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Cétacé inconnu à La Havane

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LA HAVANE. — Cétacé inconnu. — Voici la relation faite au capitaine de port de La Havane, par don José-Maria Lopez, arrivant de Matanzas sur le navire à vapeur le Neptune, que commande cet officier.

« Partis de Matanzas, le 3 janvier, à sept heures du matin, dit ce capitaine, nous faisions route pour notre destination, lorsque, vers midi, nous aperçûmes, à quatre milles de la côte que nous longions, un objet fort élevé au dessus de la surface des flots ; les matelots et les passagers que je transportais, crurent d’abord comme moi que c’était un bâtiment chaviré. Je fis aussitôt gouverner de manière à m’en approcher le plus possible. Mais, parvenus à une petite distance, l’objet sur lequel nous avions les yeux parut changer d’aspect, et nous crûmes que c’était une grande embarcation en détresse. Croyant pouvoir être utile à quelques malheureux, je l’accostai à portée de fusil. Nos doutes furent alors éclaircis ; cette prétendue embarcation nous présenta la mâchoire supérieure d’un monstre d’une effroyable dimension. Il s’élevait, dans une position presque horizontale, à environ seize pieds de l’eau, et était entouré d’une innombrable quantité de poissons de diverses grandeurs, qui nageaient dans toutes les directions, en occupant un espace de près d’un mille autour de lui. En nous rapprochant encore de cet immense cétacé, nous le vîmes ouvrir ses mâchoires, et un bruit terrible et semblable à celui produit par un éboulement de terre se fit entendre. Une nageoire de couleur noire et de près de neuf pieds d’élévation, placée à soixante pieds peut-être de sa gueule, se dressa lentement. Nous n’avons pu estimer la longueur totale de ce monstre, dont la queue ne s’est pas montrée au-dessus de la surface de la mer. Sans les instances réitérées de mes passagers, dont l’effroi était visible, je m’en serais approché de manière à pouvoir donner sur cette rencontre extraordinaire des détails plus précis.

« À l’instant où nous revirâmes de bord, le monstre disparut dans le nord-ouest, mais il se montra bientôt après dans le nord, à une plus grande distance, et il nous sembla avoir repris la position qu’il avait quand nous l’aperçûmes la première fois. Ses dimensions sont infiniment plus grandes que celles que pourrait offrir la plus forte de toutes les baleines ; et sa conformation, qui ne ressemble nullement à celle de ce denier genre de cétacé, me porte à croire qu’il doit appartenir à une espèce tout-à-fait inconnue jusqu’à présent.

« Certifié sincère et véritable à la Havane, ce 5 janvier 1830. » Suivent les signatures des passagers et matelots du Neptune, et celle du capitaine José-Maria Lopez.”