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Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des minéraux/Mines de fer cristallisées par le feu

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MINES DE FER CRISTALLISÉES PAR LE FEU

Tous les métaux tenus longtemps en fusion et en repos forment à leur surface des cristaux opaques ; la fonte de fer retenue dans le creuset, sous la flamme du fourneau, en produit de plus ou moins apparents, dont la grandeur et la forme ont été très bien indiquées par M. de Grignon[1] ; il est même le premier qui ait fait cette remarque importante : les chimistes ont ensuite recherché si les autres métaux pouvaient, comme le fer, se cristalliser par la longue action du feu, leurs tentatives ont eu tout le succès qu’on pouvait en attendre ; ils ont reconnu que non seulement tous les métaux, mais même les demi-métaux et les autres substances métalliques qui donnent des régules[2] forment également des cristaux lorsqu’on leur applique convenablement le degré de feu constant et continu qui est nécessaire à cette opération.

Les cristaux de la fonte de fer produits par le feu agissent très puissamment sur l’aiguille aimantée, comme toute autre matière ferrugineuse qui a subi l’action du feu : les mines primordiales de fer, qui ont été formées dès le temps de l’incandescence du globe par le feu primitif, sont non seulement attirables à l’aimant, mais souvent parsemées de ces cristaux que la nature a produits avant notre art, et auxquels on n’avait pas fait assez d’attention pour reconnaître que c’était une production du feu ; mais on a vu depuis ces cristaux dans la plupart des mines de première formation, et même dans quelques autres de formation plus récente[3], et dans la composition desquelles sont entrés les fragments, et par conséquent les cristaux des mines primitives.


Notes de Buffon
  1. Mémoires de physique, p. 71 et 79.
  2. Le bismuth est des demi-métaux celui qui se cristallise le plus aisément au feu. En répétant les expériences de M. l’abbé Mongez, m’écrit M. de Morveau, j’ai vu quelque chose qu’il n’a pas dit et qui me paraît fait pour donner les idées les plus lumineuses sur la formation des cristaux métalliques ; c’est en traitant le bismuth, qui donne de grandes facilités par sa grande fusibilité : que l’on verse tout uniment du bismuth en fusion sur une assiette de terre, on voit insensiblement paraître des carrés à la surface ; quand il y en a un certain nombre, qu’on incline le vaisseau pour faire couler ce qui reste de fluide, on a de beaux cubes isolés. C’est ainsi que j’ai obtenu ceux que je joins ici ; j’ai pensé que vous ne seriez pas fâché d’en voir un échantillon ; il n’y a pas de description qui puisse en dire autant qu’un coup d’œil sur l’objet même. (Note communiquée par M. de Morveau, en octobre 1782.)
  3. On trouve, dans les mines de Suède, le fer en cristaux qui ont jusqu’à un pouce de diamètre, et ces cristaux sont très attirables à l’aimant… Ces cristaux de fer de cinq ou six lignes se voient aussi dans les stéatites de l’île de Corse où ils sont implantés comme le sont ailleurs, dans ces mêmes roches, les grenats, les schorls et les tourmalines… Il se trouve encore de ces cristaux de fer dans les mines du bannat de Témeswar et dans le ruisseau d’Expailly, près du Puy en Velay… Le fer, dans ces cristaux, est tantôt apparent, noir et luisant à sa superficie, tantôt revêtu d’une croûte talqueuse, brunâtre ou verdâtre, plus ou moins épaisse ; mais cette écorce talqueuse ou de stéatite n’empêche pas qu’il ne soit fort attirable à l’aimant. Cristallographie, par M. Romé de Lisle, t. III, p. 178 et suiv.