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Almanach des muses 1765/Avertissement

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(p. 3-6).


AVERTISSEMENT.


Parmi la foule des Almanachs de tour eſpèce qui renaiſſent exactement chaque année, il en eſt pluſieurs d’utiles & quelques-uns d’aſſez curieux : tous les autres ne ſont que de petits recueils compoſés au haſard de chanſons médiocres & ſouvent anciennes, ou d’anecdotes peu vraiſemblables & faites pour Le peuple. On entreprend d’en donner un pour les gens de goût. C’eſt un recueil fait avec ſoin des meilleures poëſies fugitives publiées dans le cours de l’année, ſoit dans les différens Journaux, ſoit ſéparément. Il eſt aiſé d’imaginer quelle ſupériorité cet Almanach doit avoir par ſa nature ſur les autres ouvrages du même genre, Bien différent de ceux qui, le dernier décembre, perdent ſans reſſource leur agrément & leur utilité, l’Almanach des Muſes de cette année ne ceſſera point d’être un livre de littérature agréable l’année prochaine. Dans la ſuite il deviendra le recueil le plus complet qui aura jamais paru de toute les poëfies fugitives qui méritent d’être conſervées ; il, ſervira à faire voir les changemens ſucceſſifs du goût dans ce genre de poëſie ; & cette entrepriſe, exécutée avec un diſcernement ſévere, fera peut-être regretter aux gens de lettres de ne l’avoir pas vû commencer plutôt.

On a cru devoir rendre ce recueil le moins volumineux qu’il a été poſſible, en n’y inſérant que les pièces où l’on a remarqué du talent ; & ſi l’on n’a pu raſſembler toutes celles où il s’en trouve, on ſe flatte du moins qu’on en trouvera dans toutes celles que l’on a choisies.

Certains critiques qui vont publiant ſans ceſſe que le goût de la poëſie s’affoiblit tous les jours parmi nous, verront dans ce choix la meilleure réponſe que l’on puiſſe faire à l’injuſtice de leurs cenſures. Il eſt vrai que le nombre des perſonnes qui ſe mêlent de faire des vers s’eſt multiplié à l’infini, & que par conſéquent il y a bien plus de verſificateurs médiocres que dans le ſiécle dernier : mais le nombre des bons Poëtes n’eſt pas diminué.

Il reſte à parler des remarques dont on a accompagné chaque pièce de vers. Il a été ſouvent impoſſible d’éviter la répétition des termes, Il n’y a pas beaucoup de manieres de dire que des vers ont de la force, de la délicateſſe, de la facilité, & il eſt grand nombre de pieces qui ont les mêmes beautés & les mêmes défauts. L’objet de l’Editeur a été de rendre ſon travail utile à ceux qui cultivent la poëſie, & de contribuer à la perfection de la langue françoiſe ; & il a fait ſes efforts pour y parvenir, en évitant avec une attention égale & l’exagération ſuſpecte d’une louange outrée, & l’aigreur toujours condamnable d’une critique amère. Une partie de ces remarques tombe ſur des fautes de langue : cela prouve combien il eſt difficile d’écrire correctement en vers. S’il eſt eſſentiel de relever ces fautes. pour la pureté de la langue, c’eſt ſur-tout dans des ouvrages bien reçus du public. Rien de plus dangereux que les defauts d’un bon ouvrage ; ſa réputation en fait des autorités. Si un jeune-homme ou un étranger eſt induit en erreur à cet égard, ce ne fera point par les productions de Cotin ou de Pradon que perſonne ne lit : ce ſera quelquefois par celles de Moliere ou de la Fontaine qu’on lit tous les jours.

L’Éditeur a penſé que la meilleure maniere de voir ſi un vers eſt purement écrit, c’eſt d’en faire l’analyſe & de le réduire en proſe. Il eſt rare qu’on ſe trompe en ſuivant cette méthode.

Enfin cet Almarach, renouvellé tous les ans, pourra encore ſervir à répandre & à perfectionner le goût de la bonne poëſie dans les provinces, où l’on eſt moins à portée de ſe procurer les nouveautés de cette nature. Ce ſera une eſpèce de journal annuel pour les poëſies légeres.

On a ajouté dans cette nouvelle édition une notice des ouvrages de poëſie qui ont paru en 1764 ; l’on a ſuivi le même arrangement typographique que dans les autres Almanachs, & l’on a inſéré pluſieurs pièces charmantes qui avoient été oubliées en 1765.