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Œuvres complètes de Frédéric Ozanam, 3e édition/Volume 11/101b

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Lecoffre (Œuvres complètes volume 11, 1873p. 544-545).

PRIÈRE
San Jacopo, 15 mai 1853.

Nous ne sommes pas assez reconnaissants des petits bienfaits de Dieu. Nous le remercions de nous avoir créés,rachetés et faits chrétiens, de nous avoir donné de bons parents, une femme et un enfant bien-aimés, de s’être tant de fois donné lui-même au sacrement de l'autel !. Mais après ces grâces puissantes qui soutiennent pour ainsi dire la trame de la vie, combien de grâces plus délicates en forment le tissu ! C’est le bon camarade que je rencontrai la première année de collège, et qui m’édifia au lieu de me pervertir. C’est, quand j’arrivai à Paris, le paternel accueil de M. Ampère, et ce conseil de M. de Chateaubriand de ne pas mettre les pieds aux théâtres. C’est bien moins que cela, une inspiration qui me pousse à voir mes pauvres un jour de mauvaise humeur, et qui me fait descendre de chez eux tout humilié de mes misères d’imagination devant l’effroyable réalité de leurs maux. C’est souvent une circonstance de néant, une importunité ce semble, une visite à recevoir que je maudis, et elle me donne plus tard l’occasion de faire quelque bien. A l’heure qu’il est, le grand bienfait de Dieu serait de me guérir, de me guérir d’un seul coup, ainsi que le demandent pour moi mes proches, mes amis et tant de saintes âmes. Mais jusqu’à ce jour, Seigneur, vous ne l’avez pas voulu. Je ne compterai cependant pas parmi les petites faveurs les tendres soins dont vous me faites entourer, ni les consolations religieuses qui me viennent de vous avec une douceur inexprimable.