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Barzaz Breiz/1846/Chants des Noces/Bilingue-Table

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Barzaz Breiz, édition de 1846
Chants des Noces



III


LA CHANSON DE TABLE.



III.


— O Notre-Dame de Plévin ! le soir et le matin, et le matin quand je me lève, je vois la cheminée de ma douce ;

Je vois s’élever la fumée de la cheminée de ma douce belle qui me fait bien du chagrin. Il faut que j’aille jusque chez elle pour lui parler encore une fois. —

Loïzaïk Alan chantait en conduisant ses vaches, ce matin-là ; en menant ses vaches au champ neuf, Loizaik Alan chantait gaiement.

Elle avait relevé sa coiffe blanche : son œil est bleu, ses cheveux blonds, sa joue rose comme la fleur de l’érable ; elle dédaigne tous ses galants.

Elle était montée sur l’échalier pour ouvrir la barrière à ses bêtes, quand elle vit Piarik, son amoureux, qui cheminait dans la vallée.


PIARIK.

Ma douce belle, j’allais chez vous pour vous demander en mariage ; faites-moi une réponse favorable, comme celle que fit autrefois votre mère à votre père.



LOIZAIK.

Je vous ferai une réponse, jeune homme, puisque vous me la demandez d’une manière si polie et si gentille ; je ne veux point vous mentir du tout : c’est jeudi le jour de mes noces.

J’ai au village, sur l’esplanade, des ouvriers qui font des tables et des escabeaux pour donner aux gens de la noce jeudi prochain ;

Jeudi est le jour de mes noces ; vous êtes arrivé trop tard ; un autre a semé dans mon courtil la fleur d’amour.


PIARIK.

C’est moi qui l'y avais semée, et vous l’en avez arrachée, et maintenant elle est flétrie ; mais mon cœur ne l’est pas.

Je vous aime pourtant toujours ; nuit et jour je ne pense qu’à vous ; votre haleine, par le trou de la serrure, vient me réveiller quand je dors.

J’ai passé cinquante nuits à votre porte, et vous n’en saviez rien, tellement battu de la pluie et du vent, que l’eau dégouttait de mes habits.

J’ai usé trois paires de souliers, ma douce, à vous faire la cour ; voici la quatrième, et je n’ai point encore votre dernier mot.



LOIZAIK.

Si vous voulez avoir mon dernier mot, écoutez-moi bien, le voici : trois sentiers conduisent chez vous, prenez-en un et ne revenez plus. —


Et Piarik de s’en revenir aussi triste que la mort : — Je voulais cueillir du bouleau, et n’ai eu que du coudrier.


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