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Annales de l’Empire/Édition Garnier/Othon IV

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OTHON IV,[1]
vingt-cinquième empereur.

Othon, pour s’affermir et pour réunir les partis, épouse Béatrix, fille de l’empereur assassiné.

Béatrix demande à Francfort vengeance de la mort de son père, La diète met l’assassin au ban de l’empire. Le comte Papenheim fit plus : il assassina quelque temps après l’assassin de l’empereur.

1209. Othon IV, pour s’affermir mieux, confirme aux villes d’Italie tous leurs droits, et reconnaît ceux que les papes s’attribuent. Il écrit à Innocent III : « Nous vous rendrons l’obéissance que nos prédécesseurs ont rendue aux vôtres. » Il le laisse en possession des terres que le pontife a déjà recouvrées, comme Viterbe, Orviette, Pérouse. Il lui abandonne la supériorité territoriale, c’est-à-dire le domaine suprême, le droit de mouvance sur Naples et Sicile.

1210. On ne peut paraître plus d’accord ; mais à peine est-il couronné à Borne qu’il fait la guerre au pape pour ces mêmes villes.

Il avait laissé au pape la suzeraineté et la garde de Naples et Sicile; il va s’emparer de la Pouille, héritage du jeune Frédéric, roi des Romains, qu’on dépouillait à la fois de l’empire et de l’héritage de sa mère.

1211. Innocent III ne peut qu’excommunier Othon. Une excommunication n’est rien contre un prince affermi : c’est beaucoup contre un prince qui a des ennemis.

Les ducs de Bavière, celui d’Autriche, le landgrave de Thuringe, veulent le détrôner. L’archevêque de Mayence l’excommunie, et tout le parti reconnaît le jeune Frédéric II.

L’Allemagne est encore divisée. Othon, prêt de perdre l’Allemagne pour avoir voulu ravir la Pouille, repasse les Alpes.

1212. L’empereur Othon assemble ses partisans à Nuremberg. Le jeune Frédéric passe les Alpes après lui : il s’empare de l’Alsace, dont les seigneurs se déclarent en sa faveur. Il met dans son parti Ferry, duc de Lorraine. L’Allemagne est d’un bout à l’autre le théâtre de la guerre civile.

1213. Frédéric II reçoit enfin de l’archevêque de Mayence la couronne à Aix-la-Chapelle.

Cependant Othon se soutient, et il regagne presque tout, lorsqu’il était prêt de tout perdre.

Il était toujours protégé par l’Angleterre. Son concurrent, Frédéric II, l’était par la France. Othon fortifie son parti en épousant la fille du duc de Brabant après la mort de sa femme Béatrix. Le roi d’Angleterre, Jean, lui donne de l’argent pour attaquer le roi de France. Ce Jean n’était pas encore Jean sans Terre ; mais il était destiné à l’être, et à devenir, comme Othon, très-malheureux.

1214. Il paraît singulier qu’Othon, qui, un an auparavant, avait de la peine à se défendre en Allemagne, puisse faire la guerre à présent à Philippe-Auguste. Mais il était suivi du duc de Brabant, du duc de Limbourg, du duc de Lorraine, du comte de Hollande, de tous les seigneurs de ces pays, et du comte de Flandre, que le roi d’Angleterre avait gagnés. C’est toujours un problème si les comtes de Flandre, qui alors faisaient toujours hommage à la France, étaient regardés comme vassaux de l’empire malgré cet hommage.

Othon marche vers Valenciennes avec une armée de plus de cent vingt mille combattants, tandis que Frédéric II, caché vers la Suisse, attendait l’issue de cette grande entreprise. Philippe-Auguste était pressé entre l’empereur et le roi d’Angleterre.

BATAILLE FAMEUSE DE BOUVINES.

[2]L’empereur Othon la perdit. On tua, dit-on, trente mille Allemands, nombre probablement exagéré. L’usage était alors de charger de chaînes les prisonniers. Le comte de Flandre et le comte de Boulogne furent menés à Paris les fers aux pieds et aux mains. C’était une coutume barbare établie. Le roi Richard d’Angleterre, Cœur de Lion, disait lui-même qu’étant arrêté en Allemagne, contre le droit des gens, « on l’avait chargé de fers aussi pesants qu’il avait pu les porter ».

Au reste, on ne voit pas que le roi de France fît aucune conquête du côté de l’Allemagne après sa victoire de Bouvines ; mais il en eut bien plus d’autorité sur ses vassaux.

Philippe-Auguste envoie à Frédéric en Suisse, où il était retiré, le char impérial qui portait l’aigle allemande ; c’était un trophée et un gage de l’empire.


  1. Voltaire, en parlant d’Othon à la date de 1181, semble dire que ce prince naquit à cette époque ; mais les meilleures histoires prétendent que ce fut vers 1175.
  2. Dans les premières éditions était ici un long passage que l’auteur a transporté dans le chapitre li de l’Essai sur les Mœurs (voyez tome XI, page 421 ). Ce morceau commençait ainsi : « Entre Lille et Tournai, etc. » (B.)