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Archives parlementaires de 1787 à 1860, Première Série, Tome VIII/13 mai 1789

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Archives parlementaires de 1787 à 1860, Texte établi par MM. Mavidal, Laurent, Claveau, Pionnier, Lataste et Barbier, Paul DupontTome VIII : Du 5 mai 1789 au 15 septembre 1789 (p. 35).


ÉTATS GÉNÉRAUX.[modifier]

Séance du mercredi 13 mai 1789[1].



CLERGÉ

Dans cette séance le clergé ne s’occupe que de la députation chargée de faire connaître aux autres ordres la nomination des commissaires conciliateurs.

NOBLESSE.


La Chambre, après avoir nommé la députation aux communes, continue de travailler à l’examen des pouvoirs contestés.

La séance est levée.

COMMUNES.

Une députation de la noblesse, composée de MM. le duc de Praslin, Deschamps, le duc de Liancourt, le marquis de Grillon, Saint-Maixent, Sarrasin, le marquis d’Avarai, le prince de Poix, paraît dans la salle des États généraux.

M. le duc de Praslin, portant la parole, annonce que la Chambre de la noblesse ayant nommé un président, un secrétaire, et ouvert des registres, a pris divers arrêtés, dont il s’empresse de donner communication ainsi qu’il suit :

Extrait du registre des délibérations de MM. les députés composant la Chambre de la noblesse aux États généraux.

Du mercredi 6 mai. — Il a été proposé de nommer des commissaires pour la vérification des pouvoirs de MM. les députés ; sur quoi ayant été délibéré, et les opinions prises et recueillies par la voie de l’appel de tous MM. les députés présents, il a passé à la pluralité de 218 voix, de charger M. le président et les douze plus âgés de l’Assemblée, après avoir vérifié leurs pouvoirs respectifs, de vérifier ceux des autres députés, en suivant l’ordre des bailliages et sénéchaussées. Il a été fait ensuite plusieurs observations, d’après lesquelles il a été mis en délibération de savoir si les commissaires qui venaient d’être nommés pour les vérifications des pouvoirs de MM. les députés de l’ordre de la noblesse procéderaient seuls à cette vérification, ou s’ils y procéderaient en commun avec les députés des deux ordres ; sur quoi ayant été délibéré, et les opinions recueillies par la voie de l’appel de MM. les députés présents, il a été décidé, par la majorité de 188 voix, que MM. les commissaires procéderaient seuls à la vérification des pouvoirs des députés de l’ordre de la noblesse.

Du lundi 11 mai. — Il a été proposé de décider si la Chambre de la noblesse est légalement et suffisamment constituée par les députés de son ordre, dont les pouvoirs ont été vérifiés sans contestation.

La question mise en délibération, et les opinions ayant été recueillies par l’appel qui a été fait du résultat desdites opinions, il s’est trouvé 31 voix pour dire que la Chambre n’était pas constituée ; 2 pour dire qu’il n’y avait pas lieu à délibérer ; 193 pour décider que la Chambre était légalement et suffisamment constituée ; 4 autres pour adopter le même avis, mais provisoirement et avec des modifications ; ainsi, il a été arrêté, à la pluralité de 193 voix, que la Chambre de la noblesse est constituée par les députés dont les pouvoirs ont été vérifiés sans contestation.

Du mardi 12 mai. — Sur ce qui a été observé que l’arrêté pris par l’ordre du clergé, le 7 de ce mois, et remis hier à la Chambre par les députés de cet ordre, contenait de sa part l’invitation de nommer des commissaires, à l’effet de se concerter et

conférer avec les commissaires des autres ordres, il a été proposé de prendre cet objet en considération ; et la matière mise en délibération, il a été arrêté, à la pluralité de 173 voix, de nommer, dès à présent, des commissaires pour se concerter avec les deux autres ordres.

Collationné conforme à la minute.

Signé : LE CARPENTIER DE CHAILLOUET, secrétaire de l’ordre de la noblesse.

La députation se retire.

M. de Mirabeau. N’est-ce pas une grâce que MM. de la noblesse accordent aux autres ordres, lorsqu’ils nomment des commissaires pour se concerter avec eux ? Puisqu’ils ont eu le droit de se refuser à l’ajournement ordonné par le Roi ; de vérifier leurs pouvoirs séparément ; de se constituer en Chambre, sans le consentement des autres ordres, qui les empêche d’aller en avant, de faire une constitution, de régler les finances, de promulguer des lois ? Les nobles ne sont-ils pas tout en France ? Qu’est-ce qu’une corporation de vingt-quatre millions d’individus ? Cela vaut-il la peine d’être compté pour quelque chose ? Je ne sais à quoi pensent nos écrivains politiques, lorsqu’ils nous disent que c’est là la nation, comme si les nobles n’étaient pas la nation par excellence. S’ils veulent bien admettre en tiers les vingt-quatre millions d’individus non nobles, c’est de leur part un généreux sacrifice, purement volontaire, et que personne n’a le droit d’exiger ; demandez plutôt à M. l’évêque de Nancy (de La Fare).

La députation de la noblesse est bientôt suivie d’une députation du clergé composée de six membres à la tête de laquelle se trouvent les évêques d’Orange (Dutillet) et de Lydda (Gobel).

M. Gobel, évêque de Lydda, portant la parole, a remis sur le bureau les deux arrêtés suivants :

1o Sur la proposition qui a été faite par MM. les députés de l’ordre du tiers de se réunir en commun pour faire la vérification des pouvoirs, les membres du clergé assemblés ont chargé leurs députés de témoigner à MM. du tiers-état le zèle et l’attachement dont ils sont pénétrés pour eux, et le désir de concourir à la plus parfaite harmonie entre les ordres ; et qu’en conséquence ils sont convenus de nommer des commissaires et d’inviter les deux autres ordres à en nommer pareillement, à l’effet de conférer ensemble et de se concerter sur la proposition faite par MM. les députés de l’ordre du tiers-état.

2o Les membres du clergé assemblés ont l’honneur de prévenir MM. de l’ordre du tiers-état que, conformément à la résolution prise le 7 mai, ils ont nommé huit commissaires, prêts à se réunir à ceux de la noblesse et du tiers-état, pour prendre sans délai les moyens les plus propres à faire régner entre les ordres la plus parfaite harmonie.

M. Rabaud de Saint-Étienne. Je propose de nommer un certain nombre de personnes auxquelles il sera permis de conférer avec les commissaires nommés par MM. les ecclésiastiques et les nobles, pour réunir tous les députés dans la salle nationale, sans pouvoir jamais se départir des principes de l’opinion par tête et de l’indivisibilité des États généraux.

M. Chapelier. Je propose d’adopter et faire notifier au clergé et à la noblesse la déclaration suivante :

Les députés des communes de France, en vertu de la convocation du Roi, de l’annonce faite par M. le garde des sceaux au nom de Sa Majesté et de la publication des hérauts d’armes, s’étant rendus le 6 mai dans la salle des États où ils n’ont point trouvé les députés de l’église et de la noblesse, ont appris avec étonnement que les députés de ces deux classes de citoyens, au lieu de s’unir avec les représentants des communes, se sont retirés dans des appartements particuliers ; ils les ont vainement attendus pendant plusieurs heures et tous les jours suivants.

Quelques-uns des députés des communes s’étant fait instruire du lieu où étaient les députés de l’église et de la noblesse, ont été leur représenter que par leur retardement à se rendre dans la salle générale ils suspendaient toutes les opérations que le peuple français attend des dépositaires de sa confiance ; que les communes ont vu avec regret que les députés de l’église et de la noblesse n’ont pas encore déféré à cet avertissement ; que le clergé et la noblesse ont envoyé des députations au corps national auquel ils devaient se réunir, et sans lequel ils ne peuvent faire rien de légal, qu’ils ont nommé des commissaires pour aviser avec d’autres et délibérer entre eux ; que les représentants du peuple ne doivent pas s’abandonner à des moyens conciliatoires qui ne peuvent être discutés et délibérés qu’en commun dans l’Assemblée des États généraux ; que la noblesse a ouvert un registre particulier, pris des délibérations, vérifié des pouvoirs, établi des systèmes ; que cette vérification partielle ne suffisait pas pour constater la régularité des procurations.

Les députés des communes déclarent qu’ils ne reconnaîtront pour représentants légaux que ceux dont les pouvoirs auront été examinés par des commissaires nommés dans l’Assemblée générale par tous ceux appelés à la composer, parce qu’il importe au corps de la nation comme aux corps privilégias, de connaître et de juger la validité des procurations des députés qui se présentent, chaque député appartenant à l’Assemblée générale, et ne pouvant recevoir que d’elle seule la sanction qui le constitue membre des États généraux ; que l’esprit public étant le premier besoin de l’Assemblée nationale, et la délibération commune pouvant seule l’établir, ils ne consentiront pas que, par des arrêtés particuliers des Chambres séparées, on porte atteinte au grand principe ; qu’un député n’est plus, après l’ouverture des États généraux, le député d’un ordre ou d’une province, mais qu’il est le représentant de la nation ; principe qui doit être accueilli avec enthousiasme par les députés des classes privilégiées, puisqu’il agrandit leurs fonctions.

Les députés des communes invitent donc et interpellent les députés de l’église et de la noblesse à se réunir dans la salle des États où ils sont attendus depuis huit jours, et à se former en États généraux pour vérifier les pouvoirs de tous les représentants de la nation. Ils invitent ceux qui ont reçu l’ordre spécial de délibérer en commun, et ceux qui, libres de suivre cette patriotique opinion, l’ont déjà manifestée, à donner l’exemple à leurs collègues et à venir prendre la place qui leur est destinée ; c’est dans cette réunion de tous les sentiments, de toutes les opinions que sont fixés sur les principes de la raison et de l’équité les droits de tous les citoyens. Il en coûte à tous les députés des communes de penser que depuis

dix jours on n’a pas encore commencé les travaux qui assureront le bonheur public et la splendeur de l’État ; qu’on n’a pu porter à un Roi bienfaisant le tribut d’hommages et de reconnaissance que lui méritent l’amour qu’il a témoigné pour ses sujets et la justice qu’il leur a rendue ; que ceux qui pourraient retarder l’accomplissement de devoirs si importants en sont comptables envers la nation.

Les députés des communes arrêtent que la présente déclaration sera remise aux députés de l’église et de la noblesse pour leur rappeler les obligations que leur impose leur qualité de représentants nationaux.

Les motions de M. Rabaud de Saint-Étienne et de M. Chapelier deviennent l’objet de la discussion.

Plusieurs membres ayant demandé d’être entendus, les débats sont prolongés à la séance suivante.


  1. Cette séance est incomplète au Moniteur.