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Barzaz Breiz/1846/La Bataille des Trente/Bilingue

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Barzaz Breiz, édition de 1846
La Bataille des Trente



XXVI


LA BATAILLE DES TRENTE.


( Dialecte de Cornouaille. )


I.


Le mois de mars, avec ses marteaux, vient frapper à nos portes ; les bois sont courbés par la pluie tombant à torrents, et les toits craquent sous la grêle.

Mais ce ne sont pas les seuls marteaux de mars qui frappent à nos portes ; ce n’est pas la grêle seulement qui fait craquer les toits ;

Ce n’est pas seulement la grêle ; ce n’est pas la pluie tombant à torrents qui frappe ; pire que les vents et la pluie, ce sont les Anglais détestables !


II.


— Seigneur saint Kado, notre patron, donnez-nous force et courage, afin qu’aujourd’hui nous vainquions les ennemis de la Bretagne.

Si nous rêverions du combat, nous vous ferons don d’une ceinture et d’une cotte d’or, et d’une épée, et d’un manteau bleu comme le ciel ;

El tout le monde dira, en vous regardant, à seigneur saint Kado béni :


« Au paradis, comme sur terre, saint Kado n’a pas son pareil ! »


III.


— Dis-moi, dis-moi, combien sont-ils, mon jeune écuyer ? — Combien ils sont ? je vais vous le dire : un, deux, trois, quatre, cinq, six ;

Combien ils sont ; je vais vous le dire : combien ils sont, seigneur : cinq, six, sept, huit, neuf, dix, onze, douze, treize, quatorze et quinze.

Quinze ! et d’autres encore avec eux : un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix, onze, douze, treize, quatorze et quinze.

— S’ils sont trente comme nous, en avant! amis, et courage ! Droit aux chevaux avec les fauchards ! Ils ne mangeront plus notre seigle en herbe ! —

Les coups tombaient aussi rapides que des marteaux sur des enclumes ; aussi gonflé coulait le sang que le ruisseau après l’ondée ;

Aussi délabrées étaient les armures que les haillons du mendiant ; aussi sauvages étaient les cris des chevaliers dans la mêlée, que la voix de la grande mer.



IV.


La tête-de-blaireau (Bembrough) disait alors à Tinteniac, qui s’approchait :

— Tiens, un coup de ma bonne lance, Tinteniac, et dis-moi si c’est un roseau vide.

— Ce qui sera vide dans un moment, c’est ton crâne, mon bel ami ; plus d’un corbeau y grattera et becquètera sa cervelle. —

Il n’avait pas fini de parler, qu’il lui avait donné un coup de maillet tel, qu’il écrasa, comme un limas, son casque et sa tête à la fois.

Keranrais, en voyant cela, se mit à rire à grince-cœur :

— S’ils restaient tous, comme celui-ci, ils conquerraient le pays !


— Combien y en a-t-il de morts, bon écuyer ?

— La poussière et le sang m’empêchent de rien distinguer.

— Combien y en a-t-il de morts, jeune écuyer ?

— En voilà cinq, six, sept, bien morts. —


V.


Depuis le petit point du jour, ils combattirent jusqu’à midi depuis midi jusqu’à la nuit, ils combattirent les Anglais.


Et le seigneur Robert (de Beaumanoir ) cria : — J’ai soif ! oh ! j’ai grand soif ! —

Lorsque du Bois lui lança (comme un coup d’épée) ces mots : — Si tu as soif, ami, bois ton sang !


Et Robert, quand il l’entendit, dclounia la face de honte, et il tomba sur les Anglais, et il en tua cinq.

— Dis-moi, dis-moi, mon écuyer, combien en restce-t-il encore ?

— Seigneur, je vais vous le dire : un, deux, trois, quatre, cinq, six.

— Ceux-ci auront la vie sauve, mais ils payeront cent sous d’or, cent sous d’or brillant chacun, pour les charges de ce pays.


VI.


Il n’eût pas été l’ami des Bretons, celui qui n’eût point applaudi dans la ville de Josselin, en voyant revenir les nôtres, des fleurs de genêts à leurs casques ;

Il n’eût pas été l'ami des Bretons, ni des saints de Bretagne non plus, celui qui n’eût pas béni saint Kado, patron des guerriers du pays ;

Celui qui n’eût point admiré, qui n’eût point applaudi, qui n’eût point béni, et qui n’eût point chanté :

« Au paradis comme sur terre, saint Kado n’a pas son pareil ! »

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