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Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 02/Géométrie analitique, article 7

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GÉOMÉTRIE ANALITIQUE.

De la génération des lignes du second ordre, par
l’intersection de deux lignes droites ;
Par M. G. M. Raymond, principal du collège de Chambéri,
membre de plusieurs sociétés savantes et littéraires.
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La génération des courbes, par l’intersection de lignes droites, assujetties à certaines conditions, a fixé plus d’une fois l’attention des géomètres, à raison de l’intérêt que présente ce mode de construction, et des conséquences auxquelles il peut conduire. Je m’occupais d’un cas particulier de cette génération, pour les sections coniques, lorsque j’ai reçu le numéro des Annales pour février 1812, où M. Rochat[1] traite un objet qui a quelque analogie avec le mien.

Je vais indiquer ici la génération dont il s’agit, parce qu’elle me paraît propre à rendre raison, en particulier, de l’analogie remarquable et des différences respectives que l’ellipse et l’hyperbole présentent, dans quelques points de leur théorie.

Soient deux droites (fig. 4) assujetties à tourner autour des points fixes et en faisant continuellement entre elles un angle variable  ; la nature de la courbe décrite par le point dépendra des conditions auxquelles on soumettra l’inclinaison respective des deux droites génératrices sur l’axe des .

Pour plus de simplicité, j’établis l’origine des abscisses au point milieu de la distance et je suppose les coordonnées rectangulaires. Soit Les droites et auront respectivement pour équations

et étant les tangentes trigonométriques de leurs inclinaisons respectives sur l’axe des

Si le produit de ces tangentes est donné et constant, l’équation de la courbe décrite par le point sera

ou

et elle présentera deux cas, suivant que les facteurs et seront de signes contraires ou de mêmes signes, c’est-à-dire, suivant que le produit sera négatif ou positif.

Or, si les lignes génératrices sont constamment inclinées en sens contraire, le point décrivant se trouvera toujours compris entre les perpendiculaires et menées à la droite par les points et  ; en sorte que ces perpendiculaires seront, dans le sens des les limites de la courbe qui sera entièrement comprise entre elles.

Posant donc, dans ce cas,

étant une nouvelle ligne, dont la valeur est donnée par la formule

l’équation deviendra

c’est-à-dire, celle d’une ellipse dont les axes sont et

Si, en particulier, on avait il viendrait  ; et l’ellipse deviendrait un cercle, ce qui est d’ailleurs évident, puisque la condition ou étant celle de la perpendicularité des deux génératrices, l’angle devrait constamment être droit.

Suivant qu’on aura

ou,

c’est-à-dire, suivant que l’angle sera obtus ou aigu, on aura

ou

c’est-à-dire,

ou

l’ellipse sera donc décrite sur son grand axe dans le premier cas et sur son petit axe dans le second.

La droite s’inclinant de plus en plus, viendra enfin coïncider avec  ; alors, devenant zéro, devra devenir infini, c’est-à-dire, qu’alors se confondra avec  ; ainsi est un point de la courbe, et on en dirait autant de

Si présentement on suppose, au contraire, que le produit constant soit positif ou, ce qui revient au même, que les deux facteurs et soient constamment de mêmes signes ; les droites et se trouvant constamment inclinées dans le même sens, leur point de concours se trouvera toujours hors des parallèles et qui conséquemment seront encore dans ce cas les limites de la courbe, mais de manière que cette courbe, qui d’ailleurs passera toujours par les points n’aura aucun de ses points compris entre elles.

Posant alors

en sorte qu’on ait

l’équation deviendra

qui est celle d’une hyperbole dont le premier et le second axe sont et

Si l’on avait il en résulterait et l’hyperbole serait équilatérale.

Si, sans statuer sur le signe de dans l’équation on y fait

d’où

cette valeur de sera réelle ou imaginaire, suivant que sera négatif ou positif ; ce qui explique pourquoi le demi-axe des étant exprimé par dans l’ellipse, il se change en dans l’hyperbole, et réciproquement.

La longueur de étant déterminée, pour une ellipse ou une hyperbole, on voit que la longueur de dépendra du produit et que, pour obtenir l’une ou l’autre courbe, il suffit de faire ce produit constant, en lui assignant d’ailleurs, pour chaque cas, une valeur arbitraire. De là la raison pourquoi on peut établir, sur un même premier axe, une infinité d’ellipses ou d’hyperboles qui ne diffèrent que par leur second axe.

Il est presque superflu d’observer que, si l’on établissait les lignes génératrices sur le second axe, et qu’on les assujettit à la condition le point d’intersection circulerait sur la même ellipse, en dedans des perpendiculaires menées à par ses extrémités ; mais qu’aussitôt qu’on supposerait le point sortirait de ces limites, pour décrire l’hyperbole conjuguée de la première.

Menons maintenant, dans l’ellipse, les diamètres et respectivement parallèles aux génératrices et et les coupant en et  ; à cause des parallèles, puisque est le milieu de les points et seront les milieux respectifs de et  ; les deux diamètres et seront donc conjugués l’un de l’autre.

Les mêmes considérations s’appliquent à l’hyperbole ; et de là cette propriété commune aux deux courbes que deux cordes supplémentaires, soit de l’ellipse soit de l’hyperbole, indiquent, par leurs directions, un système de diamètres conjugués.

La tangente de l’angle est, en général,

si l’on y met pour la valeur qui répond à l’ellipse, on aura

le minimum et le maximum de cette valeur correspondent respectivement au maximum et au minimum de l’angle des deux droites génératrices, lorsque cet angle est obtus, c’est-à-dire, lorsque l’ellipse est construite sur son grand axe. Or, si et étaient numériquement égaux, à cause des signes contraires de ces deux nombres, cette valeur deviendrait,

ou, à cause de

quantité plus petite que la valeur tant que et ne seront pas égaux.[2]

Ainsi, dans l’ellipse, le maximum de l'angle formé par les diamètres conjugués est l’angle formé par les diamètres conjugués égaux.

Si l’on avait la valeur ne ferait simplement que changer de signe ; ainsi l’angle formé par les cordes supplémentaires établies aux extrémités du petit axe de l’ellipse est supplément de l’angle des cordes supplémentaires établies aux extrémités de son grand axe.

Soient menées les ordonnées des points Faisons d’abord

l’équation du diamètre sera

d’où

Mettant cette valeur dans l’équation il viendra

d’où

donc

Par un semblable calcul on trouvera

et de là

désignant donc par les demi-diamètres conjugués et se rappelant que il viendra

c’est-à-dire, que la somme des quarrés des demi-diamètres conjugués de l’ellipse est une quantité constante.

Comme le calcul est absolument le même pour l’hyperbole, sauf le signe du produit on trouvera, en tenant compte de cette différence, que la différence des quarrés des demi-diamètres conjugués de l’hyperbole est une quantité constante.

Le calcul précédent donne

or, en désignant par l’angle des deux génératrices, lequel est aussi celui des demi-diamètres on a

de là

Le calcul étant exactement le même pour l’hyperbole, il en faut conclure que, dans l’ellipse et dans l’hyperbole, les parallélogrammes construits sur les grandeurs et directions des diamètres conjugués sont tous équivalents.

En prenant le produit négativement pour l’ellipse et positivement pour l’hyperbole, on trouvera que l’expression de l’excentricité est

pour l’ellipse, pour l’hyperbole,

Et si l’on détermine, d’après ces expressions, celles des rayons vecteurs pour les deux courbes, on trouvera toutes leurs propriétés qui y sont relatives, et l’on verra également que la différence des propriétés de l’une et de l’autre tient à la différence de signes du produit c’est-à-dire, à la différence de direction de l’une des droites génératrices. Il en est de même pour ce qui regarde les tangentes aux deux courbes.

Si l’on emploie l’équation telle qu’elle est, sans changer le signe de auquel cas elle exprimera une hyperbole, on pourra la mettre sous cette forme

qui annonce le caractère asymptotique de cette courbe ; puisque son équation tend, de plus en plus, à se changer en celle-ci

qui serait enfin

si les droites génératrices devenaient parallèles. Pour s’assurer de ces résultats, il faut observer que l’abscisse du point de concours ayant pour expression

devient , si l’on a d’où  ; ce qui fait évanouir la fraction

Si l’origine des abscisses était au point les équations respectives des droites génératrices et seraient

supposant négatif, et faisant

d’où

l’équation de l’ellipse serait

La quantité étant l’expression du paramètre de l’ellipse, en la désignant par il viendra

La construction sera la même, quel que soit l'éloignement du point  ; or, si l’on suppose que devienne parallèle à l’axe des , on aura et l’équation deviendra simplement

équation de la parabole. Or, comme on a

d’où

la supposition de donnera  ; ce qui exprime, en effet, comme l’on sait, le passage de l’ellipse à la parabole.

Quant à cette dernière courbe, nous pourrions nous en tenir à cette considération, qui fait dériver son équation d’une origine commune à celle des autres courbes. On pourrait aussi employer directement une construction analogue aux précédentes, en cherchant la courbe décrite par l’intersection de deux droites mobiles dont l’une est constamment parallèle à l’axe des , pendant que l’autre passe constamment par un point de cet axe. Mais nous nous réservons de revenir sur ce qui concerne la parabole en particulier, par un autre méthode de laquelle nous déduirons, d’une manière plus lumineuse, les principales propriétés de cette courbe.

  1. Voyez la page 225 de ce volume.
    (Note des éditeurs.)
  2. Car, en général, de résulte nécessairement On a, en en effet, ou ou ou ce qui donne

    Si l’on égale à zéro la différentielle de l’expression il viendra  ; mais, d’un autre côté, à cause de constant, on a  ; ce qui donne, en ayant égard à la différence des signes de et comme ci-dessus.