Aller au contenu

Bigot et sa bande/22

La bibliothèque libre.

Paul-François Duverger de Saint-Blin


L’habitude de nos ancêtres, possesseurs de seigneuries, de prendre des noms de terre déroute souvent les chercheurs et les généalogistes. Nous en avons un cas typique sous les yeux. Pierre Raimbault, notaire royal à Montréal, ne fut connu toute sa vie que sous le nom de Raimbault. Son fils, Paul-François, marié à Marie-Catherine Duverger d’Aubusson, adopta le nom de Simblin. Le fils de ce dernier, qui portait les mêmes prénoms que son père, prit, lui, le nom de Duverger de Simblin.

Né en 1696, Paul-François Raimbault-Duverger de Saint-Blin laissa là les grimoires de l’étude de son père pour adopter la vie militaire. Nous avons l’histoire de sa carrière militaire dans son Mémoire de défense présenté au Châtelet de Paris en 1763 :

« L’année 1740, dit-il, je fus en garnison au fort Saint-Frédéric, où je restai deux ans. Pendant ce temps, je fus souvent en guerre et employé à faire des découvertes… En 1746, je fus au fort Sainte-Thérèse, sous les ordres de M. de Niverville. Je passai l’année 1747 au fort Frontenac, sous les ordres de M. de Vassan. En 1748, M. de la Galissonnière me chargea de poursuivre la vengeance du massacre de quelques Français tués par des Sauvages des Cinq-Nations que les Anglais avaient gagnés… J’allai ensuite au fort Sainte-Thérèse où je restai en garnison ; et je passai de là au fort de Beauséjour, dans l’Acadie, jusqu’en 1753. Cette année et la suivante, je me trouvai à l’armée commandée par M. Marin, qui manœuvrait dans les pays d’En Haut. En 1755 et une partie de 1756, j’eus le commandement du fort de la rivière au Bœuf et j’en partis dans le courant de 1756 pour aller en guerre. Sur la fin de l’année, M. de Vaudreuil me rappela à mon fort où je continuai mon service, sous la conduite de M. de Ligneris, commandant du fort Duquesne. J’y restai jusqu’en 1759 que je fus obligé d’évacuer mon fort, en conséquence de la prise de celui de Niagara, perte qui fit tomber en peu de temps tous les postes de la Belle-Rivière, dont le principal commandant, M. de Ligneris, fut blessé à mort en attaquant l’armée anglaise campée autour de Niagara… L’année même de la prise de Niagara, j’attaquai à la tête de 50 Sauvages, un convoi escorté par 200 Anglais ; je les battis, les forçant d’abandonner leurs canots et leurs provisions… je fus blessé dans cette action. En 1760, je rejoignis l’armée qui était à Montréal. M. Dumas m’employa cette année sur les côtes pour faire faire bonne garde.

Le sieur de C. n’est pas tendre pour M. de Saint-Blin. Il ne lui consacre qu’un mot mais il est dur : Ceux qui se distinguèrent le plus (en volant le Roi) étaient le sieur de Belestre au Détroit, de Vergor et Saint-Blin au fort Machault ».

En 1760, M. de Saint-Blin s’embarquait pour la France. Nous le voyons en février 1761 occupé à se faire donner des armoiries.

Quelques mois plus tard, il était arrêté et incarcéré à la Bastille.

M. de Simblin, comme plusieurs autres officiers, avait été la victime du système défectueux qui existait dans les forts de la Nouvelle-France, pour vérifier les comptes du munitionnaire Cadet. Celui-ci avait dans chaque fort son propre commis. Le Roi avait également le sien, mais les comptes de ce dernier devaient être vérifiés par le commandant. Le plus souvent, l’officier se fiait à son commis pour les détails de l’administrateur, Cadet, par l’entremise de son commis, achetait c’est le mot — le commis du Roi et lui faisait approuver tous ses comptes les yeux fermés. C’est de cette façon que plusieurs bons officiers furent compromis dans l’affaire du Canada.

Le sieur de C, apparemment, avait des griefs contre M. de Simblin. Si l’officier canadien avait été le grand voleur que nous dépeint le sieur de C, il semble que le Châtelet de Paris, qui avait tant de preuves dans ses dossiers contre les profiteurs du Canada, n’aurait pas acquitté si facilement l’officier Simblin.

Sans doute, M. Duverger de Simblin fit des erreurs, il commit même des irrégularités, mais comme la plupart de ses frères d’armes, commandants de forts, il se fia trop à ses subordonnés. Il paya sa trop grande confiance dans l’honnêteté de ses commis par plusieurs mois de détention à la Bastille.