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Acadie/Tome II/15

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Texte établi par Henri d’Arles, J.-A. K.-Laflamme (Tome 2p. 289-330).

CHAPITRE VINGT-SIXIÈME



Six juin. — Lawrence, par supercherie, fait enlever quatre cents fusils. — Ordre est donné aux Acadiens de livrer le reste de leurs armes. — Dix juin. — Requête des Acadiens de Grand-Pré et de Pigiquit priant Lawrence de ne pas les obliger à cette livraison. — Cette requête n’est prise en considération que le trois juillet ; entre temps, les armes sont livrées. — La dite requête est trouvée insolente. — Nouvelle requête. — Griefs de Lawrence. — Les députés Acadiens refusent d’abord de prêter le serment. — Le lendemain, ils s’offrent à le faire. — Lawrence à son tour refuse. — Ils sont emprisonnés.


La prise de Beauséjour avait été une opération de haute importance. Elle avait été accomplie en temps de paix ; mais, ainsi que nous l’avons dit ailleurs, cette paix ne fut qu’une longue suite d’hostilités. Sourdes jusqu’à cette époque, ces hostilités éclatèrent alors avec une extrême violence sur toute l’étendue de la frontière, depuis le Golfe Saint-Laurent jusqu’au Mexique, — encore que la guerre n’ait été officiellement déclarée que près d’un an plus tard. L’occupation de l’isthme, et de toute la côte nord de la Baie de Fundy, par les Français, avait été une source d’ennuis pour les Anglais, et de difficultés entre les deux nations. Quant aux Acadiens, leur situation avait été plus difficile que jamais : déjà critique par elle-même, elle avait encore été aggravée, d’un côté par les exigences et les rigueurs des gouverneurs anglais, de l’autre par les agissements de Le Loutre, et la conduite des autorités françaises à leur égard[1].

Il semble que la prise de Beauséjour eût dû rassurer les Anglais quant au danger que pouvaient occasionner les Acadiens, si tant est que ces derniers eussent jamais pu être à craindre. Qu’y avait-il à redouter de la part de gens qui, pendant quarante-cinq ans, malgré toutes sortes de séductions, et en dépit des circonstances délicates dans lesquelles ils s’étaient trouvés, non-seulement n’avaient jamais pris les armes, mais n’avaient pas même résisté sérieusement aux ordres les plus arbitraires ? Puisque ceux qui traversèrent la frontière, — et ils étaient peu nombreux, — ne le firent qu’à leur corps défendant, forcés par les sauvages qui incendièrent leurs habitations ; puisque ceux qui prirent les armes à Beauséjour, et ils étaient également en petit nombre, n’agirent ainsi que par contrainte, quel péril pouvaient présenter ceux qui restaient dans la péninsule, quand avait disparu le point sur lequel eût pu s’appuyer leur révolte ? Poser la question, c’est la résoudre. Et personne ne le savait mieux que Lawrence. Il avait apprécié avec beaucoup d’exactitude les dispositions de ceux qui habitaient du côté des Français ; il était certain, et il le disait d’ailleurs, qu’à moins d’exercer sur eux une pression énorme, ou de circonstances tout à fait exceptionnelles, il serait impossible de les porter à prendre les armes contre les Anglais. Des conjonctures difficiles s’étaient présentées à la fois devant eux, lors du siège de Beauséjour : le résultat de cette épreuve à laquelle ils avaient été soumis avait été meilleur encore que le gouverneur ne l’avait prévu ; ils en étaient sortis à leur honneur. Quel est celui de nos lecteurs qui, s’il est convaincu que les faits que nous avons rapportés sont exacts, doutera maintenant de la fidélité des Acadiens demeurés dans la péninsule, loin des Français et de leurs alléchantes promesses, entourés de forts et de soldats prêts à les contenir au besoin, ayant leurs biens et leurs familles à protéger et à sauvegarder, sans secours possible du dehors, n’ayant rien à gagner, mais au contraire ayant tout à perdre à se soulever ? Toutes les conditions qui pouvaient raisonnablement faire supposer que ceux qui habitaient chez les Français prendraient les armes en leur faveur, se trouvaient ici complètement renversées. Ceux-là étaient sans conteste sujets français, ils avaient le droit de prendre les armes du côté des Français ; ils ne le voulurent pas cependant, empêchés qu’ils étaient par des scrupules ayant leur source dans une situation, claire en soi, mais qui, pour des gens simples et droits, laissait subsister encore un doute. Les autres étaient, au contraire, sujets anglais ; ils étaient liés par un serment ; leur devoir était tout tracé, tant qu’ils restaient en territoire anglais. Et ils auraient été à redouter ! La chose n’était pas possible.

Quant aux premiers, ils se trouvaient sous le coup d’une pression énorme tendant à les convaincre de leur qualité de sujets français, et à les forcer à prendre les armes pour la France. Ils résistèrent avec une opiniâtreté à peine croyable, mais dont on ne peut douter cependant. Peut-on raisonnablement supposer que les seconds, sujets anglais, échappant à toute influence indue, sans contact possible avec les Français, aient pu résister à l’autorité britannique, ou seulement méditer la résistance et le trouble ? Les premiers étaient soutenus, protégés par les Français ; ils pouvaient espérer dans le succès des armes françaises ; les seconds étalent sous la dépendance absolue des Anglais ; ils ne pouvaient attendre ni appui ni secours de la part des Français, qui alors étaient défaits, humiliés, et chassés de toutes leurs positions sur hi Baie de Fundy. Placés dans une telle situation qui ne leur offrait aucune issue favorable, l’on oserait avancer qu’ils aient pu être dangereux, et comploter de troubler la paix ! Mais la chose est invraisemblable, ridicule à l’extrême !

Si cet argument ne tranche pas la question, il devient inutile de raisonner par induction. Lawrence connaissait trop bien les dispositions des Acadiens pour en douter un instant ; et c’est lui-même qui, dans la déclaration que nous avons citée vers la fin du chapitre précédent, nous en fournit la preuve indiscutable.

Mais alors, comment expliquer la conduite de ce gouverneur ? La réponse est simple : par des motifs d’intérêt. Et si cela n’est pas encore suffisamment clair, cela le sera bientôt. Car, si concluant que soit tout ce que nous venons de dire, ce n’est encore qu’un fragment de notre preuve.

Il y avait déjà près d’un an que Lawrence avait décidé dans son esprit la déportation en masse des Acadiens. Il attendait l’occasion favorable : cette occasion, il la préparait avec une patience de taupe, et avec toute l’habileté que Clive et Hastings déployaient vers le même temps à l’égard des populations de l’Inde[2]. Les imaginations, en Angleterre, étaient alors vivement exaltées par les récits éblouissants des trésors des Rajahs, par les fortunes princières que rapportaient de Calcutta, de Bombay et de Madras, les serviteurs[3] de la Compagnie des Indes. L’Amérique n’offrait aucun de ces avantages. Ici, il n’y avait ni trésors amassés, ni Nababs à dépouiller, ni Bengalis à pressurer ; mais l’esprit fertile de Lawrence avait vu la possibilité d’une opération qui pouvait le conduire à de pareils résultats. N’avait-il pas sous la main et en son pouvoir, isolée dans ce coin du continent, une petite population paisible et soumise ? Pris séparément, ces paysans n’avaient rien qui pût tenter un homme qui rêvait de grandeurs et de richesses ; mais, collectivement, ils lui offraient l’occasion d’un joli gain à réaliser. Tant que les Français occuperaient le nord de la Baie de Fundy, la mise à exécution de ses projets serait impossible. La prise de Beauséjour, l’éloignement des Français, pourraient seuls lui permettre de les parfaire sans trop de dangers. C’était donc là l’occasion qu’il avait de longue main préparée. L’obstacle avait maintenant disparu ; mais il fallait se donner des prétextes pour agir. Le moyen fut l’oppression. Il espérait qu’en rendant aux Acadiens le sort intolérable, il les pousserait, par désespoir, à des actes d’insubordination ou de résistance qui le justifieraient, et le mettraient à l’abri de la disgrâce, sinon de la censure des autorités. Nous allons voir que tous ses efforts, pour les faire se révolter, n’aboutirent à rien ; mais telle était sa détermination qu’il les déporta quand même.

Après mûre considération, nous avons acquis la ferme conviction que, plus Lawrence persécuta les Acadiens, plus ceux-ci se montrèrent soumis, et plus ils évitèrent de lui fournir des prétextes de sévir contre eux. Ils sentaient vaguement que dans l’ombre se tramaient des complots contre leur existence ; ils voyaient avec effroi que la main de fer qui pesait sur eux resserrait de jour en jour les anneaux de la chaîne destinée à les envelopper et à les broyer. De quelque côté qu’ils jetassent leurs regards, ils apercevaient partout les signes d’un malheur prochain, inévitable de toute façon, — qu’ils opposassent de la résistance ou qu’ils fissent leur soumission, qu’ils refusassent ou prêtassent le serment. Sous Cornwallis et Hopson, ils avaient au moins pu espérer que, s’ils prêtaient ce serment, l’on ne s’en prévaudrait pas pour les forcer à prendre les armes contre les Français ; avec Lawrence, ils ne pouvaient rien espérer de tel ; au contraire, ce dernier en profiterait, devaient-ils penser, pour les river au sol et pour chasser leurs prêtres. Acculés dans cette impasse, ils crurent que le plus sûr moyen de retarder le malheur qui les menaçait, ou de l’amoindrir, serait la soumission complète ; et, soit entente formelle, ce qui ne nous étonnerait pas, soit sentiment commun éclos des circonstances, tous leurs actes furent dans le sens de la plus entière soumission. Après tout, devaient-ils se dire, ce qui pourrait nous arriver de plus grave serait l’ordre de quitter le pays, sans rien emporter de nos biens. Cette alternative, si pénible qu’elle soit, nous l’avons déjà envisagée et acceptée ; nous l’accepterions encore, s’il le fallait. — Hélas ! dans leur droiture et leur simplicité, ils n’avaient probablement pas soupçonné qu’il restait une autre solution, terrible celle-là, — laquelle ne se présenterait pas sous forme d’alternative et ne leur laisserait pas d’issue possible.

Vers le six de juin, c’est-à-dire durant le siège de Beauséjour, Lawrence exécuta le projet suivant : Cent hommes du Fort Edouard, et cinquante de Halifax, furent dirigés sur le quartier des Mines pour s’emparer des aimes des habitants[4]. L’on devait simuler une excursion de pêche et faire mine d’être en route pour Annapolis. Les soldats arriveraient le soir à Grand-Pré et dans les localités avoisinantes, et, au lieu de coucher dans les granges, comme c’en était l’habitude, se répartiraient deux par deux dans les maisons des habitants. À l’heure de minuit, l’on saisirait les armes et munitions qui seraient trouvées dans chacune des maisons ainsi occupées. Il n’y avait pas à en douter, l’entreprise était destinée à réussir sans rencontrer de résistance. C’est ce qui arriva en effet. Le lendemain matin, chaque soldat se dirigea vers le rendez-vous qui avait été assigné, avec les armes qu’il avait confisquées. Ces armes, au nombre de quatre cents, furent placées à bord d’un bateau qui se trouvait là à cette fin, et transportées au fort Édouard[5].

Immédiatement, ou tout au plus quelques jours après ce beau coup d’adresse, un ordre fut lancé enjoignant à tous les Acadiens de la péninsule, ayant chez eux des armes, d’avoir à les porter au Fort Édouard, sous peine d’être traités comme des rebelles[6].

Comme on peut le penser, ces procédés n’étaient pas de nature à plaire aux Acadiens, encore moins à gagner leur affection. Avaient-ils donné même des prétextes à des actes aussi arbitraires et aussi irritants ? Pas le moins du monde ! Depuis les incidents que nous avons racontés et qui sont antérieurs de plusieurs mois à ceux qui nous occupent maintenant, il n’est rien aux Archives qui indique un seul cas d’insoumission. Après ce que nous avons vu de la conduite des Acadiens de Beauséjour, il est à peu près impossible de supposer que Lawrence ait eu recours à cet indigne stratagème parce qu’il craignait une insurrection. Cela prêterait à rire. Le gouverneur avait cependant son but en agissant de la sorte ; et nous croyons que non-seulement la déportation était décidée en principe depuis longtemps, mais que la manière dont elle serait exécutée était dès lors réglée dans tous ses détails. Il fallait qu’elle eût lieu dans le cours de la saison. Le temps pressait. Il lui paraissait donc urgent de rendre plus pesant et plus odieux le joug auquel les habitants étaient soumis, de provoquer parmi eux, par un procédé nouveau encore plus exaspérant que les autres, des . mécontentements et des troubles. Telle était la seule lin immédiate qu’il se proposait en faisant enlever leurs armes et en édictant l’ordre que nous venons de mentionner. Pour gagner du temps, il n’attendit même pas la capitulation de Beauséjour. Dès qu’il se fût rendu compte que la faible garnison de ce fort ne serait pas secourue par les troupes de Louisbourg ni par la masse des Acadiens émigrés, il réalisa son plan. Nous disons que sa fin immédiate fut de susciter par là des troubles : il pouvait avoir aussi un autre but, celui de désarmer tous les Acadiens par peur d’une insurrection véritable au moment suprême de la déportation. Mais nous prétendons que son intention première était de susciter par là du mécontentement et des troubles : autrement, son action eût été, non seulement maladroite, mais extrêmement dangereuse, si l’on suppose qu’il avait affaire à une population remuante et mal disposée. En effet, ce coup hautement provocateur ne pouvait aboutir qu’à un désarmement partiel ; et les quatre cents mousquets dont on s’empara ne formaient probablement pas le cinquième des armes que possédaient les Acadiens. Par conséquent, si ceux-ci avaient été insoumis et mûrs pour la révolte, — et c’était ce que donnait à entendre l’enlèvement que Lawrence exécuta, — cette rafle était un moyen infaillible de la faire éclater et de la rendre plus terrible ; c’était, de plus, un moyen sûr de faire mépriser les ordres donnés pour la livraison de ce qui restait, c’est-à-dire environ les quatre cinquièmes. Or, Lawrence était beaucoup trop rusé pour qu’on lui prête un projet aussi périlleux. Par voie d’induction, et pour ne pas tomber dans l’absurde, nous sommes logiquement amené à conclure que Lawrence reposait une telle confiance dans le caractère inoffensif des Acadiens qu’il croyait pouvoir ainsi s’emparer sans danger d’une faible portion de leurs armes. Mais alors, pour la même raison, nous sommes également amenés à conclure qu’il s’attendait du moins à créer par là de l’irritation, de l’insoumission, et peut-être des troubles partiels, desquels il s’autoriserait pour sévir davantage, et pour justifier la déportation qu’il contemplait. Il se trompa cependant, en ce sens qu’il ne provoqua ni troubles ni insoumission. Si incroyable que soit une obéissance portée à ce point, elle n’en est pas moins un fait irrécusable.

Se rappelant les rigueurs exercées contre quelques-uns des leurs, l’automne précédent, pour avoir suspendu temporairement, en attendant une réponse à leurs représentations, l’exécution des ordres arbitraires de Lawrence au sujet de la livraison du bois, les Acadiens cette fois obéirent unanimement à la sommation d’avoir à livrer leurs armes. Ils adressèrent toutefois une requête à Lawrence, immédiatement après que cette sommation leur eût été signifiée : la requête est en date du 10 juin. Il eût été convenable pour le gouverneur de la prendre en considération avant le jour fixé pour la livraison des armes, puisque son objet était de faire révoquer ce commandement. Il n’en fit rien. Pour éviter de donner une réponse en temps opportun, il laissa passer la limite assignée à l’exécution de son ordre ; et ce ne fut que quelques semaines après, le trois juillet suivant, qu’il condescendit à les entendre. Au jour dit, les Acadiens, pour ne pas s’exposer à de nouvelles sévérités et à de nouveaux malheurs, remirent leurs fusils, lesquels, d’après le témoignage du juge Deschamps cité par le Dr. Brown, étaient au nombre de deux mille neuf cents[7]. Haliburton, qui n’a qu’imparfaitement saisi le fond de la comédie qui se jouait, a dit à ce sujet : « Les Acadiens se soumirent à ces ordres (le désarmement ) d’une façon qui aurait dû convaincre le gouvernement qu’ils n’avaient nullement l’intention de se révolter. Mais, en leur qualité de Papistes et de Français, leur obéissance n’a jamais compté beaucoup aux yeux de leurs maîtres protestants et anglais, qui les détestaient et les craignaient à la fois[8]. »

Sans parler de tous les autres actes de soumission déjà relatés, tous si probants en faveur de la conduite des Acadiens, ce dernier ne serait-il pas suffisant à lui seul pour résoudre définitivement la question de leur obéissance constamment passive ? Et cependant, tout cela n’a pas persuadé Parkman, ou mieux, il a fait semblant de ne pas l’être, si tant est qu’il se soit donné la peine d’examiner sérieusement ces événements, ce dont nous doutons fort.

Nous ne savons vraiment pas si nous pourrions trouver dans l’histoire un exemple de pareille soumission à un pareil despotisme. Ce n’est certainement pas la Nouvelle Angleterre qui nous l’offrirait ; et, si nous avons un blâme à adresser aux Acadiens, c’est d’avoir poussé ce sentiment à un point où il cesse presque d’être une vertu ; car il y avait excès, et, portée à ce degré, la soumission devient un danger[9]. Il y aura toujours des hommes pervers qui en prendront avantage pour exploiter à leur profit de telles dispositions. Il vient un temps où les maux qu’amène la soumission sont plus grands que ceux qu’entraîne la résistance. Or, ce temps était arrivé pour les Acadiens, depuis la nomination de Lawrence au poste de gouverneur de la Province. Ils ne le comprirent pas. Et comment l’auraient-ils compris, à moins d’avoir connu les secrètes pensées de ce personnage ? Pouvaient-ils sonder toute la profondeur de méchanceté qu’il y avait dans cette brute ? Ils virent bien qu’il paraissait chercher des prétextes pour les accabler davantage, les exaspérer, et ainsi obtenir peut-être du gouvernement de la Métropole l’autorisation de leur ordonner de quitter le pays. Ils crurent ingénument que, de lui-même, Lawrence ne pouvait, ou n’oserait en venir à cette extrémité. Que si elle se présentait, eh ! bien, ils partiraient, voilà tout. Tel était, nous n’en doutons pas, leur fatal état d’âme ; et voilà pourquoi leur soumission fut portée jusqu’à cet excès désastreux,

Lawrence dut être désappointé devant une obéissance aussi complète. Il s’était imaginé que la confiscation de quelques centaines de fusils, serait le moyen le plus efficace de provoquer l’insoumission à l’ordre de livrer les quelques milliers d’autres, qui restaient aux mains des Acadiens. Au lieu de cela, tout s’était passé sans lui fournir le plus léger prétexte à sévir. Qu’allait-il faire ! Mais pouvait-il être en peine, lui qui avait toute autorité, et dont le despotisme ne connaissait aucun frein ? Il s’en prit à la requête dont nous avons parlé. Nous la citerons en entier, afin de mettre le lecteur en mesure de juger si, par son contenu ou par sa forme, elle méritait l’accueil qui lui fut fait[10] :


Aux mines, ce 10 juin 1755.

« À Son Excellence Charles Lawrence, écuyer, gouverneur de la province de la Nouvelle-Écosse ou Acadie, etc., etc.


« Monseigneur, — Les habitants des Mines, de Pisiquid, et de la Rivière-aux-Canards, prennent la liberté de s’approcher de votre Excellence pour lui témoigner combien ils 10. sont sensibles à la conduite que le gouvernement tient à leur égard. Il parait, monseigneur, que votre Excellence doute de la sincérité avec laquelle nous avons promis d’être fidèles à Sa Majesté Britannique. Nous supplions très humblement Votre Excellence de considérer nore conduitte passée elle voira que bien loin de fausser le serment que nous avons prettés, nous l’avons maintenus dans son entier, malgré les sollicitations et les menaces effrayantes d’une autre puissance. Nous sommes aujourd’huy, monseigneur, dans les mêmes dispositions les plus pures et les plus sincères de prouver en toute circonstance une fidélité à toute épreuve pour Sa Majesté, de la même façon que nous l’avons fait jusqu’ici tandis que Sa Majesté nous laissera les mêmes libertés qu’elle nous a accordés, à ce sujet nous prions instemment votre Excellence de vouloir nous informer des Intentions de Sa Majesté sur cet article, et de vouloir bien en donner des assurances de sa part.

« Permettez-nous s’il vous plaît. Monseigneur, d’exposer ici les circonstances gênantes dans lesquelles on nous retiens au préjudice de la tranquilité dont nous devons jouir. Sous prétexte que nous transportons notre Bled ou autres denrées à la pointe de Beauséjour, et à la Rivière St-Jean, il ne nous est plus permis de faire le moindre transport de Bled par eau d’une endroit à l’autre ; nous supplions votre Excellence de croire nue nous n’avons jamais transporté aucune Provision de vivre, ni à la pointe ni à la Rivière St-Jean. Si quelques habitans réfugiés à la pointe ont été saisies avec des Bestiaux nous n’en sommes aucunement coupables d’autant que les Bestiaux leur appartenoient en particulier et qu’ils les conduisoient sur leurs habitations respectives. Quant à nous, monseigneur, nous n’avons jamais d’élinqué sur ces sortes de matière, par conséquent nous devrions ce nous semble n’en être pas punis au contraire nous espérons qu’il plaira à votre Excellence nous rendre la même libertés que nous avions cy-devant en nous rendant l’usage de nos canots, soit pour transporter nos besoins d’une Rivière à l’autre, soit pour faire la Pêche, et par la subvenir à notre nourriture. Cette Permission ne nous a jamais, été ôtée qu’aprésent, nous espérons. Monseigneur, qu’il vous plaira nous la rendre, surtout en considération de quantité de pauvres habitans que seroient bien aises de substanter leur famille avec le Poisson qu’ils pourroient prendre.

« De plus nos Fusils, que nous regardons comme nos propres meubles nous ont été enlevés, malgré qui nous sont d’une dernière nécessité, soit pour défendre nos Bestiaux qui sont attaqués par les Betes sauvages, soit pour la conservation de nos Enfans et de nous-mêmes, tel habitan qui a ses Bœufs dans les Bois, et qui en a besoin pour ses travaux, n’oseroit s’exposer à aller les chercher, sans être en état de se deffendre et de se conserver, il est certain. Monseigneur, que depuis que les Sauvages ne fréquentent plus nos Quartiers, les Bêtes féroces sont extrêmement augmentées, et que nos Bestiaux en sont dévorés presque tous les jours, d’ailleurs les Armes que l’on nous enlève sont un foible garant de notre fidélité, ce n’est pas ce fusil que possède un Habitan qui le portera à la Révolte, ni la privation de ce même Fusil qui le rendre plus fidel, mais sa conscience seule le doit engager à maintenir son sermen.

« Il paroit un Ordre de par votre Excellence, donné au Fort Edward le 4 juin 1755, et de la 28e Armée du règne de Sa Majesté, signé A. Murray, par lequel il nous enjoints de transporter les Fusils, Pistolets au Fort Edward, il nous peroit, Monseigneur, qu’il nous seroit dangereux d’exécuter cet Ordre (dans le supposé qu’il s’en trouva encore quelques un qui auroient échappés à la recherche exacte que l’on en a faite) avant que de vous représenter le danger auquel cet Ordre nous expose, les Sauvages pouvent venir nous menacer et nous saccager en nous reprochant que nous avons fournis des Armes pour les tuer, nous espérons, Monsigneur, que bien loin de nous le faire exécuter avec tant de danger, qu’il vous plaira au contraire d’ordonner que l’on nous remette ceux que l’on nous a enlevées, et nous procurer le moyen par là de nous conserver nous et nos Bestiaux.

« En dernier lieu, il nous est douloureux. Monseigneur de nous voir coupables sans le scavoir, un de nos Habitans de la Rivière au Canards, nommé Pierre Melancon, a été saisi et arrêté avec la charge de son canot, avant d’avoir entendu aucun Ordre portant deffence de ces sorts de transports. Nous supplions à ce sujet. Vote Excellence de vouloir nous communiquer son bon plaisir avant de nous confisquer et de nous mettre en faute. Ce sont les grâces que nous attendons des bontés de votre Excellence, et nous espérons que vous nous ferez la justice de croire que bien loin de vouloir transgresser nos promesses nous les maintiendront en assurant que nous sommes très respectueusement, monseigneur, vos très humbles et très obéissants serviteurs.

« Signé par vingt-cinq des susdits habitants.) »

Ceci est l’orignal de la requête dont Akins donne la traduction. Si ce n’est pas là, eu égard aux circonstances, et même absolument parlant, une supplique particulièrement respectueuse, nous ignorons alors en quoi consiste le respect. C’est avec ce document que Lawrence, qui n’avait pu, par aucun moyen, se créer des griefs et des prétextes, allait soulever la tempête, tempête qu’il serait seul à faire, tempête dans un ciel serein, tempête sans vents et sans nuages, mais d’autant plus terrible qu’elle serait sans cause. Le lecteur qui n’est pas au courant des faits, serait bien en peine, en lisant cette humble requête, qui porte l’empreinte de la soumission et de la sincérité, de découvrir sur quoi Lawrence allait se fonder pour trouver des motifs à la persécution. Et, pour faire encore mieux comprendre l’esprit qui animait cet homme, et sa détermination de chercher querelle à tout prix, nous devons dire qu’avant que la requête en question eût été prise en considération, il vînt à la connaissance des destinataires qu’elle était regardée en haut lieu comme impertinente. C’est pourquoi ils adressèrent au gouverneur cette autre supplique, en date du 24 juin[11]  :


Aux Mines, ce 24 juin 1755.

« À Son Excellence Charles Lawrence, écuyer, gouverneur de la Nouvelle-Écosse ou Acadie, &c., &c.


Monseigneur, — Tous les Habitants des Mines, de Pisiquid, et de la Rivière aux Canards supplient votre Excellence de croire que si dans la Requette qu’ils ont eu l’honneur de présenter à votre Excellence il se trouvoit quelque faute ou quelque manque de respect envers le gouvernement, que c’est contre leur intention, et que dans ce cas, les Habitans qui l’ont signé ne sont pas plus coupables que les autres. Si quelquefois il se trouve des Habitants embarrassés en présence de votre Excellence, ils supplient très humblement de vouloir excuser leur timidité ; et si contre notre attente il se trouvoit quelque chose de dure sur la dite requette, nous prions votre Excellence de nous faire la grâce de pouvoir expliquer notre intention, ce sont les faveurs que nous espérons qu’il plaira à votre Excellence de nous faire en la suppliant de croire que nous sommes très respectueusement. Monseigneur,

Votre très humble et très obéissants serviteurs.


(Signé par quarante-quatre des susdits habitants, au nom de tous.) »


Cette requête, plus humble encore que la précédente, eût dû suffire, avec un gouverneur simplement humain, à expliquer le sens de la première, et en effacer ce qu’elle pouvait contenir d’offensant, si tant est qu’elle en contînt vraiment. Mais nous allons voir que Lawrence n’entendait se relâcher en rien de ses interprétations.

Le 3 juillet, les députés Acadiens, signataires de la première pétition, furent introduits devant le gouverneur et son conseil, — lequel conseil, après avoir au préalable pris en considération le contenu des dites requêtes, avait été d’avis unanime que « la requête du 10 juin était hautement arrogante et insidieuse, qu’elle constituait une insulte envers l’autorité et le gouvernement de Sa Majesté, et méritait un châtiment exemplaire, et que si les pétitionnaires n’eussent fait leur soumission par leur requête subséquente, une sévère punition eût dû leur être infligée en retour de leur présomption[12] ».

« Les députés furent alors admis dans le conseil, les noms des signataires de la requête furent lus, ceux des signataires qui étaient présents reçurent l’ordre de répondre à l’appel de leur nom ; ils se trouvaient au nombre de quinze, les autres étant malades ; après quoi, la pétition même fut lue de nouveau, et leurs auteurs sévèrement réprimandés pour avoir eu l’audace de souscrire et de présenter un document aussi impertinent ; cependant par compassion pour leur faiblesse et leur ignorance de la nature de notre constitution, spécialement en matière de gouvernement, et eu égard au fait que les pétitionnaires avaient présenté une requête subséquente dans laquelle ils avaient semblé manifester du regret de leur acte, et aussi vu qu’ils avaient comparu devant le Conseil dans une attitude de soumission et de repentir, le Conseil les informait qu’il était encore disposé à les traiter avec douceur. Afin de leur montrer la fausseté et l’impudence de leur requête, ordre fut donné de la lire paragraphe par paragraphe ; la vérité des diverses allégations qu’elle contenait fut discutée par le menu, et des remarques au sujet de chaque paragraphe furent faites par le lieutenant-gouverneur, comme suit :

« En réponse à ce paragraphe de leur requête du 10 juin, portant

« qu’ils se sentaient blessés par les procédés
du gouvernement à leur égard »

« Il leur fut dit qu’ils avaient toujours été traités par le gouvernement avec la plus grande douceur et tendresse, qu’ils avaient joui de plus de privilèges que les sujets britanniques, et qu’on leur avait concédé le libre exercice de leur religion ; qu’ils avaient été mis à même en tout temps de consulter leurs prêtres, que leur commerce et leurs pêcheries avaient été protégés, et que, pendant bien des années, on leur avait permis de posséder leurs terres, (lesquelles étaient parmi les plus belles de la Province,) encore qu’ils ne se fussent pas soumis aux conditions qui régissaient les concessions de terres en prêtant serment d’allégeance à la couronne.

« Il leur fut ensuite demandé s’ils pouvaient produire un seul cas de refus d’un privilège quelconque, ou s’ils pouvaient citer un seul exemple de dur traitement infligé par le gouvernement.

« Ils reconnurent que le gouvernement les avait traités avec justice et avec douceur.

« Au sujet du paragraphe dans lequel

« Ils expriment le désir que l’on considère leur conduite passée »

« Observation leur fut faite que leur conduite passée avait été considérée, et que le gouvernement avait le chagrin d’avoir à leur dire que cette conduite avait été à l’encontre de leurs devoirs, et de la gratitude que les procédés dont on avait usé envers eux était de nature à susciter ; qu’ils n’avaient aucuns sentiments de loyauté envers la couronne, ni de respect à l’égard des représentants de Sa Majesté dans la Province ; qu’ils avaient montré une disposition constante à assister les ennemis du Roi et à nuire à ses sujets ; que non seulement ils avaient fourni à l’ennemi provisions et munitions, mais qu’ils avaient refusé de pourvoir de vivres les habitants ou le gouvernement, ou, lorsqu’ils l’avaient fait, qu’ils avaient exigé trois fois le prix auquel ces objets se vendaient sur les autres marchés ; qu’ils avaient été indolents et paresseux pour cultiver leurs terres, qu’ils avaient négligé les travaux d’agriculture et laissé le sol en friche, qu’ils n’avaient été d’aucune utilité à la Province, soit au point de vue de l’agriculture, soit à celui du commerce et de la pêche, mais qu’ils avaient été plutôt un obstacle à la réalisation des intentions du Roi concernant la colonisation.

« Il leur fut ensuite demandé s’ils pouvaient mentionner un seul cas de service rendu par eux au gouvernement : À quoi ils ne surent faire aucune réponse.

« À la lecture de ce paragraphe

« Il semble que Votre Excellence doute de la sincérité
de ceux qui ont promis fidélité, et qui, loin de
briser leur serment, l’ont gardé en dépit de menaces
terribles faites par une autre Puissance, »

« On leur demanda ce qui leur faisait supposer que le gouvernement suspectait leur sincérité ? Et on leur dit que cette supposition de leur part était l’indice qu’ils avaient conscience de leur manque de sincérité et de leur défaut d’attachement aux intérêts de Sa Majesté et de son Gouvernement ; que, quant au fait de prendre les armes, ils avaient souvent prétendu que les Indiens les molesteraient s’ils ne les secouraient pas, tandis qu’en vérité, en prenant les armes par ordre du gouvernement, il n’était pas possible aux Indiens de les menacer ou de les forcer à leur prêter assistance[13] ; [ qu’ils avaient donné main-forte aux ennemis du Roi, et s’étaient toujours montrés trop prêts à se joindre à un autre Pouvoir, contrairement à l’allégeance qu’en ver-tu de leur serment ils devaient à Sa Majesté. « En réponse à ce paragraphe

 « Nous sommes maintenant dans la même disposition,
très-droite et très-sincère, de prouver en
toute circonstance notre fidélité envers Sa Majesté
comme nous l’avons toujours fait, pourvu que
Sa Majesté nous laisse jouir des mêmes libertés
qu’Elle nous a accordées. »

« Il leur fut signifié que l’on espérait qu’ils donneraient désormais des preuves de disposition d’esprit plus pures et plus sincères, dans leur manière de pratiquer la fidélité envers Sa Majesté, et qu’ils n’agiraient plus, comme par le passé, de façon à empêcher la colonisation de la Province, en prêtant secours aux Indiens et aux Français, dans leurs entreprises pour décourager et molester plusieurs des sujets de Sa Majesté ou pour faire périr un grand nombre d’habitants anglais. Il leur fut ajouté qu’il ne convenait pas à des sujets britanniques de parler de conventions avec la Couronne ni de formuler à celle-ci des termes, de mettre des conditions à leur fidélité et allégeance, et qu’il y avait insolence de leur part à insérer un proviso, savoir qu’ils prouveront à Sa Majesté leur fidélité pourvu que Sa Majesté leur garantisse les libertés.

« Tous les sujets de Sa Majesté ont la garantie de la jouissance de toute liberté, aussi longtemps qu’ils demeurent loyaux et fidèles à la Couronne ; et, du jour où ils versent dans la tromperie et la déloyauté à son égard, ils perdent tout droit à cette garantie.

« En réponse au paragraphe où ils disent

« qu’ils désirent se servir de leurs canots pour porter
les provisions d’une rivière à l’autre et pour
faire la pêche »

« Il leur fut dit qu’ils voulaient avoir leurs canots pour aller approvisionner l’ennemi, et non pour leur propre usage ou pour des fins de pêche ; qu’en vertu d’une loi de la Province, il est défendu à toute personne de transporter des provisions d’un fort à un autre, et que tout vaisseau, canot ou barque sur lequel se trouvent des provisions, commet de la contrebande, pour laquelle ses propriétaires sont passibles d’une pénalité.

« Il leur dit également en réponse au paragraphe suivant

« Où ils demandent à ravoir leurs fusils comme
étant leur bien, vu qu’ils en ont besoin pour défendre
leurs troupeaux contre les bêtes féroces,
ainsi que pour se préserver, eux et leurs enfants ;
et vu que, depuis que les Indiens ont quitté leurs
parages, les bêtes sauvages se sont multipliées »


« que les fusils ne font pas partie de leurs biens personnels, étant donné qu’ils n’ont aucun droit de garder chez eux des armes. De par les lois anglaises, tous les catholiques romains ont défense d’avoir des armes, et ils encourent des peines si l’on en trouve dans leurs maisons.

« Que, sur l’ordre qui en fut lancé par le capitaine Murray, plusieurs des habitants apportèrent volontairement leurs armes, et qu’aucun d’eux ne prétendit en avoir besoin pour la défense de leurs troupeaux contre les bêtes féroces ; que celles-ci ne se sont pas accrues depuis que les armes ont été rendues ; qu’ils avaient alors reçu secrètement l’intimation de réclamer leurs armes comme faisant partie de leurs biens et de leurs droits, et qu’ils s’étaient flattés que leur insolence envers le gouvernement serait appuyée, vu qu’ils avaient appris que des vaisseaux de guerre français croisaient dans la baie de Fundy ; que cette audacieuse tentative révélait ouvertement la fausseté de leur profession de fidélité au Roi ; et qu’aussitôt que la nouvelle leur était parvenue que la France leur prêterait main-forte et assistance, ils s’étaient toujours montrés disposés à insulter le gouvernement de Sa Majesté, à se joindre à ses ennemis, contrairement à leur serment de fidélité.]

« Ayant pris connaissance de ce paragraphe

« De plus, en nous demandant de remettre nos
armes, l’on n’acquiert ainsi qu’une pauvre garantie
de notre fidélité. Ce n’est pas le fait de posséder
un fusil qui pourra conduire un habitant à se
révolter, ni la confiscation de cette arme qui le rendra
plus fidèle au gouvernement ; mais c’est sa
conscience seule qui peut l’engager à garder son
serment, »

« On leur demanda quelle excuse ils auraient à alléguer à l’appui de la prétention émise dans ce paragraphe, et pour la manière indigne et méprisante dont ils agissaient envers le gouvernement, en osant lui expliquer la nature de la Fidélité, et lui prescrire en quoi consiste la garantie propre à l’assurer de leur fidélité. Il leur fut dit que leur conscience devrait, en effet, les engager à garder la fidélité en vertu de leur serment d’allégeance au Roi, et que, s’ils étaient sincères dans leur devoir à l’égard de la Couronne, ils ne craindraient pas tant de remettre leurs armes, quand c’était la volonté du Gouvernement du Roi de les leur demander pour le service de Sa Majesté. On leur fit savoir également qu’une belle occasion se présentait à eux de prouver leur obéissance au gouvernement, en prêtant immédiatement devant le Conseil le serment d’allégeance selon la forme ordinaire. Leur réponse à cette proposition fut qu’ils n’étaient pas prêts à donner une solution au Conseil en la matière. On leur dit alors qu’ils savaient très bien que, durant les six dernières années, la même chose leur avait été souvent offerte, et que, chaque fois, ils l’avaient éludée sous divers prétextes également frivoles ; qu’on les avait souvent prévenus qu’un jour ou l’autre, l’on exigerait d’eux ce seraient, qu’ils auraient à s’y soumettre, que le Conseil ne doutait nullement qu’ils ne connussent les sentiments des habitants en général, ni qu’ils n’eussent eux-mêmes pleinement considéré ce point et pris une détermination personnelle à cet égard, avant aujourd’hui, étant donné qu’on leur avait consenti un délai de six ans afin de pouvoir se former une résolution là-dessus. Les délégués exprimèrent alors le désir de s’en retourner chez eux afin de pouvoir consulter en l’espèce l’ensemble de leur population, vu qu’ils ne pouvaient faire autre chose que ce que la majorité déciderait, qu’ils avaient l’intention soit d’accepter, soit de refuser le serment d’un commun accord, et qu’il ne leur était pas possible de prendre une détermination avant de connaître les sentiments de leurs commettants à ce sujet.

« Devant cette si extraordinaire réponse, le Conseil leur signifia qu’il ne leur serait pas permis de s’en retourner dans un tel but, mais que l’on attendait d’eux qu’ils déclarassent leur intention sur-le-champ, pour ce qui les concernait personnellement, ainsi qu’il était raisonnable qu’ils le fissent, après le long délai qui leur avait été accordé pour en venir à une conclusion sur ce point. Ils demandèrent alors la permission de prendre congé pour se consulter entre eux, laquelle leur fut octroyée ; après une heure de délibération, ils revinrent apporter la même réponse, à savoir, qu’ils ne pouvaient consentir à prêter le serment tel que prescrit avant d’avoir consulté le peuple en général, mais qu’ils voulaient bien le prêter selon la forme qu’ils avaient déjà jurée : à quoi on leur répliqua que Sa Majesté avait désapprouvé la manière dont ils avaient antérieurement prêté le seraient, que Son Honneur royal répugnait à faire aucune condition, et que le Conseil ne pouvait accepter de leur part d’autre serment que celui que les autres sujets de sa Majesté étaient obligés de prêter, de par la loi, quand ils en étaient requis, et que l’on s’attendait qu’ils allaient s’exécuter ; et comme ils déclinaient de le faire, on leur donna jusqu’au lendemain, à dix heures, pour en venir à une résolution. Après quoi le Conseil s’ajourna jusqu’à l’heure dite. »

« Le lendemain, (vendredi, 4 juillet 1755,) le conseil s’étant réuni conformément à l’ajournement, les députés français qui avaient reçu la veille l’ordre d’y assister, y furent introduits : on leur demanda quelle résolution ils avaient prise au sujet du serment, ils répondirent qu’ils ne pouvaient consentir à prêter le serment dans la forme requise sans consulter le peuple. Il leur fut alors signifié que, étant donné que, pour ce qui les concernait personnellement, ils avaient refusé de prêter le serment tel que dicté par la loi, et ainsi suffisamment montré la sincérité de leurs dispositions à l’égard du gouvernement, le conseil ne pouvait plus les considérer comme sujets de Sa Majesté Britannique, mais bien du Roi de France, et que désormais ils seraient traités comme tels ; sur ce, ils reçurent l’ordre de se retirer. »

« Après délibération, le conseil fut d’avis que des instructions fussent données au capitaine Murray, à l’effet d’ordonner aux habitants de choisir de nouveaux députés et de les envoyer à Halifax, porteurs d’une résolution générale des dits habitants au sujet de la prestation du serment ; qu’aucun d’entre eux ne fut à l’avenir admis à prêter ce serment après avoir refusé d’abord de le faire, et que des mesures efficaces fussent prises pour déporter hors de la province tous les récalcitrants. »

« Les députés furent alors convoqués à nouveau, et informés de cette résolution. Ceux-ci, voyant qu’ils ne pouvaient plus compter sur la disposition favorable du gouvernement à les engager, par douceur et persuasion, à une conduite conforme à leur devoir, s’offrirent à prêter le serment ; mais on leur répondit que, vu qu’il n’y avait aucune raison d’espérer que la soumission qu’ils proposaient fut sincère, que cette soumission pouvait être tenue comme ne provenant que de la contrainte et de la force, — elle était en opposition avec la clause contenue dans un Acte du Parlement, I, Geo. 2. c. 13, en vertu de laquelle toutes personnes ayant une fois refusé de prêter les serments, ne peuvent ensuite être admises à le faire, mais sont regardées comme papistes et non conformistes[14], en conséquence, la permission qu’ils demandaient ne pouvait leur être accordée. Sur ce, ordre fut donné de les emprisonner[15]. »

Malgré leur longueur, nous avons reproduit ces documents en entier[16], parce qu’ils constituent le nœud de la situation. Loin d’éviter les difficultés, nous les recherchons ; nous sommes en quête de tout ce qui peut jeter de la lumière sur ce chapitre perdu, choisissant de préférence les textes que le compilateur des Archives a cru défavorables aux Acadiens ; et, autant que cela est possible, nous nous appliquons à mettre le lecteur en état de juger de tout par lui-même. Presque toujours, nous n’avons que la version des autorités ; que si, en dépit de cela, les actes du gouvernement sont trouvés injustifiables, il faut qu’ils le soient bien réellement. Que serait-ce donc si nous possédions des pièces contradictoires, et si nous connaissions les dessous ensevelis pour toujours dans l’oubli ? Pour ce qui précède, nous avons la bonne fortune de posséder la requête des Acadiens ; et cet avantage, nous le devons probablement à la critique à laquelle cette requête fut soumise. Ce document, où chaque article de la pétition présentée par les habitants français est passé à un crible sévère, n’en est pas moins la cause de Lawrence exposée par lui-même, rédigée avec soin, et avec toute l’habileté qui le distinguait, à l’effet de se justifier, le cas échéant.

Philip H. Smith, dans son ouvrage si impartial : Acadia. A lost chapter in american History — commence ainsi le chapitre où il traite de la question qui nous occupe :

« Nous allons laisser ces humbles gens nous raconter l’histoire de leurs souffrances et des torts qui leur furent causés, dans le mémoire suivant présenté au gouverneur Lawrence, sous la date du 10 juin 1755, préalablement à la chute de Beauséjour, et aux autres revers que devaient subir les Français dans la Péninsule. Nous mentionnons ce fait que le mémoire avait précédé ces revers, parce qu’autrement l’on pourrait dire que les Acadiens avaient perdu tout espoir, et qu’ils demandèrent la paix seulement parce qu’il ne leur restait plus d’autre issue possible. Nous prions le lecteur de bonne foi de considérer attentivement ce document, et de juger par lui-même si la critique sévère qui en fut faite par le gouverneur Lawrence était ou non fondée en justice. »

Nous posons au lecteur la même question.

Où était la justification des procédés arbitraires et injurieux auxquels Lawrence eut recours pour enlever par supercherie leurs armes aux Acadiens ? Ceux-ci s’étaient-ils rendus coupables, nous ne dirons pas d’une insurrection, d’une prise d’armes, d’insubordination, de résistance aux ordres, mais de quoi que ce fût qui pût faire douter du maintien de la paix ? Quels sont alors ces faits ? Qu’on les cite ! Où était la provocation ? N’était-elle pas tout entière du côté de Lawrence ? Qui étaient les injuriés sinon les Acadiens mêmes, envers qui l’on se rendait coupable d’un tel acte de fourberie ? Où était le danger, quand, malgré une telle provocation, ces pauvres habitants livrèrent eux-mêmes, sans résistance, et sur un simple ordre, tout ce qu’ils possédaient d’armes, alors que la méfiance que l’on venait de susciter devait leur conseiller au contraire de désobéir, et de ne pas s’en remettre ainsi à la merci d’un homme dont ils connaissaient la cruauté ? Le danger ! Lawrence ne le provoquait-il pas en courant le risque d’exaspérer une population paisible, qui, après avoir rendu les armes qu’on lui demandait, en possédait encore assez pour mettre en péril la province ? Serait-il raisonnable de supposer que le gouverneur eût procédé de la sorte s’il eût vraiment douté de la fidélité de la population ? Il était trop roué pour marcher ainsi à l’aveugle. Oh ! il savait fort bien qu’il avait devant lui un peuple ferme et entêté peut-être, mais paisible et soumis, sur lequel il pouvait impunément faire peser sa tyrannie.

Nous avons lu et relu cette requête qui fut trouvée arrogante et considérée comme une insulte envers l’autorité de Sa Majesté. Or, il nous a été impossible d’y voir autre chose qu’un document clair et précis, rédigé dans les termes les plus humbles et les plus soumis ; il dépassait même peut-être la mesure en ce sens, si l’on tient compte de l’indignité dont ceux qui le présentaient avaient été l’objet et qu’il avait pour but d’exposer. Que le lecteur s’interroge lui-même et se demande si, dans les mêmes circonstances, il s’en tiendrait à un document aussi respectueux. Selon nous, l’insolent n’était pas l’accusé, mais l’accusateur, à savoir Lawrence. La requête n’était insolente que parce que ce dernier était arrogant et brutal, et qu’il avait intérêt à la trouver telle. Il abusait de son pouvoir pour masquer l’odieux de sa conduite sous des paroles indignées qui ne pouvaient, au fond, s’appliquer qu’à lui-même. Lorsque l’on sait, ainsi que nous l’avons vu, avec quelle sévérité il a agi dans le seul cas de désobéissance — si c’en était un — qui se soit présenté sous son administration, l’on est en droit de rejeter ses accusations vagues et générales et de demander des preuves. Soyons bien convaincus que si les reproches qu’il adressait aux Acadiens avaient été mérités, il eût là et alors cité des faits à l’appui. Ni avant, ni alors, ni après, il n’a jamais formulé autre chose que des accusations de même nature, sans précision et sans consistance.

Devant cette majesté tonnante et foudroyante, ces pauvres gens n’avaient qu’à plier l’échine et à bégayer des excuses à celui qui n’admettait ni discussion ni explication. Que pouvaient-ils répondre à ce tyran rageur qui était résolu d’avance à ne trouver chez eux que matière à blâme ? Pouvaient-ils contredire ses avancés lorsqu’il les interrogeait ? Ils s’en gardèrent bien ! C’est pour le coup qu’ils eussent été chargés d’impudence. Et c’est pourquoi nous voyons, dans le document que nous avons cité : « ils admirent… », « ils ne nièrent pas… » — S’ils ne pouvaient, eux, que se courber et se taire, l’Histoire ï)eut juger de quel côté se trouvait l’insolence. L’arrière petit-fils des victimes de Lawrence peut, quoique tardivement, déchirer le voile qui recouvre encore ses infamies, et graver sur sa mémoire le stigmate qui convient aux scélérats.

Examinons une à une ses accusations.

Il les accuse d’avoir aidé secrètement les sauvages, lorsque cependant, depuis cinq ans, il n’y avait plus aucun groupe de sauvages résidant dans la péninsule, ou dans le voisinage des Acadiens. Depuis que Cornwallis avait mis leurs têtes à prix, les Indiens vivaient tous du côté des Français à Beauséjour, duquel les établissements acadiens étaient séparés par de longues distances. L’on sait d’ailleurs à quel point les Acadiens qui demeuraient près de la la frontière eurent à souffrir de leur part à cette époque, alors que les forts Lawrence, Edward et Vieux Logis n’étaient pas encore fondés. Dans ces conditions, il est difficile de comprendre sur quoi une accusation de cette espèce pouvait se baser[17]

Il les accuse de ne pas avoir donné d’informations, en temps opportun, concernant les mouvements des Français. Cette accusation ne peut se rapporter qu’aux invasions des Français, de 1744 à 1748. Bien que leur condition de neutres pût être interprétée par les Acadiens comme ne leur faisant pas un devoir de fournir des renseignements aux autorités, cependant nous avons de nombreux exemples qu’ils le firent. Nous en avons cité quelques-uns au cours de ce travail, entr ’autres celui de Grand-Pré, lorsque cette place fut attaquée par les Français. Les Acadiens avaient eu vent de ce projet et en avertirent le colonel Noble. L’on se moqua de leur avis, avec les résultats que l’on sait[18]. Nous avons la preuve souvent répétée que, dans toutes ces invasions, les Français, par crainte, et pour prévenir ce « timely intelligence » que les Acadiens pouvaient donner aux Anglais, avaient eu la précaution de placer des gardes sur toutes les routes. À ce même combat de Grand-Pré, il en fut ainsi : « Comme l’on avait conçu l’idée, dit Campbell à la page 95 de son Histoire de la Nouvelle Écosse, d’attaquer les Anglais par surprise, les bois furent gardés, de façon qu’ils ne pussent être prévenus de la chose par quelque secrète information. » L’on peut voir aussi là-dessus Murdoch, en son volume II, p. 106. L’on trouvera d’autres exemples de ce « timely intelligence », de cet « avis opportun »., fourni par les Acadiens aux autorités anglaises, aux pages 133, 138, 147, 152, 155, 157, 177, 183, 605 du volume des Archives ; et dans Murdoch, vol. I, p. 411, et vol. II, aux pages 18, 25, 42, 73, 76.

Il a pu et il a dû se rencontrer des cas dans le sens inverse. Il faudrait ne pas connaître la nature humaine et ne pas compter avec elle pour affirmer le contraire. Mais la seule circonstance importante où le manque d’informations préalables ait été désastreuse pour les Anglais est celle du combat de Grand-Pré ; et nous venons de voir que les Acadiens méritaient plutôt des remercîments que des blâmes pour la conduite qu’ils tinrent en cette occasion. Si Lawrence se basait sur quelque chose, ce devait être sur ce cas de Grand-Pré, qui est le seul mentionné, le seul au sujet duquel les Acadiens eussent à s’expliquer. Et ceux-ci s’expliquèrent en effet, car si nous connaissons aujourd’hui d’une manière certaine qu’ils informèrent les officiers des projets des Français, c’est grâce à l’investigation à laquelle cette affaire donna lieu. Sans cela, les historiens se transmettraient encore de l’un à l’autre, comme fait historique incontestable, une accusation dont la fausseté est maintenant reconnue. Pour trouver ses prétextes, Lawrence était obligé de retourner de cinq ou dix ans en arrière, et de passer condamnation sur la conduite que les Acadiens avaient alors tenue, quand cette conduite avait été l’objet d’éloges répétés de la part du gouverneur Mascarène, et que les quelques rares coupables d’infraction au devoir, pendant la guerre qui marqua cette période, furent dénoncés par les Acadiens eux-mêmes et punis.

« Plusieurs d’entre eux avaient même été vus en armes contre Sa Majesté. ». Cette accusation n’avait chance d’être vraie qu’en autant qu’elle se rapportait aux trois cents qui venaient d’être pris les armes à la main, lors de la capitulation de Beauséjour ; mais Monckton leur avait pardonné, parce que c’était sous peine de mort qu’ils avaient agi ainsi ; et ceci ne regardait en rien les Acadiens que Lawrence avait en face de lui.

« Ils s’étaient montrés indolents et paresseux à l’égard de leurs terres, avaient négligé l’agriculture, laissé le sol en friche ; ils n’avaient été d’aucune utilité dans la province, soit au point de vue des travaux des champs, soit au point de vue du commerce ou de la pêche, mais ils avaient plutôt mis obstacle à l’exécution des intentions du roi au sujet de la colonisation. »

Pareilles accusations étaient à la fois futiles et fausses. Eussent-elles eu quelque fondement, qu’elles n’avaient pas leur place dans la circonstance. Au demeurant, elles montrent bien la peine que Lawrence se donnait pour fabriquer des griefs. Si cela était vrai, la part de responsabilité qui en revenait aux Acadiens était infime au prix de celle qui pesait sur les gouverneurs. Depuis quarante ans, l’on refusait de reconnaître leurs titres de propriété sur leurs anciennes terres, en même temps qu’on leur déniait le privilège d’en acquérir de nouvelles, les condamnant par là à vivre sur des parcelles de sol, paralysant leurs ambitions et leurs bras. Et cependant, en dépit de ce morcellement, ils produisaient plus qu’il n’en fallait pour la consommation de la province, « Vos terres, leur avait dit Cornwallis, donnent suffisamment de grain, et nourrissent suffisamment de bestiaux pour les besoins de la colonie entière. Nous savons que vous êtes industrieux et tempérants, et que vous n’êtes adonnés ni au vice ni à la débauche[19]. »

Le 3 septembre, alors qu’il allait procéder à la déportation, Winslow faisait l’entrée suivante dans son journal :

« Ce matin, le capitaine Adams et sa suite sont revenus de leur course vers Rivière Canard, etc ; ils ont rapporté que c’était un beau pays, rempli d’habitants, avec une belle église, et abondance de biens de ce monde. Provisions de toutes sortes en quantité[20]. »

« M. Cornwallis peut informer vos Seigneuries, disait Hopson aux Lords du Commerce, combien ces habitants nous sont utiles et nécessaires, combien il nous est impossible de nous passer de leurs services, ou de les remplacer même si nous avions d’autres colons pour prendre leurs terres[21]. »

Or, il n’y avait pas encore trois ans que ces dernières lignes avaient été tracées. Rien n’avait changé, si ce n’est qu’un tyran avait succédé à un homme droit et honnête. La situation que l’on avait vue et jugée avec impartialité et sans idée préconçue, l’autre la voyait et la jugeait avec ses yeux de brute, qu’aveuglaient de basses convoitises. Mais l’on avait reproché aux Acadiens de s’être livrés trop exclusivement à la pêche et à la traite des pelleteries, pendant l’enfance de la colonie. Voici que Lawrence trouvait maintenant le moyen de leur reprocher de se vouer trop exclusivement à l’agriculture[22]. L’on verra plus tard des colons anglais établis sur ces mêmes terres supplier le gouverneur de leur permettre d’employer des Acadiens pour refaire les digues qu’ils ne savaient faire eux-mêmes. Passons à la dernière objection, celle qui paraît avoir été considérée comme la plus grave et la plus insolente. Nous demandons pardon au lecteur de l’entretenir aussi longtemps de ce qui nous semble, et doit lui sembler également, être des puérilités. Nous y sommes forcément entraîné par l’importance qui fut donnée à cette requête, dont la forme est si humble et si respectueuse. Sous son apparence inoffensive, cette requête forme le nœud de la situation. Lawrence en a fait grand état. Il nous est donc imposé de la considérer sous toutes ses faces, ainsi qu’il le fit lui-même. Pour celui qui voudra se donner la peine de réfléchir afin de pénétrer le caractère de cet homme, les motifs qui le poussaient, et de juger les événements dont il a été l’auteur et dans lesquels il a joué un tout premier rôle, il y a là des faits éloquents d’où les traits de sa physionomie ressortent comme en un miroir fidèle.

Le paragraphe en question, qui fut trouvé si insolent, se lit comme suit :

 « En nous demandant de remettre nos armes, l’on ne s’assure que faiblement de notre fidélité. Ce n’est pas le fait de posséder un fusil qui pourra conduire un habitant à se révolter, ni la privation de cette arme qui le rendra plus fidèle au gouvernement ; mais c’est sa conscience seule qui peut l’engager à garder son serment. »

« Sur ce, on leur demanda quelle excuse ils avaient à alléguer à l’appui de la prétention émise ici, et pour la manière indigne et méprisante dont ils en usaient envers le gouvernement, en osant lui expliquer en quoi consiste la fidélité, et lui dicter sur quoi repose lu garantie propre à l’assurer de leur loyauté. ».

Il fallait un sérieux effort d’imagination pour donner une telle interprétation à ce paragraphe. Loin d’y trouver un grief contre les Acadiens, nous y voyons plutôt une preuve de la bonne foi et des bonnes intentions qui les animaient. C’était une manière saisissante d’exprimer l’importance qu’ils attachaient à leur serment de fidélité. Et c’est l’impression que ces pauvres gens avaient espéré créer. Ils se flattaient probablement que ce passage convaincrait Lawrence que c’était leur conscience qui les inspirait et les guidait. Hélas ! ils s’adressaient à un homme qui n’avait aucune conscience, et qui, par conséquent, n’en supposait pas chez les autres. Les choses se passaient à peu près comme dans la fable du Loup et de l’Agneau. Ce pauvre agneau avait beau répondre au loup qu’il ne pouvait troubler l’eau du ruisseau, par ce qu’il allait

se désaltérant
dans le courant…


qu’il n’était pas coupable du grief dont le loup l’accusait

Comment l’aurais-je fait si je n’étais né ?

il fut « emporté au fond des forêts », et là croqué « sans autre forme de procès ». L’on ne raisonne pas avec l’estomac d’un loup affamé. Il n’y avait pas à raisonner non plus avec la rage et les griefs de Lawrence, tout aussi aveugles et instinctifs que ceux du loup. Cet homme allait susciter une tempête dans un verre d’eau, mais cette tempête allait chasser aux quatre vents du ciel un peuple doux et paisible et permettre à ce bourreau de s’enrichir de ses dépouilles.

Après avoir subi le feu des reproches de Lawrence, les députés acadiens furent requis de prêter sur-le-champ un serment sans réserve. Ils implorèrent la faveur de retourner dans leurs foyers pour se consulter avec leurs compatriotes et prendre tous ensemble une décision unanime sur la question. Si Lawrence eût sincèrement désiré d’obtenir ce serment, il eût été raisonnable et politique de sa part d’accorder cette faveur si simple ; aucun inconvénient ne pouvait en résulter. Au lieu de cela, il fut donné aux députés vingt-quatre heures pour une réponse définitive. Le lendemain, leur réponse fut la même : « nous sommes ici pour représenter nos districts respectifs, lui dirent-ils ; nous ne pouvons, ni au nom de nos commettants, ni en notre propre nom, prendre des engagements sans consulter la masse de nos compatriotes ; nous désirons nous entendre avec eux là-dessus et en venir à une résolution pour ou contre, laquelle sera la même pour tous. »

Alors, on leur déclara que le conseil ne pouvait plus les considérer comme sujets de Sa Majesté Britannique, mais comme sujets du Roi de France, et qu’à l’avenir ils seraient traités comme tels. Si du moins on les avait, par la suite, traités comme sujets du Roi de France ! Mais si on les considérait comme tels, il fallait les laisser partir ; c’est là ce qu’ils avaient demandé et imploré à maintes reprises, hélas ! toujours en vain. Ils n’étaient pas restés dans la province de par leur volonté, mais bien de par les empêchements que leurs gouvernants avaient mis à leur exode. Que si, par ce refus de prêter serment, ils redevenaient sujets français, pourquoi alors Lawrence lui-même avait-il adressé une Proclamation à ceux qui avaient laissé le pays cinq ans auparavant, et dans laquelle il leur avait déclaré qu’ils n’étaient pas déliés de leur serment de fidélité ; qu’ils seraient considérés comme sujets britanniques et traités comme rebelles, s’ils étaient pris les armes à la main ?

Nous ne voyons, dans la dite Requête des Acadiens, qu’une seule phrase, laquelle, interprétée avec malveillance, pouvait porter ombrage à un despote ; mais cette phrase a-t-elle été traduite fidèlement ? Nous l’ignorons[23]. À tout événement, il fallait tenir compte de la provocation dont ils avaient été l’objet par la confiscation clandestine de leurs armes ; d’ailleurs, la seconde Requête, protestant des bonnes intentions de la première, devait suffire pour convaincre Lawrence de leur sincérité et de leurs excellentes dispositions. Murdoch a dit de cette Requête et de toutes celles qui suivirent : « Les divers mémoires présentés par les habitants français sont longs et motivés, et rédigés en termes respectueux[24]. »

Sur le refus des députés de prêter immédiatement le serment, le conseil décida que des instructions seraient adressées au capitaine Murray, pour enjoindre aux Acadiens de nommer de nouveaux délégués ; qu’à défaut de prêter le serment, il serait pris des mesures pour chasser hors de la Province ces Papistes récalcitrants. L’on fit alors entrer les députés pour les informer de cette résolution. Devant cette alternative, vague encore, mais grosse de menaces, les députés s’offrent à prêter le serment. « Il est trop tard, leur répond Lawrence ; votre consentement n’est que l’effet de la crainte ; il ne procède pas d’un sincère attachement à Sa Majesté ; vous admettre à le prêter serait contraire à un Acte du Parlement ; vous ne pouvez plus être considérés que comme des Papistes récalcitrants. »

Lawrence avait dû prévoir qu’à moins de circonstances extraordinaires, il ne pourrait forcer ces députés à prendre une décision sans consultation préalable avec ceux qu’ils représentaient. Malgré son audace, il eût été fort embarrassé si ces délégués eussent incontinent accepté ses propositions ; mais il n’éprouvait aucune inquiétude sous ce rapport ; il savait à peu près exactement comment les choses se passeraient, et il était prêt à toute éventualité ; car advenant un acquiescement tardif de leur part, il avait cet Acte du Parlement pour leur barrer le chemin. Il eût été dangereux pour l’avenir de ses projets de laisser les députés s’en retourner vers leurs compatriotes ; ces députés s’étant finalement offerts à prêter le serment, il pouvait craindre qu’ils ne donnassent des conseils en ce sens ; et comme l’affaire du serment n’était qu’un prétexte qui lui servait à masquer ses projets, il se fût trouvé pris dans son propre piège. Pour parer à cet embarras, Lawrence les fit emprisonner. « Il ne paraît pas, dit Philip H. Smith, que les hommes qui furent ainsi emprisonnés sans autre forme, aient été trouvés coupables d’avoir assisté les ennemis du Roi, ou aient refusé de fournir au gouvernement des provisions ; il ne paraît même pas qu’ils aient été accusés individuellement de pareille offense ; tout ce que fît le conseil fut de s’en tenir à une accusation générale portant sur une disposition constante à nuire aux sujets anglais, sans daigner toutefois étayer cette accusation d’un seul cas circonstanciellement prouvé, ou jamais avancé. »

En prenant au sérieux les procédés de Lawrence, il aurait suffi aux Acadiens de prêter un serment sans réserve pour rester paisibles sur leurs terres. Est-ce ainsi que ce gouverneur en eût agi avec des rebelles ou des gens disposés à le devenir ? Leur serment de fidélité les obligeait tout autant à être loyaux que celui qu’il leur proposait. S’ils étaient rebelles ou dangereux, à quoi bon un nouveau serment ? N’est-il pas évident par là que leur dispersion, et les maux indicibles qu’on leur fît éprouver, n’ont pas eu pour motif le danger qu’ils pouvaient présenter ! Il ne reste donc qu’une seule cause, et encore n’est-elle pas apparente : le refus du serment. Même si cette cause eût été réelle, la déportation n’en eût pas moins été un crime monstrueux, mais un crime qui eût été sans profit pour son auteur. À le commettre dans ces conditions, Lawrence avait tout à perdre et n’avait rien à gagner. Cela n’est pas possible ! Car toutes les peines qu’il a prises pour cacher ses projets aux Lords du Commerce[25] font voir qu’il jouait une partie risquée, où il devait y avoir un enjeu assez alléchant pour contrebalancer le risque qu’il allait courir. Donc, pourrions-nous conclure, le serment n’était qu’un prétexte, et la déportation a eu pour cause certaine un intérêt matériel.

Enfin, si les Acadiens avaient pu être dangereux alors qu’ils avaient leurs armes, l’étaient-ils maintenant qu’on les en avait dépouillés, et que, sur un simple ordre, ils les avaient remises unanimement et sans résistance ? Pouvaient-ils l’être, quand leurs bateaux avaient été confisqués et quand les Français avaient été délogés de tous les postes qu’ils occupaient sur la côte ?…

Que M. Parkman réponde à cette question, lui qui, pour préjuger la cause acadienne, n’a seulement pas fait allusion à cet enlèvement des armes et à cette confiscation des bateaux, lui qui a évité soigneusement de toucher à tout ce qui pouvait jeter de la lumière sur cette ignoble tragédie !



  1. Après tout ce que nous avons dit, particulièrement dans les notes des chapitres XV-XVI, il ne nous semble pas nécessaire de montrer que les «  agissements » de l’abbé Le Loutre n’ont eu en vue que le bien des Acadiens. La preuve en est déjà faite, et amplement. Si l’on eût écouté ce missionnaire, et que les autorités françaises eussent toujours été d’accord avec lui pour seconder ses plans sages et désintéressés, les choses auraient pu prendre une tout autre tournure.
  2. Robert Clive (1725-1774) a été le fondateur des Indes anglaises.

    Warren Hastings (1732-1818) fut le premier gouverneur général des Indes anglaises. Cf. entr’autres, India through ages, by F. A. Steel. Part 111. The modern age. (London. Geo. Boutledge & Sons 1909.)

  3. Ce mot, dans l’édit. anglaise (II, 4) est remplacé par officers.
  4. Le MS. original — fol. 491 — porte ici la note ci-dessous : « En tête du manuscrit d’où nous tirons les renseignements qui suivent se trouve la note suivante de la main du révérend Andrew Brown  »  : « I have the date of this from a Petition. It occurred about the middle of June. — Mode of desarming the Acadians — Judge Deschamps present — One of the partyes pretending a fishing frolic on the river. » — Beauséjour capitula le 16 juin.

    Ce document forme la pièce XXXIII des doc. in. sur l’Acadie, (C. F. I, p. 138 et seq.) et vient du British Museum. — Dr. A. Brown’s M S. Papers relating to Nova. Scotia. 1749-1700. — Add. MSS. vol. 19073, in 4o fol. 121.

  5. « … The next morning the whole Detachment met together at the Landing Place where fort Vieux Logis was erected, each soldier loaded wih fire arms, powder horns, etc., and these arms put on board of a small vessel detained there for the purpose of carrying the fire arms from thence to the Garrison of fort Edward… » — (Doc. supra cit.)

    Le MS. original — fol 492 — porte en note ce qui suit :’’Ces renseignements, et bien d’autres qui vont suivre, ne se trouvent pas au volume des Archives. Les procédés (sic) du conseil et autres documents de cette période, furent, comme nous le verrons plus tard, enlevés des Archives. Le Dr. Brown, qui résidait à Halifax, peu de temps après la déportation, a recomposé une partie des faits, au moyen de renseignements et quelquefois de copies qu’il obtint des conseillers de Lawrence encore vivants, ainsi que des personnes qui avaient été témoins de la déportation. »

  6. Le MS. original — fol. supra — porte la note suivante : « I have this order — a new outrage. » (Note de la main du Dr. Brown.) Cf. Can. Fr., loc. cit. — où, au lieu de order, on lit advertisement.
  7. Nous croyons que l’auteur fait ici une légère confusion. Dans le document cité supra (Pièce XXXIII des Doc. in. sur l’Acadie), il est dit que les soldats, logés dans les maisons, prirent 400 fusils : «  that in the course of two days four hundred muskets was (sic) thus taken from those neutrals and secured in Fort Edward…  » Or, après les mots four hundred, une note au bas de la page, de la main du Dr. Brown porte ceci : « Judge Deschamps examined… 2900 stands of arms : too many by far. »

    Donc, il semble bien s’agir ici des fusils enlevés par les soldats, et non de ceux que les habitants furent sommés de remettre dans la suite. — (Can. Fr. Tome I, p. 139.)

  8. Hist. and Statist. Ac. of N. S vol. I, ch. III, p. 168-9. (Halifax, 1829.)
  9. St. Thomas (I. Île Quaest. LXIV, art. I.) se demande : Utrûm virtutes morales sint in medio ? Si les vertus morales consistent dans le milieu ? Et voici sa lumineuse réponse : « La vertu a, dans sa raison, d’ordonner l’homme au bien. D’autre part, la vertu morale consiste proprement à perfectionner la partie affective de l’âme touchant une certaine manière déterminée. Et la partie affective de l’âme a pour propriété d’être mesurée et réglée, en ce qui est de ses mouvements, par la raison elle même. Or, il est manifeste que le bien de tout ce qui a une règle et une mesure est de se conformer à sa règle ; c’est ainsi que le bien dans les choses de l’art, consiste à suivre exactement les règles de l’art. Et, par suite, le mal, en ces sortes de choses, consistera dans le fait de ne pas s’accorder avec sa règle ou sa mesure ; ce qui peut ai-river ou parce qu’on dépassera la mesure ou parce qu’on ne l’atteindra pas ; comme on le voit en tout ce qui est soumis à une mesure ou à une règle. Il suit de là manifestement que le bien de la vertu morale consiste dans l’adéquation à la mesure de la raison. Et parce que, non moins manifestement, l’égalité ou la conformité est ce qui se trouve au milieu entre ce qui dépasse et ce qui n’atteint pas, il s’ensuit, de toute évidence, que la vertu morale consiste dans le milieu. »

    Cf. Comm. français littéral de la Somme Théol. de S. Thomas d’Aquin, par le R. P. Th. Pègues, 0. F. (Tome VIII. Page 211-12.)

  10. Nova Scotia Docum. Akins. Part II. Papers relating io the forcible removal of the Acadian French front Nova Scotia. 247-8-9. — Cf. A. C. (1894). Nova Scotia. P. 204 et seq. May 7/1755. Whitehall. Lords of Trade to Lawrence « … He (Lawrence) shall not want for any assistance their Lordships can afford in any just measures for the welfare and security of the Province… » " (B. T. N. S. vol 36. P. 118) — June, 23, Halifax. Lawrence to Lords of Trade. « … The deserting French are giving up their amis ; they are to be driven out of the country, (nous prions que l’on remarque bien la date de cette lettre ; l’on n’est encore qu’au 28 juin, et déjà Lawrence annonce formellement sa détermination de déporter les Acadiens) — but if their services are aceded, they are first to be used. » (ii. 300. B. T. N. S. vol. 15.)

    July 23. Halifax. Minutes of Executive Council of the 3rd, 4th, 14th, , l5th, 25th and 28th July, containing the conférences with the deputies of the french inhabitants ; the représentations of the inhabitants (in French ;) the remarks of the Council and their résolution respecting the disposal of the French inhabitants. (A. & W. I. vol. 597, p. 66.)

  11. Nova Scotia Doc. Akins. P. 249-50.
  12. Le MS. original — fol. 502 — est ici incorrect et incomplet. Nous le rectifions en suivant à la lettre les délibérations du conseil telles qu’elles se trouvent dans Akins. Ainsi, Richard ne mentionne pas ce détail, lequel a bien son importance, que la deuxième requête, au dire des conseillers, avait eu pour effet de pallier ce que la première contenait d’insolent et d’apaiser le ressentiment qu’elle avait provoqué. Ceci était sans doute une leurre, mais il était bon de le signaler, ne fût-ce que pour montrer de quelle hypocrisie s’enveloppait la cruauté de Lawrence et de ses subalternes.
  13. Le passage que nous mettons entre crochets manque dans le MS. original.
  14. Le texte anglais dit : « but are considered as Popish Recusants, »
  15. Akins, de page 249 à 256, inclusivement.
  16. Le MS. original — fol. 508 — ajoute : « ou dans leurs parties essentielles », incidente qui n’avait plus sa raison d’être dans le texte, étant donné que nous avons cité tout de ces documents.
  17. Le MS. original — fol. 512 — contient ici la note suivante :

    « M. Prévost, écrivant au Ministre, le 27 septembre 1750, disait des Acadiens réfugiés à Beauséjour sur le territoire français : « Les Anglais sont descendus à Beaubassin pour y fonder un établissement. Les Sauvages veulent les inquiéter mais les Acadiens s’y opposent. »

    Cf. Can. Arch. (1887) P. CCCLII. — Île Roy. Corr. Gén. 1750. vol. 29. M. Desherbiers, gov. c. 11. 1750. Sept. 27. Louisbourg. M. Prévost to the Minister : « The English have disembarked 2,000 men at Beaubassin to form a settlement there. Indians désire to disturb them, but the Acaclians oppose this move, and the greater portion fly into the woods waiting for the settlement of the boundaries. » (Fol. 106, 7 pp.)

  18. Le MS. original — fol. 513 — renvoie ici à Hannay et Murdoch.
  19. Nova Sco. Doc. Akins. P. 189. (Doc. déjà cité.)
  20. « Septr. 3rd. This morning capt. Adams and party returned from their march to the River Cannard and etc., and reported it was a fine country and full of Inhabitants, a Butifull Church and abundance of ye goods of the world. Provisions of all kinds in great plenty. » Journal (N. S. H. S. vol. III, p. 91.)
  21. Nov. Sco. Doc. Akins. P. 197. Gov. Hopson to Lords of Trade. Halifax, l0th dec. 1752.
  22. L’auteur doit avoir eu ici une distraction. Lawrence n’a laissé entendre rien de tel dans son dossier. Au contraire, il y est dit que les Acadiens « had been idle and indolent on their lands, had neglected husbandry and the cultivation of the soil, and had been of no use to the province, either in husbandry, trade or fishery ». (Lo. cit.)
  23. En marge du MS. original — fol. 520 — il y a ces mots tracés au crayon : « quelle est cette phrase ? » L’auteur ne l’a pas indiquée, et nous ne nous y risquerons pas non plus.
  24. Vol. II, ch. XX. P. 286.
  25. Toujours la même idée, à savoir que la déportation s’est faite à l’insu et contre le gré des autorités anglaises, qu’elle est l’œuvre personnelle de Lawrence ! Or, nous avons déjà cité des documents établissant que ce gouverneur s’était ouvert de son projet aux Lords du Commerce, et qu’il avait reçu leur pleine approbation. H. 300. B. T. N. S. vol. 15. Ibid. July 18. Halifax. 1755.

    Nous reviendrons là-dessus.