asphalte ne se trouve pas au-dessous, mais au-dessus des couches ou veines bitumineuses de bois et de charbons fossiles et que, par conséquent, il n’a pu s’élever au-dessus que par une distillation produite par la chaleur d’un feu souterrain.

Tous les bitumes liquides, c’est-à-dire l’asphalte, la poix de montagne, le pétrole et le naphte, coulent souvent avec l’eau des sources qui se trouvent voisines des couches de bois et de charbon fossiles. À Begrède près d’Anson en Languedoc, il y a une fontaine qui jette du bitume que l’on recueille à fleur d’eau : on en recueille de même à Gabian, diocèse de Béziers[11], et cette fontaine de Gabian est fameuse par la quantité de pétrole qu’elle produit ; néanmoins il paraît, par un Mémoire de M. Rivière, publié en 1717, et par un autre Mémoire, sans nom d’auteur, imprimé à Béziers en 1752, que cette source bitumineuse a été autrefois beaucoup plus abondante qu’elle ne l’est aujourd’hui ; car il est dit qu’elle a donné avant 1717, pendant plus de quatre-vingts ans, trente-six quintaux de pétrole par an, tandis qu’en 1752 elle n’en donnait plus que trois ou quatre quintaux. Ce pétrole est d’un rouge brun foncé ; son odeur est forte et désagréable ; il s’enflamme très aisément, et même la vapeur qui s’en élève, lorsqu’on le chauffe, prend feu si l’on approche une chandelle ou toute autre lumière, à trois pieds de hauteur au-dessus : l’eau n’éteint pas ce pétrole allumé, et, lors même que l’on plonge dans l’eau des mèches bien imbibées de cette huile inflammable, elles continuent de brûler quoique au-dessous de l’eau. Elle ne s’épaissit ni ne se fige par la gelée, comme le font la plupart des huiles végétales, et c’est par cette épreuve qu’on reconnaît si le pétrole est pur, ou s’il est mélangé avec quelqu’une de ces huiles. À Gabian, le pétrole ne sort de la source qu’avec beaucoup d’eau qu’il surnage toujours, car il est beaucoup plus léger, et l’est même plus que l’huile d’olive : « Une seule goutte de ce bitume, dit M. Rivière, versée sur une eau dormante, a occupé dans peu de temps un espace d’une toise de diamètre tout émaillé des plus vives couleurs, et, en s’étendant davantage, il blanchit et enfin disparaît ; au reste, ajoute-t-il, cette huile de pétrole naturelle est la même que celle qui vient du succin dans la cornue, vers le milieu de la distillation[12]. »

Cependant ce pétrole de Gabian n’est pas, comme le prétend l’auteur du Mémoire imprimé à Béziers en 1752, le vrai naphte de Babylone : à la vérité, beaucoup de gens prennent le naphte et le pétrole pour une seule et même chose ; mais le naphte des Grecs, qui ne porte ce nom que parce que c’est la matière inflammable par excellence, est plus pur que l’huile de Gabian ou que toute autre huile terrestre que les Latins ont appelée petroleum, comme huile sortant des rochers avec l’eau qu’elle surnage. Le vrai naphte est beaucoup plus limpide et plus coulant ; il a moins de couleur, et prend feu plus subitement à une distance assez grande de la flamme : si l’on en frotte du bois ou d’autres combustibles, ils continueront de brûler, quoique plongés dans l’eau[13] ; au reste, le terrain dans lequel se trouve le pétrole de Gabian est environné et peut-être rempli de matières bitumineuses et de charbon de terre[14].

À une demi-lieue de distance de Clermont en Auvergne, il y a une source bitumineuse assez abondante et qui tarit par intervalles : « L’eau de cette source, dit M. Le Monnier, a une amertume insupportable ; la surface de l’eau est couverte d’une couche mince de bitume qu’on prendrait pour de l’huile, et qui, venant à s’épaissir par la chaleur de l’air, ressemble en quelque façon à de la poix… En examinant la nature des terres qui environnent cette fontaine, et en parcourant une petite butte qui n’en est pas fort éloignée, j’ai aperçu du bitume noir qui découlait d’entre les fentes des rochers ; il se sèche à mesure qu’il reste à l’air, et j’en ai ramassé encore une demi-livre : il est sec, dur et cassant, et s’enflamme aisément ; il exhale une fumée noire fort épaisse, et l’odeur qu’il répand ressemble à celle de l’asphalte ; je suis persuadé que par la distillation on en retirerait du pétrole[15]. » Ce bitume liquide de Clermont est, comme l’on voit, moins pur que celui de Gabian ; et depuis le naphte, que je regarde comme le bitume le mieux distillé par la nature, au pétrole, à l’asphalte, à la poix de montagne, au succin, au jayet et au charbon de terre, on trouve toutes les nuances et tous les degrés d’une plus ou moins grande pureté dans ces matières qui sont toutes de même nature.

« En Auvergne, dit M. Guettard, les monticules qui contiennent le plus de bitume sont ceux du Puy-de-Pège (poix) et du Puy-de-Cronelles : celui de Pège se divise en deux têtes, dont la plus haute peut avoir douze ou quinze pieds ; le bitume y coule en deux ou trois endroits… À côté de ce monticule se trouve une petite élévation d’environ trois pieds de hauteur sur quinze de diamètre : selon M. Ozy, cette élévation n’est que de bitume qui se dessèche à mesure qu’il sort de la terre, la source est au milieu de cette élévation. Si l’on creuse en différents endroits autour et dessus cette masse de bitume, on ne trouve aucune apparence de rocher. Le Puy-de-Cronelles, peu éloigné du précédent, peut avoir trente ou quarante pieds de hauteur ; le bitume y est solide, on en voit des morceaux durs entre les crevasses des pierres ; il en est de même de la partie la plus élevée du Puy-de-Pège[16]. »

En Italie, dans les duchés de Modène, Parme et Plaisance, le pétrole est commun : le village de Miano, situé à douze milles de Parme, est un des lieux d’où on le tire dans certains puits construits de manière que cette huile vienne se rassembler dans le fond[17].

Les sources de naphte et de pétrole sont encore plus communes dans le Levant qu’en Italie ; quelques voyageurs assurent qu’on brûle plus d’huile de naphte que de chandelle à Bagdad[18]. « Sur la route de Schiras à Bender-Congon, à quelques milles de Bennaron vers l’Orient, on voit, dit Gemelli Carreri, la montagne de Darap toute de pierre noire, d’où distille le fameux baume-momie qui, s’épaississant à l’air, prend aussi une couleur noirâtre : quoiqu’il y ait beaucoup d’autres baumes en Perse, celui-ci a la plus grande réputation ; la montagne est gardée par ordre du roi ; tous les ans, les vizirs de Geaxoux, de Schiras et de Lar, vont ensemble ramasser la momie, qui coule et tombe dans une conque, où elle se coagule ; ils l’envoient au roi sous leur cachet pour éviter toute tromperie, parce que ce baume est éprouvé et très estimé en Arabie et en Europe, et qu’on n’en tire pas plus de quarante onces par chaque année[19]. » Je ne cite ce passage tout au long que pour rapporter à un bitume ce prétendu baume des momies : nous avons au Cabinet du Roi les deux boîtes d’or remplies de ce baume-momie ou mumia, que l’ambassadeur de Perse apporta et présenta à Louis XIV ; ce baume n’est que du bitume, et le présent n’avait de mérite que dans l’esprit de ceux qui l’ont offert[20]. Chardin parle de ce baume-momie[21], et il le reconnaît pour un bitume ; il dit qu’outre les momies ou corps desséchés qu’on trouve en Perse dans la province de Corassan, il y a une autre sorte de mumie ou bitume précieux qui distille des rochers, et qu’il y a deux mines ou deux sources de ce bitume : l’une dans la Caramanie déserte au pays de Lar, et que c’est le meilleur pour les fractures, blessures, etc. ; l’autre dans le pays de Corassan. Il ajoute que ces mines sont gardées et fermées ; qu’on ne les ouvre qu’une fois l’an en présence d’officiers de la province, et que la plus grande partie de ce bitume précieux est envoyée au trésor du roi. Il me paraît plus que vraisemblable que ces propriétés spécifiques, attribuées par les Persans à leur baume-momie, sont communes à tous les bitumes de même consistance, et particulièrement à celui que nous appelons poix de montagne ; et, comme on vient de le voir, ce n’est pas seulement en Perse que l’on trouve des bitumes de cette sorte, mais dans plusieurs endroits de l’Europe et même en France, et peut-être dans tous les pays du monde[22], de la même manière que l’asphalte ou bitume de Judée s’est trouvé non seulement sur la mer Morte, mais sur d’autres lacs et dans d’autres terres très éloignées de la Judée. On voit en quelques endroits de la mer de Marmara, et particulièrement près d’Héraclée, une matière bitumineuse qui flotte sur l’eau en forme de filets, que les nautoniers grecs ramassent avec soin, et que bien des gens prennent pour une sorte de pétrole ; cependant elle n’en a ni l’odeur, ni le goût, ni la consistance ; les filets sont fermes et solides, et approchent plus en odeur et en consistance du bitume de Judée[23].

Dans la Thébaïde, du côté de l’est, on trouve une montagne appelée Gebel-el-Moël ou montagne de l’huile, à cause qu’elle fournit beaucoup d’huile de pétrole[24]. Oléarius et Tavernier font mention du pétrole qui se trouve aux environs de la mer Caspienne : ce dernier voyageur dit « qu’au couchant de cette mer, un peu au-dessus de Chamack, il y a une roche qui s’avance sur le rivage, de laquelle distille une huile claire comme de l’eau, jusque-là que des gens s’y sont trompés et ont cru en pouvoir boire ; elle s’épaissit peu à peu, et au bout de neuf ou dix jours elle devient grasse comme de l’huile d’olive, gardant toujours sa blancheur. Il y a trois ou quatre grandes roches fort hautes assez près de là qui distillent aussi la même liqueur, mais elle est plus épaisse et tire sur le noir. On transporte cette dernière huile dans plusieurs provinces de la Perse, où le menu peuple ne brûle autre chose[25]. » Léon l’Africain parle de la poix qui se trouve dans quelques rochers du mont Atlas et des sources qui sont infectées de ce bitume ; il donne même la manière dont les Maures recueillent cette poix de montagne, qu’ils rendent liquide par le moyen du feu[26]. On trouve à Madagascar cette même matière que Flacour appelle de la poix de terre ou bitume judaïque[27]. Enfin, jusqu’au Japon les bitumes sont non seulement connus, mais très communs, et Kæmpfer assure qu’en quelques endroits de ces îles l’on ne se sert que d’huile bitumineuse au lieu de chandelle[28].

En Amérique, ces mêmes substances bitumineuses ne sont pas rares. Dampier a vu de la poix de montagne en blocs de quatre livres pesant, sur la côte de Carthagène : la mer jette ce bitume sur les grèves sablonneuses de cette côte, où il demeure à sec. Il dit que cette poix fond au soleil et est plus noire, plus aigre au toucher et plus forte d’odeur que la poix végétale[29]. Garcilasso, qui a écrit l’histoire du Pérou, et qui y était né, rapporte qu’anciennement les Péruviens se servaient de bitume pour embaumer leurs morts : ainsi le bitume et même ses usages ont été connus de tous les temps, et presque de tous les peuples policés[NdÉ 4].

Je n’ai rassemblé tous ces exemples que pour faire voir que, quoique les bitumes se trouvent sous différentes formes dans plusieurs contrées, néanmoins les bitumes purs sont infiniment plus rares que les matières dont ils tirent leur origine : ce n’est que par une seconde opération de la nature qu’ils peuvent s’en séparer et prendre de la liquidité ; les charbons de terre, les schistes bitumineux, doivent être regardés comme les grandes masses de matières que les feux souterrains mettent en distillation pour former les bitumes liquides qui nagent sur les eaux ou coulent des rochers. Comme le bitume, par sa nature onctueuse, s’attache à toute matière et souvent la pénètre, il faut la circonstance particulière du voisinage d’un feu souterrain pour qu’il se manifeste dans toute sa pureté ; car il me semble que la nature n’a pas d’autre moyen pour cet effet. Aucun bitume ne se dissout ni ne se délaie dans l’eau : ainsi ces eaux qui sourdissent avec du bitume n’ont pu enlever par leur action propre ces particules bitumineuses ; et dès lors n’est-il pas nécessaire d’attribuer à l’action du feu l’origine de ce bitume coulant, et même à l’action d’un vrai feu, et non pas de la température ordinaire de l’intérieur de la terre ? Car il faut une assez grande chaleur pour que les bitumes se fondent, et il en faut encore une plus grande pour qu’ils se résolvent en naphte et en pétrole, et, tant qu’ils n’éprouvent que la température ordinaire, ils restent durs, soit à l’air, soit dans la terre : ainsi tous les bitumes coulants doivent leur liquidité à des feux souterrains, et ils ne se trouvent que dans les lieux où les couches de terre bitumineuse et les veines de charbon sont voisines de ces feux qui non seulement en liquéfient le bitume, mais le distillent et en font élever les parties les plus ténues pour former le naphte et les pétroles, lesquels, se mêlant ensuite avec des matières moins pures, produisent l’asphalte et la poix de montagne, ou se coagulent en jayet et en succin.

Nous avons déjà dit que le succin a certainement été liquide, puisqu’on voit dans son intérieur des insectes dont quelques-uns y sont profondément enfoncés ; il faut cependant avouer que jusqu’à présent aucun observateur n’a trouvé le succin dans cet état de liquidité, et c’est probablement parce qu’il ne faut qu’un très petit temps pour le consolider : ces insectes s’y empêtrent peut-être lorsqu’il distille des rochers et lorsqu’il surnage sur l’eau de la mer, où la chaleur de quelque feu souterrain le sublime en liqueur, comme l’huile de pétrole, l’asphalte et les autres bitumes coulants.

Quoiqu’on trouve, en Prusse et en quelques autres endroits, des mines de succin dans le sein de la terre, cette matière est néanmoins plus abondante dans certaines plages de la mer : en Prusse et en Poméranie, la mer Baltique jette sur les côtes une grande quantité de succin, presque toujours en petits morceaux de toutes les nuances de blanc, de jaune, de brun et de différents degrés de pureté ; et à la vue encore plus qu’à l’odeur, on serait tenté de croire que le succin n’est qu’une résine comme la copale[NdÉ 5], à laquelle il ressemble ; mais le succin est également impénétrable à l’eau, aux huiles et à l’esprit-de-vin, tandis que les résines qui résistent à l’action de l’eau se dissolvent en entier par les huiles et surtout par l’esprit-de-vin : cette différence suppose donc dans le succin une autre matière que celle des résines, ou du moins une combinaison différente de la même matière ; or on sait que toutes les huiles végétales concrètes sont ou des gommes qui ne se dissolvent que dans l’eau, ou des résines qui ne se dissolvent que dans l’esprit-de-vin, ou enfin des gommes-résines qui ne se dissolvent qu’imparfaitement par l’une et par l’autre ; dès lors, ne pourrait-on pas présumer, par la grande ressemblance qui se trouve d’ailleurs entre le succin et les résines, que ce n’est en effet qu’une gomme-résine dans laquelle le mélange des parties gommeuses et résineuses est si intime et en telle proportion, que ni l’eau ni l’esprit-de-vin ne peuvent l’attaquer ; l’exemple des autres gommes-résines, que ces deux menstrues n’attaquent qu’imparfaitement, semble nous l’indiquer.

En général, on ne peut pas douter que le succin, ainsi que tous les autres bitumes liquides ou concrets, ne doivent leur origine aux huiles animales et végétales imprégnées d’acide ; mais comme, indépendamment des huiles, les animaux et végétaux contiennent des substances gélatineuses et mucilagineuses en grande quantité, il doit se trouver des bitumes uniquement composés d’huile, et d’autres mêlés d’huile et de matière gélatineuse ou mucilagineuse ; des bitumes produits par les seules résines, d’autres par les gommes-résines mêlées de plus ou moins d’acides, et c’est à ces diverses combinaisons des différents résidus des substances animales ou végétales que sont dues les variétés qui se trouvent dans les qualités des bitumes.

Par exemple, l’ambre gris[NdÉ 6] paraît être un bitume qui a conservé les parties les plus odorantes des résines dont le parfum est aromatique ; il est dans un état de mollesse et de viscosité dans le fond de la mer auquel il est attaché, et il a une odeur très désagréable et très forte dans cet état de mollesse avant son dessèchement : l’avidité avec laquelle les oiseaux, les poissons et la plupart des animaux terrestres le recherchent et l’avaient, semble indiquer que ce bitume contient aussi une grande quantité de matière gélatineuse et nutritive. Il ne se trouve pas dans le sein de la terre : c’est dans celui de la mer, et surtout dans les mers méridionales, qu’il est en plus grande quantité ; il ne se détache du fond que dans le temps des plus grandes tempêtes, et c’est alors qu’il est jeté sur les rivages ; il durcit en se séchant, mais une chaleur médiocre le ramollit plus aisément que les autres bitumes ; il se coagule par le froid, et n’acquiert jamais autant de fermeté que le succin ; cependant, par l’analyse chimique, il donne les mêmes résultats et laisse les mêmes résidus ; enfin, il ne resterait aucun doute sur la conformité de nature entre cet ambre jaune ou succin et l’ambre gris, si ce dernier se trouvait également dans le sein de la terre et dans la mer ; mais, jusqu’à ce jour, il n’y a qu’un seul homme[30] qui ait dit qu’on a trouvé de l’ambre gris dans la terre en Russie ; néanmoins, comme l’on n’a pas d’autres exemples qui puissent confirmer ce fait, et que tout l’ambre gris que nous connaissons a été ou tiré de la mer, ou rejeté par ses flots, on doit présumer que c’est dans la mer seulement que l’huile et la matière gélatineuse dont il est composé se trouvent dans l’état nécessaire à sa formation. En effet, le fond de la mer doit être revêtu d’une très grande quantité de substance gélatineuse animale par la dissolution de tous les corps des animaux qui y vivent et périssent[31], et cette matière gélatineuse doit y être tenue dans un état de mollesse et de fraîcheur, tandis que cette même matière gélatineuse des animaux terrestres, une fois enfouie dans les couches de la terre, s’est bientôt entièrement dénaturée par le dessèchement ou le mélange qu’elle a subi : ainsi ce n’est que dans le fond de la mer que doit se trouver cette matière dans son état de fraîcheur ; elle y est mêlée avec un bitume liquide ; et, comme la liquidité des bitumes n’est produite que par la chaleur des feux souterrains, c’est aussi dans les mers dont le fond est chaud, comme celles de la Chine et du Japon, qu’on trouve l’ambre gris en plus grande quantité ; et il paraît encore que c’est à la matière gélatineuse, molle dans l’eau, et qui prend de la consistance par le dessèchement, que l’ambre gris doit la mollesse qu’on lui remarque tant qu’il est dans la mer, et la propriété de se durcir promptement en se desséchant à l’air, tout comme on peut croire que c’est par l’intermède de la partie gommeuse de sa gomme-résine que le succin peut avoir dans les eaux de la mer une demi-fluidité.

L’ambre gris, quoique plus précieux que l’ambre jaune, est néanmoins plus abondant : la quantité que la nature en produit est très considérable, et on le trouve presque toujours en morceaux bien plus gros que ceux du succin[32], et il serait beaucoup moins rare s’il ne servait pas de pâture aux animaux. Les endroits où la mer le rejette en plus grande quantité dans l’ancien continent sont les côtes des Indes méridionales[33], et particulièrement des îles Philippines et du Japon, et sur les côtes du Pégu et de Bengale[34] ; celles de l’Afrique, entre Mozambique[35] et la mer Rouge, et entre le cap Vert[36] et le royaume de Maroc[37].

En Amérique, il s’en trouve dans la baie de Honduras, dans le golfe de la Floride, sur les côtes de l’île du Maragnon au Brésil ; et tous les voyageurs s’accordent à dire que si les chats sauvages, les sangliers, les renards, les oiseaux, et même les poissons et les crabes n’étaient pas fort friands de cette drogue précieuse, elle serait bien plus commune[38] : comme elle est d’une odeur très forte au moment que la mer vient de la rejeter, les Indiens, les Nègres et les Américains la cherchent par l’odorat plus que par les yeux, et les oiseaux, avertis de loin par cette odeur, arrivent en nombre pour s’en repaître, et souvent indiquent aux hommes les lieux où ils doivent la chercher[39]. Cette odeur désagréable et forte s’adoucit peu à peu à mesure que l’ambre gris se sèche et se durcit à l’air ; il y en a de différents degrés de consistance et de couleur différente : du gris, du brun, du noir et même du blanc, mais le meilleur et le plus dur paraît être le gris cendré. Comme les poissons, les oiseaux et tous les animaux qui fréquentent les eaux ou les bords de la mer avalent ce bitume avec avidité, ils le rendent mêlé de la matière de leurs excréments, et cette matière étant d’un blanc de craie dans les oiseaux, cet ambre blanc, qui est le plus mauvais de tous, pourrait bien être celui qu’ils rendent avec leur excréments, et de même l’ambre noir serait celui que rendent les cétacés et les grands poissons dont les déjections sont communément noires.

Et, comme l’on a trouvé de l’ambre gris dans l’estomac et les intestins de quelques cétacés[40], ce seul indice a suffi pour faire naître l’opinion que c’était une matière animale qui se produisait particulièrement dans le corps des baleines[41], et que peut-être c’était leur sperme, etc. ; d’autres ont imaginé que l’ambre gris était de la cire et du miel tombés des côtes dans les eaux de la mer, et ensuite avalés par les grands poissons, dans l’estomac desquels ils se convertissaient en ambre, ou devenaient tels par le seul mélange de l’eau marine ; d’autres ont avancé que c’était une plante comme les champignons ou les truffes, ou bien une racine qui croissait dans le terrain du fond de la mer ; mais toutes ces opinions ne sont fondées que sur de petits rapports ou de fausses analogies : l’ambre gris, qui n’a pas été connu des Grecs ni des anciens Arabes, a été dans ce siècle reconnu pour un véritable bitume, par toutes ses propriétés ; seulement il est probable, comme je l’ai insinué, que ce bitume, qui diffère de tous les autres par la consistance et l’odeur, est mêlé de quelques parties gélatineuses ou mucilagineuses des animaux et des végétaux qui lui donnent cette qualité particulière ; mais l’on ne peut douter que le fond et même la majeure partie de sa substance ne soit un vrai bitume.

Il paraît que l’ambre gris mou et visqueux tient ferme sur le fond de la mer, puisqu’il ne s’en détache que par force, dans le temps de la plus grande agitation des eaux : la quantité jetée sur les rivages, et qui reste après la déprédation qu’en font les animaux, démontre que c’est une production abondante de la nature, et non pas le sperme de la baleine, ou le miel des abeilles, ou la gomme de quelque arbre particulier ; ce bitume rejeté, ballotté par la mer, remplit quelquefois les fentes des rochers contre lesquels les flots viennent se briser. Robert Lade décrit l’espèce de pêche qu’il en a vu faire sur les côtes des îles Lucayes ; il dit que l’ambre gris se trouve toujours en beaucoup plus grande quantité dans la saison où les vents règnent avec le plus de violence, et que les plus grandes richesses en ce genre se trouvaient entre la petite île d’Éleuthère et celle de Harbour, et que l’on ne doutait pas que les Bermudes n’en continssent encore plus : « Nous commençâmes, dit-il, notre recherche par l’île d’Éleuthère dans un jour fort calme, le 14 de mars, et nous rapportâmes ce même jour douze livres d’ambre gris : cette pêche ne nous coûta que la peine de plonger nos crochets de fer dans les lieux que notre guide nous indiquait, et nous eussions encore mieux fait si nous eussions eu des filets… L’ambre mou se pliait de lui-même, et embrassait le crochet de fer avec lequel il se laissait tirer jusque dans la barque ; mais, faute de filets, nous eûmes le regret de perdre deux des plus belles masses d’ambre que j’aie vues de ma vie ; leur forme étant ovale, elles ne furent pas plus tôt détachées que, glissant sur le crochet, elles se perdirent dans la mer… Nous admirâmes avec quelle promptitude ce qui n’était qu’une gomme mollasse dans le sein de la mer prenait assez de consistance en un quart d’heure pour résister à la pression de nos doigts : le lendemain, notre ambre gris était aussi ferme et aussi beau que celui qu’on vante le plus dans les magasins de l’Europe… Quinze jours que nous employâmes à la pêche de l’ambre gris ne nous en rapportèrent qu’environ cent livres ; notre guide nous reprocha d’être venus trop tôt, il nous pressait de faire le voyage des Bermudes, assurant qu’il y en avait encore en plus grande quantité… qu’on en avait tiré une masse de quatre-vingts livres pesant, ce qui cessa de m’étonner lorsque j’appris, dit ce voyageur, qu’on en avait trouvé, sur les côtes de la Jamaïque, une masse de cent quatre-vingts livres[42]. »

Les Chinois, les Japonais, et plusieurs autres peuples de l’Asie, ne font pas de l’ambre gris autant de cas que les Européens : ils estiment beaucoup plus l’ambre jaune ou succin qu’ils brûlent en quantité par magnificence, tant à cause de la bonne odeur que sa fumée répand, que parce qu’ils croient cette vapeur très salubre, et même spécifique pour les maux de tête et les affections nerveuses[43].

L’appétit véhément de presque tous les animaux pour l’ambre gris n’est pas le seul indice par lequel je juge qu’il contient des parties nutritives, mucilagineuses, provenant des végétaux, ou même des parties gélatineuses des animaux ; et sa propriété, analogue avec le musc et la civette, semble confirmer mon opinion. Le musc et la civette sont, comme nous l’avons dit[44], de pures substances animales : l’ambre gris ne développe sa bonne odeur et ne rend un excellent parfum que quand il est mêlé de musc et de civette en dose convenable ; il y a donc un rapport très voisin entre les parties odorantes des animaux et celles de l’ambre gris, et peut-être toutes deux sont-elles de même nature.


Notes de Buffon
  1. M. Keysler dit qu’on ne voit dans le succin que des empreintes de végétaux et d’animaux terrestres, et jamais de poissons. Bibliothèque raisonnée, 1742. Voyage de Keysler… Cependant d’autres auteurs assurent qu’il s’y trouve quelquefois des poissons et des œufs de poissons (Collection académique, partie étrangère, tome IV, p. 208). On m’a présenté, cette année 1778, un morceau d’environ deux pouces de diamètre, dans l’intérieur duquel il y avait un petit poisson d’environ un pouce de longueur ; mais, comme la tranche de ce morceau de succin était un peu entamée, il m’a paru que c’était de l’ambre ramolli, dans lequel on a eu l’art de renfermer le petit poisson sans le déformer.
  2. De deux livres de succin entièrement brûlé, M. Bourdelin n’a obtenu que dix-huit grains d’une terre brune, sans saveur, saline, et contenant un peu de fer. Voyez les Mémoires de l’Académie royale des sciences.
  3. On trouve du jayet et de l’ambre jaune dans une montagne près de Bugarach en Languedoc, à douze ou treize lieues de la mer, et cette montagne en est séparée par plusieurs autres montagnes. On trouve aussi du succin dans les fentes de quelques rochers en Provence (Mémoires de l’Académie des sciences, années 1700 et 1703). Il s’en trouve en Sicile, le long des côtes d’Agrigente, de Catane ; à Bologne, vers la marche d’Ancône ; et dons l’Ombrie, à d’assez grandes distances de la mer. Il en est de même de celui que M. le marquis de Bonnac a vu tirer dans un endroit du territoire de Dantzig, séparé de la mer par de grandes hauteurs. M. Guettard, de l’Académie des sciences, conserve dans son cabinet un morceau de succin qui a été trouvé dans le sein de la terre en Pologne, à plus de cent lieues de distance de la mer Baltique, et un autre morceau trouvé à Newburg, à vingt lieues de distance de Dantzig : il y en a dans des lieux encore plus éloignés de la mer, en Podolie, en Volhinie ; le lac Lubien de Posnanie en rejette souvent, etc. Mémoires de l’Académie des sciences, année 1762, p. 251 et suiv.
  4. « J’allai, dit M. Le Monnier, visiter une mine de jayet… Elle ressemble de loin à un tas de charbon de terre appliqué contre un rocher fort élevé, au bas duquel est l’entrée d’une petite caverne dans laquelle on voit plusieurs veines de jayet qui courent dans une terre légère, et même dans les fentes du rocher : cette matière est dure, sèche, légère, fragile et irrégulière dans sa figure, si ce n’est qu’on voit plusieurs cercles concentriques dans ses fragments. On en trouve aussi quelques morceaux, mais moins beaux, sur le tas qui est à l’entrée de la mine, parmi une terre noire bitumineuse : cette terre pourrait être regardée comme une espèce de jayet impur ; car, brûlée sur la pelle, elle répand la même odeur que le plus beau jayet ; l’un et l’autre brûlent difficilement, pétillent un peu en s’échauffant, et la fumée qu’ils répandent est noire, épaisse et d’une odeur de bitume fort désagréable : on travaille assez proprement cette matière à Bugarach ; on en fait des colliers, des chapelets, etc… En donnant quelques coups de pioche sur ce tas pour découvrir quelques morceaux de jayet, j’ai aperçu des morceaux de véritable succin : la couleur en était un peu foncée, mais ils en avaient parfaitement l’odeur et l’électricité. J’ai trouvé de même, en continuant de fouiller, des bois pétrifiés avec des circonstances très favorables pour appuyer la vérité de cette transmutation… Le jayet paraît s’insinuer non seulement dans les bois pétrifiés, mais encore dans les pierres jusque dans les moindres fentes ; or, si le jayet, qui, dans sa plus grande fluidité, n’est jamais qu’un bitume liquide, et peut-être une espèce de pétrole, s’insinue si bien entre les fibres du bois et les plus petites fentes des autres corps solides, n’en doit-on pas conclure que cette matière, que nous voyons aujourd’hui dure et compacte, a été autrefois très fluide, et que ce n’est pour ainsi dire qu’une espèce d’huile desséchée et durcie par la succession du temps. » Observations d’histoire naturelle, Paris, 1739, p. 215.
  5. Histoire naturelle du Languedoc, t. II, p. 244.
  6. Idem, ibidem, p. 189.
  7. Sur la montagne de Saint-Germain, par M. Fougeroux de Bondaroy. Mémoires de l’Académie des sciences, année 1769.
  8. Histoire naturelle d’Espagne, par M. Bowles, p. 206 et 207.
  9. On m’a assuré que le bitume, pour lequel ce lac a toujours été fameux, s’élève quelquefois du fond en grosses bulles ou bouteilles, qui, dès qu’elles parviennent à la surface de l’eau et touchent l’air extérieur, crèvent en faisant un grand bruit, accompagné de beaucoup de fumée, comme la poudre fulminante des chimistes, et se dispersent en divers éclats ; mais cela ne se voit que sur les bords, car, vers le milieu, l’éruption se manifeste par des colonnes de fumée qui s’élèvent de temps en temps sur le lac : c’est peut-être à ces sortes d’éruptions qu’on doit attribuer un grand nombre de trous ou de creux qu’on trouve autour de ce lac, et qui ne ressemblent pas mal, comme dit fort bien M. Manudrelle, à certains endroits qu’on voit en Angleterre, et qui ont servi autrefois de fourneaux à faire de la chaux ; le bitume, en montant ainsi, est vraisemblablement accompagné de soufre, aussi trouve-t-on l’un et l’autre pêle-mêle répandu sur les bords. Ce soufre ne diffère en rien du soufre ordinaire ; mais le bitume est friable, plus pesant que l’eau, et il rend une mauvaise odeur lorsqu’on le frotte ou qu’on le met sur le feu ; il n’est point violet, comme l’asphaltus de Dioscoride, mais noir et luisant comme du jayet. Voyage de M. Shaw, traduit de l’anglais ; La Haye, 1743, tome II, p. 73 et 74.
  10. Voyez les Mémoires de l’Académie des sciences, année 1746, p. 720 et 721.
  11. Histoire naturelle du Languedoc, par M. de Gensane, t. Ier, p. 201 et 274.
  12. Mémoire de M. Rivière, p. 6.
  13. Boërhaave, Elementa chimiæ, t. Ier, p. 191.
  14. Mémoire sur le pétrole ; Béziers, 1752.
  15. Parmi les charbons de terre, il en est qui, à l’odeur près, ressemblent fort à l’asphalte, quant à la pureté et au coup d’œil, comme il en est qui diffèrent peu du jayet, comme aussi on voit du jayet qu’on pourrait confondre aisément avec l’asphalte et quelques charbons de terre : la matière bitumineuse qui se tire dans le voisinage de Virtemberg, fort ressemblante à du succin qui n’aurait passé que légèrement au feu, et qu’on appelle succin, paraît tenir un milieu entre le charbon de terre et le jayet. Du charbon de terre et de ses mines, par M. Morand, p. 18. — Le charbon, que les Anglais appellent kennel coal, est très pur et ressemble au jayet ; et l’on peut croire que la différence qu’il y a entre les bitumes et les charbons de terre provient de ce que ceux-ci sont mêlés de parties terreuses qui en divisent le bitume et empêchent qu’ils ne puissent, comme les autres bitumes, se liquéfier au feu et s’allumer si promptement ; mais aussi le charbon de terre est de toutes les matières de ce genre bitumineux celle qui conserve le feu plus longtemps et plus fortement… Mais, au reste, ces matières terreuses qui altèrent le bitume des charbons de terre ne sont pas celles qui s’y trouvent en plus grande quantité. Idem, ibidem.
  16. Mémoire sur la minéralogie d’Auvergne, dans ceux de l’Acad. des sciences, année 1759… Les pierres bitumineuses de l’Auvergne se trouvent dans des endroits qui forment une suite de monticules posés dans le même alignement : peut-être y a-t-il ailleurs de semblables pierres, car je sais qu’on a trouvé du bitume sur le Puy-de-Pelon, à Chamalière près de Clermont, et au pied des montagnes à l’ouest… Dans le fond des caves des Bénédictins de Clermont, où l’on trouve du bitume, on ramasse une terre argileuse d’un brun foncé, et recouverte d’une poussière jaune soufrée : la pierre du roc où les caves sont creusées est brune, ou brun jaunâtre, ou lavée de blanc : le bitume recouvre ces pierres en partie : il est sec, noir et brillant ; enfin il y a encore à Machaut, hauteur qui est à un quart de lieue de Riom, sur la route de Clermont, une source de poix dont les paysans se servent pour graisser les essieux des voitures. Indépendamment du bitume du Pont-du-Château, le roc sur lequel est construite l’écluse de cet endroit est d’une pierre argileuse, gris verdâtre et parsemée de taches noires et rondes qui paraissent bitumineuses. Idem, ibibem.
  17. « On rencontre à Miano, dit M. Fougeroux de Bondaroy, plusieurs de ces puits anciens abandonnés ; mais on n’y compte maintenant que trois puits qui fournissent du pétrole blanc, et à quelque distance de ce village, deux autres qui donnent du pétrole roux… On creuse les puits au hasard et sans y être conduit par aucun indice, à cent quatre-vingts pieds environ de profondeur… L’indice le plus sûr de la présence du pétrole est l’odeur qui s’élève du fond de la fouille, et qui se fait sentir d’autant plus vivement qu’on parvient à une plus grande profondeur, et qui vers la fin de l’ouvrage devient si forte que les ouvriers, en creusant et faisant les murs du puits, ne peuvent pas rester une demi-heure ou même un quart d’heure sans être remplacés par d’autres, et souvent on les retire évanouis : on creuse donc le puits jusqu’à ce qu’on voie sortir le pétrole, qui se filtre à travers les terres, et qui quelquefois sort avec force et par jets ; c’est ordinairement lorsqu’on est parvenu à cent quatre-vingts pieds ou environ de profondeur qu’on obtient le pétrole : souvent, en creusant le puits, on aperçoit quelques filets de pétrole qui se perdent en continuant l’ouvrage… Les puits sont abandonnés l’hiver et dès la fin de l’automne ; mais au printemps les propriétaires envoient tous les deux ou trois jours tirer le pétrole avec des sceaux comme on tire de l’eau… L’un des trois puits de Miano donne le pétrole, joint avec l’eau sur laquelle il surnage ; cette eau est claire et limpide, et un peu salée… Le pétrole, au sortir des puits, est un peu trouble, parce qu’il est mêlé d’une terre légère, et il ne devient clair que lorsqu’il a déposé cette substance étrangère au fond des vases dans lesquels on le conserve… Les environs de Miano, où l’on tire le pétrole, ne fournissent point de vraie pierre ; la montagne voisine n’est même composée que d’une terre verdâtre, compacte et argileuse… Cette terre, appelée dans le pays cocco, mise sur des charbons, ne donne point de flamme ; elle se cuit au feu, et de verdâtre elle y devient rougeâtre : elle se fond et s’amollit dans l’eau et y devient maniable : elle n’a point un goût décidé sur la langue, elle ne fleurit point à l’air ; elle fait une vive effervescence avec l’acide nitreux. » — (Cette dernière propriété me paraît indiquer que le cocco n’est pas une terre argileuse, mais plutôt une terre limoneuse, mêlée de matière calcaire.) — « Dans le lieu appelé Salso-Maggiore, continue M. de Bondaroy, et aux environs, à dix lieues de Parme, il y a des puits d’eau salée qui donnent aussi du pétrole d’une couleur rousse très foncée… La terre de Salso-Maggiore est semblable au cocco de Miano, mais d’une couleur plus plombée… Elle devient beaucoup plus verdâtre dans les lits inférieurs, et c’est de ces derniers lits que sort l’eau salée avec le pétrole, depuis quatre-vingts jusqu’à cent cinquante brasses en profondeur. » Extrait du Mémoire de M. Fougeroux de Bondaroy, sur le pétrole, dans ceux de l’Académie des sciences, année 1770. — « À douze mille de Modène, dit Bernardino Ramazini, du côté de l’Apennin, on voit un rocher escarpé et stérile au milieu d’un vallon, et qui donne naissance à plusieurs sources d’huile de pétrole : on descend dans ce rocher par un escalier de vingt-quatre marches, au bas duquel on trouve un petit bassin rempli d’une eau blanchâtre qui sort du rocher, et sur laquelle l’huile de pétrole surnage ; il se répand à cent toises à la ronde une odeur désagréable, ce qui ferait croire que cette source a subi quelque altération, puisque François Arioste, qui l’a décrite il y a trois siècles, la vante surtout pour sa bonne odeur. On amasse l’huile de pétrole deux fois par semaine sur le bassin principal, environ six livres à chaque fois : le terrain est rempli de feux souterrains qui s’échappent de temps en temps avec violence ; quelques jours avant ces éruptions, les bestiaux fuient les pâturages des environs. » Collection académique, partie étrangère, tome VI, p. 477.
  18. Voyage de Thévenot ; Paris, 1664, t. II, p. 118.
  19. Voyage autour du monde ; Paris, 1719, t. II, p. 274.
  20. Sa Majesté Louis XIV fit demander à l’ambassadeur du roi de Perse : 1o le nom de cette drogue ; 2o à quoi elle est propre ; 3o si elle guérit les maladies, tant internes qu’externes ; 4o si c’est une drogue simple ou composée. L’ambassadeur répondit : 1o que cette drogue se nomme en persan momia ; 2o qu’elle est spécifique pour les fractures des os, et généralement pour toutes les blessures ; 3o qu’elle est employée pour les maladies internes et externes ; qu’elle guérit les ulcères internes et externes, et fait sortir le fer qui pourrait être resté dans les blessures ; 4o que cette drogue est simple et naturelle ; qu’elle distille d’un rocher dans la province de Dezar, qui est une des plus méridionales de la Perse ; enfin qu’on peut s’en servir en l’appliquant sur les blessures, ou en la faisant fondre dans le beurre ou dans l’huile. — Cette notice était jointe aux deux boîtes qui renferment cette drogue.
  21. Le nom de momie, ou mumia en persan, vient de moum, qui signifie cire, gomme, onguent.
  22. MM. Pering et Browal donnent la description d’une substance grasse, que l’on tire d’un lac de la Finlande, près de Maskoter, que ces physiciens n’hésitent pas à mettre dans le genre des bitumes. Mémoires de l’Académie de Suède, t. III, année 1743.
  23. Description de l’Archipel, par Dapper ; Amsterdam, 1703, p. 497.
  24. Voyage en Égypte, par Granger ; Paris, 1745, p. 202.
  25. Les six Voyages de Tavernier ; Rouen, 1713, t. II, p. 307.
  26. Léon Africain, Description ; Lugd. Batav., part. II, p. 771.
  27. Voyage à Madagascar ; Paris, 1661, p. 162.
  28. Histoire du Japon, par Kæmpfer ; La Haye, 1729, t. Ier, p. 96.
  29. Voyage de Dampier ; Rouen, 1715, t. III, p. 391.
  30. J’ajouterai sans hésiter, dit l’auteur, que la formation de l’ambre gris est la même que celle de l’ambre jaune ou succin, parce que je sais qu’il n’y a pas longtemps qu’on a trouvé en Russie de l’ambre gris en fouillant la terre. Collect. acad., partie étrangère, t. IV, p. 297.
  31. M. de Monthéliard a observé, en travaillant à l’histoire des insectes, qu’il y a plusieurs classes d’animaux et insectes marins, tels que les polypes et autres, dont la chair est parfumée, et il est tout naturel que cette matière soit entrée dans la composition de l’ambre gris.
  32. Le capitaine William Keching dit que les Maures lui avaient appris qu’on avait trouvé sur les côtes de Monbassa, de Madagoxa, de Pata et de Brava, de prodigieuses masses d’ambre gris, dont quelques-unes pesaient jusqu’à vingt quintaux, et si grosses enfin qu’une seule pouvait cacher plusieurs hommes. Histoire générale des Voyages, t. Ier, p. 469. — Plusieurs voyageurs parlent de morceaux de cinquante et de cent livres pesant. Voyez Linscot, les anciennes relations des Indes, l’Histoire d’Éthiopie, par Gaëtan Charpy, etc.
  33. La mer jette à Jolo beaucoup d’ambre : on assure à Manille qu’avant que les Espagnols eussent pris possession de cette île, les naturels ne faisaient pas de cas de l’ambre, et que les pêcheurs s’en servaient pour faire des torches ou flambeaux, avec lesquels ils allaient pêcher pendant la nuit, mais qu’eux, Espagnols, en relevèrent bientôt le prix…

    La mer apporte l’ambre sur les côtes de Jolo vers la fin des vents d’ouest ou d’aval : on y en a quelquefois trouvé de liquide comme en fusion, lequel, ayant été ramassé et bénéficié, s’est trouvé très fin et de bonne qualité. Je ne rapporte point en détail ce que pensent les naturels de Jolo sur la nature de l’ambre… Ce qui est très singulier, c’est la quantité qui s’en trouve sur les côtes occidentales de cette île, quoique très petite, puisqu’elle n’a que quatre à cinq lieues du nord au sud, pendant qu’on n’en trouve point, ou presque point, à Mindanao, qui est une île très considérable en comparaison de Jolo. On pourrait peut-être apporter de cette différence la raison suivante : Jolo se trouve comme au milieu de toutes les autres îles de ces mers, et dans le canal de ces violents et furieux courants qu’on y ressent, et qui sont occasionnés par le resserrement des mers en ces parages ; et ce qui semblerait appuyer ces raisons est que l’ambre ne vient sur les côtes de Jolo que sur la fin des vents d’aval ou d’ouest. Voyage dans les mers de l’Inde, par M. le Gentil ; Paris, 1781, t. II, in-4o, p. 84 et 85.

  34. On en recueille aussi sur les côtes du Pégu et de Bengale, etc. Voyage de Mandeslo, suite d’Oléarius, t. II, p. 139.
  35. Quand le gouverneur de Mozambique revient à Goa, au bout de trois ans que son gouvernement est fini, il emporte environ d’ordinaire avec lui pour trois cent mille pardos d’ambre gris, et le pardos est de vingt sous de notre monnaie ; il s’en trouve quelquefois des morceaux d’une grosseur considérable. Voyages de Tavernier, t. IV, p. 73. — Il vient de l’ambre gris en abondance de Mozambique et de Sofala. Relation de Saris : Histoire générale des Voyages, t. II, p. 185.
  36. On trouve quelquefois de l’ambre gris aux îles du cap Vert, et particulièrement à l’île de Sal ; et l’on prétend que si les chats sauvages, et même les tortues vertes, ne mangeaient pas cette précieuse gomme, on y en trouverait beaucoup davantage. Robertz, dans l’Histoire générale des Voyages, t. II, p. 323.
  37. Sur le bord de l’Océan, dans la province de Sui, au royaume de Maroc, on rencontre beaucoup d’ambre gris, que ceux du pays donnent à bon marché aux Européens qui y trafiquent. L’Afrique de Marmol ; Paris, 1667, t. II, p. 30. — On tire des rivières de Gambie, de Catsiao et de Saint-Domingo de très bons ambres gris : dans le temps que j’étais sur la mer, elle en jeta sur le rivage une pièce d’environ trente livres ; j’en achetai quatre livres, dont une partie fut vendue en Europe, au prix de huit cent florins la livre. Voyage de Vaden de Broeck, t. II, p. 308.
  38. Voyez l’Histoire générale des Voyages, t. II, p. 187, 363, 367 ; t. V, p. 210, et t. XIV, p. 247. — L’ambre gris est assez commun sur quelques côtes de Madagascar et de l’île Sainte-Marie : après qu’il y a eu une grande tourmente, on le trouve sur le rivage de la mer. C’est un bitume qui provient du fond de l’eau, se coagule par succession de temps, et devient ferme : les poissons, les oiseaux, les crabes, les cochons, l’aiment tant qu’ils le cherchent incessamment pour le dévorer. Voyages de Flacour, p. 29 et 150.
  39. Histoire des Aventuriers, etc. ; Paris, 1686, t. Ier, p. 307 et 308. — Le nommé Barker a trouvé et ramassé lui-même un morceau d’ambre gris, dans la baie de Honduras, sur une grève sablonneuse, qui pesait plus de cent livres ; sa couleur tirait sur le noir, et il était dur à peu près comme un fromage, et de bonne odeur après qu’il fut séché. Voyage de Dampier, t. Ier, p. 20.
  40. « Kæmpfer dit qu’on le tire principalement des intestins d’une baleine assez commune dans la mer du Japon et nommée fiaksiro : il y est mêlé avec les excréments de l’animal, qui sont comme de la chaux, et presque aussi durs qu’une pierre. C’est par leur dureté qu’on juge s’il s’y trouvera de l’ambre gris ; mais ce n’est pas de là qu’il tire son origine. De quelque manière qu’il croisse au fond de la mer ou sur les côtes, il paraît qu’il sert de nourriture à ces baleines, et qu’il ne fait que se perfectionner dans leurs entrailles : avant qu’elles l’aient avalé, ce n’est qu’une substance assez difforme, plate, gluante, semblable à la bouse de vache, et d’une odeur très désagréable : ceux qui le trouvent dans cet état, flottant sur l’eau ou jeté sur le rivage, le divisent en petits morceaux, qu’ils pressent pour lui donner la forme de boule ; à mesure qu’il durcit, il devient plus solide et plus pesant ; d’autres le mêlent et le pétrissent avec de la farine de cosses de riz, qui en augmente la quantité et relève la couleur. Il y a d’autres manières de le falsifier ; mais, si l’on en fait brûler un morceau, le mélange se découvre aussitôt par la couleur, l’odeur et les autres qualités de la fumée. Les Chinois, pour le mettre à l’épreuve, en râclent un peu dans de l’eau de thé bouillante : s’il est véritable, il se dissout et se répand avec égalité, ce que ne fera pas celui qui est sophistiqué. Les Japonais n’ont appris que des Chinois et des Hollandais la valeur de l’ambre gris : à l’exemple de la plupart des nations orientales de l’Asie, ils lui préfèrent l’ambre jaune. » Histoire générale des Voyages, t. X, p. 657.
  41. Voyez les Transactions philosophiques, nos 385 et 387, et la réfutation de cette opinion dans les nos 433, 434 et 435.
  42. Voyage de Robert Lade ; Paris, 1744, t. II, p. 48, 51, 72, 98, 99 et 492.
  43. Histoire du Japon, par Kæmpfer, Appendice, t. II, p. 50.
  44. Voyez l’article de l’animal musc, t. III, p. 395, et ceux de la civette et du zibet, t. id., p. 92.
Notes de l’éditeur
  1. Voyez la note de la page 4. On a émis récemment l’opinion que le bitume, au lieu d’être une sorte de produit de distillation des matières organiques fossiles, se serait formé par une véritable synthèse effectuée sous l’influence de la chaleur et conformément aux réactions synthétiques pyrogénées signalées par M. Berthelot. On s’appuie, pour admettre cette opinion, sur ce qu’il se trouve dans une foule de régions, notamment dans le granit du plateau central, où n’existent pas de fossiles. [Note de Wikisource : C’est la première opinion qui est la bonne : tous les produits bitumineux dérivent de matière organique enfouie, ayant subi en profondeur une décomposition par la chaleur. Elle produit le pétrole et le gaz naturel, qui, lorsque la décomposition est suffisamment avancée, sont expulsés par la pression, puis remontent peu à peu vers la surface. S’ils sont piégés lors de leur remontée par une couche imperméable sous laquelle ils s’accumulent, ils constituent les gisements d’hydrocarbures ; sinon, ils subissent en surface une dernière altération par les eaux météoritiques et les bactéries anaérobies, qui les privent de leurs composés les plus légers et les rendent visqueux voire solides.]
  2. On ignore encore l’origine véritable de l’ambre jaune. [Note de Wikisource : L’ambre jaune est issu de la fossilisation de résine de conifères.]
  3. Le Jayet est une lignite durcie ; il présente très manifestement, dans un grand nombre de cas, les traces de la structure ligneuse.
  4. Les sources les plus importantes de pétrole sont celles qui ont été découvertes dans l’Amérique du Nord en 1858. Drake, qui faisait à cette époque des sondages dans la vallée nommée Oil Creek, en Pensylvanie, pour y découvrir des sources salées, fit jaillir d’un puits artésien une source de pétrole qui débitait près de 4 000 litres par jour. Cette source provenait d’une nappe souterraine immense, exploitée aujourd’hui dans la Pensylvanie, le Canada, l’Ohio, l’Illinois, la Virginie, la Géorgie, le Maryland, le Kentucky et même la Californie. Dans l’Ohio et la Pensylvanie, qui contiennent les gisements les plus importants, il existe 12 à 15 000 puits.

    De ce pétrole on retire : l’essence minérale, l’huile de pétrole ordinaire qui sert, comme l’essence, à l’éclairage, l’huile lourde qui n’est employée que dans le graissage, et la paraffine.

  5. On considère, en effet, la copale comme une résine fossile dont on distingue plusieurs sortes, notamment la résine de Highgate, la berengelite, etc.
  6. On ignore l’origine véritable de l’ambre gris ; à l’heure actuelle, on le considère généralement comme un produit de sécrétion durci de certains animaux, notamment des Cétacés. [Note de Wikisource : Il s’agit en effet de concrétions intestinales du cachalot. Il n’a donc aucun rapport avec l’ambre jaune que son nom.]