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Anecdotes pour servir à l’histoire secrète des Ebugors. Statuts des sodomites au XVIIe siècle./III/03

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Texte établi par Jean HervezBibliothèque des curieux (éditions Briffaut) (p. 45-48).

Bandeau de début de chapitre
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CHAPITRE III

MANIFESTE DES CYTHÉRÉENNES
EN RÉPONSE À CELUI DES EBUGORS


Separateur-7-Vaguelettes orienté haut
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« C’est avec la plus grande surprise que la Reine de Cythère a vu le manifeste imposant, mais peu vrai, des Ebugors, ses ennemis. Obligés de temps immémorial à payer des tributs que le monde entier se fait un plaisir d’acquitter, eux seuls prétendent refuser aux Cythéréennes l’hommage qu’ils leur doivent. Esclaves nés de notre puissance, nous nous sommes fait un plaisir d’adoucir de tout notre pouvoir ce que leur servitude avait de fâcheux. Combien de fois n’avons-nous pas prêté une main secourable à ceux d’entre eux que quelques-unes de nous pouvaient avoir fatigués trop cruellement par le poids d’un esclavage peu ménagé. Notre Reine, même notre aimable Reine, oubliant ce qu’elle devait à son rang et à sa dignité, s’est mille fois abaissée au-dessous de ses esclaves. Elle s’est mille fois soumise à leurs faiblesses, pour partager avec eux les peines de leurs redevances. Hélas ! tout est perdu devant les ingrats, les bienfaits dont on les comble ne font qu’ajouter à leur mauvaise volonté. Ils ont lancé contre nous des millions de reproches sur ce qui devait leur prouver combien nous avions d’attentions pour eux. Nos vastes bontés leur ont déplu. Nous élargissions notre être pour donner plus de champ à l’abîme des biens où nous les recevions et plus de matière à leur reconnaissance. Ils nous ont fait des crimes de ce qui ne méritait que des louanges. Tout ce qui a un air de grandeur les choque et leur déplaît. Voilà ce qu’ils nous objectent et sur quoi ils fondent leur révolte et le déni des tributs qui nous sont dus et dont nous devons compte à la Nature.

« Ces malheureux, que leur sacrilège fureur aveugle, renversent l’ordre établi de tous les temps : Ils consomment entre eux et à pure perte des fruits dont nous devions disposer et que nous savions faire valoir et pour leur utilité et pour la nôtre. Ils se dévorent l’un l’autre par une feinte amitié qui ne tend à rien moins qu’à la destruction entière du genre humain. Chaque nouvelle recrue dont ils augmentent leur nombre est un nouveau vol qu’ils font à la Société et un attentat contre les plus anciennes coutumes.

« Nous sommes les plus intéressées à nous opposer à de si dangereuses innovations. Malheureuses d’être contraintes de faire tomber de la main de ces criminels des armes que nous leur permettions quelquefois de tourner contre nous-mêmes et sans en prévenir les conséquences fatales. La trahison préside maintenant à leurs exploits : ils n’osent plus se présenter en face devant nous et attendent le moment de nous attaquer, comme des lâches qu’ils sont ; mais qu’ils ne se flattent pas que nous leur tournions jamais le dos. C’est par devant qu’ils doivent nous combattre pour triompher de notre valeur, et nous sommes prêtes à nous sacrifier et à répandre la dernière goutte de notre sang. Nous combattons pour les plaisirs du monde : quel motif plus important peut nous engager à soutenir une querelle plus importante ? »

Après cela, on ne tarda pas à en venir aux actes d’hostilité. Avant d’entrer dans le détail de tout ce qui se passa pendant ce siège mémorable, il est bon de faire connaître le pays et les mœurs des différentes nations qui composaient les deux armées.


Vignette de fin de chapitre
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