Biographie nationale de Belgique/Tome 2/BLANCSTAIN

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*BLANCSTAIN ou BLANC-ESTRAIN, chef de faction, né en Zélande au commencement du xve siècle, mort en 1453, et plus connu sous le nom de Bâtard de Blancstain. Ce personnage, dont le rôle fut court et terrible, était le fils d’un seigneur zélandais et fut, dit-on, chassé du toit paternel pour inconduite. D’autres biographes prétendent qu’il était né en Picardie et issu d’une branche cadette de la maison d’Estrain ou d’Estrœm. Quoi qu’il en soit, son nom, probablement défiguré, se rattache à, un des plus sanglants épisodes du règne de Philippe le Bon : la révolte des Gantois contre ce prince implacable, révolte qui commence à propos de la gabelle sur le sel et qui finit à cette funeste journée de Gavre où, au dire des historiens, quinze mille Flamands scellèrent de leur sang une lutte sans issue.

A la suite du soulèvement des Chaperons blancs, il s’était formé en Flandre, à la faveur des désordres et des discordes intestines, une nombreuse bande de routiers qui vivait de vol et de pillage. Elle ravageait impitoyablement le plat pays et inquiétait surtout les localités restées fidèles au duc de Bourgogne. Ces dangereux partisans, dont les rangs étaient grossis par des mécontents de toute espèce, prenaient le nom de Compagnons de la Verte-Tente, parce qu’ils se retiraient dans les bois et ne couchaient qu’à la belle étoile. Leur troupe avait pour chef celui qu’on désignait sous le nom de Bâtard de Blancstain, homme d’une rare énergie et d’une incomparable audace, qui, disait-on, s’était jeté dans le crime pour se venger de la société qui le repoussait.

Les désordres qui désolaient la Flandre permirent à ces routiers de trouver une retraite paisible dans les bois qui s’étendaient sur la commune de Laerne, au pays de Termonde ; Daniel Sersanders, Liévin de Potter, Liévin Sneevoet et d’autres chefs de l’insurrection gantoise, connaissant leur intrépidité, jugèrent utile à leur cause, de faire alliance avec eux, et bientôt les Compagnons de la Verte-Tente formèrent un corps d’armée capable de résister aux troupes du duc.

Ils entrèrent résolûment en campagne et, au mois de juin 1452, Blaucstain, se jetant inopinément sur Grammont, Ath et Lessines, livra ces villes, attachées au prince, à toutes les horreurs d’un pillage. A Sweveghem il éprouva cependant un échec à quelques jours de là, de la part du maréchal de Bourgogne. Mais il parvint à se replier habilement sur Hauthem-Saint-Liévin, au pays d’Alost, y défit les soldats picards envoyés à sa rencontre, revint alors sur Grammont, s’empara de la tour, appelée le Dieren-Kost, et mit le feu à un grand nombre de villages sur les frontières du Hainaut. Fiers de ces exploits, les compagnons se réunirent ouvertement à quelques auxiliaires anglais et aux Chaperons blancs et menacèrent toutes les parties de la Flandre.

Sur ces entrefaites, averti que la duchesse de Bourgogne se rendait à Bruges par des chemins détournés, Blancstain se jeta, à l’improviste, sur son escorte et la princesse serait tombée en son pouvoir, sans la bravoure de Simon de La Laing et du sire de Maldeghem, qui l’accompagnaient.

La mésintelligence s’étant mise dans les rangs de ces hardis aventuriers, un de leurs chefs conçut le projet de faire assassiner le Bâtard ; mais le complot fut découvert et son auteur, Michel d’Oosterzeel, de Renaix, immédiatement décapité. Plus confiant pour avoir échappé à ce péril, Blauncstain continua sa terrible campagne contre tout ce qui tenait pour le duc de Bourgogne et livra au fer et à la flamme le pays de Termonde et d’Audenarde. On peut dire que la Verte-Tente et les Chaperons blancs avaient à cette époque enveloppé la Flandre d’un épouvantable réseau de dévastation.

Le roi de France finit par s’émouvoir de tant de maux ; il crut de son devoir, comme suzerain du comté de Flandre, de s’entremettre entre Philippe le Bon et les Gantois révoltés, et, à cet effet, ses envoyés firent au duc ami des propositions d’accommodement. Celui-ci les agréa, après quelques modifications ; il ne s’agissait plus que de les faire accepter par l’autre parti ; mais Blancstain qui, ainsi que les siens, avait plus d’un motif pour ne vouloir ni paix ni trève, sut si bien, par sa fougueuse éloquence et ses menées, détourner les rebelles de tout arrangement, qu’ils se décidèrent à recommencer la guerre civile.

Cependant le duc de Bourgogne, voulant en finir avec la révolte, concentra toutes ses forces et les dirigea d’abord sur les Compagnons de la Verte-Tente, ses plus redoutables adversaires, qui occupaient alors les trois châteaux fortifiés de Laerne, de Schendelbeke et de Nevele.

Ces formidables préparatifs ne détournèrent point Blancstain de sa rage dévastatrice. Les Compagnons coururent ravager le Franc de Bruges et ils vinrent piller de nouveau le pays d’Audenarde et les villages de la frontière du Hainaut. À la fin de juillet 1453, Blancstain avait quitté Flobecq, après y avoir incendié et détruit presque toutes les maisons, il ramenait un butin considérable et quelques prisonniers qu’il se proposait de renfermer dans le château de Schendelbeke, sa principale place de guerre. Il avait avec lui environ trois cents de ses principaux adhérents. Vers la fin de la journée, les Compagnons, harassés de fatigue, avaient fait halte dans un bois pour s’y reposer, lorsqu’une troupe de soldats bourguignons, prévenus à Grammont des horreurs commises à Flobecq, les cerna et les attaqua inopinément sous le commandement de Jean de Croy. Surpris dans leur retraite, deux cents environ mordirent la poussière, après une défense désespérée. Le Bâtard ne pouvant résister plus longtemps à un corps de trois mille hommes de troupe réglée, tâcha de rallier les soldats qui lui restaient et parvint à ramener, sans autre rencontre, les débris de sa petite armée dans le château de Schendelbeke. Mais il connaissait trop bien les desseins du duc de Bourgogne pour ne pas s’attendre à être bientôt assiégé dans sa dernière retraite. Aussi résolut-il de la défendre chèrement.

Le château était protégé par une grosse tour dont il fallait s’emparer avant de pouvoir se rendre maître de la forteresse, commandée, en ce moment, par le capitaine des Chaperons blancs, Jean de Waesberghe. Le Bâtard obtint l’honneur d’occuper ce fort avancé avec vingt de ses plus braves compagnons. Comme il l’avait prévu, les Bourguignons ne tardèrent pas à se porter sur Schendelbeke avec tous les engins nécessaires pour entreprendre un siége en règle. L’attaque fut aussi vigoureuse que la défense. La tour, qui était le point de mire des assaillants, résista longtemps, car Blancstain s’y multipliait pour les accabler de pierres, de poix bouillie et de cendres incandescentes ; elle finit cependant par être escaladée, et malgré tous leurs efforts les assiégés durent se rendre. Blancstain seul, épuisé et blessé, refusa de suivre leur exemple et se battait encore comme un furieux sur l’escalier lorsque, se voyant définitivement perdu, il jeta ses armes, remonta précipitamment jusqu’à la plate-forme supérieure, enjamba la balustrade et se précipita sur les soldats du duc, préférant une mort glorieuse à la honte d’un supplice infamant. En effet, ses compagnons subirent la peine de la corde.

La prise du château de Schendelbeke, qui suivit de près celle de la tour, fut le dernier événement où la Verte-Tente joua encore un rôle actif ; avec le Bâtard de Blancstain s’éteignit cette cruelle et redoutable faction qui fit trembler toute la Flandre pendant plus de trois ans.

Bon de Saint-Genois.

Kervyn de Lettenhove. Histoire de Flandre, t. IV, p. 424 et suiv. — J. Meyeri, Ann. Flandriæ. — De Barante, Histoire des ducs de Bourgogne, t. V, p. 355 et suiv. (Édition du baron de Reiffenberg). — Blommaert, Guerre des Gantois contre le duc de Bourgogne (Messager des Sciences, années 1840 et 1841). — Pontus Heuterus. — Despars.