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Au Lendemain de la victoire

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Au Lendemain de la victoire
Revue des Deux Mondes6e période, tome 50 (p. 150-158).
AU LENDEMAIN DE LA VICTOIRE

L’Alsace et la Lorraine ont fait retour à la France. Elles lui sont revenues dans la joie. Les manifestations éclatantes, qui ont marqué l’entrée des troupes françaises dans les grandes villes, comme dans les moindres bourgades, remplacent avantageusement le plébiscite que quelques théoriciens s’obstinaient à exiger avant la reprise des deux provinces par leur légitime propriétaire. La question de droit est donc liquidée.

Restent à régler certaines questions de fait, qui sont d’une importance capitale, si on ne veut pas qu’à la joie sans mélange de la population alsacienne-lorraine succède la déconvenue. Pendant quarante-sept ans les annexés, tout en gardant précieusement le dépôt des sympathies nationales de leurs pères, n’ont pas vécu de la vie française. Bien mieux, ils devaient fatalement s’en écarter chaque jour davantage. Ils appartenaient à un organisme étatique qu’ils haïssaient, mais auquel il fallait bien accommoder leurs institutions particulières, pour ne pas s’exposer à de nouvelles mesures de rigueur et pour éviter la ruine complète et définitive.

Il y avait en Alsace-Lorraine trois législations qui se superposaient : la législation de l’Empire, la législation française d’avant 1871, les lois votées par le Parlement local. Comme on le sait, la compétence de l’Empire, en matière législative, était limitée. Elle ne pouvait porter que sur les matières énumérées à l’article VI de la Constitution. Pour toutes les autres matières, les États pouvaient légiférer à leur guise.

Quand les Allemands s’emparèrent de l’Alsace-Lorraine, ils y maintinrent toutes les lois françaises. Ce sont ces lois qui, en partie, furent modifiées par le Parlement de Strasbourg, d’accord avec le Conseil fédéral.

Donnons des exemples. Code criminel, code civil avec loi spéciale d’introduction, jurisprudence, sont lois d’Empire, Droit administratif, un héritage de la France. Les lois fiscales sont l’œuvre du Landesausschuss ou de la Chambre d’Alsace-Lorraine.

Il y a donc eu, pendant la longue période d’exil des deux provinces, éloignement progressif entre les deux législations, et cet état a créé des intérêts divergents qu’on ne saurait rapprocher violemment sans léser des droits acquis et sans blesser des sentiments légitimes. L’Alsace et la Lorraine ne sont pas responsables des suites forcées d’une annexion contre laquelle elles n’ont cessé de protester. Il serait injuste et cruel de les punir d’avoir payé si durement la rançon de la France vaincue.

On sera donc forcé, quoi qu’il arrive, de tenir très largement compte d’une situation de fait que les habitants des deux provinces retrouvées avaient, non pas créée, mais subie, comme aussi de ses inéluctables conséquences. Une législation provisoire sera nécessaire pour préparer, sans heurt et sans à-coup, un rapprochement qui, s’il s’opérait brutalement, troublerait toutes les habitudes prises et créerait un malaise prolongé, pour ne pas dire davantage.

Assurances ouvrières, lois de protection du travail, autonomie des municipalités, charges et privilèges, droit de chasse, scolarité, enseignement professionnel, assistance publique (pour ne citer que ces quelques exemples), autant de matières où l’application immédiate des lois françaises entraînerait une perturbation profonde de la vie publique dans les provinces reconquises. Il semble bien d’ailleurs que tout le monde soit d’accord sur la nécessité de procéder à des transformations successives et prudentes sur la plupart des questions si copieusement étudiées, depuis quatre années, par la Conférence d’Alsace-Lorraine.

Néanmoins, des difficultés surgissent. Elles viennent de deux camps opposés : de celui des régionalistes et de celui des professionnels de l’anticléricalisme.

Les premiers souhaitent qu’une autonomie très large soit accordée aux deux provinces. Pour eux il y a là un champ d’expérimentation, dont on pourrait se servir pour leurs théories La période d’accommodation progressive ne leur suffit pas. Ils voudraient créer un état durable, qui servirait de modèle à l’organisation future des autres provinces françaises.

Présentées sous cette forme, les revendications et les programmes des régionalistes sont de nature à compromettre une cause, dont, par ailleurs, la justice ne saurait être discutée. Les partisans de l’unité nationale seraient tout naturellement amenés à repousser tout régime transitoire, s’ils étaient autorisés à supposer que ce provisoire dût se perpétuer. Le régionalisme est parfaitement défendable. Il ne peut cependant pas être question de profiter des conditions exceptionnelles dans lesquelles s’opère le retour de l’Alsace et de la Lorraine à la France, pour tenter de l’imposer à tout le pays. Les anciens annexés n’entendent nullement prendre impérativement position dans le débat. Ils reconnaissent que l’unification de la législation est le but ultime à poursuivre. Ils insistent simplement sur l’impossibilité qu’il y aurait à la réaliser sans tenir compte de leurs intérêts matériels et moraux. Le régionalisme comptera peut-être de nombreux adeptes dans leurs rangs. Pour l’heure, ils n’en font pas, collectivement, un des principaux articles de leur programme. Qu’on veuille donc bien les laisser en dehors de la querelle, pour ne pas leur créer artificiellement des hostilités, dont ils seraient seuls à payer les frais et à subir le contre-coup.

Chez les tenants de l’introduction immédiate et complète des lois françaises en Alsace-Lorraine, on découvre surtout la préoccupation d’introduire au plus tôt dans les pays reconquis la laïcité de l’enseignement et la séparation des Eglises et de l’État. Peu leur importe qu’au point de vue administratif, économique et social, des exceptions soient étudiées et décrétées. Pour eux, tout tourne autour de la question religieuse. Ils ont beau s’en défendre ; c’est là leur unique préoccupation. À cette obsession ils sacrifient toutes les considérations d’ordre pratique qui, par ailleurs, devraient les arrêter. N’ont-ils pas, pour ne citer que cet exemple, proposé, afin d’arriver plus sûrement à leur but, de revenir, immédiatement après la conclusion de la paix, à l’ancienne délimitation des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle ? Le projet semble, à première vue, séduisant, puisqu’il effacerait les dernières traces du traité de Francfort. Quelles en seraient cependant les conséquences ? Si le territoire de Belfort était incorporé au Haut-Rhin, si le canton de Saales faisait retour au département des Vosges, si, sur les frontières de Meurthe-et-Moselle, des échanges de territoires avaient lieu, l’application des lois provisoires, dont la nécessité semble s’imposer, se compliquerait considérablement du fait que, dans un seul et même département, les deux législations seraient en vigueur. Que l’ancienne Alsace-Lorraine forme trois départements bien distincts, le droit spécial, qui la régira provisoirement, pourra facilement y être introduit et appliqué. Qu’au contraire, des enclaves « législatives » soient créées dans cinq départements limitrophes, tout se compliquera, au point que l’unification immédiate s’imposera fatalement.

Faisons remarquer qu’à la conférence d’Alsace-Lorraine, lorsque la question de la délimitation des trois nouveaux départements fut posée, les délégués, par toutes les voix contre trois seulement, exprimèrent l’avis qu’il fallait, pour le moment, s’en tenir aux divisions administratives actuelles.

Ceci posé, examinons rapidement le problème, tel qu’il se présentera demain, lorsque la France rentrera en possession de ses deux anciennes provinces.


L’Alsace et la Lorraine vivent, au point de vue scolaire, sous le régime de la loi française de 1852. Celle-ci prévoit la confessionnalité de l’enseignement primaire. Dans les écoles publiques, les enfants sont donc séparés suivant la confession religieuse à laquelle ils appartiennent. Comme conséquence, les écoles normales d’instituteurs sont également confessionnelles. L’enseignement religieux fait partie du programme scolaire. Il est donné par les maîtres habituels et par les ministres des différents cultes, dans les bâtiments scolaires, et contrôlé par des inspecteurs spéciaux.

Dans les établissements d’instruction secondaire, qui sont mixtes, c’est-à-dire où les élèves de toutes les confessions sont mêlés, l’enseignement religieux, qui reste obligatoire, est donné par des Religionslehrer (professeurs de religion) qui ont le titre et le traitement des autres professeurs.

L’Alsace-Lorraine ne connaît pas l’enseignement libre. Il y a bien les gymnases épiscopaux de Strasbourg, Zillisheim et Montigny, et le gymnase protestant de Strasbourg ; mais dans ces établissements tous les professeurs doivent posséder les qualifications requises pour leurs collègues des maisons officielles, et ils restent soumis, pour tout ce qui concerne les programmes et la discipline scolaire, à l’autorité directe du Conseil de l’Instruction publique.

Comme on le voit par ce qui précède, le régime scolaire de l’Alsace-Lorraine n’a pas varié depuis 1871. Tandis qu’en France la neutralité de l’enseignement était progressivement introduite dans la loi, le monopole de l’État, corrigé par la confessionnalité de l’enseignement, s’affirmait chaque jour davantage de l’autre côté des Vosges. En aucune autre matière, l’écart des deux législations n’apparaît plus considérable. De là l’obligation pour les pouvoirs publics de ne pas provoquer un mécontentement profond dans la population des deux provinces retrouvées en opérant un changement trop brusque.

En 1911, la nouvelle loi constitutionnelle fut, pour la première fois, appliquée en Alsace-Lorraine. Le pays venait d’être partagé en 60 circonscriptions de 30 000 habitants chacune. La lutte électorale porta presque exclusivement sur la question scolaire. Centre et Lorrains demandaient le maintien de l’école confessionnelle, les libéraux voulaient l’école mixte, mais avec enseignement religieux obligatoire. Seuls les socialistes étaient partisans de l’école neutre. Le résultat des élections fut le suivant : 40 députés du centre et du groupe lorrain, 9 libéraux, 11 socialistes. Ces chiffres sont probants. Ils nous disent combien l’Alsace-Lorraine est attachée à ses traditions religieuses et combien hostile à tout ce qui pourrait en compromettre la transmission aux générations nouvelles.

La Conférence d’Alsace-Lorraine s’est tout naturellement occupée de cet angoissant problème. L’ancien vice-recteur de l’Université, M. Liard, y avait fait les propositions suivantes : On ne procéderait à aucune laïcisation d’école primaire avant la fin d’une période d’au moins 10 ans ; l’Ortsschulvorstand (conseil scolaire communal dont font partie de droit les ministres des différents cultes) serait maintenu et on s’abstiendrait, dès lors, d’introduire en Alsace-Lorraine l’institution des délégués cantonaux ; enfin les ministres des différents cultes seraient autorisés à donner l’enseignement religieux dans les bâtiments scolaires, en dehors des heures de classe. C’étaient là des concessions insuffisantes. Il était néanmoins de quelque intérêt de noter qu’un des défenseurs les plus convaincus de la neutralité de l’enseignement les avait jugées nécessaires.

Il ne faut pas oublier que les écoles publiques donnant toute garantie aux parents attachés à leur foi religieuse, les croyants de toutes les confessions n’avaient pas, dans le « pays d’Empire, » essayé de créer des écoles libres. Ils se trouveraient donc complètement sans défense, si, avant qu’il leur fût possible d’organiser l’enseignement privé, ils se voyaient contraints de confier leurs enfants aux seuls établissements publics.


Si maintenant nous passons à la législation religieuse proprement dite, l’opposition est encore plus frappante. Quand les Allemands s’emparèrent de l’Alsace-Lorraine, ils y trouvèrent le Concordat français de 1801 et ils obtinrent du Saint-Siège son maintien dans les deux provinces. Le Parlement local s’attacha ensuite à améliorer considérablement la situation matérielle des ministres des cultes. C’est ainsi qu’au moment où la guerre éclata, les curés catholiques touchaient une indemnité de 3 200 mark, les succursalistes, de 2 100, les pasteurs protestants de 4 400, les rabbins, de 3 300, à laquelle s’ajoutaient des suppléments versés par les communes et le logement gratuit. De plus, la loi leur assurait à tous une pension de retraite et le budget prévoyait, outre des secours individuels, des subventions élevées pour la construction et les réparations des édifices consacrés au culte et des presbytères. Les fabriques d’églises et les « cures » (Pfarraemter) avaient la personnalité civile et pouvaient recevoir des donations et des legs. Les protestants, en particulier, disposent, en Alsace-Lorraine, de biens considérables.

On voit par là quel changement profond produirait dans les habitudes du pays l’introduction immédiate et brutale de la loi de séparation. Je le sais, d’aucuns se sont imaginé qu’en assurant aux prêtres, aux pasteurs et aux rabbins, actuellement en exercice, le paiement des indemnités prévues jusqu’à leur mort, on atténuerait l’effet de cette innovation. Ceux qui argumentent de la sorte oublient que la loi ne porte pas seulement sur la suppression des traitements, mais qu’elle comporte l’introduction obligatoire-des cultuelles, que le clergé d’Alsace-Lorraine, pas plus que le clergé du reste de la France, n’acceptera dans la forme jusqu’ici prévue, les inventaires, les confiscations, l’interdiction aux communes de mettre gratuitement les presbytères à la disposition des ministres des cultes. Quel joli don de joyeux avènement la France octroierait là aux Alsaciens-Lorrains si heureux de lui revenir !

Où se trouve la solution au moins provisoire de ce problème ? En dehors de celle qui provoquerait dans les deux provinces une véritable révolte, je n’en vois que deux. Voici la première. Les Chambres françaises pourraient être invitées à donner aux Églises de l’Alsace et de la Lorraine un statut spécial en dérogation de la loi de séparation. Le remède serait, en l’espèce, pire que le mal, puisque toute l’irritante question religieuse serait de nouveau soulevée au moment même où, après quatre années et demie de guerre, le pays aspire au calme dans l’union. Ni les partisans de l’intangibilité des lois républicaines, ni ceux qui désirent les transformer dans un sens plus libéral ne peuvent raisonnablement souhaiter que ce débat dangereux vienne devant un Parlement, dont le mandat est près d’expirer.

Reste la dernière solution qui, à mon humble avis, est la seule acceptable. La France retrouve en Alsace-Lorraine son Concordat de 1801. D’accord avec le Saint-Siège, elle le maintient pour cette partie de son territoire. Il n’y a rien là qui puisse porter atteinte à l’unité nationale. Le précédent de la Savoie nous le prouve.

À l’heure présente, les préoccupations d’ordre national doivent, même pour les anticléricaux les plus farouches, primer toutes les autres. Or, dans les provinces retrouvées, où le clergé occupe une situation exceptionnelle et jouit d’une grande influence, le choix des évêques, des curés, des présidents des consistoires jouera, au point de vue de l’évolution du sentiment national, un rôle prépondérant. L’instrument concordataire permettrait au gouvernement d’exercer, en cette question primordiale, une influence décisive.

Je le sais, le maintien, même provisoire, du Concordat en Alsace-Lorraine aurait pour conséquence immédiate la représentation officielle de la France auprès du Saint-Siège et c’est là ce qui arrête les adversaires irréductibles de ce retour au passé. Je ne m’attarderai pas à discuter les avantages de la reprise des rapports avec le Vatican. Qu’il me suffise d’établir que, dans les Chambres françaises, le nombre des intransigeants a considérablement diminué et que des hommes qui ne sauraient être suspectés de cléricalisme, comme MM. de Monzie et Lazare Weiler, ont défendu la thèse du rapprochement nécessaire.

Toujours est-il que, régulièrement, la France devrait déjà être représentée à la cour romaine. En effet, d’après les conventions de la Haye, les lois locales doivent être appliquées par l’occupant, dans les territoires qu’il administre. La France n’a pas cherché à se dérober à cette obligation en Alsace-Lorraine. Or, le Concordat fait loi dans les deux provinces occupées, et ce Concordat ne peut jouer normalement que si les deux pouvoirs s’entendent. Donc, la conversation devrait être engagée, et cela, même sans intervention des Chambres, puisqu’il s’agit en l’espèce de l’exécution pour ainsi dire automatique de conventions internationales.

Ce raisonnement n’a rien de scolastiquement spécieux. Il est évident que le gouvernement français ne pourra pas obtenir du Saint-Siège la retraite volontaire des évêques allemands de Strasbourg et de Metz, s’il se refuse à toute conversation. La situation présente est théoriquement intenable. Une cure devient vacante dans un des deux diocèses alsaciens-lorrains. L’évêque ne peut procéder à la nomination du nouveau curé qu’avec l’agrément du gouvernement qui, par ailleurs, ignore et veut ignorer la convention qui lui confère le droit de nomination. On vit donc en pleine illégalité.

Mais, objecte-t-on encore, une représentation auprès du Saint-Siège, même limitée à l’Alsace et à la Lorraine, pourrait entraîner des conversations d’ordre plus général. Le grand mal vraiment ! Il ne m’appartient i)as de préjuger des intentions du Pape, mais est-il bien sûr que l’Eglise ne s’accommoderait pas de la loi de séparation., si celle-ci était soumise à des retouches, dont la nécessité s’impose ? Et, du jour où ces transformations, qui n’atteindraient en aucune manière le principe même de la loi, auraient été réalisées, l’exception faite pour l’Alsace et la Lorraine ne pourrait-elle pas, sans inconvénient, disparaître ? Quel beau cadeau nos deux provinces feraient à la Mère Patrie, si leur retour rendait à celle-ci la paix religieuse !

D’aucuns ont proposé de faire garantir aux Alsaciens-Lorrains l’exercice de leurs libertés et de leurs propriétés ecclésiastiques actuelles par les gouvernements alliés et ont invoqué, pour appuyer leur thèse, certains précédents historiques. Personnellement j’y verrais les plus grands inconvénients. La France peut et doit se montrer généreuse. Il est inadmissible qu’on l’y contraigne. Le principe de la souveraineté nationale ne saurait s’accommoder de ces durables interventions étrangères. Les Alsaciens-Lorrains n’attendent donc pas le respect de leurs croyances et de leurs traditions d’un traité : ils ont le légitime espoir que leurs Compatriotes sauront sauvegarder leurs intérêts sans aucune pression Amenant du dehors. Il s’agit là de confiance mutuelle entre membres d’une même famille, et non pas de solennels accords entre Puissances traitant d’égal à égal.

Une dernière remarque. La question religieuse a, pendant la guerre, joué un rôle capital. Si, dans plusieurs pays neutres, la France a trouvé si peu de sympathies, malgré la justice de sa cause, si, même dans les nations alliées, des minorités bruyantes lui ont fait une opposition que rien ne désarmait, c’est surtout parce que le souvenir de son anticléricalisme officiel s’opposait à des rapprochements qui, sans lui, se seraient infailliblement produits. Or, nous retrouvons les mêmes préjugés à l’heure actuelle dans les contrées où, sans cela, l’opinion publique nous faciliterait, non pas des annexions mais le libre retour à la France victorieuse, de peuples qui, jadis lui avaient appartenu. Les catholiques luxembourgeois, (et ils forment la majorité dans leur pays, ne sont partisans de l’autonomie de l’ancien Département des Forêts, que parce qu’ils redoutent l’introduction chez eux des lois antireligieuses. Et dans la province rhénane également, où toutes les vieilles sympathies françaises revivent aujourd’hui, comme aussi les vieilles haines pour la Prusse orientale, le grand obstacle à un plébiscite spontané en faveur de la France se trouve dans la législation « laïque » de l’ancienne patrie.

« Périsse le monde, plutôt qu’un principe ! » diront les anticléricaux impénitents. Théorie simpliste qui ne conduit qu’aux pires déconvenues. Les lois doivent s’adapter aux besoins du pays. Or ces besoins varient, surtout lorsqu’il s’agit de territoires qui, pendant de longues années, ont été régis par un droit étranger. Il est de la plus élémentaire sagesse, dans ce dernier cas, de ne pas sacrifier des intérêts divergents à un besoin d’unification hâtive et inconsidérée.


E. WETTERLÉ.