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Atlas universel d’histoire et géographie/Principales ères

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CHRONOLOGIE

(AVEC LA COLLABORATION DE M. CAILLET)


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NOTIONS PRÉLIMINAIRES


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La Chronologie (du grec χρόνος, temps, et λόγος, discours) est la science des temps : elle a pour objet de distribuer les événements dans le temps selon leur ordre de succession ou de simultanéité et par là de marquer leur époque.

Pour marquer l'époque d'un événement, on le rapporte à un événement fixe et déterminé, qui sert de point de départ dans les supputations et que l'on nomme Ère. Cet événement peut être, soit un grand fait de la nature, comme le commencement du monde, une inondation, une éclipse, soit un événement humain, comme la création d'une grande institution, la fondation d'une ville, la naissance ou la mort d'un personnage important.

Mais il ne suffit pas d'indiquer l'année dans laquelle un événement est arrivé : il faut le plus souvent en préciser la date, donner le mois, le jour où il s'est accompli. Ce nouveau travail exige que l'on connaisse ladivisionetladistributionde l'année adoptée par chaque nation, c'est-à-dire son Calendrier.

Enfin, comme les Ères et les Calendriers varient de peuple à peuple, il est nécessaire, pour se faire des idées claires, de connaître le rapport de ces ères entre elles, de ces calendriers entre eux.

Nous nous efforceront, dans ce qui va suivre, de satisfaire à ces différents besoins en faisant connaître les' principales ères historiques, les principaux calendriers, et les moyens d'en établir la concordance.


PRINCIPALES ÈRES.

On peut distinguer quatre espèces d'ères selon le point de départ qui aura été adopté : 1° Ères mondaines, c.-à-d. celles qui partent de l'origine du monde ou de la Création ; 2° Ères comprises entre la création et la naissance de J.-C. ; 3° Ère chrétienne ; 4° Ères postérieures à l'ère chrétienne.

I. Ères mondaines.

Desvignoles (Chronologie de l'histoire sainte, Préface) assure qu'il a recueilli sur la création


du monde plus de deux cents calculs différents, dont le plus court ne compte que 3483 ans depuis la création jusqu'à l'ère vulgaire, et le plus long 6984; ajoutez que nombre d'autres ont été proposés après lui. Les plus connus de ces calculs sont : celui d'Ussérius qui place la création en l'an 4004 av. J.-C, celui qui a été suivi dans l'Art de vérifier les dates av. J.-C. et qui place cet événement en l'an 4963, et celui de l'Anglais Clinton qui a adopté l'année 4138. Aucun, bien entendu, ne repose sur des bases solides. En effet, la seule source historique que l'on puisse consulter pour établir la chronologie de ces temps reculés est la Genèse. Or nous en avons trois textes : l'hébreu, le samaritain et la version grecque des Septante, qui ne sont nullement d'accord sur la durée de la vie des patriarches, seule base des calculs, et de plus les différents manuscrits du même texte ne fournissent point les mêmes données. Il en résulte que la date que l'on peut assigner à la création du monde ne saurait être que très-hypothétique.

Comme dans quelques ouvrages historiques composés depuis Ussérius, les événements sont marqués tantôt par les années du monde, tantôt par les années av. J.-C, nous donnerons ici, d'après le système d'Ussérius, le moyen d'établir la concordance de ces deux sortes d'années. La même méthode de réduction est applicable à toutes les autres ères mondaines.

Réduire les années av. J.-C. en années du monde. On ajoute 1 à 4004, ce qui fait 4005, et de cette somme on retranche l'an donné av. J.-C. ; le reste égale l'an du monde correspondant. Exemple : an 1755 av. J.-C. = 4004 † 1 ou 4005 —1755 — 2250 du monde.

Réduire les années du monde en années av. J.-C. De même que dans l'opération précédente, on ajoute 1 à 4004, d'où résulte 4005, et de cette somme on ôte l'an donné du monde ; le reste est l'an de J.-C. demandé. Exemple : an 1755 du monde = 4004 † 1 ou 4005 — 1755 = 2250 av. J.-C.

II. Eres comprises entre la création et Jésus-Christ.

Ère des Olympiades. L’olympiade était un cycle de quatre années qui s’écoulaient entre deux célébrations des jeux olympiques, jeux institués en l’honneur de Jupiter. Ces jeux, dont le premier établissement est attribué a Hercule, avaient été rétablis en 884 av. J.-C. par Iphitus, roi d’Élide : mais ce n’est qu’à partir de l’an 776 av. J.-C. qu’ils furent célébrés régulièrement et qu’ils purent devenir la base d’une chronologie.

Ce fut cette année que l’on inscrivit pour la première fois le nom du vainqueur sur les registres publics : ce vainqueur se nommait Corœbus. Les jeux olympiques se célébraient entre la nouvelle et la pleine lune qui suivait immédiatement le solstice d’été. C’est du moins ce qui eut lieu depuis l’époque où fut trouvé le cycle de Méton. Auparavant, le premier mois de l’année olympique commençait tantôt à la pleine lune qui suivait immédiatement le solstice d’été, tantôt à celle qui précédait ce même solstice, par la raison que l’année grecque avait quelquefois 384 et plus ordinairement 354 jours, suivant que l’année était ou non intercalaire. (Voy. ci-après les détails sur le calendrier athénien.) Nous savons par Censorin que le onzième jour de la lune qui suivait le solstice d’été était celui par où débutait l’année olympique. Or, si l’on applique les calculs astronomiques à l’année 776, on trouve que cette année a dû commencer le 18 juillet de l’année julienne. C’est sur cette base qu’est dressée la table des années olympiques que l’on trouve dans l'Art de vérifier les dates av. J.-C, table que nous reproduisons ci-après.

On comprend, du reste, que ces calculs sont fort hypothétiques : en effet, le cycle des olympiades a dû subir l’influence de toutes les perturbations qu’a éprouvées l’année grecque elle-même, et la longueur de l’année olympique a dû varier avec l’introduction successive des différents cycles, tels que l’octaétéride, l’ennéadécaétéride, etc.

On croit que l’historien Timée, qui vivait en Égypte sous les Ptolémées, est le premier qui ait conçu l’idée de rapporter les événements aux olympiades. Après lui, Polybe, Diodore, etc., en ont fait usage. On s’est servi des olympiades jusqu'à la fin du règne de Théodose le Grand. La dernière est la 294e, dont la 4e année correspond à l’an 400 ap. J.-C. On les avait remplacées par l’Indiction (voy. notre Dict. univ. d’histoire et de géographie).

Quoique nous donnions ci-après une table de concordance des années olympiques avec les années av. J.-C, nous allons faire connaître la méthode de réduction des olympiades à l’ère chrétienne et réciproquement.

Réduction des Olympiades en années av. J.-C. On diminue d’une unité la quantité des olympiades donnée ; le reste est multiplié par 4 ; au produit on ajoute les années de l’olympiade donnée, moins une ; cette somme est déduite de 776 ; le reste égale l’année av. J.-C. Exemple : Olympiade LXXII, 3 = 776 -(72 - l) x 4 + (3 - l) = 490 av. J.-C.

Réduction des olympiades en années ap. J.-C. On diminue d’une unité la quantité d’olympiades donnée ; le reste est multiplié par 4 ; au produit on ajoute l’année courante de l’olympiade ; de la somme on soustrait 776 : le reste donne l’année ap. J.-C. Exemple : olympiade CCLIX, 4 = (259 — 1) X 4 + 4 - 776 = 260 ap. J.-C.

Réduction en olympiades d’années av. J.-C. L’année donnée, diminuée d’une unité, est soustraite de 776 ; le reste est divisé par 4 ; le quotient donne les olympiades écoulées, et le reste, s’il y en a, l’année courante de l’olympiade courante. Exemple :

av. J.-C. 490 = 776 – (490 – 1) / 4 = 71 + 3 = ol. LXXII,3.


Réduction en olympiades d’années ap. J.-C. L’année donnée ap. J.-C. est ajoutée à 775 ; la somme est divisée par 4 ; le quotient égale les olympiades écoulées, et le reste, s’il y en a, augmenté d’un, donne l’année courante de l’olympiade courante. Exemple :

ap. J.-C. 260 = 260 + 775 / 4 = 258 + 3 = ol. CCLIX, 4.

Ère de la fondation de Rome. Les auteurs anciens sont loin de s’accorder sur la date de la fondation de Rome. Tacite semble la fixer à une époque qui répond à l’an 762 av. J.-C ; Varron la rapporte à l’an 753 ou 754 ; Caton à l’an 752, ainsi que Denys d'Halicarnasse, Polybe à 750, Fabius Pictor à 747, etc. Tite-Live suit presque toujours l’époque de Caton, quoiqu'il adopte quelquefois celle de Fabius Pictor. Cicéron suit celle de Varron, qui est presque toujours admise par Pline.

Nous avons dit que Varron rapportait la fondation de Rome à l’an 753 ou 754. Voici la raison de cette légère différence. D’un côté, une année olympique correspond à deux années juliennes ; de l’autre, il est convenu que Rome fut fondée le 21 avril, jour de la fête des Palilies. Or, Varron dit lui-même que l’an 1 de Rome correspond à la 3e année de la 6e olympiade ; il est donc évident que, suivant la précision chronologique, la fondation de Rome appartient aux six derniers mois de l’année olympique en question, ou à l’an 753 av. J.-C. Cependant, comme la 3e année de la 6e olympiade a commencé en 754, quelques chronologistes ont cru pouvoir rapporter à cette année la fondation de Rome, en ayant en vue moins l’instant précis où cet événement s’est accompli que le jour initial de l’année olympique. Quoi qu’il en soit, la plupart des chronologistes modernes ont adopté la date donnée par Varron, mais en la fixant à l’année 753. Elle a été suivie par l' Art de vérifier les dates av. J.-C, et c’est celle que nous avons adoptée pour la table de concordance des années de Rome avec les aimées av. J.-C.

Réduction des années de Rome en aimées avant ou après J.-C. Si l’an de Rome est plus grand que 753, on en déduit 753 ; le reste donne l’année après J.-C. S’il est plus petit, on le diminue d’abord d’une unité, et l’on déduit ce reste de 753 ; le reste donnera l’année avant J.-C Exemple :

An de Rome 839 = 839 — 753 = 86 ap. J.-C

An de Rome 716 = 753 — (716 — 1) = 38 av. J.-C.

Réduction des années avant ou après J.-C en années de Rome. Si l’année donnée est avant J.-C, on la déduira de 754 ; le reste donnera l’an de Rome ; si l’année donnée est ap. J.-C, on y ajoutera 753. Exemple :

An avant J.-C. 49 = 754 — 49 = 705 de Rome.

An après J.-C. 86 = 86 + 753 = 839.

III. Ère chrétienne.

Pendant plus de cinq siècles, les Chrétiens n’eurent point d’ère particulière. L’ère chrétienne fut proposée pour la première fois en 532, par un moine de l’Église romaine, né en Scythie, et nommé, à cause de sa très-petite taille, Denys le Petit. Denys supposa que Jésus-Christ était venu au monde le 25 décembre de l’année de Rome 753. L’année suivante, l’année 754 de Rome, devint ainsi la première de l’ère dite, de son nom, Dionysienne. Selon la chronologie vulgaire, cette année coïncide avec l’an 1er de la 195e olympiade, qui serait l’an 4005 du monde suivant Ussérius, ou 4964 suivant l'Art de vérifier les dates avant J.-C. Son commencement était postérieur de 7 jours à la vraie date de la naissance.

IV. Ères postérieures à l’ère chrétienne.

Ère de l'Hégire. Cette ère, suivie par tous les peuples musulmans, fut établie pour conserver le souvenir de l’époque où Mahomet, forcé de quitter la Mecque, se réfugia à Yatreb, qui prit de là le nom de Médinet-al-Nabi, la ville du Prophète (Médine) : le mot hégire signifie fuite. Elle part du vendredi 16 juillet de l’an 622 de notre ère ; mais il faut remarquer que ce vendredi commençait, pour les Arabes, la veille au soir, c.-à-d. vers 6 heures après midi du jeudi 15. Comme le calcul très-compliqué qui sert à établir la correspondance entre une date de l’hégire et une date de notre calendrier, indiquant jour et mois, nous entraînerait dans trop de détails, nous donnerons seulement ici la méthode à suivre pour obtenir la correspondance des millésimes des deux calendriers. Elle peut se formuler ainsi :

Le millésime d’une année julienne moins 621,54 est égal aux 0,97 du millésime de l’année de l’hégire correspondante.

Ainsi, pour l’année musulmane 1266, en prenant les 0,97 de ce chiffre, on a 1228,02, nombre qui, augmenté de 621,54 = 1849,56 ; puis on retranche les décimales 0,56, et on trouve que l’année de l’hégire 1266 a commencé vers la fin de 1849.

Nous donnons ci-après une table de concordance des années de l’hégire avec les années ap. J.-C.

Ère républicaine. Cette ère, la plus récente de


toutes, est aussi celle qui a duré le moins longtemps. Établie en France par un décret de la Convention du 5 octobre 1793, elle s’ouvre rétroactivement au 22 sept. 1792. Comme précédemment, les années communes devaient être de 365 jours ; celles qui en avaient 366 étaient dites sextiles (et non plus bissextiles). On varia seulement sur le mode d’intercalation. On régla que l’an 3 serait sextile, que chaque 4e année le serait à partir de cette époque jusqu'à ce qu’on eût atteint l’an 15, après lequel on attendrait l’an 20 pour ajouter un 366e jour ; que l’on ferait de même jusqu'aux années 48 et 53 de l’ère ; qu’ensuite on emploierait un cycle de 33 ans, durant lequel on intercalerait chaque quatrième année un 6e jour dit épagomène (c'est-à-dire intercalé), mais de façon qu’après la 7e intercalation on attendrait la 5e année pour faire la 8e. Des décrets particuliers de 1793 et 1794 abolirent ce mode d’intercalation, et ordonnèrent que le premier jour de l’an serait toujours celui de l’équinoxe automnal, et qu’on le déterminerait chaque fois d’après des calculs astronomiques. L’emploi de l’ère républicaine ne dura que 13 années et 100 jours. Par un sénatus consulte du 22 fructidor an 13, le Sénat conservateur abolit cette institution, et le 10 nivôse an 14 fut immédiatement suivi du 1er janvier 1806.