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Acadie/Tome III/12

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Texte établi par Henri d’Arles, J.-A. K.-Laflamme (Tome 3p. 313-348).

CHAPITRE QUARANTIÈME[1]



Sort d’un parti de 200 Acadiens venus de Québec. — Les Acadiens de la côte du Golfe envoient des délégués au colonel Frye. — Leur soumission et le sort qui leur fut fait. — Le Compilateur. — Nouvelles persécutions. — Motifs allégués par les autorités locales. — Administration de Belcher, 1761-1763. — Le général Amherst refuse à quatre reprises de lui permettre de déporter les Acadiens. — Il s’adresse aux Lords du Commerce et se heurte à un refus. — Sans en avoir reçu l’autorisation, Belcher déporte les Acadiens à Boston. — L’on ne veut pas les y laisser débarquer, et ils sont ramenés à Halifax. — Le Cabinet de Londres envoie plusieurs lettres de blâme. — Belcher est remplacé par le colonel Montague Wilmot. — Le Compilateur.


Immédiatement après la prise de Québec, deux cents Acadiens, qui s’y étaient réfugiés, s’adressèrent aux autorités pour prêter le serment d’allégeance et en obtenir la permission de retourner s’établir sur leurs anciennes propriétés. Le serment prêté, le juge Cramahé leur délivra un certificat signé de sa main, par lequel il attestait que ces gens avaient prêté le serment, et qu’en conséquence le Brigadier-Général Monckton leur avait permis de retourner sur leurs terres ou d’aller se fixer sur la Rivière St-Jean. Munis de ce certificat, ils se mirent donc en route avec leurs familles. L’entreprise était pénible à l’extrême : ils avaient à faire un trajet de 800 milles, dont 600 à travers la forêt, où ils ne rencontreraient pas d’habitations, n’auraient pas de routes praticables, et cela avec des enfants de tout âge. Comme l’on peut se l’imaginer, leurs souffrances et leurs privations furent nécessairement terribles ; mais tout cela était allégé par l’espoir qu’ils pourraient enfin vivre en paix dans leur chère Acadie. Partis de Québec au commencement d’octobre 1759, ils atteignirent le fort Frédéric, sur la rivière St-Jean, vers la fin de novembre. À leur arrivée, ils présentèrent leur certificat au Colonel Arbuthnot, qui commandait ce poste. Celui-ci en référa à Lawrence, qui déclara que cette permission avait été obtenue sous de fausses représentations, ou sous la supposition que ces gens appartenaient à quelque autre rivière St-Jean, en Canada. Aussi à une séance du Conseil tenue à Halifax, le vendredi 30 novembre, fut-il décidé qu’ils devaient être, le plus tôt possible, conduits à Halifax où ils seraient retenus comme prisonniers de guerre, en attendant une occasion favorable de les transporter en Angleterre[2]. C’était une infamie nouvelle ajoutée à toutes les autres, et d’autant plus odieuse que le motif inventé par Lawrence pour la commettre était contredit par les circonstances. En effet, Monckton n’avait pu faire d’erreur concernant le lieu, puisqu’il n’y avait pas alors d’autre rivière St-Jean, ni d’endroit de ce nom, au Canada, et surtout parce que Monckton connaissait aussi bien l’Acadie et les Acadiens que Lawrence lui-même. C’était le même Monckton qui, quatre ans auparavant, avait présidé à la déportation des Acadiens du fond de la Baie de Fundy ; c’était également, croyons-nous, le même Monckton qui avait établi ce fort Frédéric sur cette même rivière Saint-Jean ; en outre, il ne pouvait ignorer que ceux qui lui demandaient d’être réintégrés dans la possession de leurs terres étaient et ne pouvaient être que des Acadiens, étant donné que personne au Canada n’avait été dépossède de ses biens après la prise de Québec. Il est probable que plusieurs de ces malheureux avaient laissé leurs familles à Québec, en attendant leur installation sur des terres. Le moins que Lawrence eût dû faire, s’il fût resté chez lui un vestige d’honneur, eût été de leur permettre de s’en retourner à Québec.

Nous avons raconté, dans un précédent chapitre, qu’un groupe d’Acadiens, parmi lesquels se trouvaient notre ancêtre, Michel Richard, alors âgé de 15 ans, sa sœur Félicité, âgée de 11 ans, son grand-père René Richard, âgé de 79 ans, Madeleine Pellerin, âgée de 5 ans, qui devait devenir la femme de Michel Richard, avaient remonté la rivière St-Jean pendant ce même été de 1759, débouchant à Cacouna, sur le fleuve Saint-Laurent, vers la mi-octobre. Selon toute probabilité, ces deux groupes d’Acadiens, celui qui s’en venait en Canada et celui qui s’en retournait en Acadie, se rencontrèrent quelque part dans les environs de Cacouna. Cette rencontre ne pouvait que donner lieu à un échange de lugubres pensées, et il est facile de s’imaginer ce qui fit le sujet de leurs entretiens, après quatre longues années de misères. Cependant, tout n’était pas alors sans espoir : les uns se voyaient sur le point de rentrer en possession de leurs terres ; ils pouvaient légitimement compter qu’avec un travail ardu et persévérant, ils finiraient par reconquérir l’aisance des anciens jours ; pour les autres, cette perspective se faisait plus lointaine, mais enfin ils avaient également le droit de croire qu’ils jouiraient, un peu plus tard, des mêmes avantages qu’autrefois. Tous leurs parents et amis, ça et là dispersés, reviendraient ; l’ancienne patrie serait reconstituée ; et, puisque la France avait perdu ses colonies d’Amérique, ils ne seraient plus troublés par les vicissitudes de la guerre. Tout ce bel avenir était encore loin et incertain, du moins l’espoir était au fond de leurs pensées. Hélas ! tous allaient être bien désabusés, et particulièrement ceux qui croyaient avoir le plus de motifs d’espérer.

La prise de Québec avait amené la soumission des Acadiens qui se trouvaient au Canada, ainsi que de tous ceux qui s’étaient échelonnés le long du golfe Saint-Laurent. Dès le 16 novembre, Alexandre Brassard, Simon Martin, Jean Bastarache et Joseph Brassard se présentèrent au fort Cumberland, (Beauséjour,) devant le colonel Frye, afin de faire acte d’allégeance. Ils alléguèrent qu’ils avaient été députés dans ce but par 190 personnes actuellement réfugiées dans le haut des rivières Petitcodiac et Memramcook, que tout ce monde était sans moyens de subsistance et priait les autorités de les assister pendant l’hiver. Il fut convenu entre le colonel Frye et les délégués qu’un tiers de ces habitants se rendraient au fort où ils seraient nourris pendant l’hiver ; en attendant leur arrivée, Alexandre Brassard fut retenu comme otage.

« Après le siège et la chute de Québec, dit Murdoch, les missionnaires Manach et Maillard voulaient induire leurs fidèles, tant Acadiens qu’Indiens, à se soumettre à l’Angleterre comme à la nation conquérante. Boishébert, qui avait été laissé sur la frontière de la Nouvelle-Écosse pour garder et promouvoir les intérêts français, fut très irrité contre ces prêtres, à raison de la soumission qu’ils avaient prêchée à leur peuple[3]. »

Deux jours après, Pierre Surette, et Jean et Michel Bourg se présentèrent à leur tour devant le même personnage, au nom d’environ 700 habitants de Miramichi, Richibouctou et Bouctouche. La mesure prise fut la même que dans le cas précédent. « D’après tout cela, écrivait le colonel Frye à Lawrence, il est évident qu’à l’approche du printemps, il y aura, ici et à la Baie Verte, environ 900 âmes dont il faudra disposer conformément à ce que Votre Excellence jugera bon[4]. » Les procédés du colonel Frye furent approuvés par le Conseil : « … Le gouverneur informa le conseil que d’après des informations reçues du fort Cumberland, le nombre des habitants français qui seront rassemblés là va se monter à près de 1200 hommes ; et comme il lui semble que ces gens sont sur le même pied que ceux qui sont venus récemment de Québec à la rivière St-Jean, il désire savoir si le Conseil ne serait pas d’avis que l’on déportât tout ce monde en bloc. Le conseil, ayant pris la chose en considération, convint qu’une telle déportation était la seule mesure à prendre et qu’elle s’imposait[5] … » Le 5 août suivant, Frye informait le gouverneur qu’il tenait à sa disposition de trois à quatre cents habitants français, et qu’il en attendait 700 autres sous peu de jours. « Le Conseil, après avoir délibéré là-dessus, fut d’avis de prier son Excellence de noliser des bateaux pour transporter à Halifax ceux de ces gens qui ne seraient pas capables de s’y rendre par terre ; et là on disposera de ces habitants de la façon qui paraîtra la plus convenable[6]. »

Toute cette population, ou du moins une grande partie d’entre elle, fut effectivement transportée à Halifax, en attendant l’occasion de la déporter.

Ici commence, contre les Acadiens qui se trouvaient dans les limites de la Nouvelle-Écosse, une nouvelle série d’iniquités qu’il est impossible de qualifier comme elle le mérite. Cette autre page d’histoire est presque aussi obscure que celle de la première déportation. Un seul écrivain semble l’avoir comprise, et encore très-imparfaitement. Le volume des archives ne nous offre qu’une aide médiocre pour la déchiffrer. Il contient, il est vrai, de nombreux documents ; mais ceux que nous nous attendions à y voir, ceux qui nous paraissent les plus importants, n’y sont pas. Nous ne tenons pas à surcharger notre ouvrage en signalant les mille lacunes qui déparent cette compilation. Mais il en est de tellement énormes que nous ne saurions nous dispenser de les indiquer. Ainsi, l’on conviendra sans peine que les documents les plus importants, ceux qui regardent de plus près l’histoire de la Nouvelle-Écosse, ce sont les lettres des gouverneurs, soit aux Lords du Commerce, soit à d’autres personnages. Or, de 1756 à 1761, nous trouvons trente-deux lettres à Lawrence, sans une seule des réponses de ce dernier, — savoir : quinze du général Amherst, cinq du gouverneur Pownall, quatre du général. Whitmore, trois de Shirley, trois du lieutenantgouverneur Phips, et quatre de Hutchinson, Gibson et Rutherford. Il y en a, en outre, pour la même période, qui proviennent de généraux ou d’officiers en service dans d’autres parties de l’Amérique, et adressées à des généraux ou officiers également employés en dehors de la Nouvelle-Écosse. Ces lettres, où il est question des faits de guerre qui se passent ici et là sur le continent, peuvent avoir leur intérêt pour l’histoire générale. Mais l’on conviendra que, dans une compilation dont l’objet était de rassembler les documents qui avaient trait à l’histoire particulière de la Province, les messages de l’un de ses gouverneurs devaient avoir autrement d’importance que les lettres d’officiers étrangers correspondant entre eux au loin[7].

S’il ne s’agissait que de l’omission de quelques lettres, nous n’en dirions rien, nous garderions le silence là-dessus, ainsi que nous avons fait si souvent ; mais, sur un total de trente-deux lettres, pas une seule réponse de celui qui était le gouverneur de la Province : il y a là quelque chose de particulièrement étrange, de nature à provoquer de l’étonnement. Ce n’est pourtant pas que Lawrence laissait sans réponse les lettres qui lui étaient adressées ; car à la date du 29 mai 1759, le général Amherst, écrivant d’Albany, accusait réception de trois de ses lettres des 15, 23 et 27 avril, qui lui étaient parvenues le même jour[8]. Le 5 février 1760, le même Amherst accuse réception de quatre autres lettres de Lawrence, l’une du 22 août, l’autre du 17 septembre, et les deux autres du mois de décembre[9]. Ces lettres avaient-elles disparu des Archives, ainsi que tous les autres documents se rapportant à la première déportation, et dont parle Haliburton ? Si cela était, n’est-il pas étonnant que le compilateur des Archives n’ait pas, dans une toute petite note marginale, comme il en mettait si souvent lorsque cela lui convenait, mentionné ce fait étrange, même sans commentaires si cela lui répugnait, afin de tenir le lecteur au courant de cette disparition, ou de lui faire connaître les raisons qu’il pouvait avoir de les soustraire à sa vue ? Lawrence avait pourtant eu beau jeu pour ne dire que ce qu’il voulait ; il plaidait lui-même sa cause. Mais le public eût été, par cette publication, mis au fait des événements, dont il eût pu juger à travers les habiletés de langage : c’était un danger qu’il fallait écarter. Telle est la seule explication qui nous semble plausible de cette extraordinaire omission : le trop complaisant compilateur n’a osé ni insérer ces documents ni avertir qu’il les laissait de côté.

En dépit de toutes ces lacunes, nous allons essayer d’aller jusqu’au fond de cette lamentable histoire, et de mettre à nu les turpitudes qui se cachent sous ces soustractions intéressées, turpitudes que cherchent à voiler des flagorneurs de l’espèce de Parkman et de Thomas B. Akins. Il n’est d’ailleurs pas nécessaire de tant de documents pour saisir les motifs qui faisaient agir Lawrence, Belcher, Wilmot, et tout le reste de l’entourage du gouverneur. Le peu que nous avons nous suffit. Cela demande sans doute plus de travail, mais nous arriverons à notre but tout aussi sûrement. La tâche de l’historien, dans les parties obscures de l’histoire, se résout plus facilement par la méditation que par la compulsation rapide de nombreux documents. Au reste, dans le cas présent, nous n’avons que cette alternative. La méditation nous a aidé jusqu’ici à porter de la lumière là où il n’y avait que ténèbres ; elle nous sera, croyons-nous, non moins utile pour débrouiller la partie tout aussi obscure qu’il nous reste encore à aborder.

À l’époque où nous en sommes arrivés, Québec avait capitulé ; la population de ce district avait rendu les armes, prêté serment d’allégeance, et chacun avait été laissé dans l’occupation paisible de son patrimoine. Amherst, écrivant à Lawrence à la date du 4 mars 1760, lui disait : « …entre autres nouvelles apportées par le lieutenant Montrésor, il y a celle-ci que 6, 000 canadiens ont prêté le serment et mis bas les armes ; ils semblent très-contents d’avoir changé de maîtres ; Montrésor a employé plusieurs d’entre eux ; il les a payés ; il dit qu’ils ont fait leur travail bien et gaiement[10]. » C’était ce même traitement qu’espéraient et qu’avaient raison d’espérer les 200 Acadiens porteurs d’un permis signé par Monekton ; c’était ce traitement que devaient espérer également les Acadiens réfugiés sur les côtes du golfe, et qui, malgré les pressantes supplications du commandant français de Boishébert, avaient abandonné celui-ci pour se livrer à la merci de Lawrence. L’occasion était bonne pour ce dernier d’assurer du coup la pacification immédiate, complète et définitive de la Nouvelle-Écosse, et de s’agréger une population laborieuse et morale, qui ne pouvait qu’aider au progrès et au développement de la province. Ces gens avaient soif de tranquillité ; ils soupiraient après la fin des hostilités pour voir un terme à leurs souffrances, reprendre la vie paisible d’autrefois, recommencer, s’il le fallait, dans une autre partie de la province, le long et pénible travail par lequel ils avaient acquis l’abondance dont on les avait injustement dépouillés. C’étaient ces motifs et ces espérances qui les avaient poussés à s’en remettre à la merci de Lawrence, dès la première annonce de la prise de Québec. Il eût été sans doute bien cruel de leur refuser leurs terres, lorsqu’à cette époque celles-ci étaient encore à peu près inoccupées ; mais nous sommes fermement convaincu qu’ils eussent accepté sans un murmure, ou du moins avec une soumission résignée, à défaut de leurs anciennes propriétés, des terres non défrichées, situées dans un endroit convenable.

Est-ce là ce qui leur fût offert ? À peine avaient-ils fait obédience au colonel Frye, que l’on décidait de les déporter ; mais afin de ne pas les alarmer ni empêcher leur réunion sous la puissance des troupes, on leur cacha cette décision aussi longtemps qu’il fût nécessaire. Dans l’intervalle, ils apprenaient le traitement indigne qu’avaient subi leurs frères venus de Québec sur la foi d’un permis. Toutefois ceux qui avaient promis de venir faire leur soumission tenaient à honneur de remplir leur engagement. Il restait encore un nombre assez considérable d’Acadiens sur la Baie des Chaleurs, et il y en avait aussi quelques-uns dans le haut de la rivière St-Jean ; eux aussi eussent été tout prêts à se soumettre ; mais allaient-ils le faire, quand ils ne s’étaient liés par aucune promesse, et qu’ils avaient sous les yeux les indignes procédés dont on usait envers ceux qui étaient venus de Québec ? Puisque cette soumission devait entraîner l’emprisonnement et un sort plein de menaces, ne valait-il pas mieux conserver sa liberté, si précaire qu’elle fût, et même se faire l’ennemi irréconciliable d’une nation qui se montrait aussi implacable ?

Telle était donc la situation, et elle est aussi claire que peut la désirer quiconque veut se dépouiller de préjugés étroits et ouvrir les yeux à la lumière. Mais alors, se demandera-t-on, quel motif empêchait Lawrence, Belcher et Wilmot de suivre une ligne de conduite en apparence aussi simple et aussi raisonnable ? C’est en effet la question qui se pose et que beaucoup ont dû se faire avant nous, sans la résoudre d’ailleurs ; c’est-à-dire que l’on a reculé devant les difficultés qu’elle présentait, peut-être même devant une solution déplaisante, laquelle se dessinait avec trop de netteté pour qu’on ne pût l’entrevoir. À quoi bon se casser la tête sur des problèmes ardus, pour n’en recueillir que des résultats humiliants pour soi-même, au profit d’une petite population qui a probablement oublié son histoire, et dont aucun de ses membres ne se donnera la peine de scruter ce « chapitre perdu » ? — Pareilles raisons ne peuvent nous arrêter, nous ; nous voulons connaître le fonds des choses, tel qu’il est ; nous voulons projeter la clarté sur tout point obscur ; nous voulons saisir le pourquoi de tout ce qui a paru jusqu’ici inexplicable.

Nous voici précisément, encore une fois, en face d’un problème propre à dérouter l’esprit, et sur lequel il nous faut cependant faire la lumière. L’expliquer par la cruauté de Lawrence ne serait pas satisfaisant ; car, malgré son omnipotence, le gouverneur avait à faire un certain cas de l’opinion de ses conseillers[11]. Au reste, si cruel qu’il fût, il ne devait pas l’être au point de prendre plaisir à la souffrance d’autrui. Nous n’avons donc plus qu’une alternative ; et c’est toujours celle à laquelle il faut avoir recours en pareille occurrence : quand on ne peut expliquer la conduite des hommes par les raisons ordinaires, il reste à rechercher quels intérêts les inspiraient. L’on ne saurait comprendre, en effet, pourquoi l’on ne laissait pas ces gens désarmés, et qui faisaient de bon gré leur soumission, s’établir dans le pays. La France était vaincue, dépossédée du Canada, du Cap Breton, de l’Île Saint-Jean ; il ne restait plus un seul soldat français dans toute l’étendue du pays. Dès lors, qu’avait-on à redouter de cette poignée de paysans qui ne pouvaient que soupirer après la tranquillité, et qui prouvaient clairement leurs intentions pacifiques, en se livrant spontanément aux autorités anglaises, aussitôt après la prise de Québec, et cela contre le gré des officiers français ? — Il est certain que l’on avait décidé de les déporter avant qu’ils aient pu fournir l’occasion de griefs : la preuve en est dans l’incarcération de ceux qui étaient venus pour s’établir sur la rivière Saint-Jean, munis d’un permis de la part de Monckton ; la preuve en est encore dans la suggestion faite par Lawrence à son conseil, dès le moment où il fut informé de la chose, de déporter ceux qui faisaient leur soumission au colonel Frye. Les motifs que l’on avait d’en agir ainsi avec ces malheureux sont assez évidents pour que le lecteur les ait déjà saisis : ils jaillissent tout naturellement des faits, en sorte qu’il ne serait pas nécessaire d’en chercher la confirmation dans les documents officiels, au cas où ceux-ci existeraient d’ailleurs[12]. Nous l’avons dit, il ne pouvait y avoir au fond de tout cela qu’une raison d’intérêt.

Il ne faut pas chercher longtemps pour la trouver, et il ne peut y en avoir d’autre. N’avons-nous pas dit déjà que les Conseillers de Lawrence s’étaient voté chacun 20,000 acres des terres des Acadiens ! Ne sait-on pas que, subséquemment, soit pour apaiser les appétits des gens influents qui les jalousaient, soit pour les forcer à endosser leur conduite, on livra à tous ceux qui comptaient pour quelque chose dans la Province tout ce qui restait de ces terres ! Ne sait-on pas que subséquemment encore, pour s’assurer, le cas échéant, de puissants appuis auprès du Gouvernement de la Métropole et l’impunité, on livra le domaine public au pillage, en faveur des plus hauts personnages de l’armée, des Lords, des Généraux, Lord Egremont, Lord Colville, le Dr Franklin, (un peu plus tard maître-général des Postes en Angleterre), les généraux Bouquet et Haldimand, Sir Robert Wilmot, Lady Wilmot et bien d’autres encore ?

Tout ceci n’était pas encore accompli à l’époque qui nous occupe. Mais le pillage commençait et allait se poursuivre avec une ardeur de plus en plus intense. Ces octrois ne furent pas tous gratuits, ni sans conditions ; il y avait des grands, des moyens, et des petits privilégiés, suivant le degré d’influence qu’ils pouvaient exercer ; mais tous ne s’empressaient pas moins à la curée qui s’ouvrait, pour emporter avec eux l’os consolateur qui assurait leur silence ou leur influence, et qu’il leur serait permis de gruger au nez des Acadiens ou du pauvre colon qui allait les remplacer. Comme nous pouvons facilement l’imaginer, les conseillers de Lawrence n’étaient pas parmi les petits privilégiés. Belcher, qui fut le successeur de Lawrence, avait sa grande part, et il ne devait pas en être autrement de Wilmot.

« Au moment de clore cet aperçu de l’année 1765, dit Murdoch, et en réfléchissant aux considérables cessions de terres, sanctionnées par le gouverneur Wilmot et son conseil, je ne puis me défendre de penser que cette année fut une vilaine année, et que le progrès de la province a été beaucoup retardé par ce fait malheureux de concéder de pareilles étendues de terres boisées qui étaient ainsi soustraites au pouvoir de la couronne et à celui du peuple[13]. »

Lorsque toutes les terres des Acadiens eurent été offertes en pâture à ces corbeaux affamés, on se rabattit sur les terres non défrichées, et c’est par milliers d’acres qu’on les livra aux favoris. Il devait y avoir bien des prête-noms sous ces octrois ; un seul ne suffisait pas toujours aux plus gourmands ; « quand on prend du galon on ne saurait trop en prendre », mais il fallait cacher son identité, se masquer sous un nom d’emprunt.

L’on en était rendu là en 1765, dans cet ugly year dont parle Murdoch. Que de fortunes qui doivent leur origine à cette complicité honteuse ! Que de chenapans qui s’improvisèrent grands seigneurs à même ces vilenies[14] ! S’il fallait remonter à l’origine des grandes familles dont les petits fils nous écrasent de leur opulence, s’il fallait scruter la base de bien des grandeurs, l’homme soucieux de son honneur remercierait peut-être la Providence de son humble extraction. Pour notre part, nous estimons plus honorable de descendre d’humbles opprimés que d’orgueilleux oppresseurs[15].

Comprend-on maintenant pourquoi, au lieu d’accueillir avec bienveillance ces pauvres Acadiens qui se mettaient à la merci de leurs oppresseurs, on les faisait prisonniers en attendant l’occasion de les déporter ? Comprend-on pourquoi on ne voulait pas leur permettre de s’établir dans un coin isolé de la Province ? pourquoi on persistait à vouloir les déporter quelque part, et assez loin pour qu’ils perdissent l’idée de jamais revenir ? Comprend-on maintenant pourquoi Lawrence, et après lui Belcher et Wilmot, importunèrent Amherst afin d’en obtenir la permission de se débarrasser de ces gêneurs ? pourquoi ils les représentaient comme des êtres mécontents, et incapables d’apprécier ce qu’ils appelaient « la douceur et la suavité du gouvernement britannique » ? Singulière douceur, qui faisait d’eux des prisonniers et des forçats dès le moment où ils faisaient leur soumission, en attendant l’occasion de les semer aux extrémités du monde ! Mais il aurait fallu n’être pas humain pour ne pas ressentir les humiliations et les tortures morales dont on les abreuvait ; pour ne pas exprimer son mécontentement du sort cruel et injuste dont on les frappait ! La mesure des mauvais traitements devient comble même pour le chien le plus soumis. Et cependant, malgré cette accumulation d’indignités, peut-on avec tous les documents de leurs oppresseurs, signaler une seule voie de faits de la part des Acadiens, depuis leur soumission en décembre 1759 jusqu’à 1766 ! Si tel est le cas, qu’on la produise. On voit bien, dans les intrigues combinées par leurs bourreaux pour obtenir la permission de les déporter, que Lawrence et autres exprimaient des craintes pour l’avenir, qu’ils les représentaient constamment comme des êtres dangereux qui saisiraient la première occasion pour se soulever. Mais ces prétextes étaient nécessaires pour obtenir la permision désirée, et s’ils avaient eu un seul acte de résistance à signaler, on peut être sûr qu’il se trouverait consigné dans ces lettres à Amherst. La seule accusation précise que l’on trouve, de laquelle on tire des conclusions péremptoires, est que certains groupes n’avaient pas encore fait leur soumission, (f qu’ils étaient errants dans les bois[16] ». En faut-il davantage pour faire voir l’absence de griefs ? Quoi ! ces gens devaient-ils se charger eux-mêmes de chaînes pour être déportés ensuite ? L’étonnant, c’est que ceux qu’on traînait en captivité ne se soient pas rués sur leurs oppresseurs pour les déchirer avec leurs ongles, avant de recevoir le coup fatal qui aurait mis fin à une existence empoisonnée et sans issue. Ah ! mais c’est qu’ils avaient des familles affligées par la misère, les séparations et la mort, qu’il ne fallait pas jeter dans une agonie plus grande, et laisser sans soutiens, sans consolations, dans la vallée de larmes que l’on creusait sous leurs pas ! C’est qu’ils puisaient dans cette religion dont on se moquait la force et le courage d’endurer et peut-être de pardonner.

Dépouillons la correspondance de ces gouverneurs pour démêler, s’il est possible, leurs secrètes pensées dans ces documents tissés de ruses, afin de voir si, à leur insu, ils n’auraient pas laissé échapper quelques expressions permettant de découvrir ce qu’ils avaient tant intérêt à cacher. On comprendra sans peine qu’en laissant les Acadiens dans la Province, leurs spoliateurs s’exposaient à des revendications dangereuses pour leur tranquillité. Si l’on admettait ceux-ci, il faudrait également admettre tous les autres qui avaient été déportés. Accepteraient-ils sans murmurer de devenir simples locataires des Conseillers de Lawrence, sur des terres qui leur appartenaient et qui avaient été défrichées par leurs ancêtres ? Et s’ils consentaient à s’enfoncer dans la forêt pour se reconstituer un nouveau patrimoine, le reproche involontaire et quotidien que leur présence et leur misère évoqueraient, ne serait-il pas pour leurs spoliateurs une torture de tous les instants ? Le criminel aime-t-il à être confronté toute sa vie avec sa victime ? L’escroc public se choisit-il une demeure somptueuse à côté de la hutte de celui qu’il a dépouillé ? N’était-il pas à craindre que ce voisinage intempestif n’ouvrit les yeux du public et des Lords du commerce, ne plongeât les spoliateurs dans l’humiliation et le discrédit, et n’amenât l’annulation des titres qu’ils s’étaient donnés ou allaient se donner ? Ce risque n’était-il pas considérable, puisque, même avec toutes leurs sages précautions, ces oc-trois furent plus tard réduits de 20,000 à 5,000 par les Lords du commerce ? Il fallait, pour assurer l’avenir, que ce peuple Acadien disparût, qu’il fût dispersé aux quatre coins de la terre, qu’il oubliât sa patrie, sa nationalité, sa langue, sa religion et le souvenir de ce qu’il avait été.

Lawrence et ses conseillers ne furent pas lents à saisir ces dangers, et aussitôt qu’ils eurent vent que 200 Acadiens étaient venus avec des permis pour s’établir dans la Province, il fut résolu qu’ils seraient proscrits de nouveau. Et dès la première communication de Frye, annonçant que ceux du littoral allaient faire leur soumission, Lawrence avisa son conseil de les déporter. « Son Excellence désirerait savoir si le conseil ne serait pas d’avis que l’on nolisât des vaisseaux pour déporter tout ce monde à la fois. »

Et que décide le conseil ?

« Le Conseil, après avoir considéré cette proposition, en est venu à la conclusion qu’une telle mesure était de toute convenance et semblait absolument nécessaire, pour faciliter le repeuplement des terres évacuées, par des personnes venant du continent à cette fin : autrement, ces nouveaux colons courraient le risque d’être empêchés dans leurs progrès par les incursions de ces habitants français ; tandis que, si ceux-ci sont déportés hors de la province, la colonie demeurera en parfaite sécurité[17]. »

Le motif est assez clair. On ne pouvait s’attendre que, dans une résolution de cette nature, il serait question de ces terres au point de vue de la sécurité des octrois que les conseillers se faisaient ; il leur fallait couvrir leur pensée du voile de l’intérêt public, mais au fond c’était bien leurs propres intérêts qu’ils avaient en vue de sauvegarder. C’est ainsi que procèdent les grands coquins.

Cependant, pour déporter toute cette population, il fallait le consentement des autorités, c’est-à-dire qu’il pouvait être dangereux d’agir sans cette autorisation. L’Angleterre avait déjà reçu sa part de proscrits ; les Provinces de la Nouvelle-Angleterre croyaient avoir reçu plus que la leur. Qu’allait-on faire ?

Le 20 février 1761, Belcher, qui remplaçait Lawrence décédé, soumettait à son Conseil une lettre du Général Amlierst, dans laquelle celui-ci recommandait « que les Acadiens continuassent de demeurer dans la Province ». « Mais le Conseil ayant délibéré là-dessus, a été unanimement d’opinion que les dits Acadiens Français ne peuvent, ni en vertu de l’ordre Royal sus-mentionné, ni en vertu de la loi provinciale également invoquée, avoir la permission de rester dans la Province ; et le Conseil émet le vœu que son avis sur la question soit soumis en tout respect à la considération de son Excellence le général Amherst[18]. »

Amherst répondit dans les termes suivants à cette Résolution du Conseil :


« Monsieur,

« Votre dépêche du 25 février m’est parvenue hier soir ; je n’ai rien de plus à cœur que l’avantage et la sécurité de la Province de la Nouvelle-Ecosse ; si la déportation de ceux des Acadiens qui résident encore dans ses limites pouvait être utile à cet égard, je serais le premier à conseiller leur expulsion ; mais comme dans les circonstances nouvelles où se trouve cette riche et florissante province, je ne vois pas qu’elle ait rien à redouter de la part des Acadiens, et qu’au contraire il me semble qu’elle peut bénéficier beaucoup de leur travail, alors j’incline à penser qu’il vaut mieux les garder dans la Province, en leur imposant des règlements et restrictions appropriés[19]. »

Non satisfait d’avoir envoyé à Amherst la résolution de son Conseil, Belcher lui avait adressé deux nouvelles lettres sur le même sujet, avant d’avoir reçu la réponse que nous venons de citer. L’une est du 11 mars et l’autre du 19. Ces deux lettres ne sont pas au volume des Archives, mais la réponse nous fait voir qu’il s’agissait encore de la permission de déporter les Acadiens. Amherst y répond ainsi le 15 avril[20]… « Je me permets de différer d’opinion avec vous au sujet de l’insuffisance des troupes dans votre Province. Celles qui sont destinées à y demeurer sont en nombre plus que suffisant dans les circonstances présentes, car le danger que feu le gouverneur pouvait avoir quelque raison d’appréhender l’année dernière, est maintenant complètement écarté. Les quelques Acadiens de Ristigouche, que l’on dit ne s’être pas encore soumis conformément aux termes de la capitulation, ne sont pas un obstacle, même s’ils persistaient dans leur erreur ; mais, croyez-m’en, ils se reconnaîtront bientôt et ne seront que trop heureux de nous voir accepter leur soumission. »


C’était presque une rebuffade. Après trois réponses aussi formelles, et toutes dans le sens d’un refus, il semblerait que Belcher et son Conseil eussent dû se désister définitivement de leur projet de déportation. Mais ce n’était pas encore assez. Le 15 avril, dans une longue lettre au même, Belcher énumère de nouveau toutes ses raisons de craindre pour la paix et la tranquillité de la Province, mais, cette fois, il en a une nouvelle, qui devra décider Amherst espère-t-il, à accorder la permission tant désirée : « Outre les raisons que je vous ai déjà exposées, monsieur, et qui prouvaient comme quoi des tentatives étaient à redouter de la part de cette population, il y a encore celle-ci, et qui est de quelque poids, à savoir que, parmi les Acadiens de Ristigouche, il y a beaucoup de ceux qui possédaient autrefois des terres dans le district de Chinecto (Beaubassin), et comme ils n’ont pas perdu tout espoir de les recouvrer, grâce à des renseignements qui leur sont venus de missionnaires et de Français, je crois, à tout le moins, probable qu’ils vont troubler les commencements de ces établissements, auquel cas, la perte de deux ou trois vies répandra une telle terreur, que non-seulement la population de ces districts en sera intimidée et s’enfuira, mais encore cela aura pour effet de nuire considérablement à la colonisation des autres parties[21]. »

C’était apparamment cette nouvelle raison qui avait motivée cette nouvelle lettre ; dans son esprit, Belcher la croyait décisive. Il y avait déjà un an qu’il retenait captifs à Halifax environ 1000 Acadiens, et tous ses griefs ne se bornaient encore qu’à des craintes pour l’avenir. Il n’avait pas un fait actuel, pas un meurtre, pas un assaut, pas un vol, pas même un refus d’obéissance à signaler. C’était vraiment désappointant à l’extrême ; ses 20,000 acres de terre couraient un danger.

Amherst y répondit le 28 avril, et c’était encore un refus, une fin de non-recevoir, la quatrième.

« Je ne puis dire que j’aie quelques appréhensions concernant la colonie qui va être établie à Chignecto… Les Acadiens ne sont peut-être pas aussi entièrement bien disposés que je le souhaiterais, mais je m’attends de leur part à une conduite différente de celle qui s’est manifestée jusqu’ici, car ils n’ont jamais été dans une situation semblable à celle dans laquelle ils sont maintenant, et il est difficile de croire qu’ils seront assez méchants pour tenter quoi que ce soit à l’heure qu’il est, contre l’établissement de la Province[22]. »

Belcher semble avoir abandonné, après cela, tout l’espoir d’obtenir de ce côté l’autorisation tant désirée, car on ne trouve plus aucune communication entre Amherst et lui, pendant une longue période, si ce n’est la suivante, par laquelle il demande qu’il lui soit permis d’employer les Acadiens à travailler pour les nouveaux colons. C’était en quelque sorte se réfuter lui-même : la demande étant faite à la propre sollicitation des colons, ceux-ci ne voyaient donc pas dans les Acadiens des êtres dangereux ; Belcher non plus, du reste, autrement il n’eût pas transmis pareil vœu :


Halifax, 18 juin 1761.


« Monsieur… À la suite de représentations qui m’ont été faites par les nouvelles colonies de la province, il semble urgent que les habitants reçoivent de l’aide de la part des Acadiens pour réparer les aboiteaux qui protègent et préservent les terres basses, d’autant plus que de ce travail, dans lequel excellent les Acadiens, dépend la subsistance d’un grand nombre des colons… »

« Cette grave raison, jointe à la considération des grands services rendus à la colonie par les Acadiens, grâce à l’intervention de feu le gouverneur l’an dernier, me force à revenir à la charge et à insister dans ma demande : Je prévois peu de difficulté à cet égard, vu que le secrétaire des choses militaires m’a assuré, il y a quelque temps déjà, que les Acadiens devaient se tenir prêts à recevoir mes ordres à une demi-heure d’avis[23]. »

Ainsi donc, c’était sur leurs propres terres qu’on faisait travailler les Acadiens, et cela, pour aider ceux qu’on avait mis à leur place, ceux qui profitaient du labeur d’un siècle. Et ces Acadiens, ces hommes si dangereux, se soumettaient à cette imposition cruelle qui déchirait leur âme, et cela à une demi-heure d’avis. Cette imposition, ils l’avaient subie l’année précédente, apparemment sans résistance, et on l’exigeait encore cette année. En faut-il davantage pour démontrer que toutes les appréhensions de Belcher et de son Conseil n’étaient que de honteux prétextes, dont la source était la crainte de mettre en péril les octrois qu’ils s’étaient votés ? Et dire que ces Acadiens étaient assez pervers pour ne pas apprécier « the lenity and the sweet of the English rule » !

Le volume des Archives ne produit aucune lettre de Belcher faisant voir qu’après son quadruple insuccès auprès de Amherst, il se soit adressé aux Lords du commerce, mais l’extrait suivant d’une lettre de ces derniers en fournit la preuve :


Whitehall, 23 juin 1761.


« Le nombre d’Acadiens qui se sont rassemblés en différentes parties de la Province, et leurs dispositions hostiles, nous paraissent d’assez mauvais augure dans l’état présent de la province, mais comme il n’est pas du ressort de notre département de donner des directions en une pareille matière, nous vous référons au Secrétaire d’État de Sa Majesté, à qui nous avons transmis copies de vos lettres sur ce sujet, ainsi que les pièces qui les accompagnaient[24]. »

Il nous faut juger de la question par ce court extrait, puisque, de cette lettre importante, c’est tout ce que nous livre le compilateur des archives. Mais, pour le point qui nous occupe, c’est suffisamment clair ; les documents et les lettres (non produites) de Belcher, par lesquelles il demandait la permission de proscrire les Acadiens étaient référés à Lord Egremont, le Secrétaire d’État, à qui il appartenait de formuler la réponse à y faire.

Cette réponse importante du Secrétaire d’État n’est pas au volume des Archives, mais sept mois après, le 9 janvier 1762, nous trouvons une lettre de Belcher au Secrétaire d’État. Par les astérisques, on voit qu’elle est tronquée à des points qui paraissent importants tout de même ; on peut juger que sa demande avait été refusée, puisque celle-ci équivaut à une nouvelle demande de déportation : « Je me permets de représenter à Votre Excellence, qu’outre ces personnes, il y en a beaucoup d’autres parmi les Acadiens de la Province qui, bien qu’ayant fait leur soumission, cependant se tiennent prêts et guettent une occasion où, soit par une assistance reçue des Français, soit par un soulèvement provoqué chez les sauvages, ils pourront troubler et ravager les colonies déjà formées et celles qui sont en voie de formation ; et je suis profondément convaincu, d’après leur conduite et leurs dispositions générales, qu’ils ne peuvent, sans compromettre la sécurité de la Province, être admis à l’habiter à nouveau[25]. »

Nous avons raison de croire que la réponse fut, cette fois encore, défavorable. Le volume des Archives ne nous la donne pas, mais nous pouvons l’inférer en toute certitude, par le fait que près de sept mois s’écoulèrent sans que rien ait été fait par Belcher dans le sens d’une déportation. Si elle eut été favorable, il est évident que Belcher se fût empressé de profiter d’une permission qui lui tenait tant à cœur. Cela est d’ailleurs rendu plus évident encore par la lettre des Lords du Commerce en date du 3 décembre suivant, dans laquelle ils condamnent expressément la déportation qui venait d’être exécutée.

Le 26 juillet 1762, Belcher et son Conseil se décidèrent pour une proscription en masse. La Résolution qui expose les motifs de leur décision est fort longue ; tous les griefs y sont réunis ; cependant remarquons-le, pas un seul n’a trait à des hostilités ou à des résistances actuelles ; au contraire, tout se borne à des appréhensions pour l’avenir. On sent qu’ils font un suprême effort pour rédiger un document destiné à être leur justification, car remarquons le encore, cette résolution ne fait nullement mention d’une autorisation quelconque, soit de la part du Secrétaire d’État, soit du général Amherst, preuve évidente qu’ils n’en avaient pas. Lawrence avait réussi par l’audace : on voulait essayer de ce qui lui avait si bien servi. En cas de blâme, Belcher se retrancherait derrière son Conseil et la nécessité des circonstances fortuites qui exigeaient impérieusement un tel procédé. Qu’on en juge :

« Pour toutes ces raisons, le Conseil est d’avis qu’en ce temps de péril, il est urgent de déporter immédiatement les dits Acadiens hors de cette Province, car leur prolongation de séjour en son sein serait propre à entraîner les pires inconvénients, particulièrement pour les nouveaux établissements que l’on projette, et pour la sécurité générale de la Province. Et en conscience le Conseil recommande de la façon la plus pressante, pour le salut et la sécurité de la Province et de ses nouvelles colonies, que le Lieutenant-Gouverneur ait la bonté de recourir aux moyens les plus expéditifs de rassembler et déporter les dits Acadiens hors de cette Province ; le Conseil est aussi d’avis que la Province la plus voisine de la Nouvelle-Écosse étant le Massachusetts, le lieutenant-gouverneur fasse transporter en ce dernier endroit, avec toute la promptitude voulue, les dits Acadiens[26]. »

Tous s’entendaient comme larrons en foire. Belcher rédigeait, nous le supposons, une résolution qu’il plaçait entre les mains de ses complices, et il se faisait forcer la main, il cédait à une nécessité impérieuse, à une pression trop énergique pour qu’il put y résister. On sent dans la rédaction de ce document l’effort pour dégager la responsabilité du Gouverneur.

Encore une fois l’audace allait réussir, mais pas aussi complètement que la première fois, comme nous le verrons plus loin. Amherst, qui n’était pas en position de juger par lui-même des raisons qui lui étaient données, et des motifs secrets qui faisaient agir Belcher et ses Conseillers, approuva à demi le fait accompli. « Encore que je ne puisse me défendre de la pensée que cette population aurait pu être gardée dans la Province et s’y montrer soumise, aussi longtemps que les troupes demeuraient en Nouvelle-Écosse, je suis cependant content que vous ayez pris les mesures nécessaires pour les déporter, car ils auraient pu, après le départ des soldats, fomenter des troubles[27]. » Nous dirons brièvement qu’immédiatement après la Résolution de son Conseil, Belcher expédia en toute hâte à Boston cinq navires chargés d’Acadiens. Pour un motif ou pour un autre, la Législature du Massachusetts refusa positivement de recevoir ces exilés. Instances, supplications de la part du capitaine Brooks[28] et même du gouverneur Bernard, ne purent vaincre les résistances de l’Assemblée. On refusa même d’attendre le retour d’un courrier qu’on offrait d’envoyer au Général Amherst. Hancock, qui représentait à Boston le Gouvernement de la Nouvelle-Écosse, refusa même de procurer des vivres. Après avoir attendu deux ou trois semaines en rade de Boston, le capitaine Brooks qui commandait l’expédition se vit forcé de retourner à Halifax avec son chargement.

Leur retour produisit dans le camp de Belcher une explosion de colère contre la Législature du Massachusetts, (pli n’avait pas voulu se plier une seconde fois à leurs odieuses persécutions. La situation était critique pour lui ; il fallait s’expliquer auprès des Lords du Commerce et du Secrétaire d’État. Cette équipée avait été entreprise sans leur assentiment, et sans celui de Amherst. Conjoncture délicate à un haut degré. Heureusement pour Belcher qu’Amherst avait, après coup, donné un semblant d’approbation à son acte ; aussi, c’est sur ce point, qu’il insiste le plus fortement dans sa défense, et pour lui donner plus de valeur, il en parle, vaguement il est vrai, comme si cette autorisation avait été antérieure à l’exécution de sa mesure. Mais, chose incroyable après tant de rebuffades, Belcher persistait encore à demander l’autorisation de déporter les Acadiens.

Nous ne voyons pas, par le volume des Archives, quelle fut la réponse du Secrétaire d’État, mais celle des Lords du Commerce, qui n’y est pas non plus, peut s’inférer des minutes de leurs procédés.


3 décembre 1762.


« Leurs Excellences, ayant considéré la partie de la lettre de M. Belcher relative à la déportation des Acadiens, n’ont pu ne pas être d’avis que, si expédient qu’il ait pu être de déporter les Acadiens en un temps où les entreprises de l’ennemi constituaient une menace pour la Province, cependant ce danger étant maintenant disparu, et les hostilités entre les deux nations ayant cessé, il ne fût ni nécessaire ni politique de les déporter à nouveau, vu qu’ils pouvaient, moyennant certaines dispositions, promouvoir les intérêts de la colonie, et devenir membres utiles de la société, conformément à ce qui semble être le sentiment du général Amherst dans sa lettre au lieutenant-gouverneur [29]. »

La leçon était verte et appliquée vigoureusement. De plus, on lui faisait comprendre qu’il faussait le sens de la lettre du général Amherst sur laquelle il prétendait s’appuyer. Ce n’était pas l’occasion pour les Lords du Commerce d’exprimer une opinion sur la première déportation, celle de 1755 ; mais il nous semble que les termes dont ils se servent ici en impliquent la condamnation.

Le lecteur aurait tort de s’imaginer que le compilateur du volume des Archives place les faits que nous racontons dans un ordre aussi lumineux. Loin de là. Il nous a fallu, au contraire, nous imposer un travail dont personne ne semble avoir eu la patience, pour démêler la confusion dans laquelle se trouve cette partie du volume des Archives. Depuis la fin de 1759 jusqu’à 1763, les documents y sont pêle-mêle, sans ordre de dates ou même d’années, et ce n’est que par un travail patient que l’on peut rétablir l’enchaînement des faits qu’ils contiennent. À moins que ce désordre n’ait été intentionnel, il reste inexplicable.

Si l’on tient compte des circonstances et des fausses représentations dont le Gouvernement de la Métropole fut l’incessant objet, de la part de Lawrence, Belcher et autres, on peut dire que son honneur sort à peu près intact de toutes ces persécutions. En examinant de près tous les incidents de cette triste épopée, nous pourrions peut-être faire remonter une certaine portion de blâme sur ceux qui avaient en mains les destinées de l’Angleterre, mais en même temps, nous ne devons pas oublier les temps, et la situation difficile dans laquelle se trouvait le Gouvernement de la Métropole ; nous ne devons pas oublier que ces gouvernants ont été l’objet d’une longue série de fausses représentations, et cela, au milieu des préoccupations d’une guerre longue et acharnée, et lorsqu’il leur était très-probablement impossible de soupçonner la conspiration qui faisait la base de ces persécutions.

Si faible que soit cette consolation pour ceux qui ont tant souffert, si pénibles que soient ces souvenirs pour leurs fils, néanmoins, nous nous raccrochons à cette pensée avec des sentiments qui en adoucissent l’amertume.

Si l’audace réussit souvent, — elle avait réussi à Lawrence, — rien, on le sait, ne réussit comme le succès. Belcher avait raté le sien ; son utilité, pour nous servir d’une locution parlementaire, avait cessé (his usefulness was gone). Il fut remplacé, peu de temps après sa déconfiture, par Wilmot, celui-là même que le Rev. Hugh Graham qualifiait de poor tool, et qui fit un jour payer le prix de vingt-cinq chevelures enlevées à des Acadiens, en disant « que la loi doit être renforcée et que ces choses s’imposaient ». C’était tomber de Charybde en Scylla. Les révolutions amènent à la surface des êtres moralement hideux ; il n’en est pas autrement, lorsque une grande curée vient aiguiser les appétits des chacals guettant une proie.

Mais, avant de nous éloigner définitivement de Belcher, nous rapporterons deux incidents de son administration ; l’un est une nouvelle iniquité, et l’autre un acte de justice élémentaire qui nous le montre sous un jour plus favorable, et dont nous voulons lui donner crédit.

Parmi les puissantes raisons qu’il faisait valoir auprès des Lords du Commerce, pour obtenir de déporter les Acadiens, il en était une sur laquelle il appuyait tout particulièrement, comme étant sans réplique, à savoir leurs mauvaises dispositions[30] :

« Je me permets de faire remarquer en outre qu’aucun des Acadiens ne s’est jamais volontairement soumis ; mais au contraire, c’est le besoin et la crainte qui les y ont réduits ; il y a de ceci une preuve dans ceux d’entre eux qui demeurent dans le village de Ste-Anne sur la rivière St-Jean ; ils sont là quarante qui n’ont pas encore proposé de se rendre. »

En effet, ces quelques familles n’étaient pas venues faire leur soumission. Elles avaient préféré, chose horrible ! leur liberté et l’existence chétive et précaire qu’elle leur donnait, à une soumission qui entraînait l’emprisonnement et la déportation ; c’était leur crime. Leur éloignement les protégea assez longtemps dans leur distante retraite pour leur permettre d’attendre les ordres pacifiques des Lords du Commerce, mais, dans l’intervalle, les terres qu’elles occupaient avaient été englobées dans les octrois nombreux qui étaient concédés de toutes parts ; leurs défrichements avaient aiguisé les convoitises, et la moisson était à la veille d’être cueillie. On vint signifier à ces Acadiens de la part de Belcher, qu’ils eussent à évacuer à l’instant les terres qu’ils occupaient. Voici leur réponse. Par elle on pourra apprécier le fait et les dispositions de ces gens. Le ton n’est certainement pas celui d’êtres dangereux, ni même celui de l’insoumission, si injuste et si cruel que fût l’ordre qui les expulsait :

« Nous avons reçu avec respect les ordres que M. le commandant du Fort Frédéric nous a publiés de votre part pour évacuer la rivière Saint-Jean. Nous les aurions exécutés incontinent si nous n’avions espéré que par compassion de nos misères passées vous voudriez bien nous en épargner de nouvelles. En effet, Monsieur, nous commencions à sortir de l’affreuse calamité où la guerre nous avait réduits, les apparences d’une abondante moisson nous promettaient des provisions pour l’année suivante. Si vous nous ordonnez absolument de partir avant la récolte, la plupart de nous sans argent, sans provisions, nous serons obligés de vivre à la façon des Sauvages errant d’un côté et de l’autre ; au contraire, si vous nous permettez de passer l’hiver pour faire sécher nos grains, nous serons en état de cultiver de nouvelles terres dans l’endroit où vous nous ordonnerez de nous retirer. Le pénétration de vos esprits vous fait connaître, qu’un cultivateur qui établit une nouvelle terre, sans avoir des provisions pour un an, ne peut devenir qu’un pauvre être inutile au gouvernement dont il dépend. Nous espérons Monsieur, que vous voudrez bien nous accorder un prêtre de notre religion, c’est ce qui nous fera essuyer avec patience les peines qui sont inséparables d’une pareille transmigration. Nous attendons vos derniers ordres à ce sujet, et nous avons l’honneur d’être avec tout le respect et la soumission possible


Monsieur,
Vos très humbles et très obéissants serviteurs,
Les habitants de la rivière Saint-Jean.

(Reçue le 2 août 1763)[31].

Cette requête n’est pas au volume des Archives. Brown, qui ne se laissait jamais dominer par de mesquines considérations, la trouva assez importante pour lui accorder une petite place dans son manuscrit. Ces pauvres gens étaient, nous le voulons bien, très-ignorants, tout de même cette requête n’avait pas été apparemment rédigée par un prêtre, puisque, d’après sa teneur même, ils en demandaient un. Leur principale demande n’était pas très exigeante, puisqu’ils ne réclamaient, pour toute faveur, que le privilège de moissonner ce qu’ils avaient semé, et on était à la veille de la moisson.

Nous savons qu’ils eurent à déguerpir, mais nous ignorons s’ils purent jouir de leur récolte ; nous aimons à le croire[32]. Nous aimons à croire que Lawrence, Belcher et leur entourage, n’étaient pas tous foncièrement méchants ; ils ne faisaient pas souffrir pour le plaisir de voir souffrir. Non ! Mais l’homme perd vite les bons sentiments de sa nature, quand il est aveuglé par les préjugés, et, surtout, quand il sert un maître sans principes et assez habile pour l’associer, à ses spéculations honteuses. Souvent alors l’homme descend au niveau de la bête ; il oublie toute autre considération que celle de la satisfaction de ses appétits grossiers. Les liens qu’il brise, les lamies qu’il fait verser, les gémissements qu’il entend, les souffrances de toute nature qu’il provoque, tout cela n’est rien ; il n’a rien vu, il n’a rien ressenti, tout son esprit est dominé par l’absorbante pensée de l’appât qu’il convoite.

Toute la question est là, et c’est cela seul qui la rend explicable. Cette lugubre histoire, ce chapitre perdu, a sa source dans des intérêts privés, et là seulement ; l’intérêt public y fut étranger du commencement à la fin, et, si les Acadiens, à une certaine époque, ont molesté les troupes Anglaises, ce ne fut qu’après la première déportation et avant la prise de Québec, alors qu’ils étaient pourchassés comme des fauves, et qu’ils avaient vingt fois raison de se venger des souffrances cruelles et injustes auxquelles on les avait assujettis. Pour nous, et s’il en était autrement nous serions victime d’une étrange illusion, nous ne pourrions nous défendre de croire singulièrement en défaut la perspicacité de celui qui, après mûre considération, en arriverait à d’autres conclusions.

L’autre incident de l’administration est le suivant, et nous y référons d’autant plus de plaisir qu’il est le seul de cette nature que nous trouvions.

« Halifax, le 22 février 1763.

« Monsieur,

« Le Lieutenant-Gouverneur désire que vous soit transmise la lettre ci-incluse, renfermant une plainte contre quelques habitants qui ont injustement retenu ce qui était dû aux Acadiens. Si ces personnes ne s’acquittent pas immédiatement de ce qu’elles doivent, le colonel Forster leur défendra d’employer à l’avenir aucun Acadien ; et les noms des personnes ainsi endettées lui seront envoyés, afin qu’il puisse prendre les mesures nécessaires pour prévenir le retour de pareilles injustices. »

Je suis etc.,
Richard Bulkeley »


À Joshua Winslow

au Fort Cumberland[33].



  1. Dans le MS. original — fol. 817 — le texte se continue sans indication de chapitre ni sommaire. Pour l’un et l’autre nous nous guidons d’après l’édition anglaise.
  2. Cf. N. S. D. P. 309-310. — Les Pères Germain et Coquarte accompagnaient ce groupe d’Acadiens.
  3. Hist. of N. S. ch. XXVII du tome II. P. 382. Cf. A. C. Gén. etc, une série de documents sur cette question, de page 146 à page 158.
  4. N. S. D. Colonel Frye to Lawrence. Fort Cumberland. Dec. 10th 1759. P. 312.
  5. N. S. D. Council holden at Halifax on Monday the 10th March, 1760. P. 313.
  6. N. S. D. Council holden at Halifax on Tuesday the 5th Auguest 1760. P. 314.
  7. Le MS. original — fol. 824 — cite ici la Résoluion de la Législature de la Nouvelle-Écosse, adoptée le 30 avril 1857, concernant la compilation des documents ayant trait à l’histoire de la Province. Cette citation ayant déjà été faite, tome I, ch. III, p. 120, nous avons cru inutile d’y revenir.
  8. N. S. D. P. 448.
  9. N. S. D. P. 467.
  10. Le MS. orig. — fol. 828 — met 4 mai 1760, tandis que cette lettre est du 4 mars. Cf. Akins. P. 469-70. Elle est écrite de New York. Amherst utilise des renseignements apportés par le lieutenant Montrésor.
  11. Dans le MS. original — fol. 831 — un trait au crayon renvoie à la marge où se lit cette note : « Comment cela s’accorde-t-il avec ce que vous avez dit de la servilité de ses conseillers et de la concession d’une assemblée en 1758 ». Nous ferons remarquer que, dans l’édit. anglaise (II, 287,) ce passage du MS. a subi une sensible transformation ou altération.
  12. Vis-à-vis de ce passage, le MS. original — fol. 832 — porte à la marge ces deux mots au crayon : « trop long ».
  13. II. p. 455.
  14. Le MS. original — fol. 835, — porte « dans cette boue ».
  15. Le MS. original porte ici la note suivante : « Le volume des Archives contient bon nombre d’Ordres en Conseil, mais aucun se rapportant à ces octrois ; ils sont cependant tous aux Archives et Parkman ne les ignorait pas. »
  16. « By letters from Brigr. General Whitmore, I find the few Indians and others that were still lurking on the Island of St. John’s, are all corne in… » Amherst to Lawrence. New York, 5th February 1760. — N. S. D. P. 467.
  17. N. S. D. P. 313.
  18. N. S. D. P. 314-15.
  19. N. S. D. p. 326. À la suite de cette citation, l’édit. anglaise (II, 294,) a cinq lignes de réflexions qui ne sont pas dans le MS. original.
  20. Dans le N. S. D. il n’y a pas de lettre d’Amherst au 15 avril. Il y en a une du 28 (P. 328). Murdoch (II, 402) mentionne cette lettre du 15 avril.
  21. N. S. D. P. 327. Nous ferons remarquer que Belcher, écrivant le 15 avril, n’avait pas reçu la lettre d’Amherst datée du même jour.
  22. N. S. D. P. 328.
  23. N. S. D. p. 319-20.
  24. N. S. D. p. 320.
  25. N. S. D. P. 321.
  26. N. S. D. P. 323 et seq.
  27. N. S. D. P. 330. Cette lettre d’Amherst est du 30 août 1762. L’édit. angl. (II, 300) a ici la note suivante à quoi rien ne correspond dans le MS. orig. : « Sir Jeffrey Amherst has won great distinction for his intelligence and wisdom in the conduct of affairs in America during the war, and it may be well deserved. But at the same time his moral worth, judging from some of his correspondence with colonel Bouquet, could not very well be of a very high order. In 1763, while the Poutiac conspiracy was in progress, he wrote to the latter : « Might we not try to spread smallpox among the rebel Indian tribes ? We must in this occasion make use of every device to reduce them. » « I will try, answered Bouquet, to introduce smallpox by means of blankets which we will cause to fall into their hands. » « That suggestion was adopted by Amherst. » « You will do well, he again wrote him, to try to spread smallpox by means of blankets and by every other means which might help to exterminate that abominable race. »
  28. Le MS. orig. — fol. 848 — porte la note suivante : — C’est ce même capitaine Brooks Watson qui, en 1791, fit au Rev. Dr Brown une peinture si flatteuse des mœurs acadiennes, laquelle nous avons reproduit. Ailleurs il parle en ces termes de leur conduite en exil et de leur retour :

    « Their orderly conduct (in Georgia), their integrity, sobriety and frugality, secured to them the good will of the people and gained them comfortable support. But, still longing for their Native Country, all their industry was stimulated, all their hopes supported, by that landmark of their former felicity ; many of them built boats, and taking their families, coasted the whole American shore, from Georgia to Nova Scotia… But alas ! what did they find ? All was desolated ; for, the more effectually to drive them out of the Country, all their houses had been burnt, all their cattle killed by order of Government ; hence they found no shelter ; still they persevered with never-failing fortitude, with unremitting industry, and established themselves in différent remote parts of the Province, where they had been suffered to remain, but without any legal property ; at least, I have not heard of any land having been granted to them… »

    «  Their numbers, I am told, have increased about two thousand, and I am informed they still continue, what I know them to be in their prosperous state, an honest, sober, industrious and virtuous people. » Hon. Brook Watson to Rev. Dr Brown July 1st 1791.

  29. N. S. D. P. 337-8. Richard va dire que cette lettre implique condamnation de la première déportation. Ce n’est pas là son sens obvie, il s’en faut.
  30. N. S. D. p. 327. — La lettre d’où cet extrait est tiré est du 15 avril 1761, et adressée non aux Lords du Commerce mais au général Amherst.
  31. Can. Fr. Doc. In. II. 91.
  32. Le MS. orig. — fol. 854, porte la note suivante : — « Nous avons pu nous assurer depuis, que cette lettre, si respectueuse, si soumise, fut sévèrement blâmée par Wilniot. Puisqu’il en est ainsi, on ne peut guère douter que leurs demandes, même celle d’enlever leur récoltes, ne leur aient été refusées. Quelle inhumanité ! »
  33. N. S. D. P. 338